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28/10/2022 | FRANCE | N°22/00157

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 ho, 28 octobre 2022, 22/00157


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO





ORDONNANCE

DU 27 OCTOBRE 2022



N° 2022/0157







Rôle N° RG 22/00157 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKG3B







[P] [E]





C/



LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE (ARS)

LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]

LA PROCUREURE GENERALE

































Copie délivrée :r>
par courriel

le : 28 Octobre 2022

- au Ministère Public

- JLD-HO-Marseille

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

-Le préfet













Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 11 octobre 2022 enregistrée au ré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO

ORDONNANCE

DU 27 OCTOBRE 2022

N° 2022/0157

Rôle N° RG 22/00157 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKG3B

[P] [E]

C/

LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE (ARS)

LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]

LA PROCUREURE GENERALE

Copie délivrée :

par courriel

le : 28 Octobre 2022

- au Ministère Public

- JLD-HO-Marseille

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

-Le préfet

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 11 octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n°22/1299.

APPELANT

Monsieur [P] [E] (personne faisant l'objet des soins)

né le 17 Janvier 1986 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1] actuellement hospitalisé au centre hospitalier [3],

comparant en personne, assisté de Me Pauline RHENTER, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIME

Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE (ARS)

[Adresse 4]

non comparant et non représenté

ETABLISSEMENT D'HOSPITALISATION

Monsieur LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]

[Adresse 2]

non comparant et non représenté

PARTIE JOINTE

Madame LA PROCUREURE GENERALE

COUR D'APPEL - PALAIS MONCLAR - 13100 AIX- EN-PROVENCE

non comparante, ayant déposé des réquisitions écrites communiquées aux parties

*-*-*-*-*

DÉBATS

L'affaire a été débattue le 27 octobre 2022, en audience publique, devant Madame Véronique NOCLAIN, présidente déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,

Greffière lors des débats : Madame Michèle LELONG,

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2022.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2022.

Signée par Madame Véronique NOCLAIN, présidente, et Madame Michèle LELONG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,

***

Par arrêté du 21 juillet 2014, le Préfet des Bouches du Rhône a ordonné l'hospitalisation de monsieur [P] [E] au Centre Hospitalier Spécialisé [3].

Par arrêté du 26 août 2014, le Préfet du Vaucluse a ordonné l'admission en transfert pour malades difficiles de monsieur [P] [E] au Centre hospitalier [7].

Par arrêt du 17 juin 2015, la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré monsieur [P] [E] pénalement irresponsable des faits d'homicide qui lui étaient reprochés et prononcé son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète conformément à l'article 706-135 du code de procédure pénale.

Par arrêté du 7 septembre 2016, le Préfet du Vaucluse a ordonné la réintégration en soins psychiatriques dans son département d'origine de monsieur [P] [E] au Centre Hospitalier Spécialisé [3].

Le 10 mai 2017, monsieur [P] [E] a bénéficié d'une prise en charge en hôpital de jour puis a fait l'objet d'une nouvelle hospitalisation complète le 8 avril 2019 dans le cadre des articles L.3213-1 et suivants du code de la santé publique au vu d'un certificat médical daté du même jour du docteur [T] [L], psychiatre participant à sa prise en charge, et qui a fait état d'une décompensation dans le cadre d'un contexte de rupture de traitement lors d'un voyage en famille en Algérie.

Par ordonnance du 19 avril 2019, le juge de la détention et des libertés du tribunal de grande instance e Marseille a ordonné la main-levée de l'hospitalisation complète de monsieur [P] [E] ; après appel du ministère public, cette décision a été infirmée par ordonnance du 26 avril 2019 du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Le 16 mai 2019, un avis suite à une évaluation approfondie de l'état mental du patient par le collège au visa de l'article L.3213-7 du code de la santé publique est pris, le collège étant alors composé par le docteur [W] [A], praticien hospitalier participant directement à la prise en charge du patient, le docteur [Y] [S], praticien hospitalier ne participant pas de façon habituelle à cette prise en charge et madame [G] [N], cadre de santé, participant à la prise en charge. Le collège a relaté dans cet avis l'historique du suivi de monsieur [P] [E] depuis 2013, les progrès constatés dans le cadre de ce suivi, monsieur [P] [E] ayant pu être régulier dans les soins, participer à une vie familiale et se montrer motivé dans des démarches de réinsertion professionnelle; le collège a toutefois noté une dégradation du comportement du patient à la faveur d'un séjour familial en Algérie en avril 2019, a précisé qu'une hospitalisation avait été nécessaire suite à cet épisode et que monsieur [P] [E] ayant de nouveau était adhérent aux soins et stabilisé, il était de nouveau possible de reprendre un suivi ambulatoire au CMP avec hospitalisations si décompensation et réinsertion professionnelle au CR [5].

Monsieur [P] [E] a bénéficié d'un programme de soins jusqu'au 30 septembre 2022, date d'un arrêté portant réintégration en hospitalisation complète.

Le 30 septembre 2022, le docteur [J] [V] indique par avis pour demande de réintégration que monsieur [P] [E] présente une décompensation de sa psychose chronique dans le cadre d'une probable rupture de traitement au cours de son voyage en Algérie, que sa famille rapporte un état délirant avec thématique persécutoire et d'hallucinations visuelles (personnes avec des sabres dans la rue), ce qui constitue une situation similaire à ce qui avait conduit au passage à l'acte précédent, que monsieur [P] [E] est actuellement errant en Algérie et serait de retour de voyage le 1er octobre 2022 et que son état nécessite une réévaluation et une prise en charge médicale en hospitalisation.

Monsieur [P] [E] a été récupéré le 1er octobre 2022 à l'aéroport de Marseille en présence des forces de l'ordre et conduit à l'hôpital [3]; un avis du docteur [I] [U] du 1er octobre 2022 relate qu'il a verbalisé des idées délirantes de persécution avec déni total des troubles mais a accepté de prendre un traitement , a nié avoir arrêté son traitement par clozapine et accepté de réintégrer la chambre d'isolement thérapeutique pour surveillance et observation de son état clinique.

Par requête du 5 octobre 2022, le Préfet des Bouches-du Rhône a saisi le juge des libertés du tribunal judiciaire de Marseille en vertu des dispositions de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique aux fins de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète décidée conformément aux articles L.3213-1 et suivants du code de la santé publique (contrôle obligatoire).

Le docteur [F] [C] a, par avis du 7 octobre 2022, contre-indiqué l'audition du patient par le juge des libertés et de la détention; elle a fait état dans son avis d'une rupture de soins depuis plusieurs mois, précisé que le patient présentait un état de tension interne majeure avec vécu persécutoire, méfiance pathologique, syndrôme délirant avec vécu de menace imminent et interprétations délirantes. Elle a ajouté que cet état rendait monsieur [P] [E] inaccessible à la réassurance et au lien thérapeutique , que l'intéressé présentait une instabilité et une impulsivité nette avec menaces d'hétéro-agressivité envers les soignants ainsi qu'une opposition aux soins indiquant la reprise ses soins en chambre d'isolement et que les soins psychiatriques étaient justifiés et à maintenir sous la forme d'une hospitalisation complète.

Par décision du 11 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté les nullités soulevées par l'avocat du patient et dit que les soins psychiatriques dont monsieur [P] [E] faisait l'objet se poursuivront sous la forme de l'hospitalisation complète.

Monsieur [P] [E] a interjeté appel de cette décision par courrier daté du 19 octobre 2022 reçu le 24 octobre 2022.

Le ministère public a sollicité la confirmation de la décision déférée.

Monsieur [P] [E] a été entendu et maintenu son appel. Il a précisé qu'il ne souhaitait pas sortir dans l'immédiat de l'hôpital mais dans 2 ou 3 semaines, qu'à son retour d'Algérie où il avait 'fait la fête' et omis de prendre son traitement, il avait accepté de suivre les infirmiers pour rejoindre l'hôpital et était capable de solliciter lui-même son hospitalisation et qu'il avait été en quelque sorte choqué que cette décision soit finalement prise par le Préfet alors qu'il se sentait parfaitement en capacité de demander cette hospitalisation.

L'avocate de monsieur [P] [E] a indiqué que son client avait un peu changé d'avis quant à sa sortie immédiate de l'hôpital mais qu'elle maintenait toutefois les moyens par elle développés dans ses écritures, à savoir que la décision de réintégration en hospitalisation complète n'était pas bien-fondée faute de démonstration du fait que monsieur [P] [E] est atteint actuellement de troubles mentaux compromettant effectivement la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public; elle a sollicité l'infirmation de la décision déférée, la main-levée de la mesure d'hospitalisation complète, le cas échéant, de différer à 24 heures l'application de cette main-levé en vue de l'élaboration d'un programme de soins et demandé d'admettre monsieur [P] [E] à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la forme

L'appel de monsieur [P] [E] est recevable comme ayant été fait dans le délai légal de 10 jours à compter de sa notification.

Sur le fond

Monsieur [P] [E] a fait l'objet d'une hospitalisation à temps complet sans son consentement au visa des dispositions de l'article L.3213-1 du code de la santé publique qui prévoît qu'une telle mesure se justifie si l'intéressé présente des troubles mentaux qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes et portent atteinte de façon grave à l'orde public.

En l'espèce, le 30 septembre 2022, le docteur [J] [V] indique par avis pour demande de réintégration que monsieur [P] [E] présente une décompensation de sa psychose chronique dans le cadre d'une probable rupture de traitement au cours de son voyage en Algérie, que sa famille rapporte un état délirant avec thématique persécutoire et d'hallucinations visuelles (personnes avec des sabres dans la rue), ce qui constitue une situation similaire à ce qui avait conduit au passage à l'acte précédent, que monsieur [P] [E] est actuellement errant en Algérie et qu'il sera de retour de voyage le 1er octobre 2022 , que son état nécessite une réévaluation et une prise en charge médicale en hospitalisation.

Le 1er octobre 2022, un avis du docteur [I] [U] précise que monsieur [P] [E] a verbalisé des idées délirantes de persécution avec déni total des troubles mais a accepté de prendre un traitement tout en niant avoir arrêté son traitement par clozapine et en acceptant de réintégrer la chambre d'isolement thérapeutique pour surveillance et observation de son état clinique.

Par avis du 7 octobre 2022 , le docteur [F] [C] mentionne une rupture de soins depuis plusieurs mois, précise que le patient présentait un état de tension interne majeure avec vécu persécutoire, méfiance pathologique, syndrôme délirant avec vécu de menace imminent et interprétations délirantes. Elle a ajouté que cet état rendait monsieur [P] [E] inaccessible à la réassurance et au lien thérapeutique , que l'intéressé présentait une instabilité et une impulsivité nette avec menaces d'hétéro-agressivité envers les soignants ainsi qu'une opposition aux soins indiquant la reprise ses soins en chambre d'isolement et que les soins psychiatriques étaient justifiés et à maintenir sous la forme d'une hospitalisation complète. Le docteur [F] [C] a contre-indiqué l'audition du patient par le juge des libertés et de la détention eu égard à son état psychique.

Enfin, le 26 octobre 2022, le docteur [W] [A] précise dans son certificat médical de situation que monsieur [P] [E] présente une évolution de son état clinique par rapport à l'avis médical du 7 octobre 2022, qu'un changement de traitement est en cours, que les éléments interprétatifs et de méfiance initiale s'apaisent progressivement, que le patient est désormais en chambre conventionnelle afin de consolider son amélioration clinique, qu'il repère mieux ses troubles mais que l'adhésion au soin reste fragile, les adaptations thérapeutiques étant en cours; elle précise que les soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat sont justifiés et que l'hospitalisation complète doit être maintenue.

Il résulte de ces divers documents médicaux qu'à son admission en hospitalisation sans consentement le 30 septembre 2022, monsieur [P] [E] présentait un état de décompensation psychique avec hallucinations et propos délirants faisant état de menaces (personnes avec des sabres dans la rue), soit un état similaire à celui par lui traversé en 2014 et qui l'avait conduit à un passage à l'acte homicide; dans ce cadre, il a été relevé que monsieur [P] [E] déniait ses troubles, contestait avoir cessé son traitement et manifestait une grande méfiance à la reprise d'un lien thérapeutique. Il est donc établi que l' état de grand trouble mental dans lequel se trouvait alors le patient nécessitait bien des soins sous forme d'hospitalisation complète eu égard aux précédents ci-dessus rappelés (homicide involontaire en 2014) et au risque d'un nouveau passage à l'acte pouvant porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

Le 7 octobre 2022, le docteur [F] [C] fait état du fait que monsieur [P] [E] exprime des menaces d'hétéro-agressivité envers les soignants, est instable et impulsif au point de que son placement en chambre d'isolement est nécessaire et que son audition par le juge des libertés et de la détention est contre-indiqué Par certificat médical du 26 octobre 2022, le docteur [W] [A] fait état d'une amélioration de l'état du patient mais précise que l'adhésion au soins reste fragile. Ces derniers éléments médicaux témoignent à la fois de la persistance des troubles mentaux précédemment signalés chez monsieur [P] [E] et d'une adhésion fragile aux soins proposés, le patient pouvant au surplus adopter des comportements menaçants pour autrui. Ces éléments caractérisent un état psychique qui nécessite la poursuite de soins psychiatriques et démontrent l'existence d'une pathologie qui peut encore compromettre la sûreté des personnes et porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

La ré-hospitalisation complète de monsieur [P] [E] est donc parfaitement justifiée au regard de ces éléments.

La décision déférée sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire.

Déclarons recevable mais non fondé l'appel formé par Monsieur [P] [E].

Confirmons la décision déférée rendue le 11 octobre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE.

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 ho
Numéro d'arrêt : 22/00157
Date de la décision : 28/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-28;22.00157 ?
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