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17/11/2022 | FRANCE | N°18/10556

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 17 novembre 2022, 18/10556


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022



N° 2022/

NL/FP-D











Rôle N° RG 18/10556 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCVA4







S.A.R.L. [P] ET ASSOCIES





C/



[T] [B]

AGS - CGEA DE [Localité 5]

























Copie exécutoire délivrée

le :

17 NOVEMBRE 2022

à :

Me Philippe SANSEVER

INO, avocat au barreau de NICE



Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 17 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00392.





APPELANTES...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° 2022/

NL/FP-D

Rôle N° RG 18/10556 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCVA4

S.A.R.L. [P] ET ASSOCIES

C/

[T] [B]

AGS - CGEA DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

17 NOVEMBRE 2022

à :

Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 17 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00392.

APPELANTES

S.A.R.L. [P] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [U] [P] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ADM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [T] [B], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE

AGS - CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

non représenté

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée qui n'est pas versé aux débats, la société Detroit Motors, à l'activité de concessionnaire automobile agréé de la marque Opel, a engagé M. [B] (le salarié) en qualité d'apprenti magasinier à compter du 17 octobre 2008.

Le salarié a ensuite évolué vers le statut cadre.

Le 1er mars 2013, la société ADM (statut protecteur) a acquis la société Detroit Motors.

Le contrat de travail a ainsi été transféré à la société.

Suivant avenant du 21 novembre 2013, le salarié a occupé les fonctions de responsable de magasin, qualification cadre niveau II degré A, au sein du site de [Localité 6] [Localité 4] à compter du 02 décembre 2013 moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 858.83 euros.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

En dernier lieu, le salarié a perçu une rémunération mensuelle brute de 2 858.83 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 06 mai 2016, la société a convoqué le salarié le 20 mai 2022 en vue d'un entretien préalable à licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 mai 2016, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

'Monsieur,

Nous faisons suite à notre convocation à l'entretien préalable envoyée le 6 Mai 2016 et qui s'est déroulé le 20 mai 2016 en nos locaux.

Nous avons tenté de recueillir vos explications lors de cet entretien, mais en vain puisque vous avez estimé ne rien avoir à dire et à vous reprocher.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les motifs en sont les suivants :

10) Mouvement incohérents de pièces :

En date du 11 Avril 2016 nous nous sommes aperçus que des mouvements de pièces incohérents s'opéraient dans ce service. En effet, le 13 janvier 2016 à 8h20, un mouvement de 42 pièces très disparates et incompatibles avec le modèle du véhicule, d'un montant de 28 669,87€ TTC (23891.56 HT) a été effectué par vos soins en les facturant sur un Ordre de Réparation N 0 111754 au nom de Monsieur [M], et ensuite le 2 février suivant à 11h52, vous ressortiez ces pièces de cet ordre de réparation.

Cette opération n'est pas anodine car elle place votre employeur dans l'impossibilité de vérifier la consistance réelle du stock car l'inventaire a été effectué entre ces deux dates.

Comme nous vous l'avons expliqué vous avez artificiellement masqué les incohérences du stock en laissant croire qu'un nombre important de pièces étaient facturées sur un Ordre de réparation alors que vous saviez qu'elles avaient disparues.

Immédiatement après l'inventaire vous avez "virtuellement" réintégré ces pièces dans le stock d'ADM ce qui vous a permis de cacher une incohérence importante du stock lors dudit inventaire.

Il s'agit d'un comportement extrêmement grave et si nous nous réservons toutes les suites pénales qui s'imposent concernant la disparition de pièces pour plus de 28.000€ de valeur. Nous considérons dès à présent que les opérations du 13 janvier 2016 et 2 février 2016 réalisées sont constitutives d'une faute grave justifiant à elle seule votre licenciement.

20) Retours au Constructeur de Pièces en Echanges Standard

Sur la période de 2015, Plusieurs pièces dont des moteurs n'ont pas été renvoyés en échanges standard au constructeur comme la procédure le prévoit, créant ainsi une perte pour ADM de plus de 25 000 €.

30) Taux VOR du Constructeur non respecté

Sur les 2 Semestre de 2015 vous n'avez pas suivi les demandes du constructeur, et respecté le taux VOR, qui doit impérativement être inférieur à 18 0/0, vos résultats étant de 21 % pour le SI et 26 % pour le S2, ce qui a entrainé une perte pour la Société de 4158 €

40) Baisse du Chiffre d'Affaires

Le chiffre d'affaires pièces du magasin qui était en 2014 de 1 131 358€ HT a baissé en 2015 à la somme de 929 883€ HT.

I l s'avère donc que vous avez commis de nombreuses négligences professionnelles d'une particulière gravité qui rendent votre maintien dans l'entreprise impossible.

Dans ces conditions, la présente constitue la notification de votre licenciement pour faute grave.

Compte-tenu de la gravité des fautes qui vous sont reprochées et de leurs conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, même pendant la durée du préavis.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, dès la première présentation de cette lettre, et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de votre mise à pied, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

(...)'.

Le 14 avril 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nice pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Le 17 mai 2018, le conseil de prud'hommes a rendu un jugement dont le dispositif se présente comme suit:

DIT et JUGE que le licenciement de Monsieur [T] [B] par la SAS ADM repose sur une cause réelle et sérieuse non constitutive de faute grave

En conséquence,

CONDAMNE la SAS ADM à verser à Monsieur [T] [B] les sommes suivantes :

- 857640 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis selon les dispositions de l'article L.1234-5 du code du travail

- 857,64 € au titre de congés pavés y afférents

- 4572,80 € au titre de l'indemnité de licenciement, selon les dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail

- 500 € au titre de l'article 700 du CPC aux entiers dépens de l'instance, selon les dispositions des articles 695 et 696 du CPC

ORDONNE à la SAS ADM de remettre à Monsieur [T] [B] un bulletin de salaire rectificatif ainsi que les documents sociaux rectifiés

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes respectives tant principales que reconventionnelles.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l'appel formé le 25 juin 2018 par la société.

Suivant jugement rendu le 21 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société et a désigné Maître [P] en qualité de mandataire liquidateur (le mandataire liquidateur).

Le salarié a appelé le mandataire liquidateur dans la cause par acte d'huissier en date du 18 février 2022 à personne.

L'AGS-CGEA [Localité 5] a également été appelé en cause.

Le mandataire liquidateur a constitué avocat.

L'AGS-CGEA [Localité 5] n'a pas constitué avocat.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 18 mai 2022 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le mandataire liquidateur demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de:

DONNER ACE à la SELARL [P] ET ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de la société ADM de ce qu'elle reprend à son comptes les pièces et arguments de la société ADM

RECEVOIR la SELARL [P] ET ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de la société ADM en son appel à l'encontre du jugement déféré et l'y déclarer bien fondée

SUR L'APPEL PRINCIPAL,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit et jugé que le licenciement de Monsieur [B] reposait sur une cause réelle et sérieuse non constitutive d'une faute grave,

condamné la SAS ADM à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes :

o 8.576,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis selon les dispositions de l'article L. 1234-5 du Code du travail,

o 857,64 euros au titre des congés payés y afférents,

o 4.572,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement, selon les dispositions de l'article L. 1234-9 du Code du travail,

o500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

o aux entiers dépens de l'instance, selon les dispositions des articles 695 et 696 du Code de procédure civile,

ordonné à la SAS ADM de remettre à Monsieur [B] un bulletin de salaire rectificatif ainsi que les documents sociaux rectifiés, débouté la SAS ADM du surplus de ses demandes, à savoir :

dire et juger que le licenciement de Monsieur [B] reposait sur une faute grave,

-débouter Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

ET STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [B] pour faute grave est fondé,

DEBOUTER Monsieur [B] de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions

CONDAMNER Monsieur [B] à payer à la SELARL [P] ET ASSOCIES es qualité de liquidateur judiciaire de la société ADM de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER Monsieur [B] aux entiers dépens

SUR L'APPEL INCIDENT,

DEBOUTER Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Si par extraordinaire la Cour devait fixer au passif de la liquidation judicaire de la société ADM une quelconque somme

DIRE ET JUGER que l'intégralité des sommes fixée au passif de la liquidation judicaire de la société ADM sera garantie par le CGEA

DIRE ET JUGER irrecevable la demande de fixation d'astreinte de Monsieur [B] ou à tout le moins l'en débouter.

Le mandataire liquidateur a fait signifier ses conclusions à AGS-CGEA [Localité 5] par acte d'huissier remis à personne le 24 juin 2022.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 07 août 2022 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:

Recevoir la SAS ADM en son appel mais l'en déclarer mal fondée,

Recevoir par contre Monsieur [B] en son appel incident et l'en déclarer bien fondé,

En conséquence,

-CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à Monsieur [B] une indemnité au titre du préavis, outre congés payés afférents, une indemnité de

licenciement ainsi que celle de 500 € au titre de l'article 700 du C.P.C.,

-LA RÉFORMER toutefois pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Par application des dispositions précitées du Code du travail, De la jurisprudence de la Cour de cassation,

Et de la Convention collective nationale de l'automobile,

-CONSTATER que depuis le mois de décembre 2013, Monsieur [T] [B] occupe un poste de cadre, niveau II, degré A, qualification qui n'a pas évolué en dépit

de l'expérience qu'il a acquise, le faisant relever de la catégorie Niveau II, degré 2,

-CONSTATER que le salarié n'a pas bénéficié de la visite médicale préalable à l'embauche,

-CONSTATER que les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés,

-CONSTATER que l'employeur indique avoir eu connaissance des faits fautifs après enquête interne le 16 avril 2016, et que le salarié a été maintenu à son poste jusqu'à son licenciement le 25 mai 2016,

En conséquence,

-JUGER que l'employeur a manqué à ses obligations,

-JUGER que le licenciement dont Monsieur [T] [B] a fait l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et qu'en tout état de cause, aucune faute grave ne peut lui être reprochée,

En conséquence,

FIXER les créances au passif de liquidation judiciaire de la Société ADM comme suit

Rappel de salaire, sous classification................................................... 6.015,46 €

Congés payés sur rappel de salaire.......................................................... 601,55 €

Dommagesetintérêts,absence devisite médicale préalable à l'embauche..................................................................................................500,00 €

Indemnité compensatrice de préavis.................................................... 9.620,19 €

Congés payés sur préavis......................................................................... 962,02 €

Indemnité légale de licenciement.......................................................... 4.970,43 €

Dommages et intérêts, licenciement sans cause réelle et sérieuse'''''''''''''''''''...................115.442,28 €

-DIRE que la créance salariale portera intérêt au taux légal à partir de la demande en

justice,

-ORDONNER à la Société SCP TADDEI [P] de remettre à Monsieur [T] [B] ses documents sociaux et ses bulletins de salaire rectifiés conformément au Jugement à intervenir, intégrant les rappels de salaire au titre du minima conventionnel, l'indemnité compensatrice et l'indemnité légale de licenciement, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification

de la décision à intervenir,

-CONDAMNER la Société ADM à la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du C.P.C., ainsi qu'aux entiers dépens.

Le salarié a fait signifier ses conclusions à AGS-CGEA [Localité 5] par acte d'huissier remis à personne le 16 août 2022.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 26 septembre 2022.

MOTIFS

1 - Sur la classification au niveau II degré B

L'article 5.03 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 applicable à la cause dispose:

'Niveau I

Ce niveau comportant trois degrés concerne :

' les cadres débutants diplômés, pour une durée maximale de 18 mois, cette durée devant être appréciée comme un cumul des présences dans les entreprises de la profession après obtention du diplôme ;

' les salariés de l'entreprise promus en catégorie cadres ;

' les cadres techniques qui sont occupés selon l'horaire collectif applicable au sein du service ou de l'équipe auxquels ils sont intégrés ;

' les cadres commerciaux qui disposent en application de leur contrat de travail d'une liberté reconnue dans l'organisation de leur emploi du temps.

Niveau II

Ce niveau comportant trois degrés concerne les cadres assurant une responsabilité d'encadrement et de gestion en appui d'un chef hiérarchique, qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d'entreprise lui-même.

Niveau III

Ce niveau comportant trois degrés concerne les cadres qui assument de larges responsabilités exigeant une forte expérience et une réelle autonomie de jugement et d'initiative, en particulier dans la direction d'un des services de l'entreprise.

Niveau IV

Ce niveau comportant trois degrés concerne les cadres de direction et plus généralement les cadres titulaires d'une importante délégation de pouvoir, nécessitée par l'obligation de coordonner plusieurs services ou établissements.

Niveau V

Ce niveau comportant un seul degré concerne les cadres de direction générale en responsabilité de la totalité d'une entreprise, seuls ou au sein d'un comité de direction générale.'

L'article 5.02 dispose:

'(...)

d) Utilisation des degrés

Chacun des quatre premiers niveaux de classement définis à l'article 5.03 est doté de trois degrés de progression : A, B et C. L'employeur détermine pour chaque cadre le degré qui lui est attribué, par application combinée des quatre critères ci-dessous ; les trois degrés permettent normalement une progression au sein du niveau considéré en fonction notamment de l'accroissement des compétences dans le temps et du positionnement de l'intéressé par rapport aux autres cadres, lorsqu'il en existe :

' la responsabilité conférée pour former, animer et motiver le personnel placé sous sa subordination;

' l'autonomie, qui est un degré de liberté reconnu au cadre, lui permettant de déterminer plus ou moins librement les méthodes appropriées pour atteindre les objectifs recherchés ;

' l'expérience, qui est l'élargissement ou l'enrichissement des connaissances et des aptitudes par la pratique professionnelle;

' l'autorité : considération particulière qui s'attache à la personne du cadre qui réussit à susciter respect et confiance dans l'exercice de ses activités professionnelles.'

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'espèce, le salarié a occupé les fonctions de responsable de magasin, qualification cadre niveau II degré A, à compter du 02 décembre 2013.

Il fait valoir à l'appui de sa demande de classification au niveau II degré B qu'il aurait dû accéder à cette classification à l'issue de son année d'expérience professionnelle à son poste au degré A.

Force est de constater que le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à établir qu'il a justifie dans l'exercice de ses fonctions à la fois la responsabilité, l'autonomie, l'expérience et l'autorité, le tout combiné à un accroissement de ses compétences dans le temps et de son positionnement par rapport aux autres cadres.

Le salarié ne justifie donc pas d'une classification au degré B du niveau II.

En conséquence, la cour dit que la demande de nouvelle classification n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée et en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre de la nouvelle classification.

2 - Sur le défaut de visite médicale

En vertu de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour n'a pas à examiner la fin de non-recevoir de la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale tirée de la prescription dès lors que le mandataire liquidateur l'oppose dans la partie discussion de ses écritures et que cette fin de non-recevoir n'a donc pas été énoncée au dispositif.

Seul le fond sera donc abordé.

Selon l'article R.4624-10 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En l'espèce, le salarié présente une demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale dans le dispositif de ses écritures mais n'articule aucun moyen dans la partie discussion.

En supposant que le salarié n'a pas bénéficié d'une visite médicale avant son embauche et que le manquement de l'employeur soit donc établi, force est de constater que le salarié ne justifie par aucun élément qu'il a subi un quelconque préjudice du fait du manquement de l'employeur à ses obligations.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

3 - Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche notamment au salarié d'avoir masqué lors de l'inventaire l'absence de 42 pièces en les inscrivant sur un ordre de réparation au nom de M. [M] le 13 janvier à 08h20 pour la somme de 28 669.87 euros puis d'avoir ressorti ces pièces le 8 février 2016.

Le mandataire liquidateur verse aux débats:

- les attestations de M. [E], en sa qualité de cadre responsable du service après-vente de la société, qui fait état des mouvements inhabituels de pièces en cause;

- les ordres de réparation en litige.

Le salarié ne conteste pas la matérialité des faits mais soutient qu'il ne lui sont pas imputables en ce qu'ils ont été commis par M. [R] sur le poste duquel ont été réalisées les opérations litigieuses 'sur instruction directe de l'employeur '.

Il ajoute que la lettre de licenciement fait état de la découverte des faits le 11 avril 2016 mais ne fait pas mention de l'entretien entre la société et le salarié en présence de M. [E] dans le cadre du processus interne de vérification qui est évoqué dans les écritures du mandataire liquidateur.

En l'état, il convient de dire que le salarié ne justifie par aucun élément que les ordres de réparation litigieux ont été établis à la demande de l'employeur par M. [R], étant précisé que la cour ne voit pas en quoi la société avait intérêt à donner l'instruction alléguée dès lors que le salarié a occupé le poste de responsable de magasin et qu'à ce titre il était l'interlocuteur de son employeur en ce qui concerne les éventuelles anomalies dans l'inventaire du stock.

Force est en outre de constater que le salarié ne précise pas la nature des fonctions occupées par M. [R] de sorte qu'il ne justifie pas que ce dernier aurait eu le pouvoir d'établir les ordres de réparation en cause.

Et la cour ne saisit pas le moyen reposant sur l'absence de la mention relative à un entretien le 11 avril 2016 dans la lettre de licenciement. A défaut d'explications claires du salarié, ce moyen se trouve inopérant.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des griefs visés dans la lettre de licenciement, que le mandataire liquidateur rapporte la preuve de faits qui constituent une violation par le salarié de ses obligations découlant du contrat de travail et qui rendent impossible son maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour dit que le licenciement repose sur une faute grave et rejette les demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre la demande de remise de documents de fin de contrat rectifiés.

4 - Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par le salarié.

L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de de première instance et d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la classification au niveau II degré B,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que le licenciement repose sur une faute grave,

REJETTE les demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

REJETTE la demande de remise de documents de fin de contrat rectifiés,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. [B] à payer à Maître [P] en qualité de mandataire liquidateur de la société ADM la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel,

CONDAMNE M. [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 18/10556
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;18.10556 ?
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