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03/11/2022 | FRANCE | N°22/03467

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 03 novembre 2022, 22/03467


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 03 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 320













N° RG 22/03467 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJACL







S.A.R.L. A.CHANFREAU ET GALLIENI





C/



[U] [B]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Constance DRUJON D'ASTROS



Me Bruno TIRET















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 15 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021R00322.







APPELANTE



S.A.R.L. A.CHANFREAU ET GALLIENI, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représentée par Me Constance DRUJON D'ASTROS ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 03 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 320

N° RG 22/03467 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJACL

S.A.R.L. A.CHANFREAU ET GALLIENI

C/

[U] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Constance DRUJON D'ASTROS

Me Bruno TIRET

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 15 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021R00322.

APPELANTE

S.A.R.L. A.CHANFREAU ET GALLIENI, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Constance DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Vincent SPEDER, avocat au barreau de VALENCIENNES, plaidant

INTIMEE

Madame [U] [B]

née le 18 Janvier 1973 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Bruno TIRET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 mai 2021 la société A.Chanfreau et Gallieni a émis un devis, accepté par Mme [U] [B], pour le déménagement de ses effets personnels, par conteneurs maritimes, entre [Localité 5] (Québec) et [Localité 3].

Les marchandises ont été enlevées le 7 juin 2021 et le 26 septembre, répondant aux sollicitations de Mme [U] [B] quant à la livraison, la société A.Chanfreau et Gallieni a indiqué que ses effets étaient en entrepôt sous douane et y resteraient tant que celle-ci ne se serait pas acquittée des taxes douanières.

Par ailleurs, la société A.Chanfreau et Gallieni invoquait une facturation complémentaire au titre de l'augmentation du coût du fret maritime.

Le 28 septembre 2021 Mme [U] [B] a mis en demeure la société A.Chanfreau et Gallieni de procéder à la livraison de ses biens, laquelle indiquait en réponse qu'elle restait en l'attente du paiement de la somme de 25.000 euros.

En l'absence de solution amiable, Mme [U] [B] a alors saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille afin d'obtenir la livraison sous astreinte de ses effets personnels. La société A.Chanfreau et Gallieni a sollicité à titre reconventionnel le paiement de la somme provisionnelle de 34.737,71 euros.

Par ordonnance en date du 15 février 2022 le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré territorialement compétent et a :

-enjoint à la société A.Chanfreau et Gallieni de livrer les biens appartenant à Mme [U] [B] actuellement retenus par la société dans les 8 (huit) jours suivant la signification de l'ordonnance, à défaut sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant le délai d'un mois,

Sur la demande reconventionnelle,

-dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à se pourvoir devant les juges du fond,

-condamné la société A.Chanfreau et Gallieni à payer à Mme [U] [B] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens,

-rejeté tout surplus des demandes

-------------

Par acte du 8 mars 2022 la société A.Chanfreau et Gallieni a interjeté appel de l'ordonnance.

-------------

Par conclusions enregistrées le 31 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société A.Chanfreau et Gallieni (SARL) soutient que :

-la juridiction marseillaise n'a pas compétence au regard des critères de l'article 46 du code de procédure civile dès lors qu'aucune livraison n'a été effectuée à [Localité 3] ; seul le domicile de la société A.Chanfreau et Gallieni, défendeur, pouvait être retenu comme critère de compétence, soit le tribunal de commerce de Valenciennes ; l'article R.631-3 code de la consommation n'est pas applicable en l'absence de fait dommageable,

-le juge des référés est incompétent dès lors que la société A.Chanfreau et Gallieni a émis des contestations sérieuses : Mme [U] [B] n'ayant pas réglé les prestations, la société A.Chanfreau et Gallieni est bien-fondée à faire valoir son droit de rétention, tant sur le fondement de l'article 2286 du code civil que sur le fondement de l'article L.133-7du code de commerce ; la créance est parfaitement certaine et le droit de rétention a été privé de sa substance par la décision rendue par le juge des référés,

-la société A.Chanfreau et Gallieni dispose d'une créance sur Mme [U] [B] dès lors que celle-ci a accepté le devis et que les conditions générales prévoient que le paiement intégral de la facture doit intervenir au moment du chargement de la marchandise, ce qui a été effectué le 7 juin 2021 ; des paiements sont intervenus de la part d'une société Fitba Académie, sans qu'elle puisse faire le lien avec Mme [U] [B] ; des surcoûts ont été facturés en raison de l'augmentation du taux de fret maritime et n'ont pas été réglés en dépit des clauses du contrat ; les taxes douanières ont été majorées en l'absence de communication de document attestant du changement de résidence outre le coût du blocage des marchandises en douane et le garde-meubles

-Mme [U] [B] reste ainsi débitrice d'une somme de 34.737,71 euros, à parfaire à hauteur de 35.333,71 euros

Ainsi, la société appelante demande à la cour de :

-réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

-se déclarer incompétent au profit de la cour d'appel de Douai

Subsidiairement,

-dire n'y avoir lieu à référé,

-renvoyer Mme [U] [B] à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond

En tout cas,

-condamner Mme [U] [B] à lui verser la somme de 34.737,71 euros à titre provisionnel,

-la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens

--------------

Par conclusions enregistrées le 2 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [U] [B] réplique que :

-elle sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture dès lors que la société A.Chanfreau et Gallieni a conclu la veille de l'ordonnance, plus de quatre mois après ses propres conclusions,

-le tribunal de commerce de Marseille est compétent territorialement puisque la livraison devait être effectuée à Marseille et n'a pas été effectuée du seul fait de la société A.Chanfreau et Gallieni ; la livraison effective de l'article 46 du code de procédure civile s'entend uniquement du lieu où la marchandise doit être réellement livrée ; au visa de l'article L.631-3 du code de la consommation la juridiction du lieu de survenance du fait dommageable est compétente et en l'espèce, la cause génératrice du dommage est liée au refus de Mme [U] [B], domiciliée à [Adresse 4], de payer des sommes non justifiées,

-il n'existe pas de contestations sérieuses dès lors que le droit de rétention n'est opposable que si la créance est certaine ; or en l'espèce, la surfacturation invoquée par la société A.Chanfreau et Gallieni au titre de frais de douane et d'une augmentation du tarif du fret n'est pas justifiée ; la facture de déménagement a bien été réglée par la société Fidta Académie,

-les sommes sollicitées à titre reconventionnel par la société A.Chanfreau et Gallieni ne sont justifiées que par des factures établies par la société elle-même

L'intimée demande ainsi à la cour de :

-révoquer l'ordonnance de clôture,

-confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Et ainsi,

-rejeter les exceptions d'incompétence soulevées par la société A.Chanfreau et Gallieni,

-condamner la société A.Chanfreau et Gallieni au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

-------------

Le président a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 1er septembre 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 22 septembre 2022.

A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 03 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Au visa des articles 907, 802 et 803 du code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats postérieurement à l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, à l'exception des demandes en intervention volontaire, des conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, et à l'exception également des demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et des conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

Par ailleurs, l'ordonnance de clôture peut être révoquée s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, il apparaît qu'en concluant la veille de l'ordonnance de clôture, quatre mois après les dernières conclusions de la partie adverse, la société appelante n'a pas mis l'intimée en situation de conclure en réponse avant la clôture de l'instruction.

En conséquence, au visa de l'article 16 du code de procédure civile et du nécessaire respect du principe du contradictoire, il convient d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 1er septembre 2022 et de reporter la clôture au 22 septembre 2022, date des débats.

Sur la compétence territoriale :

En application de l'article 46 du code de procédure civile le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service en matière contractuelle.

Au sens de l'article 46 du code de procédure civile le lieu de livraison effective s'entend de celui où la livraison a été ou doit être effectuée, par opposition à un lieu de livraison qui aurait été fixé de façon arbitraire par les parties afin de faire échec à l'option de compétence prévue par ce même article.

Il en résulte que c'est à bon droit que le juge des référés, saisi de surcroît d'une demande en exécution forcée de l'obligation de livraison des meubles à la charge de la société de déménagement, a retenu sa compétence territoriale au regard du lieu de livraison fixé à [Localité 3].

L'ordonnance attaquée est dès lors confirmée de ce chef.

Sur la compétence du juge des référés :

La livraison des biens appartenant à Mme [U] [B]

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En l'espèce, il apparaît que la société A.Chanfreau et Gallieni s'est opposée à la livraison des meubles et effets appartenant à Mme [U] [B] aux motifs que celle-ci ne se serait pas acquittée de l'ensemble de la facture émise dans le cadre des opérations de déménagement, et a précisé que ses effets étaient en entrepôt sous douane jusqu'au paiement de la taxe douanière.

Le juge des référés a pu estimer à bon droit qu'il n'existait pas de contestation sérieuse de la part de la société A.Chanfreau et Gallieni, notamment quant à son droit de rétention au visa des articles 2286 du code civil et L.133-7du code de commerce, considérant qu'il n'était pas contesté que le devis initial convenu entre les parties avait été entièrement réglé par Mme [U] [B], par le biais d'une société dénommée Fidta Académie, et que le différend ne portait que sur la majoration intervenue a posteriori.

Si la société A.Chanfreau et Gallieni a pu se méprendre sur l'origine des fonds versés par la société Fidta Académie, sans lien apparent avec sa cliente, il apparaît qu'au vu du mail daté du 30 septembre 2021 elle pouvait d'ores et déjà, à cette date, établir un lien certain entre Mme [B] et la société Fidta en l'état de la facture émise par la société de déménagement. Pour autant, elle a maintenu la rétention des effets personnels de Mme [U] [B].

En conséquence, au visa de l'article 872 du code de procédure civile, et au regard de l'urgence à obtenir la livraison des effets personnels de Mme [U] [B], il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné sous astreinte la livraison des biens appartenant à celle-ci.

La créance de la société A.Chanfreau et Gallieni

En application de l'article 873 du même code, le président peut, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Au cas particulier, il résulte du décompte produit par la société A.Chanfreau et Gallieni que celle-ci se prévaut d'une créance provisionnelle à hauteur de 34.737,71 euros, qu'elle détaille comme suit :

-stockage sous douane : 32.128,79 euros

-augmentation du prix du fret : 1875 euros

-frais de garde-meubles : 733,92 euros

Pour autant, considérant qu'à l'appui de ses demandes, la société A.Chanfreau et Gallieni ne produit aux débats que des factures émises par ses soins sans établir la réalité des dépenses supplémentaires qu'elle aurait engagées ou qui lui auraient été facturées directement, et considérant que le montant de la surfacturation est sans commune mesure avec le devis initial, le paiement sollicité par la société A.Chanfreau et Gallieni soulève des contestations sérieuses.

A cet égard, il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter les clauses invoquées par la société A.Chanfreau et Gallieni pour justifier la répercussion de ces dépenses sur sa cliente Mme [U] [B] de sorte que le juge des référés a valablement estimé que cette demande ne relevait pas de sa compétence.

Sur les frais et dépens :

La société A.Chanfreau et Gallieni, partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, la société A.Chanfreau et Gallieni sera tenue de payer à Mme [U] [B] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 1er septembre 2022 et reporte la clôture au 22 septembre 2022, date des débats,

Confirme l'ordonnance rendue le 15 février 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société A.Chanfreau et Gallieni aux dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société A.Chanfreau et Gallieni à payer à Mme [U] [B] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel .

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 22/03467
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.03467 ?
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