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03/11/2022 | FRANCE | N°18/19702

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 03 novembre 2022, 18/19702


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2022



N° 2022/

CM/FP-D











Rôle N° RG 18/19702 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDPLY







SARL AXE TRANS SUD





C/



[I] [N]

























Copie exécutoire délivrée

le :

03 NOVEMBRE 2022



à :

Me Laurent-attilio SCIACQUA, avocat au barreau de MARS

EILLE



Me Céline ALINOT, avocat au barreau de NICE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 29 Octobre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00627.





APPELANTE



SARL AXE TR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 03 NOVEMBRE 2022

N° 2022/

CM/FP-D

Rôle N° RG 18/19702 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDPLY

SARL AXE TRANS SUD

C/

[I] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

03 NOVEMBRE 2022

à :

Me Laurent-attilio SCIACQUA, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Céline ALINOT, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 29 Octobre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00627.

APPELANTE

SARL AXE TRANS SUD Prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Laurent-attilio SCIACQUA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [I] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Céline ALINOT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] a été embauché en qualité de chauffeur livreur par la société Axe trans sud selon contrat à durée déterminée du 7 juillet 2015, suivi d'un contrat à durée indéterminée du 1er août 2015.

Par courrier du 9 juin 2017, M. [N] a été convoqué un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 19 juin 2017.

Il a été licencié pour faute grave selon courrier du 22 juin 2017.

Contestant son licenciement, M. [N] a, le 12 juillet 2017, saisi le conseil de prud'hommes de Nice aux fins de voir condamner la société Axe trans sud à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour non-respect de la procédure, l'indemnité légale de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il demandait également la remise des documents de fin de contrat outre des bulletins de salaire de juin 2017 rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par jugement du 29 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Nice a :

requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

condamné la société Axe trans sud à verser à M. [N] les sommes suivantes :

1850,53 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement,

690,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

3701,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 370,10 euros au titre des congés payés y afférents,

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné la remise des documents sociaux rectifiés,

débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

condamné la société Axe trans sud aux dépens.

Par déclaration électronique de son avocat au greffe de la cour le 13 décembre 2018, la société Axe trans sud a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 17 novembre 2018, en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes ci-dessus rappelées, en ce qu'il a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés, en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes, fins et conclusions et condamné la société Axe trans sud aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 8 mars 2019, la société Axe trans sud a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau de :

dire que le licenciement de M. [N] pour faute grave est justifié,

dire que la procédure de licenciement a été respectée,

rejeter les demandes formulées par M. [N],

condamner la société Axe trans sud à payer à Monsieur la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon conclusions remises au greffe de la cour le 14 avril 2019, M. [N] a demandé à la cour de :

voir requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence,

condamner la société Axe trans sud à lui verser les sommes de :

1850,53 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement,

10'876,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

725,10 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

1812,75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 181,27 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents,

2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2021.

Par conclusions remises au greffe de la cour le 28 septembre 2021, M. [N] a demandé à la cour de :

ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture,

confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Axe trans sud à lui payer les sommes de 1850,53 euros pour non-respect de la procédure de licenciement, 3701,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 690,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 778,01 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents, 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de :

requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la société Axe trans sud à lui verser les sommes de :

10'876,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens distraits au profit de Maître Céline Alinot.

Par arrêt avant-dire-droit du 25 novembre 2021, la cour a, relevant d'office l'absence de saisine de l'appel incident et l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé au motif que ses conclusions du 14 avril 2019, ne mentionnent pas de demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande tendant à dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et qu'en application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, l'appel incident formé par les conclusions postérieures du 28 septembre 2021 ne semble pas plus recevable :

ordonné la réouverture des débats,

révoqué l'ordonnance de clôture du 27 septembre 2021,

renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du lundi 7 février 2022,

enjoint à l'avocat de l'intimé de conclure sur incident avant le 25 décembre 2021 et à celui de l'appelant de conclure avant le 25 janvier 2022 sur la saisine de la cour d'un appel incident par conclusions du 14 avril 2019 et sur la recevabilité de l'appel incident par conclusions du 28 septembre 2021 ;

dit que la signification du présent arrêt par la partie la plus diligente vaudra convocation à l'audience d'incident.

Par ordonnance du 5 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :

déclaré recevables les conclusions de l'intimé du 14 avril 2019 et du 28 septembre 2021 ;

déclaré irrecevable l'appel incident formé par M.[N] selon conclusions du 28 septembre 2021 ;

déclaré irrecevables les demandes de l'intimé tendant à déclarer nulle et caduque la déclaration d'appel du 13 décembre 2018 ;

dit qu'il ne rentre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état d'apprécier la dévolution de l'appel, de dire que la cour n'est saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel du 13 décembre 2018 et par voie de conséquence de statuer sur le surplus des demandes subsidiaires de l'intimé ;

rejeté toute autres demandes ;

dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux au fond ;

dit que l'affaire sera examinée au fond à l'audience du 12 septembre 2022 à 9 heures, la présente ordonnance valant convocation ;

dit que l'ordonnance de clôture interviendra le 29 août 2022.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 26 juillet 2022, la société Axe Trans sud demande à la cour de :

juger que la déclaration d'appel qu'elle a formée a bien porté dévolution de l'appel,

infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

juger que la démonstration des faits reprochés est faite,

juger que ces faits ne sont pas prescrits et que la procédure disciplinaire a été régulièrement appliquée,

constater que M.[N] a commis une faute grave dans l'exécution de son contrat de travail,

juger que les manquements reprochés à M.[N] sont démontrés et caractérisent la faute grave qui lui est reprochée ;

juger que le licenciement de M.[N] est parfaitement justifié,

juger que la procédure de licenciement a été parfaitement respectée,

rejeter l'ensemble des demandes de M.[N],

condamner la société Axe Trans sud à payer à M.[N] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens (sic).

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 mai 2022, M.[N] demande à la cour de :

juger que l'effet dévolutif n'a pas opéré,

en conséquence,

voir la cour se déclarer non saisie des demandes de la société Axe Trans sud,

à titre subsidiaire,

voir requalifier le licenciement opéré en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

voir condamner la société Axe Trans sud à lui verser les sommes suivantes :

1850,53 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

3701,0 6 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 370,01 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents,

690,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

10.876,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens distraits au profit de Maître Céline Alinot sur sa due affirmation de droit.

La clôture des débats a été ordonnée le 29 août 2022 et l'affaire a été évoquée à l'audience du

12 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la saisine de la cour

M.[N] soutient que l'appel principal formé par la société Axe Trans sud visant une annexe ne comporte aucun des chefs du jugement critiqué, sans qu'il soit allégué d'un empêchement technique particulier pour renseigner la déclaration, en sorte que par application des articles 562 et 901 du code de procédure civile au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2022, la dévolution n'a pas opéré. Il considère que les dispositions de l'article 901 modifiées par le décret du 25 février 2022 ne sont pas de nature à modifier la jurisprudence citée, 'le cas échéant' devant s'interpréter comme pour le cas où une annexe serait nécessaire compte tenu du nombre de mots que le RPVA ne pouvait contenir.

La société Axe Trans sud estime quant à elle que la cour est saisie par l'annexe, faisant valoir que le décret du 25 février 2022 qui est venu modifier l'article 901 alinéa 1 du code de procédure civile et l'arrêté du 25 février 2022 sont d'application immédiate aux instances en cours et que ces nouvelles dispositions avaient pour but de mettre à néant la portée de la jurisprudence invoquée.

Elle ajoute qu'il ressort de l'avis de la Cour de cassation du 8 juillet 2022 que l'article 901 doit dorénavant être interprété comme permettant la jonction à la déclaration d'appel d'une annexe

faisant corps avec elle.

Au regard de l'avis n°22-70005, de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation que la cour reprend à son compte :

Les nouvelles dispositions issues

- d'une part du décret du 25 février 2022 qui a modifié l'article 901, 4°, du code de procédure civile en tant qu'il prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « , comportant le cas échéant une annexe, » et dont l'article 6 du décret précise que cette disposition est applicable aux instances en cours, et

- d'autre part de l'arrêté du 25 février 20222 qui a modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, prévoyant en son article 3 qu'il entre en vigueur le lendemain de sa publication et qu'il est applicable aux instances en cours,

régissent dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ;

Une interprétation téléologique du décret aboutit à considérer que l'ajout de l'expression 'le cas échéant' au sein de l'article 901 vise à permettre l'usage de l'annexe, même en l'absence d'empêchement technique ; une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.

Il s'ensuit que la déclaration d'appel mentionnant 'appel en cas d'objet du litige indivisible Appel général cf annexe DA art.901 CPC' à laquelle est jointe une annexe mentionnant les chefs critiqués du jugement en ce qu'il a :

condamné la société Axe trans sud à verser à M. [N] les sommes suivantes :

1850,53 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement,

690,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

3701,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 370,10 euros au titre des congés payés y afférents,

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné la remise des documents sociaux rectifiés,

débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

condamné la société Axe trans sud aux dépens ;

a opéré dévolution et ainsi saisi la cour de ces chefs et de ceux qui en dépendent.

La contestation portant sur la condamnation de la société aux indemnités de rupture dans le cadre d'un licenciement pour faute grave requalifié en licenciement pour faute simple par le conseil de prud'hommes est indivisible de la faute grave et la cour en est également saisie.

Sur la rupture du contrat de travail

1/Sur la cause du licenciement

La société conteste le jugement entrepris en faisant valoir que les faits qui sont reprochés au salarié sont établis et constituent une faute grave, déniant toute prescription des faits fautifs. Elle ajoute qu'en effectuant un aller-retour entre son domicile à [Localité 6] et [Localité 3], au milieu de la nuit, le salarié faisait courir un grave danger pour lui-même et les autres usagers de la route, manquant ainsi à son obligation de sécurité.

Le salarié conteste toute faute grave en faisant valoir qu'en repos, il pouvait passer la nuit du 7 au 8 juin à son domicile, que l'aller-retour à son domicile n'a eu aucune répercussion sur le fonctionnement normal de l'entreprise. Il dénie également avoir commis la moindre faute en faisant valoir qu'il n'a pas utilisé le véhicule de service à des fins personnelles mais que l'aller-retour [Localité 3]/ [Localité 6] est un trajet domicile-travail, au cours duquel le véhicule de service peut être utilisé et devant être comptabilisé comme du temps de travail selon un arrêt du 12 janvier 2016. Il précise que la réservation de la chambre d'hôtel pour la nuit litigieuse ne lui était pas affectée nominativement puisque 4 salariés étaient en traction cette nuit là à [Localité 3] et que l'occupation maximale est de trois personnes, ce qui l'aurait obligé à dormir dans son camion en contravention à la réglementation CEE qui interdit aux chauffeurs routiers de dormir dans leurs camions. Il soutient en conséquence sur l'utilisation du véhicule de service pour les trajets domicile-point de traction que ceux-ci sont nécessairement à des fins professionnelles et qu'il était alors en droit d'utiliser le badge de péage et la carte essence de la société. Il estime que la démarche de l'employeur qui tente de se prévaloir d'un éventuel accident qu'il aurait pu causer est déloyale et qu'il n'a manifestement pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de son salarié en mettant en place une organisation et des moyens adaptés.

Aux termes de la lettre de licenciement du 22 juin 2017 qui fixe les limite du litige, il est reproché au salarié les faits suivants:

' ... nous entendons en conséquence vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Nous avons été informés le 8 juin 2017 que vous n'aviez pas respecté les directives qui vous étaient données en matière de déplacement et de découcher.

En effet, dans la nuit du 7 au 8 juin 2017, alors que vous étiez affectés à la ligne de traction [Localité 2] ' [Localité 4] ' [Localité 2], vous êtes parti à 17h30 le soir de [Localité 4] pour charger chez DHL [Localité 4] avec une livraison prévue à DHL [Localité 3] dans la foulée.

Vous êtes arrivés sur le site de DHL [Localité 3] le soir à 22 heures. Vous avez rechargé chez DHL [Localité 3] le 8 juin 2017 à 4h30 pour une livraison prévue chez DHL [Localité 4] à 9 heures.

De 22 heures à 4h30 vous êtes en repos, et vous pouvez vaquer librement à vos occupations. À ce titre nous vous mettons à disposition une chambre d'hôtel sur [Localité 2].

Cependant vous avez pris l'initiative de rentrer chez vous à [Localité 6], en utilisant le véhicule de la société, ce qui est formellement interdit. De plus nous avons constaté que vous avez utilisé pour ce faire le badge autoroute de la société est fait supporter les frais de péage à la société.

Le coût de cet aller-retour pour vous rendre à votre domicile a été de 80 euros de carburant et 53 euros TTC de péages.

Il s'agit d'une violation manifeste procédure applicable chez ATS et dont vous étiez parfaitement au fait.

Ces faits constituent un manquement grave, tant à vos obligations contractuelles au règlement intérieur de notre société et constitue une violation des directives qui vous sont données et des procédures applicables. De plus ils ont causé un préjudice financier conséquent à l'entreprise.

Ces faits sont d'autant plus graves que des faits similaires ont déjà donné lieu à sanction sans que vous ne modifiiez votre comportement.

Ainsi nous avons eu déjà à vous adresser une sanction disciplinaire pour n'avoir pas respecté les procédures en vigueur au sein de notre société, le 26 juillet 2016.

Nous vous avons également notifié une sanction disciplinaire le 9 novembre 2016 pour n'avoir pas respecté les directives qui vous étaient données, notamment dans le comportement à adopter auprès de nos clients.

Malgré ces sanctions nous devons déplorer la persistance de votre comportement fautif.

L'ensemble de ces faits constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles et professionnelles. Ils ont par ailleurs fait encourir un risque financier à notre entreprise.

Les conséquences immédiates de votre comportement rendre impossible la poursuite de votre activité au service de notre entreprise, même pendant un préavis.

Votre contrat de travail prend fin à la date de la présente la faute grave à vous reprocher étant privative de toute indemnité de préavis, hors l'indemnité compensatrice de congés payés''

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le grief avancé par l'employeur tenant au manquement du salarié à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu n'est pas énoncé dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, en sorte qu'il ne peut en être tenu compte.

Il est constant et établi que le salarié est rentré chez lui à [Localité 6], en utilisant le véhicule de la société, a utilisé à cette fin le badge autoroute de la société et que le coût de cet aller-retour pour se rendre à son domicile a été de 80 euros de carburant et 53 euros TTC de péages.

L'employeur démontre qu'il avait loué une chambre d'hôtel à [Localité 7] pour permettre au salarié de prendre son repos. Ce dernier n'apporte aucun élément prouvant ses allégations selon lesquelles il y avait déjà trois salariés occupant la chambre d'hôtel, justifiant un retour à son domicile personnel et selon lesquelles l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne mettant pas en place une organisation adaptée.

Aux termes du contrat de travail, il est prévu que :

- pour les besoins du service, la société confie à l'employé un véhicule, propriété de l'entreprise et que la mise à disposition de ce véhicule est faite exclusivement en vue d'une utilisation professionnelle et que compte tenu de la responsabilité encourue par la société, le non-respect de ces dispositions pourra entraîner la rupture immédiate du contrat de travail ;

- l'employé s'engage à observer toutes les instructions et consignes de travail définies par la direction de la société.

Il n'y est aucunement stipulé la possibilité d'une utilisation du véhicule à des fins personnelles notamment lors du trajet domicile /travail mais une utilisation exclusivement professionnelle, en sorte que le moyen selon lequel il avait la possibilité d'utiliser le véhicule de service pour le trajet domicile/travail sera rejeté.

Si le salarié pouvait vaquer librement à ses occupations pendant ce temps de repos entre la fin de la première traction et le début de la seconde, de 22h et 4h30, l'utilisation du véhicule de service pendant le temps de repos pour se rendre à son domicile personnel, a été effectuée à des fins personnelles en violation des dispositions contractuelles et en faisant supporter à la société les frais de carburant et de péages liés à ce déplacement personnel caractérisant un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, qui compte tenu des deux précédents avertissements des 26 juillet et 9 novembre 2016 infligés pour non respect des procédures, caractérisent une violation des obligations issues du contrat de travail d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien dans l'entreprise, constitutive d'une faute grave et privative des indemnités de rupture. Le salarié sera en conséquence débouté de ses demandes au titre des indemnités de rupture.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamné la société Axe Trans sud à verser au salarié les sommes de 690,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 3701,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 370,10 euros au titre des congés payés y afférents.

2/ Sur la procédure de licenciement

Pour contester le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, la société soutient que le courrier de convocation à l'entretien préalable daté du 9 juin 2017 a été posté le 12 juin 2017 pour un entretien préalable prévu le 19 juin 2019 soit 7 jours plus tard, respectant les dispositions de l'article L.1232-2 du code du travail.

Il résulte des dispositions de l'article L.1232-2 du code du travail, que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'occurrence, la lettre recommandée de convocation à l'entretien préalable prévu le 19 juin 2017 a été présentée au salarié le 16 juin 2017, en sorte que le délai prévu par l'article L.1232-2 du code du travail n'a pas été respecté.

Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, en l'occurrence constitutive d'une faute grave, le salarié a droit en application des dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société au paiement d'une indemnité de 1.850,53 euros représentant un mois de salaire.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la décision, il n'y a pas lieu à remise de documents sociaux rectifiés.

Il convient de rappeler que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut.

Les créances indemnitaires produiront intérêt à compter du jugement qui y a fait droit dans la mesure de leur confirmation par la cour.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société succombant même partiellement sera condamnée aux entiers dépens de l'appel et de première instance. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier le salarié de ces mêmes dispositions et de condamner la société à lui verser une indemnité à ce titre et de condamner la société à lui verser une indemnité complémentaire de 2 000 euros.

Le jugement entrepris sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance.

La représentation par ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la présente juridiction statuant en matière prud'homale, il n'y a pas lieu à distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile. La demande de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;

Dit que la déclaration d'appel principal formé par la société Axe Trans sud a opéré dévolution ;

Dans la limite de la dévolution,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axe Trans sud au paiement d'une indemnité de 1.850,53 euros pour non-respect de la procédure de licenciement et d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamné la société Axe trans sud à verser à M. [N] les sommes suivantes : 690,36 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 3701,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 370,10 euros au titre des congés payés y afférents, en ce qu'il a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave ;

Déboute M.[N] de ses demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférente et de sa demande d'indemnité légale de licenciement ;

Y ajoutant,

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Rappelle que les créances indemnitaires produiront intérêt à compter du jugement qui y a fait droit dans la limite de leur confirmation par la cour ;

Condamne la société Axe Trans sud à verser à M.[N] une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de distraction au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne aux entiers dépens de l'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 18/19702
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;18.19702 ?
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