La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°19/03340

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 17 novembre 2022, 19/03340


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

sa

N° 2022/ 454













Rôle N° RG 19/03340 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3OM







[D] [S]

[L] [E] épouse [S]





C/



[H] [R]

SCI ADELIO





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU


r>SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 11 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06007.





APPELANTS



Monsieur [D] [S]

demeurant [Adresse 6]



représenté par Me Michel GO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

sa

N° 2022/ 454

Rôle N° RG 19/03340 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3OM

[D] [S]

[L] [E] épouse [S]

C/

[H] [R]

SCI ADELIO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 11 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06007.

APPELANTS

Monsieur [D] [S]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [L] [E] épouse [S]

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [H] [R], demeurant [Adresse 13]

représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SCI ADELIO, dont le siège social est sis [Adresse 13]

représentée par Me Frédéric BERENGER de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Sylvaine ARFINENGO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte en date du 5 février 1964, les époux [B]-[G] ont vendu à M. [Y] [E] la parcelle dont ils étaient propriétaires sur la commune du [Localité 12], cadastrée section [Cadastre 10], issue avec la parcelle [Cadastre 1], dont ils restaient propriétaires, d'une division de la parcelle cadastrée section [Cadastre 9].

Dans le même acte, il a été également institué une servitude passage réelle et perpétuelle sur la parcelle cédée à Monsieur [E], au profit de la parcelle de M. et Mme [B]-[G], dans les termes qui suivent :

« Il est en outre expressément convenu que Monsieur et Madame [B], vendeurs, auront à titre de servitude réelle et perpétuelle un droit de passage sur la parcelle présentement vendue à Monsieur [E], cadastrée section [Cadastre 10], pour se rendre du chemin se trouvant au couchant de ladite parcelle à la parcelle restant leur propriété cadastrée section [Cadastre 1] ».

Par acte en date du 19 février 1974, les époux [S] ont fait l'acquisition de la parcelle cadastrée section [Cadastre 10], devenue désormais la parcelle section [Cadastre 8].

Ils sont aussi propriétaires, à travers la SCI Le Clos, des parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4].

M. [R] est devenu propriétaire de la parcelle cadastrée section [Cadastre 1], aujourd'hui cadastrée section [Cadastre 7] sur laquelle était déjà édifiée une maison à usage d'habitation.

Le 7 décembre 2013, M. [R] a obtenu l'autorisation d'édifier sur son terrain une villa de type R + 1 devant comporter deux logements, mitoyenne à la villa préexistante.

Prétendant à une aggravation de la servitude, M. et Mme [S] ont, par exploit d'huissier en date du 23 juillet 2015, fait assigner M. [R] devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence en vue de lui faire interdiction, comme à ses ayants cause et ayants droit, tant à titre universel qu'à titre particulier, d'accéder aux logements situés dans la villa, objet du permis de construire du 7 décembre 2013, par la servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 8] appartenant aux époux [S] et ce sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée.

Par jugement rendu le 11 février 2019, le tribunal de grande instance a rejeté les demandes des consorts [S], retenant que l'acte constitutif de servitude ne définissait ni la longueur ni la largeur de la servitude, pas plus qu'il ne précisait les modalités d'exercice de cette servitude, qu'au regard des plans versés aux débats, l'un des deux logements construits par M. [R] disposait d'un garage donnant directement accès sur une autre voie et que dès lors, la servitude de passage n'avait pas été aggravée.

Le 26 février 2019, M. et Mme [S] ont relevé appel de cette décision.

Selon leurs leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 16 février 2022, M. et Mme [S] demandent à la cour de:

-les recevoir en leur appel,

au fond, y faisant, droit,

-Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

-Faire interdiction à la Sarl Adelio comme à ses ayants-cause et ayants-droit, tant à titre universel qu'à titre particulier, d'accéder aux logements situés dans la villa objet du permis de construire du 7 décembre 2013 par la servitude de passage grevant la parcelle anciennement [Cadastre 8] et aujourd'hui cadastrée [Cadastre 11] leur appartenant, et ce sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée,

-Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux services de la publicité foncière du chef de la SARL Adelio dont le siège social se trouve [Adresse 5], et du chef de la parcelle cadastrée au [Localité 12] section [Cadastre 7],

-Condamner in solidum M. [R] et la SARL Adelio à leur payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 C.P.C.,

-Condamner in solidum M. [R] et la SARL Adelio aux entiers dépens, ceux d'appel distraits à la SCP Troegeler-Gougot-Bredeau-Troegeler-Monchauzou, avocats, aux offres et affirmations de droit.

Ils soutiennent, en substance que les conditions de l'article 702 du code civil sont réunies au motif que deux logements supplémentaires sont desservis par la servitude consentie le 5 février 1964, que si le dossier de permis de construire présente l'accès à ce nouveau bâtiment comme devant se faire, au nord, par l'[Adresse 5], un tel accès est matériellement impossible au regard de l'importance du dénivelé, que M. [R] n'a pas respecté les termes du permis de construire et qu'environ 7 véhicules vont passer par le chemin de desserte.

Selon leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 21 février 2022, M. [H] [R] et la Sarl Adelio demandent à la cour, sur le fondement de l'article 700 du code civil, de:

-confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence rendu le 11 février 2019;

-rejeter l'ensemble des demandes formées par les appelants;

-condamner les appelants à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Frédéric Berenger sur son affirmation de droit.

Les intimés font essentiellement valoir que;

-les époux [S] ne démontrent pas en quoi le fait que la servitude litigieuse soit empruntée par deux véhicules supplémentaires constituerait un facteur d'aggravation de la servitude litigieuse, alors qu'un seul logement nouveau est concerné par ledit passage,

-les appelants bénéficient de ce passage pour les autres parcelles dont ils sont propriétaires,

-le dispositif des conclusions ne contient qu'une demande d'interdiction de passage, sanction impossible lorsque le propriétaire du fonds servant reproche une aggravation de passage du fait de la multiplication des fonds dominants issue de la division de la parcelle mère,

-selon un constat d'huissier du 12 novembre 2021, le deuxième lot de l'ensemble immobilier est desservi non pas par le chemin de servitude mais par l'[Adresse 5].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs conclusions ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

L'article 702 du code civil énonce que celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude ni dans le fonds à qui elle est due de changement qui aggrave la condition du premier.

Il ressort de cette disposition applicable à toutes les servitudes qu'il est fait interdiction au propriétaire du fonds dominant de modifier en les aggravant l'assiette et les modes d'exercice de la servitude dont il bénéficie.

En matière de servitude conventionnelle, comme en l'espèce, c'est l'acte constitutif qui fixe l'assiette de la servitude et ses modes d'exercice.

L'acte constitutif de servitude en cause, du 5 février 1964, crée sur le sur le fonds servant cadastré section [Cadastre 10] devenu [Cadastre 8], actuellement propriété des appelants, une servitude de passage au profit du fonds dominant cadastré section [Cadastre 1] devenu [Cadastre 7], une servitude de passage ainsi libellée :

« Il est en outre expressément convenu que Monsieur et Madame [B], vendeurs, auront à titre de servitude réelle et perpétuelle un droit de passage sur la parcelle présentement vendue à Monsieur [E], cadastrée section [Cadastre 10], pour se rendre du chemin se trouvant au couchant de ladite parcelle à la parcelle restant leur propriété cadastrée section [Cadastre 1] ».

Si M. et Mme [S] évoquent un document d'arpentage, selon lequel la largeur du chemin de servitude serait de moins de 2 mètres, il n'en demeure pas moins qu'il ressort des termes de l'acte notarié constitutif de servitude du 5 février 1964 que :

-la servitude de passage n'a été définie ni dans sa longueur, ni dans sa largeur,

-les conditions et les modalités d'exercice du droit de passage n'y ont pas davantage été fixées,

-les parties n'ont pas entendu limiter les modifications du droit d'usage de cette servitude,

-aucune restriction quant à sa destination ou son usage n'y est édictée.

Reste toutefois l'interdiction faite au propriétaire du fonds dominant de procéder à tout changement qui aggraverait la servitude.

M. et Mme [S] soutiennent que la construction d'une villa de type R+1 sur la parcelle appartenant aux intimés, emportant la création de deux nouveaux logements, et l'utilisation de la servitude de passage par des véhicules supplémentaires-au moins 4 voire 7- constitue une aggravation de la servitude.

Cependant, s'il n'est pas contestable que la construction de deux nouveaux logements induit, pour chacun d'eux au regard de la situation des lieux, l'utilisation de véhicules, et donc le passage de ces véhicules, ou à tout le moins de certains d'entre eux, par la servitude de passage, il sera relevé :

-que la nouvelle construction édifiée par les intimés est achevée depuis de nombreuses années,

-qu'il n'est pas allégué que cette construction ne serait pas habitée,

-que, pour autant, il n'est pas démontré que la servitude de passage aurait été endommagée, depuis l'édification de nouvelle construction, par le passage d'un nombre accru de véhicules, et de nouvelles allées et venues,

-que les appelants évoquent un nombre théorique de véhicules susceptibles d'emprunter la servitude de passage, sans justifier du nombre réel;

-que, par ailleurs, le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 12 novembre 2021 par Me [N], huissier de justice, établit, sans contestation possible que le deuxième logement est desservi, non par le chemin de servitude, mais par l'[Adresse 5],

-que contrairement à ce que tentent de soutenir les appelants, il apparaît, au regard des clichés photographiques versés aux débats, que l'appartement donnant sur l'[Adresse 5] ne dispose d'aucun accès à la servitude de passage,

-et que dès lors, un seul des deux appartements utilise la servitude de passage.

De la circonstance que le PLU de la commune du [Localité 12] a prévu, en son article UD 12, relatif au stationnement, que le nombre de places affectées au stationnement des véhicules ne doit pas être inférieur à 2 places de stationnement par logements, il ne peut nullement être déduit que les occupants de chaque logement s'équiperont nécessairement de deux voitures, de sorte qu'il n'est pas établi que 7 véhicules emprunteraient la servitude de passage.

Enfin, ainsi que l'a retenu le premier juge, la servitude de passage a été constituée en 1964, soit depuis près de soixante ans, alors même que l'urbanisation croissante induit l'utilisation d'un nombre important de véhicules automobiles.

Dès lors que la preuve que l'accroissement du nombre de véhicules empruntant la servitude de passage l'aggraverait n'est pas rapportée, M. et Mme [S] seront déboutés de toutes leurs demandes, par voie de confirmation du jugement entrepris.

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 11 février 2019 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence en toutes ses dispositions appelées.

Condamne M. [D] [S] et Mme [L] [E] épouse [S] aux entiers dépens d'appels, distraits au profit de Me Frédéric Bérenger, avocat, qui en a fait la demande.

Condamne M. et Mme [S] à payer à M. [H] [R] et à la SCI Adelio, ensemble, la somme totale de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/03340
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;19.03340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award