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10/11/2022 | FRANCE | N°21/16585

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 10 novembre 2022, 21/16585


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

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N° 2022/ 442













Rôle N° RG 21/16585 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIOE7







G.F.A. [Localité 17]





C/



S.C.E.A. LES CANOUNGES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES



SELARL PASCAL JAMMET DALMET
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 10 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 51-17-0008.





APPELANTE



G.F.A. nommé [Localité 17], représenté par ses gérantes en exercice Madame [R] [D] [I]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 442

Rôle N° RG 21/16585 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIOE7

G.F.A. [Localité 17]

C/

S.C.E.A. LES CANOUNGES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

SELARL PASCAL JAMMET DALMET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 10 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 51-17-0008.

APPELANTE

G.F.A. nommé [Localité 17], représenté par ses gérantes en exercice Madame [R] [D] [I] née de [X], et Madame [V] [N] née de [X], dont le siège social est [Adresse 8]

représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

S.C.E.A. LES CANOUNGES, représentée par ses gérants en exercice, Monsieur [S] [X]., dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Christophe DALMET de la SELARL PASCAL JAMMET DALMET, avocat au barreau de TARASCON , plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène GIAMI, , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022,

Signé par Madame Hélène GIAMI, Conseiller pour le Président Madame Sylvaine ARFINENGO, empêchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

Par acte notarié du 23 décembre 1981, le GFA [Localité 17] a conclu avec la SCEA les Canounges un bail rural à long terme, portant sur les parcelles cadastrées sur la commune d'[Localité 16] :

section IM n°[Cadastre 3], lieudit [Localité 19],

section IE n°[Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 11], lieudit [Localité 18],

section IM n°[Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], lieudit [Localité 17],

pour une superficie totale de 276 hectares 30 a et 36 ca, comprenant divers bâtiments d'exploitation et d'habitation.

Ce bail a été conclu pour 18 ans à compter du 1er décembre 1981, renouvelable après le 30 novembre 1999 par périodes de 9 ans.

Par acte notarié du 3 février 2000, ce bail a été renouvelé pour 18 ans expirant le 30 novembre 2017, renouvelable ensuite par périodes de 9 ans, le fermage étant fixé, au visa de l'article L411-11 du code rural et de l'arrêté préfectoral des Bouches du Rhône du 21 octobre 1999, à 72 596 francs annuels pour les terres et les bâtiments d'exploitation.

Le fermage a été fixé à la somme annuelle de 54 666 francs pour les terres et bâtiments d'exploitation.

Par requête reçue le 22 novembre 2017, le GFA [Localité 17] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon afin de voir désigner un expert pour la fixation du montant du fermage.

Par jugement avant dire droit du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon en date du 13 mars 2019, une mesure d'expertise a été confiée à Monsieur [O], lequel a rendu son rapport le 12 novembre 2019, en proposant de retenir un montant de fermage annuel arrondi à 70 330 €, se décomposant comme suit :

43 600 € pour les terres,

15 009 € pour les logements,

= 58 609 € + 20% de majoration bail long terme.

Par jugement contradictoire du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon en date du 10 novembre 2021, il a été statué en ces termes:

Déclare recevable l'action introduite par le GFA [Localité 17] en révision du montant des fermages à l'encontre de la SCEA les Canounges ;

Se déclare incompétent pour statuer sur la demande relative au droit de chasse et renvoie le GFA [Localité 17] à saisir le tribunal judiciaire de Tarascon afin que suite soit donnée à sa demande ;

Fixe le montant annuel du fermage comprenant les loyers des bâtiments d'habitation due par la SCEA les Canounges au GFA [Localité 17] à la somme de 35 000€ ;

Condamne la SCEA les Canounges à payer au GFA [Localité 17] la somme de

105 000 € au titre des arriérés de fermage (comprenant les loyers des bâtiments d'habitation) du 1er décembre 2017 au 1er décembre 2020 ;

Dit que les fermages déjà payés par la SCEA les Canounges viendront en déduction du montant de l'arriéré ainsi fixé ;

Condamne la SCEA les Canounges à payer au GFA [Localité 17] la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCEA les Canounges aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise,

Ordonne l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que :

-l'évaluation de la valeur agronomique des terres par l'expert à 150 € l'ha pour celles de faible fertilité ou à 260 € l'ha pour les prés, sans distinction de catégories, était incohérente ;

-l'évaluation de la valeur des cultures d'oliviers était supérieure au prix supérieur maximum fixé par l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2017 (260 € au lieu de 200 €) ;

-l'évaluation de la valeur des bois avait été proposée à 14 € alors même qu'elle n'était pas visée par l'arrêté préfectoral ;

-rappelant qu'il n'était pas lié par ces conclusions de l'expert, il a réduit à 35 000 € par an sa proposition qui s'élevait à 70 330 €, en considérant qu'elle était surévaluée.

Par déclaration du 25 novembre 2021, le GFA [Localité 17] a fait appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 15 septembre 2022 et soutenues à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, il entend voir :

-recevoir le GFA [Localité 17] en ses conclusions d'appelant,

Au visa des articles L 411-50 et L 416-1 du code rural et de la pêche maritime,

-confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action introduite par le GFA [Localité 17] en révision du fermage à l'encontre de la SCEA les Canounges,

le réformer en ce qu'il a :

Fixé le montant annuel du fermage dû par la SCEA les Canounges au GFA [Localité 17] à la somme de 35 000 € par an ;

Condamné la SCEA les Canounges à payer au GFA [Localité 17] la somme de

105 000 € à titre d'arriérés de fermage (comprenant les loyers des bâtiments d'habitation) du 1er décembre 2017 au 1er décembre 2020 ;

dès lors, statuant à nouveau,

Vu le rapport d'expertise,

-fixer à compter du 1er décembre 2017, le fermage :

Fermage des terres : 43 600 € / an - Loyer logement : 15 009 € / an

Majoration pour bail à long terme : 20 %

-condamner la SCEA les Canounges à s'acquitter à compter du 1er décembre 2017 d'un fermage terres, bâtiments d'exploitation et bâtiments d'habitation, d'une somme annuelle de 70 330,80 €,

-condamner la SCEA les Canounges à une dette locative pour les années d'exercice 2017- 2018, 2018-2019, 2019-2020, à la somme de 209 560 €,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCEA les Canounges à la somme de

2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise,

Y ajoutant,

-condamner en cause d'appel la SCEA les Canounges aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'à la somme de 3 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que:

-les fermages ont été sous-évalués pendant des années, et ont compromis son équilibre financier, les charges étant plus élevées que les recettes,

- si le verger d'oliviers est de 19,20 hectares et non de 20,51 hectares, pour autant le prix fixé par l'expert à 260 €/ha n'a pas lieu d'être réduit au point sollicité, s'agissant d'une AOC Provence, et alors que nulle preuve n'est rapportée de ce qu'ils auraient été plantés par la locataire,

- la valeur agronomique des terres n'a pas été discutée au moment de l'expertise,

- l'arrêté préfectoral des Bouches du Rhône fixe un minimum de 14 € l'ha et un maximum de 354,60 € l'ha, sans distinguer entre trois catégories de terres,

-les bois et terres de parcours ont justement été estimées à 14 € /ha,

-l'expert a retenu :

260 € l'ha pour les prairies nivelées et irriguées,

150 € l'ha pour les terres labourables, nivelées et potentiellement irrigables,

-il a pondéré les valeurs entre les prairies et les terres labourables,

-l'expert [K] n'a pas tenu compte des surfaces affermées, et son évaluation ne repose pas sur des critères agronomiques, mais sur leur classification cadastrale,

-le fermage des terres et bâtiments d'exploitation doit être distingué du fermage des bâtiments d'habitation, ce que le premier juge n'a pas pris en compte, en fixant arbitrairement une somme globale,

-la majoration pour bail à long terme est prévue par l'arrêté préfectoral à 20% pour les baux de 15 ans minimum et à 30% pour les baux de 18 ans minimum,

-en l'espèce, le bail est de 18 ans.

Aux termes de ses dernières conclusions n°2 remises au greffe le 5 septembre 2022 et soutenues à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la SCEA les Canounges sollicite:

Vu les pièces versées aux débats, et notamment le rapport d'expertise de Madame [K] du 2 mars 2018,

-confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

-condamner en cause d'appel le GFA [Localité 17] à payer à la concluante la somme de

3 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner en cause d'appel le GFA [Localité 17] aux entiers dépens d'appel.

Elle fait valoir que:

-les rapports d'expertise de Messieurs [O] et [G] comportent de nombreuses incohérences,

-l'évaluation de la valeur agronomique des terres par l'expert à 150 € l'ha ne tient pas compte de leur classification cadastrale des années 1960, toujours pertinente, ni de leur très faible fertilité, les rendements en blé ou en foin étant très faibles de 2013 à 2017 pour le blé et de 2007 à 2016 pour le foin,

-le critère du rendement doit être pris en compte, même si l'arrêté préfectoral n'y fait pas référence,

-l'expert n'a pas précisé ses sources en mentionnant ses contacts téléphoniques avec divers organismes agricoles des Bouches du Rhône, ce qui a entravé le principe du contradictoire,

l'encadrement des valeurs des fermages étant flou dans les Bouches du Rhône, il convient de se référer aux départements limitrophes (jurisprudence Cour de Cassation 13 10685),

-les bois n'étant pas visés dans l'arrêté préfectoral des Bouches du Rhône, aucun fermage ne peut leur être appliqué, alors au surplus qu'ils sont situés en espace boisé classé,

-le fermage de 40 € proposé pour les parcours est largement supérieur à la valeur minimale de 13,57 € prévue pour les terres de polyculture, alors que la valeur des parcours est fixée entre 1€ et 11 € l'ha dans le Gard, entre 1,33 et 8,68 dans l'Hérault et entre 0,73 et 20,30 dans la Drôme.

-les terres à céréales ont un rendement dérisoire de 16 quintaux/ha alors que le rendement moyen sur des terres plus fertiles est de 40 à 60 quintaux/ha

-pour les prés, l'expert n'a pas tenu compte de leurs catégories,

-la minoration pour clause environnementale doit s'appliquer, les sites étant en zone Natura 2000, ZICO, ZNIEFF,

-concernant les bâtiments d'exploitation, ils ne sont pas mentionnés sur le bail renouvelé, ce qui implique de vérifier s'ils sont indispensables à l'exploitation agricole,

-concernant les bâtiments d'habitation, le loyer doit être fixé à 6 689,18 €,

-le montant du fermage proposé par l'expert est plus de 9 fois supérieur à celui fixé le 1er décembre 1999, il est également supérieur à son résultat comptable d'une moyenne de

69 912 € entre 2016 à 2018.

-fixer comme suit le fermage :

31 675,69 € pour les terres et bâtiments d'exploitation,

7 826,35 € pour les logements,

= 39 502,03 € + 30% de majoration bail long terme ' 10% de minoration pour clause environnementale.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'action du GFA [Localité 17] en révision du montant du fermage :

Nul ne contestant le jugement ayant consacré cette recevabilité, elle est acquise.

Sur l'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux relativement au droit de chasse  :

Le jugement n'est pas non plus critiqué en ce que le tribunal paritaire des baux ruraux s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande relative au droit de chasse et a renvoyé le GFA [Localité 17] à saisir le tribunal judiciaire de Tarascon de ce chef.

La décision est donc définitive de ce chef.

Sur la demande de fixation du fermage et les demandes en paiement:

L'article L411-11 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version en vigueur du 29 juillet 2010 au 09 décembre 2020 prévoyait :

« Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d'une éventuelle clause de reprise en cours de bail, de l'état et de l'importance des bâtiments d'habitation et d'exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué et, le cas échéant, de l'obligation faite au preneur de mettre en 'uvre des pratiques culturales respectueuses de l'environnement en application de l'article L. 411-27. Ce prix est constitué, d'une part, du loyer des bâtiments d'habitation et, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues...

Le loyer des bâtiments d'habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative sur la base de références calculées d'après des modalités définies par décret. Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés, chaque année, selon la variation de l'indice de référence des loyers publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. Ces références sont applicables aux baux en cours à la date d'entrée en vigueur de l'acte pris par l'autorité administrative dans chaque département pour arrêter les maxima et les minima. Le loyer des bâtiments d'habitation stipulé dans ces baux peut être révisé à l'initiative de l'une des parties au bail à compter de la publication de l'acte ci-dessus mentionné. A défaut d'accord entre les parties, le loyer des bâtiments d'habitation est fixé par le tribunal.

Le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative.

Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés chaque année selon la variation d'un indice national des fermages.

Cet indice est composé :

a) Pour 60 % de l'évolution du revenu brut d'entreprise agricole à l'hectare constaté sur le plan national au cours des cinq années précédentes ;

b) Pour 40 % de l'évolution du niveau général des prix de l'année précédente.

Les modalités de calcul de l'indice et de ses composantes sont précisées par voie réglementaire.

L'indice national des fermages et sa variation annuelle sont constatés avant le 1er octobre de chaque année par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.

Par dérogation aux dispositions précédentes, le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative. Dans ce cas, les dispositions relatives à l'actualisation du loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation prévues au présent article ne s'appliquent pas.

L'autorité administrative détermine les maxima et les minima prévus aux alinéas ci-dessus sur proposition de commissions consultatives paritaires départementales et, le cas échéant, nationale. En cas de carence de ces commissions, l'autorité compétente procède elle-même à cette fixation.

Ces maxima et ces minima font l'objet d'un nouvel examen au plus tard tous les six ans. S'ils sont modifiés, le prix des baux en cours ne peut, sous réserve des dispositions figurant au premier alinéa de l'article L. 411-13, être révisé que lors du renouvellement ou, s'il s'agit d'un bail à long terme, en début de chaque nouvelle période de neuf ans. A défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail.

Les minima arrêtés par l'autorité administrative ne s'appliquent pas au loyer lorsque le bail comporte des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27. »

Cer dernier article prévoit :

« Les obligations du preneur relatives à l'utilisation du fonds pris à bail sont régies par les dispositions des articles 1766 et 1767 du code civil.

Le fait que le preneur applique sur les terres prises à bail des pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l'air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l'érosion ne peut être invoqué à l'appui d'une demande de résiliation formée par le bailleur en application du présent article.

Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques culturales mentionnées au deuxième alinéa peuvent être incluses dans les baux, lors de leur conclusion ou de leur renouvellement, dans les cas suivants :

-lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, une association agréée de protection de l'environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », une fondation reconnue d'utilité publique ou un fonds de dotation ;

-pour les parcelles situées dans les espaces mentionnés aux articles L. 211-3, L. 211-12, L. 322-1, L. 331-1, L. 331-2, L. 332-1, L. 332-16, L. 333-1, L. 341-4 à L. 341-6, L. 371-1 à L. 371-3, L. 411-2, L. 414-1 et L. 562-1 du code de l'environnement, à l'article L. 1321-2 du code de la santé publique et à l'article L. 114-1 du présent code à condition que ces espaces aient fait l'objet d'un document de gestion officiel et en conformité avec ce document.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application des trois alinéas précédents, notamment la nature des clauses qui peuvent être insérées dans les baux. »

Il ressort en premier lieu de ces dispositions que le fermage doit être fixé en distinguant :

d'une part, le loyer des bâtiments d'habitation,

d'autre part, le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation.

Il ressort en second lieu de ces dispositions, qu'à défaut de clause contractuelle visant au respect par le preneur de pratiques culturales liées à l'environnement, l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2017 prévoyant qu' « une minoration de 10% sera consentie pour prendre en compte la présence de clauses environnementales » n'a pas lieu de s'appliquer.

En effet, il ne suffit pas, pour bénéficier de cette minoration, que les terres louées soient situées dans un secteur protégé, tel que Natura 2000, ZICO ou ZNIEFF.

La majoration de 20 % pour bail à long terme, telle que proposée par l'expert judiciaire et la bailleresse n'est pas discutée par la locataire.

Sur le loyer des bâtiments d'habitation :

Sur le domaine loué, se trouvent deux appartements ayant des superficies de 91 m² et 98 m² situés dans le même bâtiment, avec des parties communes de 179 m².

Alors que la bailleresse entend voir fixer le loyer à 9 101 € par an, la locataire en propose 7 826,35 €.

L'expert [O] a décrit les appartements comme suit :

« Composition des logements.

Appartement 1 : grande cuisine sans eau chaude, 2 chambres côté nord, 2 débarras côté sud, WC, douche avec eau chaude, le tout donnant sur un grand couloir

Appartement 2 : 2 chambres, 1 séjour, cuisine équipée, WC, Salle de bain.

Ils sont dans le même bâtiment et d'un état comparable (présence de traces d'humidité dans le plafond de l'appartement 2), nous permettant de les traiter de façon conjointe.

Le bâtiment se trouve sur l'exploitation, à proximité des bâtiments d'exploitation.

Les ouvertures sont principalement orientées au sud.

Le gros 'uvre est assez dégradé.

La toiture est très dégradée et demande une reprise complète.

Nous avons constaté des infiltrations depuis le toit dans appartements n°2.

Les huisseries sont en mauvais état.

Les enduits muraux (peintures) sont dégradés.

Les sols sont de qualité médiocre (carreaux de béton, revêtements plastiques) et demandent à être rénovés.

L'électricité n'est pas aux normes, sans être toute fois dangereuse.

L'approvisionnement en eau chaude est assuré par des chauffe-eau électriques ou à gaz selon le logement.

Les seuls moyens de chauffage sont des poêles à bois de type "insert" non habillés.

Aucune ventilation n'est présente, laissant présager un risque d'humidité en période critique. »

Il a ensuite dressé un tableau de numérotation, selon la grille de notation de l'article 4.4 de l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2017, au terme duquel il attribue une note de 64, servant de base de calcul au montant du loyer.

Critère

description

Echelle de notation

Note attribuée

GROS 'UVRE

présence de fissures +/- importantes

2 à 7

3

TOITURE

défauts d'étanchéité

2 à 4

3

MENUISERIES

anciennes, nombreux défauts

4 à 6

4

ENDUITS

peintures à refaire

3 à 5

4

SOLS

revêtement +/- dégradé

3 à 9

6

ÉLECTRICITÉ

hors normes mais non dangereuse

8 à 9

8

SANITAIRES

chauffe eau électrique ou gaz

0 à 7

6

CHAUFFAGE

poêles à bois ou absent

0 à 8

2

HUMIDITE

risque non négligeable

4 à 10

5

VENTILATION

absente

5 à 10

5

ORIENTATION

majorité des ouvertures au sud

8 à 10

8

PROXIMITE

sur l'exploitation

5 à 10

10

TOTAL

64

Sur la base des contestations de la locataire qui entendait voir limiter cette note à 33, il a finalement réduit son évaluation à 45, le loyer étant alors ramené de 12 950 € à 9 101€.

La proposition faite par la locataire retient le prix minimal fixé par l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2017 ayant fixé une fourchette de 35,40 € à 128,77 € le m², sans toutefois, précisément remettre en question, de manière détaillée, le descriptif des lieux fait par l'expert judiciaire, la grille établie en page 15 du rapport de Madame [K], expert missionnée par la locataire étant produite en version illisible.

Le loyer des bâtiments d'habitation sera donc fixé à la somme proposée par l'expert judiciaire, soit 9 101 €, sur la base d'une note de 45, alors que chacune des parties ayant fait appel de son côté à son propre expert propose :

-soit une valeur supérieure : 14 000 €, selon le rapport de Monsieur [G] et Madame [E],

-soit une valeur inférieure : 7 826,35 € selon le rapport de Madame [K].

Sur le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation :

En l'espèce, l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 13 novembre 2017 des Bouches du Rhône a fixé les montants minimum et maximum du loyer des terres agricoles et des bâtiments d'exploitation en Camargue pour toutes cultures sauf viticulture entre 14 € et 354,60 € l'ha par an.

L'expert judiciaire a proposé de retenir 53 700 € à raison de :

260 € l'ha pour les 137,7751 hectares de prairies nivelées et irriguées,

150 € l'ha pour les 118,0995 hectares de terres labourables, nivelées et potentiellement irrigables, riches en galets, à qualités agronomiques limitées, (étant précisé que les galets en réduisent la valeur)

14 € pour les 7,6 hectares de bois, en considérant qu'il ne s'agit pas de surfaces productives au sens agricole, mais ayant d'autres utilisations, telles que bois de chauffage, chasse, etc...

Il lui est tout d'abord reproché de ne pas avoir tenu compte des arrêtés préfectoraux des départements limitrophes, mais il ne peut en être ainsi que dans l'hypothèse où l'activité concernée ne serait pas régie par un arrêté du département où elle se situe.

Or, tel n'est pas le cas puisque l'arrêté vise « toute s cultures sauf viticulture ».

Les bois sont visés à l'article 2 de l'arrêté des Bouches du Rhône, au même titre que les landes et coussouls, et constituent des terres agricoles relevant des dispositions de l'article 5 qui fixe les prix minimum et maximum pour « toutes cultures sauf viticulture ».

En fixant la valeur des bois à la somme minimale prévue par l'arrêté, l'expert a justement apprécié celle-ci.

Il lui est ensuite reproché, rapport de Madame [K] à l'appui, de ne pas avoir donné de critères pour déterminer la valeur des terres, et en particulier, de ne pas avoir tenu compte de leur valeur cadastrale ou des valeurs fixées dans les départements limitrophes, ou encore des rendements.

Il a répondu à ces critiques en indiquant :

-ne pas avoir à tenir compte des valeurs fixées dans les départements limitrophes s'agissant de terres situées dans les Bouches du Rhône, ou de la valeur cadastrale, appréciée administrativement

-avoir tenu compte des faibles rendements en retenant des valeurs de 150 et 260 €, alors que le maximum est de 354,80 €.

Enfin, par un argumentaire développé, Monsieur [G] et Madame [E] indiquent le caractère obsolète des évaluations cadastrales actualisées une seule fois en 1980 depuis 1970, classant en classe 5 les parcelles du présent litige, car à l'époque, ces grandes étendues de Camargue et de la Crau ne servaient qu'au pâturage pour des troupeaux, tandis qu'elles sont désormais cultivées.

Les parcelles de prairie donnent du « foin de Crau », classé en appellation d'origine protégée AOP.

Les anciennes landes ont été irriguées et amendées.

Le critère de fertilité des sols n'est pas le seul à retenir, la valeur des produits et la situation topographique des propriétés interviennent aussi.

Au regard de ces explications détaillées, et en tenant compte du peu de fiabilité et de l'ancienneté des classifications cadastrales, en l'absence de toute donnée chiffrée étayée sur les rendements, la valeur de 54 670 € proposée par l'expert judiciaire sera retenue, alors qu'elle n'apparaît pas sérieusement remise en question par les critiques formulées sur la base du rapport de Madame [K], et se trouve étayée par le rapport de Monsieur [G] et Madame [E].

Ainsi le total du fermage s'élève à 63 771 € par an (54 670 € + 9 101 € ), outre la majoration de 20% qui le porte à 76 524 € par an.

La somme due au titre des trois exercices 2017- 2018, 2018-2019, 2019-2020, s'élève donc à la somme de 229 572 €, mais le GFA ne sollicitant que la somme de 226 288,96 € à ce titre, il y a lieu de limiter la condamnation à ce montant.

PAR CES MOTIFS:

Infirme le jugement uniquement en ce qu'il a :

-fixé le montant annuel du fermage comprenant les loyers des bâtiments d'habitation due par la SCEA les Canounges au GFA [Localité 17] à la somme de 40 000€ ;

-condamné la SCEA les Canounges à payer au GFA [Localité 17] la somme de 120 000 € au titre des arriérés de fermage (comprenant les loyers des bâtiments d'habitation) du 1er décembre 2017 au 1er décembre 2020 ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe le montant annuel du fermage du par la SCEA les Canounges au GFA [Localité 17] à la somme de 76 524 € par an,

Condamne la SCEA les Canounges à payer au GFA [Localité 17] la somme de 226 288,96 € au titre des trois exercices 2017- 2018, 2018-2019, 2019-2020, sous déduction des sommes déjà réglées à ce titre,

Pour le surplus,

Confirme le jugement,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCEA les Canounges aux dépens d'appel, et à payer 2 000 € au GFA [Localité 17] en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/16585
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.16585 ?
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