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03/11/2022 | FRANCE | N°19/08870

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 03 novembre 2022, 19/08870


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 315













N° RG 19/08870 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BELQW







SAS MAGHREB SOLUTIONS





C/



SARL BOYS LOGISTIC





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Olivier TARI



Me Joseph MAGNAN













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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 22 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00764.





APPELANTE



SAS MAGHREB SOLUTIONS, dont le siège social est sis [Adresse 4]



représentée par Me Olivier TARI de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 315

N° RG 19/08870 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BELQW

SAS MAGHREB SOLUTIONS

C/

SARL BOYS LOGISTIC

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Olivier TARI

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 22 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00764.

APPELANTE

SAS MAGHREB SOLUTIONS, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Olivier TARI de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

S.A.R.L. BOYS LOGISTIC, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Emmanuelle PALLUAUD, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Un contrat d'affrétement a été signé le 6 août 2009 entre d'une part, la société de droit marocain BOYS LOGISTIC, et d'autre part « monsieur [P] [X], Directeur d'Agence Maghreb Solutions [Localité 1] » désigné comme donneur d'ordre, - contrat portant sur la mise à disposition au profit du donneur d'ordre de cinq véhicules avec personnel de conduite, et la fourniture des « moyens et services nécessaires à son utilisation ».

Il est précisé en préambule que :

- le donneur d'ordre dispose de trafics routiers dont il ne peut assurer la réalisation par ses propres moyens, et recherche un sous-traitant capable de lui fournir une solution de remplacement,

- le transporteur affrété cherche à s'assurer une activité régulière dans le cadre d'une sous-traitance de longue durée, avec garantie de rémunération.

Soutenant que le contrat comportait, en son article 12, un engagement minimum de la part de l'affréteur de kilomètres par an et par camion, soit un minimum de rémunération annuelle, qui n'ayant pas été atteinte, devait donner lieu à facturation, la société BOYS LOGISTIC, a établi trois factures à ce titre. Il s'agit des factures :

- n°129 /2012 en date du 13 août 2012 pour la période du 6 août 2011 au 6 août 2012 pour un montant de 291.311 euros,

- n°102/2013 en date du 9 septembre 2013 pour la période du 6 août 2012 au 6 août 2013 d'un montant de 307.334,16 euros,

- n°80/2014 en date du 28 octobre 2014 pour la période du 6 août 2013 au 6 août 2014 d'un montant de 557.402,16 euros.

La société a adressé deux mises en demeure de payer qui sont restées infructueuses, le 2 novembre 2012 et le 11 janvier 2016.

Par acte du 1er juillet 2016, la société BOYS LOGISTIC a fait assigner la société MAGHREB SOLUTIONS devant le tribunal de commerce de Marseille pour obtenir le paiement de trois factures, soit la somme totale de 1.156.047,32 euros avec intérêts au taux légal, au titre de l'exécution d'un contrat signé le 6 août 2009.

Par jugement du 22 mai 2019, le tribunal de commerce de Marseille a condamné la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 578 023,66 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2016, celle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MAGHREB SOLUTIONS a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 31 mai 2019.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 1er septembre 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 22 septembre 2022.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 juin 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société MAGHREB SOLUTIONS demande à la cour de :

- RECEVOIR la société MAGHREB SOLUTIONS en son appel et le déclarer bien- fondé

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de MARSEILLE le 22/05/2019,

STATUANT A NOUVEAU

Vu les dispositions de l'article 855 du Code de Procédure Civile

- DECLARER NULLE l'assignation en date du 1/07/2016 pour défaut d'élection de domicile en France de la société BOYS LOGISTIC

SUBSIDIAIREMENT

Vu l'article 1134 ancien du code civil applicable à la présente instance

- DEBOUTER la société BOYS LOGISTIC de l'ensemble de ses demandes

TRES SUBSIDIAIREMENT

Vu les dispositions de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

- DIRE ET JUGER que les dispositions de l'article 12 du Contrat en date du 6 août 2009 sont en partie constitutives d'une clause pénale,

EN CONSEQUENCE

- FIXER le montant de l'indemnité revenant à la société BOYS LOGISTIC à la somme de 0 euros au titre de l'ensemble de la période considérée en l'absence de tout préjudice,

A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE

- DESIGNER tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de déterminer le taux de marge de la société BOYS LOGISTIC au titre des prestations fournies à la société MAGHREB SOLUTIONS au titre du contrat en date du 6/08/2009 ainsi que le préjudice lié au manque à gagner de la société BOYS LOGISTIC en l'état du nombre de kilomètres parcourus et de celui qui aurait dû être parcouru en application des dispositions de l'article 12 du Contrat.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société BOYS LOGISTIC à payer à la société MAGHREB SOLUTIONS la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- CONDAMNER la société BOYS LOGISTIC aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP BBLM, par le ministère de Me Olivier TARI, sur son affirmation de droits.

A l'appui de son appel, la société MAGHREB SOLUTIONS invoque la nullité de l'assignation et soutient que l'irrégularité commise lui a causé un grief en ce qu'elle lui a fait courir un risque quant à l'efficacité de ses actes de procédure. Elle affirme avoir été victime d'une fraude commise par monsieur [X] et la société BOYS LOGISTIC, faisant état d'une décision du tribunal correctionnel de CASABLANCA en date du 16 mars 2017 qui visant les termes de l'article 12 du contrat, a reconnu monsieur [K] [M], ès qualité de représentant légal de la société BOYS LOGISTIC coupable du délit d'utilisation de documents commerciaux falsifiés,- décision confirmée par la cour d'appel de CASABLANCA le 20 décembre 2017, et soutient que dès lors les dispositions de l'article 12 du contrat ne peuvent lui être opposées. Elle fait valoir également que la société BOYS LOGISTIC fait une interprétation erronée de l'article 12 du contrat, notamment en ce que ce dernier ne prévoyait pas sur quelle base devait être effectuée la facturation complémentaire, ni une facturation automatique Elle conteste le compte fait par la société BOYS LOGISTIC au titre des kilomètres effectués. A titre subsidiaire et pour le cas où la cour retiendrait qu'elle devrait indemniser la société BOYS LOGISTIC au motif qu'elle aurait manqué à ses obligations contractuelles, elle considère que les dispositions du contrat prévoyant une indemnisation doivent s'analyser comme constituant une clause pénale, et elle demande à la cour de ramener le montant de l'indemnité allouée à zéro euro, au motif que la société BOYS LOGISTIC ne justifie d'aucun préjudice. A titre encore plus subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un expert aux fins d'évaluer le préjudice qui aurait été subi par la société BOYS LOGISTIC.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 février 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société BOYS LOGISTIC demande à la cour de :

- Vu les articles 114 et 115 du Code de procédure civile, ensemble l'article 855 du même code

- Vu l'article 4 du Code de procédure pénale

- Vu les articles 1134 et suivants du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016,

- Vu l'article 1147 du même Code, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016,

- Vu le contrat d'affrètement régulier 11° 001/09 du 06 août 2009

- Vu la mise en demeure du 11 janvier 2016,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 22 mai 2019 en ce qu'il a :

- déclaré valable l'assignation introductive d'instance,

- dit n'y avoir lieu dc surseoir à statuer,

- condamné la société MAGHREB SOLUTIONS aux entiers dépens.

Reformer 1e jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 22 mai 2019 en ce qu'il a :

- condamné la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 578.023,66 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2016,

- condamné la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

STATUANT A NOUVEAU :

-Condamner la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 1.156.047,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2016.

-Condamner la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par celle-ci et la résistance abusive de la société MAGHREB SOLUTIONS dans le paiement des factures dues, outre son attitude procédurale purement dilatoire.

-La condamner au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

-Débouter la société MAGHREB SOLUTIONS de l'ensenble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

-Condamner la société MAGHREB SOLUTIONS aux entiers dépens dc 1'instance distraits au profit de la SCP Paul et Joseph MAGNAN, par le ministère de Maitre Joseph MAGNAN, sur son affirmation de droits.

La société BOYS LOGISTIC fait notamment valoir l'historique des relations contractuelles entre les deux sociétés dès avant la signature du contrat du 6 août 2009, relève que monsieur [X] a signé des contrats depuis 2008, que l'article 12 du contrat litigieux est le résultat de négociations fournies qui se sont déroulées entre les deux sociétés. Elle considère que la procédure pénale initiée en France qui vise monsieur [X] ne la concerne pas, que les procédures pénales engagées sont exclusivement basées sur deux témoignages de circonstances de deux anciens salariés de la société BOYS LOGISTIC, lesquels sont contredits par d'autres témoignages. Elle indique que sur le fondement de l'article 12 du contrat litigieux, la société MAGHREB SOLUTIONS a d'ores et déjà fait l'objet d'une première condamnation par le tribunal de commerce de Marseille le 25 février 2013 et que sa décision a été confirmée par la cour d'appel de céans par arrêt du 19 novembre 2015. Elle soutient que l'article 12 du contrat ne peut être regardé comme une clause pénale, qu'il tend seulement à assurer le paiement de la totalité du prix convenu pour la durée du contrat, que la société MAGHREB SOLUTIONS s'étant engagée de manière claire et non équivoque sur un volume de facturation par an, et non à sanctionner l'inexécution d'une obligation.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 803 du code de procédure civile énonce que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

L'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent, les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Au cas présent, aucune cause grave n'est invoquée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture en date du 1er septembre 2022, les conclusions de la société BOYS LOGISTIC notifiées par RPVA le 21 septembre 2022, soit après la clôture étant rejetées, de même que la pièce n° 28 communiquée après clôture.

Sur la nullité de l'assignation

Aux termes de l'article 855 du code de procédure civile, l'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par l'article 56 :

1° les lieux jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée,

2° si le demandeur réside à l'étranger, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui il élit domicile en France.

Aux termes de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause d'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, s'il est constant que la société BOYS LOGISTIC n'a pas fait élection de domicile en France, la société MAGHREB SOLUTIONS ne rapporte pas la preuve d'un grief effectif que lui aurait causé l'absence d'élection de domicile en France.

Ce moyen sera rejeté.

Sur la demande en paiement

- Sur la fraude

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La société MAGHREB SOLUTIONS oppose à la demande en paiement le principe selon lequel la fraude corrompt tout, et soutient que la preuve du caractère frauduleux du contrat ressort de la condamnation du tribunal de première instance de CASABLANCA en date du 26 février 2020 confirmée par la cour d'appel de CASABLANCA par arrêt du 8 juin 2021, qui a retenu que le représentant légal de la société BOYS LOGISTIC, société de droit marocain, avait commis le délit d'utilisation de documents commerciaux falsifiés et de « faux moral » au moyen de l'article 12 du contrat du 6 août 2009.

Il sera observé que deux plaintes avaient été déposées précédemment au Maroc, la première a fait l'objet d'une irrecevabilité pour prescription par jugement du 16 mars 2017 du tribunal de première instance de CASABLANCA, confirmé par arrêt du 20 décembre 2017, la seconde a été déclarée irrecevable par jugement du 4 avril 2018, la cour d'appel de CASABLANCA prenant acte du désistement de la société MAGHREB SOLUTIONS par arrêt du 11 octobre 2018. Les décisions visées plus haut, de nature pénale, rendues par des juridictions étrangères n'ont pas autorité de chose jugée sur le plan civil en France. Il sera relevé que la société MAGHREB SOLUTIONS a été indemnisée au terme de ces décisions par l'allocation de la somme de 100.000 dirhams. Par ailleurs, la plainte déposée en France par la société MAGHREB SOLUTIONS, pour des faits identiques, le 17 mars 2016 aurait fait l'objet d'un classement sans suite, selon la plaignante elle-même, et le contenu de la nouvelle plainte déposée avec constitution de partie civile n'est pas versé aux débats.

Par arrêt définitif du 19 novembre 2015, la cour de céans a confirmé la décision du tribunal de commerce de Marseille du 25 février 2013, - ces juridictions retenant que monsieur [X], directeur de l'établissement de la société MAGHREB SOLUTIONS sis à [Localité 2] (Gironde) était habilité à représenter la société MAGHREB SOLUTIONS pour la signature du contrat litigieux.

Au regard de la carence de la société MAGHREB SOLUTIONS dans la charge de la preuve qui lui incombe, de ce qu'elle aurait été abusée par son salarié, responsable de l'agence de [Localité 1] et signataire du contrat, ce moyen ne sera pas retenu.

- Sur l'application des termes du contrat et la demande de modération de la somme réclamée

En application de l'article 1134, alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016 alors applicable, les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l'article 1156 ancien du code civil, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Aux termes de l'article 1353 ancien du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il est précisé que la preuve peut être faite par tous moyens entre commerçants ou à l'égard des commerçants en application des dispositions de l'article L.110-3 du code de commerce.

Aux termes de l'article 1152 ancien du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

La clause pénale est conçue comme une évaluation forfaitaire et par avance des éventuels dommages-intérêts dus en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle.

Au cas présent, le préambule du contrat en date du 6 août 2009 énonce :

« Que le donneur d'ordre dispose de trafics routiers dont il ne peut assurer la réalisation par ses propres moyens et qu'en conséquence, il recherche un sous-traitant capable de lui fournir une solution de remplacement dans la stricte observance des lois et règlements

Que le transporteur affrété de son côté, cherche à s'assurer une activité régulière dans le cadre d'une sous-traitance de longue durée, avec une garantie de rémunération. »

L'article 12 « REMUNERATION » prévoit que :

« (..) Le transporteur affrété, en accord avec la société Maghreb Solutions [Localité 1], propose une rémunération de ses prestations calculée suivant la formule suivante :

0.80 euros par kilomètre résultant des déplacements en charge et à vide, nets tous frais inclus avec un chauffeur,

0.84 euros par kilomètre résultant des déplacements en charge et à vide, nets tous frais inclus avec deux chauffeur,

(')

Le donneur d'ordre s'engage sur un minimum de kms par an et par camion :

- 3 camions avec un forfait minimum de 200.000 kms par an et par tracteur,

- 2 camions avec un forfait minimum de 160 000 kms par an et par tracteur

Un point sera fait chaque fin d'année afin d'effectuer ou pas une facture complémentaire. Tout Km au-delà du forfait sera réglé au prix réglementaire ».

Il s'infère de ces dispositions, ainsi que l'a, à juste titre retenu le tribunal de commerce, que la société MAGHREB SOLUTIONS s'est engagée à faire réaliser à la société BOYS LOGISTIC un certain nombre de kilomètres par an et par camion mis à sa disposition, et que faute d'avoir atteint cet objectif minimum, cette dernière est fondée à facturer la différence entre les kilomètres accomplis et le minimum contractuellement prévu sur la base du tarif contractuellement convenu entre les parties.

La société BOYS LOGISTIC sollicite à ce titre le paiement de trois factures :

- 129/2012 pour la période 6/8/2011 au 6/8/2012

- 102/2013 pour la période 6/8/2012 au 6/8/2013,

- 80 /2014 pour la période 6 /8 /2013 au 6 /8 /2014,

Pour la somme totale de 1 156 047,32 euros.

Le montant de ces factures est contesté par la société MAGHREB SOLUTIONS qui verse aux débats une attestation de monsieur [F] [W], expert- comptable et commissaire aux comptes, de laquelle il ressort que la société BOYS LOGISTIC a sous-estimé le nombre de kilomètres effectués et facturés et aurait ainsi établi des factures de régularisation se trouvant ainsi corrélativement augmentées de manière erronée. Pour autant la société MAGHREB SOLUTIONS ne précise pas les montants correspondants. La société BOYS LOGISTIC n'a pas formulé d'observations sur ce point.

L'article 12 du contrat peut être assimilé à une clause pénale en ce qu'il évalue forfaitairement et d'avance le montant dû en cas de non-respect du forfait minimum de kilomètres. Elle présente ainsi un caractère indemnitaire et un caractère comminatoire en ce qu'elle est fixée à un montant bien supérieur à celui du dommage prévisible, et constitue ainsi un moyen de pression sur le débiteur ainsi incité à l'exécuter ; la société MAGHREB SOLUTIONS relève de manière pertinente que la somme en résultant est égale au chiffre d'affaires que la société BOYS LOGISTIC aurait pu réaliser et non au manque à gagner égal à la marge brute qu'aurait dégagé la société BOYS LOGISTIC au cours de la période considérée si elle avait parcouru la totalité de la distance définie au contrat.

Ainsi en application des dispositions précitées, c'est à juste titre que les premiers juges ont révisé cette clause pénale présentant un caractère excessif.

La mesure de la réduction est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond, étant précisé que cette réduction doit se faire dans une marge qui se situe entre le montant initialement convenu et le montant du préjudice, le juge n'ayant, cependant, pas l'obligation de ramener le montant de la clause à celui du dommage (Cass. com., 23 janv. 1979 : Bull. civ. IV, n° 30).

Au cas présent, si la société BOYS LOGISTIC fait état de ce qu'elle a réalisé des investissements en matériel pour respecter ses engagements contractuels et mettre à disposition exclusive de la société MAGHREB SOLUTIONS cinq véhicules et a procédé à l'embauche de personnel et verse aux débats ses comptes, elle ne justifie pas que les véhicules et le personnel correspondant aient été mis à la disposition exclusive de la société MAGHREB SOLUTIONS pendant toute la période considérée, ni que ses difficultés de paiement dans le règlement des factures de la société TOTAL soient exclusivement la conséquence du non-respect du forfait prévu contractuellement.

Au regard des éléments versés aux débats par les parties, il échet de réduire la clause pénale à la somme de  280.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2016, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, le juge n'ayant pas à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'exercice du droit d'ester en justice ou d'interjeter appel constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvait donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.

L'intimée sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de caractériser un tel comportement de l'appelante, et faute d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.

Elle sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le règlement des factures et de sa demande au titre d'un préjudice moral qu'elle ne caractérise pas.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La société MAGHREB SOLUTIONS, partie perdante est condamnée à payer à la société BOYS LOGSTIC une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 22 mai 2019, en ce qu'il a condamné la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 578 023,66 euros en principal avec intérêt au taux légal à compter du 11 janvier 2016, et celle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, et le confirme pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU DES CHEFS INFIRMES,

- CONDAMNE la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC la somme de 280.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2016

- DEBOUTE la société BOYS LOGISTIC de sa demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

- CONDAMNE la société MAGHREB SOLUTIONS à payer à la société BOYS LOGISTIC une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

- CONDAMNE la société MAGHREB SOLUTIONS aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/08870
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;19.08870 ?
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