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10/11/2022 | FRANCE | N°19/18305

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 10 novembre 2022, 19/18305


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 439













Rôle N° RG 19/18305 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFHPR







SCI ANOU





C/



Société LES TERRASSES DE SYLVABELLE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU



SCP BUVAT-TEBIEL













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 31 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/08115.





APPELANTE



SCI ANOU, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant lég...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 439

Rôle N° RG 19/18305 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFHPR

SCI ANOU

C/

Société LES TERRASSES DE SYLVABELLE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU

SCP BUVAT-TEBIEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 31 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/08115.

APPELANTE

SCI ANOU, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social

représentée par Me Gilles ORDRONNEAU de la SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Syndicat des copropriétaires LES TERRASSES DE SYLVABELLE, dont le siège social est [Adresse 2], pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS FONCIA GRAND BLEU dont le siège social est [Adresse 3], prise elle-même en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Laurence JOUSSELME, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame [M] [P], a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022,

Signé par Madame Hélène GIAMI, Conseiller pour le Président Madame Sylvaine ARFINENGO, empêchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Depuis le 28 septembre 2012, la SCI Anou est propriétaire des lots n°82 (local commercial avec terrasse etc...), 42 (local commercial...) et 83 ( (local commercial...) au sein de l'immeuble soumis au statut de la copropriété dénommé «les terrasses de Sylvabelle» situé à la Croix Valmer (83) .

Afin de déterminer les limites de la terrasse visée à propos du lot 82, la SCI Anou a obtenu en référé le 15 avril 2015, la désignation de l'expert [K], qui a établi son rapport en date du 9 mars 2016.

Par acte d'huissier du 19 octobre 2016, la SCI Anou a fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins principalement de voir:

-dire que l'étendue de la terrasse attachée au lot 82 est délimitée par les points A,B,C et D du plan annexé au rapport de l'expert [K] du 9 mars 2016,

-dire qu'il s'agit d'une partie privative et non d'une partie commune à usage privatif ,

-condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts et 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 31 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a statué en ces termes :

«Vu le rapport de l'expert [K],

Vu les articles 2,6-3, 8, 25 b) et 42 de la loi du 10 juillet 1965,

Vu le règlement de copropriété du 26 mai 2014, l'état descriptif de division annexé, le règlement intérieur mis à jour après l'assemblée générale du 10 décembre 2013,

Vu le procès-verbal de constat de Maître [S] du 12 octobre 2017,

Dit que la terrasse au-devant et attachée au lot 82 constitue une partie commune à usage privatif dudit lot,

Déboute en conséquence la SCI Anou de sa demande contraire,

Dit que l'étendue de la terrasse affectée au lot 82, partie commune sur laquelle la SCI Anou bénéficie d'un droit de jouissance exclusif dans les termes et les limites du règlement de copropriété, est délimitée par les points A,B,C et D du plan annexé au rapport de l'expert [K] du 9 mars 2016,

Déboute la SCI Anou de sa demande d'enlèvement de la porte installée sous l'escalier situé à proximité du point A du plan,

Dit la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] représenté par son syndic la SAS Foncia Grand Bleu recevable concernant le lot 82,

la dit irrecevable concernant les lots 42 et 83,

Condamne la SCI Anou, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 300 € par jour de retard au-delà à :

. retirer les supports des tentures de type tringle extérieure au droit du lot 82, fixées au mur de l'immeuble, partie commune et à remettre en état lesdites parties communes après leur retrait,

. retirer de la terrasse du lot 82 les tentures et voilages, la structure de type marabout (photo 8) et les brise-vue en bruyère surmontant les bacs,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

Condamne la SCI Anou aux dépens comprenant le coût de l'expertise [K] et du constat du 12 octobre 2017 distraits au profit de Maître Laurence Jousselme pour ceux dont elle a fait l'avance,

Condamne la SCI Anou à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] représenté par son syndic la SAS Foncia Grand Bleu la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire.»

Par déclarations enregistrées au greffe le 2 décembre 2019, la SCI Anou a fait appel du jugement.

La jonction des deux instances enrôlées sous les n°19/18325 et 19/18305 a été ordonnée par décision du 12 décembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 24 juin 2020, elle demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'étendue de la terrasse affectée au lot 82 de l'état descriptif de division est délimitée par les points A,B,C et D du plan annexé au rapport de l'expert [K] du 9 mars 2016,

pour le surplus,

-infirmer le jugement entrepris.

et statuant à nouveau,

Juger que le terrasse attachée au lot numéro 82 de l'état descriptif de division, telle que reprise dans la désignation des biens et droits immobiliers acquis le 28 septembre 2012, par la société Anou auprès de la société PV - CP Résidences Exploitation, constitue une partie privative, actuellement propriété de la société civile Anou par l'effet de l'acte dont s'agit, et non une partie commune à usage privatif attachée audit lot numéro 82.

Juger que la société civile Anou sera dispensée de toute participation aux condamnations à intervenir, lesquelles seront réparties entre les autres copropriétaires, le tout au visa des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Ordonner au syndicat des copropriétaires de procéder à l'enlèvement de la porte installée par lui sous l'escalier au niveau du point A du plan dressé par l'expert judiciaire et annexé à son rapport d'expertise, dans le délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 300 € par jour de retard passé ledit délai.

Débouter le syndicat des copropriétaires de son appel incident visant à faire déclarer recevable sa demande reconventionnelle portant sur les lots numéros 42 et 83, et confirmer sur ce point purement et simplement le jugement.

Débouter purement et simplement le syndicat des copropriétaires, de toutes demandes plus amples ou contraires aux présentes écritures.

Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer les sommes de:

.10.000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive.

.5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel, les dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire confiée à [Y] [K], clôturée le 9 mars 2016.

Pour elle:

-la terrasse attachée à son lot doit être distinguée des autres terrasses de l'immeuble en ce qu'elle se situe au rez-de-chaussée, sur le terrain, et non rattachée au gros 'uvre de l'immeuble,

-les dispositions du règlement de copropriété ne concernent que les terrasses des étages et non celle-ci,

-seul l'état descriptif de division la régit,

-en effet, l'article 11 du règlement de copropriété stipule que «les parties privatives sont constituées par les locaux et espaces qui aux termes de l'état descriptif de division sont compris dans la composition d'un lot, et comme tels, sont affectés à son usage exclusif et particulier»,

- l'état descriptif de division désigne le lot n°82, comme un «local commercial avec terrasse, situé devant la piscine, comportant des sanitaires et pouvant être ultérieurement subdivisé en locaux à usage d'habitation ou de commerce »,

-pour les appartements en étage, il ne mentionne pas les terrasses dont ils ont la jouissance,

-son titre de propriété reprend cette définition du lot,

-même si l'état descriptif de division n'a en principe pas la même valeur contractuelle que le règlement de copropriété, dès lors que ce dernier ne concerne pas la terrasse du lot 82, et qu'une valeur contractuelle peut être attribuée à l'état descriptif de division par le règlement de copropriété, c'est l'article 11 qui régit le lot 82,

Maître [V] [C], notaire rédacteur de son acte d'acquisition confirme que son lot n°82 comporte une terrasse.

Par ses dernières conclusions déposées et notifiées le 27 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, la SAS Foncia Grand Bleu, intimé, demande à la Cour de :

-confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déclaré irrecevable concernant les lots 42 et 83,

-le recevoir en son appel incident,

-déclarer recevables ses demandes concernant les lots 42 et 83,

-condamner la SCI Anou, sous astreinte de 800 € par jour de retard à débarrasser, remettre en état et réparer toutes les atteintes aux parties communes telles que listées par le procès-verbal dressé le 12 octobre 2017, repris ci-avant pour les lots 42 et 83,

condamner la SCI Anou à lui payer les sommes de:

5 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux dépens avec distraction pour ceux d'appel dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Pour lui:

le caractère de partie commune à jouissance exclusif de la terrasse résulte du règlement de copropriété (articles 5, 7 et 13 ),

-l'état descriptif de division n'est pas contraire,

s'il mentionne pour le lot n°82, un «local commercial avec terrasse», cela s'explique par la nature commerciale du local, à la différence des autres,

les installations réalisées sur cette terrasse sans autorisation doivent être enlevées en ce qu'elles affectent l'intégrité du bâtiment par les vissages et boulonnages sertis dans les façades et modifient l'aspect et l'harmonie de l'immeuble

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la nature et l'étendue de la terrasse au-devant et attachée au lot 82:

La disposition par laquelle le premier juge a considéré que Dit que l'étendue de la terrasse affectée au lot 82 était délimitée par les points A,B,C et D du plan annexé au rapport de l'expert [K] du 9 mars 2016 n'est plus discutée.

En revanche, les parties s'opposent sur le caractère privatif ou de partie commune à jouissance privative de cette terrasse.

Pour prétendre qu'il s'agit d'une partie privative, la SCI Anou se réfère aux articles 8 de la loi du 10 juillet 1965 et 3 alinéa 1 du décret du 17 mars 1967, à son titre, à la définition du lot 82 dans l'état descriptif de division et à l'article 11du règlement de copropriété.

Pour prétendre qu'il s'agit d'une partie commune à jouissance privative, le syndicat des copropriétaires se prévaut des articles 2 et 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 et 5, 7 et 13 du règlement de copropriété.

Aux termes des dispositions invoquées:

Dans la loi du 10 juillet 1965:

Article 2

«Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé.

Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire.»

Article 6-3

«Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l'usage ou à l'utilité exclusifs d'un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires.»

Article 8

«Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes.

Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.»

Dans le décret du 17 mars 1967:

Article alinéa 1er

«Les règlements, états et conventions énumérés aux articles qui précèdent (visant l'état descriptif de division) peuvent faire l'objet d'un acte conventionnel ou résulter d'un acte judiciaire, suivant le cas, ayant pour objet de réaliser, constater ou ordonner la division de la propriété d'un immeuble dans les conditions fixées par l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965.»

Dans le règlement de copropriété:

article 5 définissant les parties communes générales:

«Constituent des parties communes générales celles qui sont affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires (et de toute façon, celles expressément mentionnées ci-après|.

Elles comprennent notamment :

1°) La totalité du sol bâti ou non bâti du terrain tel que désigné ci-dessus à l'article 1er (compte tenu, s'il y a lieu, des droits particuliers ou privatifs, constitués sur ledit terrain en vertu du présent règlement et de l'état descriptif de division).

2°) Les espaces verts et libres avec leurs aménagements et plantations (à l'exclusion de ceux qui seraient compris dans la composition d'un lot tel que défini dans l'état descriptif de division et notamment les terrasses) »...

Article 7 définissant les parties communes spéciales à chaque bâtiment:

«Constituent des parties communes spéciales aux seuls copropriétaires des locaux composant chacun des bâtiments divisés en plusieurs lots (appartements) celles qui sont affectées à l'usage ou à l'utilité de l'ensemble de ces copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux.

Elles comprennent notamment pour chaque bâtiment, mais seulement si les choses énumérées s'y trouvent et sont communes à plusieurs lots, et sans que cette énonciation soit limitative :

...

3°) Les façades et les murs extérieurs porteurs ou non avec leurs revêtements, ornementations, décorations et éléments extérieurs (mais à l'exclusion des ouvrants des appartements et autres locaux privatifs).

Les terrasses (même si elles sont affectées à l'usage exclusif d'un seul copropriétaire, dans la mesure de ce qui est dit ci-après à la section 4 du présent chapitre).

Les balustrades, garde-corps ou parapets des fenêtres et terrasses, sans distinction.»

Article 13 constituant la section IV intitulée «- Dispositions diverses- Murs mitoyens et terrasses»

'

«- Les terrasses des bâtiments, même si elles sont en tout ou partie réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire, n'en sont pas moins des parties communes ;

Seuls, s'il y a lieu, les revêtements superficiels des sols des terrasses et les revêtements intérieurs de leurs garde-corps, constitueront des parties privatives pour les espaces réservés à l'usage exclusif d'un copropriétaire, leurs autres éléments (y compris ceux assurant, éventuellement, leur étanchéité) constituant des parties communes.»

article 11 définissant les parties privatives:

«les parties privatives sont constituées par les locaux et espaces qui aux termes de l'état descriptif de division sont compris dans la composition d'un lot, et comme tels, sont affectés à son usage exclusif et particulier».

L'article 1 du règlement de copropriété auquel renvoie l'article 5 décrit l'ensemble immobilier comme comprenant « 7 bâtiments contenant 137 locaux à usage principal d'habitation et 3 locaux (lots N° 42, 82 et 83) à usage commercial, ces derniers pouvant être par la suite subdivisés et être affectés à l'habitation.

L'ensemble de ces locaux pourra toutefois être utilisé ou occupé selon des dispositions différentes définies à l'article 19.

Le surplus du terrain est aménagé en espaces verts ou libres, en emplacements de stationnement pour voitures, à raison d'un emplacement par appartement, en voies et ailées pour voitures et piétons.

Une piscine est aménagée ainsi qu'un tennis... »

Quant à l'article 19, il précise notamment :

« Les appartements ne pourront pas être utilisés pour l'exercice d'une activité professionnelle, artisanale ou commerciale. Seuls les lots N° 42, 82 et 83 pourront être utilisés pour une activité commerciale. Il pourra également être installé des bureaux ou des locaux de service et des commerces dans les lots N° 42, 82 et 83 affectés à cet effet. »

Par ailleurs, le lot n°82 est décrit dans l'état descriptif de division comme un «local commercial avec terrasse, situé devant la piscine, comportant des sanitaires et pouvant être ultérieurement subdivisé en locaux à usage d'habitation ou de commerce ».

Le titre d'acquisition de son bien par la SCI Anou le 28 septembre 2012 reprend exactement cette description et le notaire ayant instrumenté la vente, [V] [C], précise dans un courrier daté du 21 novembre 2014 adressé en réponse à la SCI Anou qu'à « la lecture du lot 82, ce lot comporte une terrasse en partie privative ».

Il est exact que le règlement de copropriété intègre en son article 7 les terrasses dans les parties communes spéciales à chaque bâtiment, et que l'article 13 spécifie que les terrasses des bâtiments, même si elles sont en tout ou partie réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire, n'en sont pas moins des parties communes.

Pour autant, ces dispositions ne prévalent pas sur celles de l'article 11 précisant que «les parties privatives sont constituées par les locaux et espaces qui aux termes de l'état descriptif de division sont compris dans la composition d'un lot, et comme tels, sont affectés à son usage exclusif et particulier»

A première lecture de ces dispositions, il y a donc une contradiction entre le rattachement des terrasses aux parties communes et, dans le cas du lot n°82, la mention à l'état descriptif de division qu'il se compose d'un «local commercial avec terrasse... »

A cet égard, et contrairement à ce que prétend le syndicat des copropriétaires, il ne peut être tiré aucune déduction du fait que dans la description du lot 82 comme un «local commercial avec terrasse, situé devant la piscine... » le mot situé soit écrit au singulier plutôt qu'au pluriel, ce qui renverrait uniquement au local et non à la terrasse, dès lors qu'à la lecture de cette description, la terrasse fait bien partie du lot.

Face à l'apparente contradiction du règlement de copropriété, qui renvoie à l'état descriptif de division dans son article 11, en lui conférant de la sorte une valeur contractuelle, il convient d'observer que :

les lots 1 à 81 sont mentionnés dans l'état descriptif de division comme des appartements ou studios situés dans les trois bâtiments A, B et C, sans référence à une terrasse.

Pourtant la description des types de logements réalisés, annexée au règlement de copropriété-état descriptif de division, précise que chaque appartement réalisé dispose d'une terrasse.

Il peut donc être considéré que le cas du lot 82 est spécifique puisqu'il est mentionné dans l'état descriptif de division comme comprenant une terrasse, tandis que tous les autres lots ne comprennent pas de terrasses dans leur composition.

Les terrasses qui profitent à titre privatif aux propriétaires de tous ces autres lots, sont, quant à elles, régies par les dispositions générales précisant que les terrasses des bâtiments sont des parties communes spéciales.

Seule cette interprétation permet de résoudre l'apparente contradiction entre les différents articles du règlement de copropriété.

Elle est renforcée par les dispositions spécifiques régissant les lots n° 42, 82 et 83 notamment aux articles 1 et 19 du règlement de copropriété, prévoyant qu'ils peuvent être ultérieurement subdivisés en locaux à usage d'habitation ou de commerce, (ce qui est repris dans l'acte d'acquisition de la SCI Anou) et par le fait qu'un plan était annexé à l'état descriptif de division, ayant permis à l'expert [K] de déterminer les limites de la terrasse litigieuse.

La terrasse attachée au lot 82 sera donc considérée comme une partie privative, le jugement étant réformé en ce qu'il a considéré qu'il s'agissait d'une partie commune.

Sur la demande d'enlèvement de la porte installée sous l'escalier situé à proximité du point A du plan:

Si le syndicat des copropriétaires évoque dans le corps de ses conclusions la prescription de cette demande sur le fondement de l'article 42, elle ne conclut pas à l'irrecevabilité de la prétention dans le dispositif de ses conclusions.

Hors, aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, «la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion... »

Le syndicat des copropriétaires demande la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande aux motifs que ladite porte, destinée à fermer une partie commune n'était pas située sur la terrasse, qualifiée de partie commune à jouissance privative par le premier juge.

La SCI Anou ne rapporte aucune preuve de ce que la porte est située sur sa terrasse, ce qu'elle ne prétend d'ailleurs pas, puisqu'elle indique que cette porte derrière laquelle aurait été créé un local technique ne serait accessible qu'en passant par chez elle.

Outre le fait que l'implantation de la porte litigieuse n'est pas documentée au regard de son implantation sur une partie privative, et qu'il n'est aucunement justifié de passages que cette installation occasionnerait, comme l'a souligné le premier juge, le passage par un lot privatif est réglementé et suffisamment protecteur pour permettre à son propriétaire de se défendre d'intrusions injustifiées, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la démolition d'une porte installée sur une partie commune.

Le jugement ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur la recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires concernant les lots 42 et 83:

Le premier juge a déclaré cette demande reconventionnelle irrecevable en ce qu'elle ne se rattachait pas, par un lien suffisant, à la demande principale portant uniquement sur le lot 82.

En effet, la demande en justice formée par la SCI Anou ne porte que sur la mesure et la nature privative ou non de la terrasse attachée au lot 82.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que les prétentions du syndicat des copropriétaires relatives aux lots 42 et 83 ne se rattachaient pas aux demandes principales par un lien suffisant, et les a déclarées irrecevables.

Sur la condamnation de la SCI Anou, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 300 € par jour de retard au-delà à :

retirer les supports des tentures de type tringle extérieure au droit du lot 82, fixées au mur de l'immeuble, partie commune et à remettre en état lesdites parties communes après leur retrait,

retirer de la terrasse du lot 82 les tentures et voilages, la structure de type marabout (photo 8) et les brise-vue en bruyère surmontant les bacs.

Cette décision n'est pas critiquée par la SCI Anou qui indique l'avoir exécutée eu égard à l'exécution provisoire.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et résistance abusive :

La SCI Anou étant accueillie en sa demande principale ne saurait être condamnée à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Eu égard à la nécessité d'interpréter le règlement de copropriété et à la décision de première instance entérinant la position du syndicat des copropriétaires, celui-ci ne peut être considéré comme ayant fait preuve de résistance abusive en défendant une thèse, quand bien même il ne lui est pas donné raison en appel.

Le jugement ayant rejeté ces demandes sera donc confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il est équitable en l'espèce de rejeter les demandes de chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens, y compris les frais d'expertise et de ne pas exonérer la SCI Anou de sa participation aux frais de la procédure menée dans son intérêt principal et alors qu'elle a été condamnée à procéder à l'enlèvement de différentes installations ancrées sur des parties communes.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a:

Dit que la terrasse au-devant et attachée au lot 82 constitue une partie commune à usage privatif dudit lot,

Débouté en conséquence la SCI Anou de sa demande contraire,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la terrasse au-devant et attachée au lot 82 constitue une partie privative dudit lot,

Pour le surplus, confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de l'expertise de [Y] [K], clôturée le 9 mars 2016,

Rejette la demande de la SCI Anou tendant à être exonérée de sa participation aux frais de la procédure.

LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/18305
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;19.18305 ?
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