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27/10/2022 | FRANCE | N°19/07828

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 27 octobre 2022, 19/07828


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 27 OCTOBRE 2022



N° 2022/ 303













N° RG 19/07828 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEION







[J] [H]

SARL OCEAN 24

EURL [J] [H] CONSEIL





C/



SARL BURGER REAL ESTATE

EURL LES TROIS CAPS

SAS BURGER REAL ESTATE FINANCES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : M

e Sandra JUSTON



Me Jean-Michel RENUCCI













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 19 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018003321.





APPELANTES



Madame [J] [H]

de nationalité Française, demeurant [Adres...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 27 OCTOBRE 2022

N° 2022/ 303

N° RG 19/07828 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEION

[J] [H]

SARL OCEAN 24

EURL [J] [H] CONSEIL

C/

SARL BURGER REAL ESTATE

EURL LES TROIS CAPS

SAS BURGER REAL ESTATE FINANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Sandra JUSTON

Me Jean-Michel RENUCCI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 19 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018003321.

APPELANTES

Madame [J] [H]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE, plaidant

SARL OCEAN 24, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE, plaidant

EURL [J] [H] CONSEIL, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMEES

Société CASIR [Localité 4] (anciennement dénommé société COTE D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 4] et encore anciennement Société BURGER REAL ESTATE), dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE, plaidant

Société CASIR [Localité 5] (anciennement dénommé société COTE D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 5] et encore anciennement Société LES TROIS CAPS), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE, plaidant

Société CASIR HOLDING (anciennement dénommé société CÔTE D'AZUR SOTHEBY'S HOLDING et encore anciennement Société BURGER REAL ESTATE FINANCES), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés Les Trois Caps et Burger Real Estate, devenues les sociétés Casir [Localité 5] et Casir [Localité 4], ainsi que la société Mafa exploitent des agences immobilières sur la Côte d'Azur.

Elles ont pour associée unique la société Burger Real Estate Finances devenue Côte d'Azur Sotheby's Holding puis Casir Holding.

Le 30 octobre 2013 la direction générale et commerciale des sociétés Les Trois Caps, Burger Real Estate et Mafa était confiée à la société [J] [H] Conseil, gérée par Mme [H], moyennant une rémunération mensuelle fixe de 9.000 hors taxe, outre un honoraire de 5% du chiffre d'affaires prévu par avenant postérieur du 1° décembre 2015.

Mme [H] était également nommée gérante non associée au sein des sociétés Mafa, Burger Real Estate et Les Trois Caps.

Par ailleurs, trois contrats d'agent commercial étaient signés le 1° janvier 2015 entre Mme [J] [H], agent commercial, d'une part, et les sociétés Les Trois Caps, Burger Real Estate et Mafa d'autre part, aux fins de prospection et transaction de ventes d'appartements, maisons et terrains.

Le 19 juillet 2018, la société holding, invoquant de graves dysfonctionnements dans la gestion des sociétés, et notamment le versement de commissions au profit d'une société dénommée Océan 24, également gérée par Mme [J] [H], sans contrat préalable, a mis fin à ses fonctions de gérante et a mis fin aux contrats d'agent commercial et de direction générale et commerciale.

Mme [H] a dénoncé pour sa part la rupture brutale de ses contrats d'agent commercial et de ses mandats de gestion.

Le 7 septembre 2018 les sociétés Les Trois Caps et Burger Real Estate ont fait assigner Mme [J] [H] et la société Océan 24 devant le tribunal de commerce d'Antibes afin d'obtenir à titre principal le remboursement de commissions considérées comme indues à hauteur de 394.077,60 euros au profit de la société Burger et à hauteur de 100.000 euros au profit de la société Les Trois Caps, outre des dommages et intérêts.

Parallèlement, la société Ocean 24 et Mme [H] ont saisi le même tribunal par acte du 31 octobre 2018 d'une assignation à l'encontre de la société holding Burger Real Estate Finances.

La société Ocean 24 et Mme [H] ont fait intervenir à la procédure la société Burger Real Estate Finances, société holding, ainsi que la société [J] [H] Conseils et ont sollicité à titre reconventionnel le paiement d'honoraires et d'indemnités au titre de la rupture des contrats et mandats signés avec les sociétés du Groupe.

Le tribunal de commerce a ordonné la jonction des affaires.

Par jugement en date du 19 avril 2019, rectifié le 30 avril 2019, le tribunal de commerce d'Antibes a:

-Constaté la jonction de l'affaire portant le numéro RG 2018004249 avec l'affaire principale inscrite sous le numéro RG 2018003321,

-Dit recevable l'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances,

-Dit recevable l'intervention de la société [J] [H] Conseils,

-Débouté les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances de leurs demandes,

-Condamné reconventionnellement la société Burger Real Estate Finances au paiement à la société [J] [H] Conseils de la somme de 185 579 euros, plus intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2018,

-Débouté les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] de leur demande reconventionnelle tendant à la condamnation des sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances au paiement chacune de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mesure vexatoire,

-Débouté les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] de leur demande reconventionnelle tendant à la condamnation des sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances au paiement chacune de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat et mesure vexatoire,

-Débouté les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] de leur demande reconventionnelle tendant à la condamnation solidaire des sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances au paiement de la somme 440 689 euros à titre d'indemnités de rupture des contrats d'agent commercial,

-Ordonné l'exécution provisoire,

-Condamné solidairement les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances à payer à la société Océan 24 et Mme [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

-Rejeté toute autre demande

---------------

Par actes des 13 et 20 mai 2019 les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] ainsi que les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances ont interjeté appel du jugement.

Les affaires ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction le 6 décembre 2019.

---------------

Par conclusions enregistrées le 21 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Océan 24 (SARL), [J] [H] Conseil (EURL) et Mme [J] [H] font valoir que :

-le tribunal de commerce a justement débouté les sociétés du groupe de leur demande tendant à condamner Mme [H] et ses sociétés en réparation d'une faute d'une « exceptionnelle gravité » mais n'a pas retenu les demandes d'indemnisation des concluantes en dépit de la brutalité des ruptures, de leurs circonstances et des man'uvres frauduleuses dont les sociétés du groupe sont à l'origine,

-l'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances est recevable en sa qualité d'actionnaire unique de la société Burger Real Estate et Trois Caps et de signataire des contrats d'agents commerciaux et contrats conclus avec Mme [H] et sa société [J] [H] Conseil,

-l'intervention volontaire de la société [J] [H] Conseil est recevable dès lors que cette société a formé un demande reconventionnelle au titre de la rupture brutale et abusive de son contrat de prestation de direction générale et commerciale,

-les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] ont parfaitement exécuté les contrats passés avec le groupe Burger Real Estate Finances tant au titre des prestations de direction générale et commerciale qu'au titre des fonctions de gérante de Mme [H] au sein de la société Burger Real Estate, Trois Caps et Mafa ainsi qu'en exécution des contrats d'agents commerciaux ; ces prestations sont bien distinctes,

-à la suite de la rupture du contrat de prestation de direction générale et commerciale des honoraires restent dus à la société [J] [H] Conseil,

-Mme [H] a 'uvré dans l'intérêt social des sociétés du groupe et n'a commis aucune faute de sorte qu'elle devra être indemnisée au titre de la rupture abusive et brutale de ses mandants de gérante,

-les trois contrats d'agents commerciaux ont bien été signés par M. [C] [F], représentant la société Burger Real Estate Finances et Mme [H] est bien-fondée à faire valoir la faculté de substitution au bénéfice de la société Océan 24 dont elle est la gérante ; aucune nullité ne peut être déduite de la loi Hoguet ; en l'absence de faute de la part de l'agent commercial, une indemnité de rupture est due, équivalente à deux ans de commissions ; subsidiairement, si les contrats d'agents commerciaux devaient s'analyser en prestations de services, une indemnité équivalente devra être versée à Mme [H]

Ainsi, les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] demandent à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Burger Real Estate Finances, Burger Real Estate et Les Trois Caps de l'intégralité de leurs demandes tendant au remboursement des sommes perçues par la société Océan 24,

-infirmer le jugement en ce qu'il a débouté partiellement les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] de leurs demandes reconventionnelles,

-infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] de leurs demandes reconventionnelles tendant à l'indemnisation de la rupture abusive et vexatoire de leurs contrats les liant aux sociétés Côte d'azur Sotheby's Holding, Côte d'Azur Sotheby's [Localité 4] et Côte d'azur Sotheby's [Localité 5],

-débouter les sociétés Burger Real Estate Finances, Burger Real Estate et Les Trois Caps de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

Et statuant à nouveau,

-juger que les commissions perçues par la société Océan 24 correspondent à des prestations effectivement réalisées et effectuées par Mme [H] via la société Océan 24 dont elle est la gérante en application des contrats d'agents commerciaux ou alternativement de prestations de services conclus avec la société Burger Real Estate et Trois Caps, et subsidiairement :

-condamner la société Burger Real Estate à payer à Mme [H] la somme de 304.077,20 euros toutes taxes comprises correspondant aux commissions qui lui sont dues en l'état des prestations réalisées,

-condamner la société Les Trois Caps à payer à Mme [H] la somme de 100.000 euros toutes taxes comprises correspondant aux commissions qui lui sont dues en l'état des prestations réalisées,

-condamner la société Burger Real Estate Finances au paiement de la somme de 356.083 euros toutes taxes comprises à la société [J] [H] Conseil,

-condamner la société Burger Real Estate Finances à verser à la société [J] [H] Conseil la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de prestation de direction générale et commerciale et mesures vexatoires,

-condamner les sociétés Burger Real Estate Finances, Burger Real Estate et Les Trois Caps au paiement chacune de la somme de 30.000 euros à Mme [J] [H] à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son honorabilité et mesures vexatoires,

-condamner la société Burger Real Estate à verser à la société Océan 24 le somme de 306.327 euros toutes taxes comprises et la société Les Trois Caps à verser à la société Océan 24 la somme de 222.499 euros toutes taxes comprises,

-à titre subsidiaire, en cas de requalification des contrats d'agents commerciaux en contrats de prestations de services les condamner aux mêmes sommes à titre d'honoraires de rupture conventionnelle des contrats,

-à titre infiniment subsidiaire, si la cour estime que la clause de substitution au bénéfice de la société Océan 24 n'a pas vocation à s'appliquer, condamner la société Burger Real Estate à verser à Mme [H] le somme de 306.327 euros toutes taxes comprises et la société Les Trois Caps à verser à Mme [H] la somme de 222.499 euros toutes taxes comprises,

-condamner les sociétés Burger Real Estate Finances, Burger Real Estate et Les Trois Caps à payer aux sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] la somme de 50.000 euros à titre de procédure abusive,

-condamner les sociétés Burger Real Estate Finances, Burger Real Estate et Les Trois Caps à payer à les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseil et Mme [J] [H] la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

-------------

Par conclusions enregistrées le 8 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Casir Holding (anciennement dénommée société Côte d'Azur Sotheby's Holding et encore anciennement dénommée Burger Real Estate Finances), Casir [Localité 4] (anciennement société Côte d'Azur Sotheby's [Localité 4] et encore anciennement dénommée Burger Real Estate), Casir [Localité 5] (anciennement dénommée société Côte d'Azur Sotheby's [Localité 5] et encore anciennement dénommée Les Trois Caps) font valoir que :

-l'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances est irrecevable dès lors que les demandes formées à l'encontre de cette société relèvent d'un contentieux strictement différent de l'instance initiée par la société Burger Real Estate et les Trois Caps et n'ont aucun lien suffisant ; la société Burger Real Estate Finances n'est partie à aucun des contrats dont les parties adverses sollicitent le bénéfice,

-l'intervention volontaire de la société [J] [H] Conseils est irrecevable dès lors que les demandes formées par cette société ne se rattachent pas aux prétentions des sociétés Burger Real Estate et Trois Caps et ne concernent que la société Burger Real Estate Finances,

-la décision rendue par la cour de cassation en matière de référé n'a pas autorité de la chose jugée au fond de sorte que la partie adverse ne peut s'en prévaloir,

-Mme [H] a profité de la liberté dont elle disposait dans la gérance des sociétés pour faire régler par ces sociétés diverses commissions à Océan 24 dont elle était également la gérante, et ce, sans qu'aucune convention ne soit régularisée, ni qu'aucune validation ne soit sollicitée ; la société Océan 24 ne peut dès lors se prévaloir d'un droit à versement de commissions ; aucune cession n'a été consentie à son bénéfice ni même notifiée ; subsidiairement, s'agissant de conventions réglementées elles auraient du être soumise à l'autorisation des associés ; encore plus subsidiairement, les contrats versés aux débats par la société Océan 24 sont nuls dès lors qu'il est interdit d'exercer une activité d'agent commercial dans l'immobilier via une société commerciale ; à titre infiniment subsidiaire, Mme [H] ne pouvait à la fois percevoir un honoraire sur le chiffre d'affaires et une commission en sus sur les affaires conclues, d'autant que Mme [H] n'a utilisé que les moyens et ressources des sociétés concluantes,

-la société Océan 24 est tenue de restituer les prestations indûment facturées aux sociétés Burger Real Estate et Trois Caps outre la réparation de leur préjudice,

-Mme [H] ne peut revendiquer une commission d'agent commercial pour des affaires qu'elle a décidé de s'attribuer en sa qualité de gérante des sociétés du groupe, générant une double commission à ce titre ; tous les courriels émanent d'ailleurs de l'adresse mail de Sotheby's,

-Mme [H] ne peut se réapproprier le bénéfice de contrats qu'elle a elle-même cédés à la société Océan 24,

-le litige relatif à la société [J] [H] Conseil ne concerne que la société Burger Real Estate Finances et Mme [H] ne peut invoquer un préjudice dès lors que les gérants de sociétés commerciales sont librement révocables par l'assemblée générale,

-la rupture du contrat de prestation de direction générale est justifié par les conséquences financières dommageables des agissements de Mme [H] qui a manqué d'éthique et a opéré un mélange de genre en facturant des prestations au bénéfice de sa propre société Océan 24,

-les demandes de la société Océan 24 au titre du contrat d'agent commercial ne sont pas fondées, comme l'a retenu le tribunal de commerce puisqu'elle ne peut invoquer la qualité d'agent commercial et Mme [H] n'a aucune qualité pour se substituer à la société

Ainsi, les sociétés Casir Holding, Casir [Localité 4] et Casir [Localité 5] demandent à la cour de :

« -Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-Constaté la jonction de l'affaire portant le numéro RG 2018004249 avec l'affaire principale inscrite sous le numéro RG 2018003321

-Dit recevable l'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances

-Dit recevable l'intervention de la société [J] [H] Conseils

-Débouté les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances de leurs demandes,

-Condamné reconventionnellement la société Burger Real Estate Finances au paiement à la société [J] [H] Conseils de la somme de 185 579 euros, plus intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2018

-Condamné solidairement les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances à payer à la société Océan 24 et Mme [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 105.60eurosTTC dont TVA 17.60euros

-Ordonné l'exécution provisoire

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Océan 24, [J] [H] Conseils et Madame [H] de leur demande reconventionnelle tendant à la condamnation :

-des sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances dénommées désormais respectivement Côte D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 4], Côte D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 5] et CÔTE D'AZUR SOTHEBY'S HOLDING au paiement chacune de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mesure vexatoire

-des sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances dénommées désormais respectivement Côte D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 4], Côte D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 5] et CÔTE D'AZUR SOTHEBY'S HOLDING au paiement chacune de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat et mesure vexatoire

-solidaire des sociétés BURGER Real ESTATE, LES TROIS CAPS et BURGER Real ESTATE Finances dénommées désormais respectivement Côte D'AZUR SOTHEBY'S CANNES, Côte D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 5] et CÔTE D'AZUR SOTHEBY'S HOLDING

-au paiement de la somme 440 689 euros à titre d'indemnités de rupture des contrats d'agent commercial

Dans ces conditions,

-Dire et juger irrecevable l'intervention forcée de la société BREF dénommée désormais CASIR HOLDING

-Dire et juger irrecevable l'intervention volontaire de Mme [J] [H]

-Condamner solidairement la société Océan 24 et Madame [H] au paiement :

' au profit de la société CASIR [Localité 4] (anciennement dénommée BURGER Real ESTATE) de la somme totale de 394 077,60 euros TTC

' au profit de la société CASIR [Localité 5] (anciennement dénommée LES TROIS CAPS) de la somme totale de 100 000 euros TTC

' au paiement à titre de dommages et intérêts, à chacune des sociétés CASIR [Localité 4] et CASIR FERRAT, de la somme de 25 000 euros

-Assortir les condamnations prononcées des intérêts de droits à compter de la mise en demeure du 17 juillet 2018

-Condamner la société Océan 24 et Madame [H] au paiement au profit de chacune des sociétés concluantes de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

-Déclarer irrecevables et à titre subsidiaire mal fondées la société Océan 24, Madame [H], et la société [J] [H] Conseils dans leurs entières demandes, fins et conclusions

-Les débouter de leurs entières demandes, fins et conclusions formulées en première instance et en cause d'appel »

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La clôture de l'instruction, fixée au 1er septembre 2022 par ordonnance du conseiller de la mise en état, a été reportée au 15 septembre 2022, date de l'audience.

A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 27 octobre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les mentions insérées au dispositif des conclusions tendant à voir « constater » « donner acte » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions mais des moyens et seront dès lors examinées comme tels.

Sur la recevabilité des interventions :

L'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances

Aux termes des articles 325 et suivants du code de procédure civile l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. L'intervention peut être volontaire ou forcée.

Ainsi, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

En l'espèce, la société Burger Real Estate Finances est actionnaire unique des sociétés Burger Real Estate et Trois Caps et, à ce titre, signataire des contrats d'agents commerciaux conclus avec Mme [H], assignée devant le tribunal de commerce en contestation de commissions perçues au travers de la société Océan 24 dans le cadre de ces contrats.

En conséquence, l'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances doit être déclarée recevable considérant que les demandes formées à son encontre ont trait à l'exécution des contrats d'agents commerciaux discutée devant les juridictions et que Mme [J] [H] justifie d'un droit à agir à ce titre en régularisation des commissions et indemnités liées à la rupture des contrats.

L'intervention volontaire de la société [J] [H] Conseil :

Aux termes de l'article 329 du même code, l'intervention volontaire principale, à savoir celle qui élève une prétention au profit de celui qui la forme, n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Au cas particulier, les relations entre les différentes parties au litige s'inscrivent dans un ensemble économique global visant à mettre en place un partenariat entre les sociétés du groupe Real Estate, devenu Casir Holding, et Mme [J] [H] ainsi que sa société [J] [H] Conseil, au travers de différentes collaborations (contrats d'agents commerciaux, contrat de direction générale et commerciale, mandats de gestion).

Dès lors, le litige procédant de la rupture de ces différentes conventions de collaboration, notifiée le même jour par la société Burger Real Estate Finances, et impliquant l'examen des contrats dans leur ensemble, notamment afin d'apprécier le cumul éventuel des prestations et des commissions, la société [J] [H] Conseil justifie d'un droit à agir autorisant son intervention volontaire aux débats.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur la demande principale en restitution des commissions perçues par la société Océan 24 :

En premier lieu, il n'est pas contesté qu'aucun contrat d'agent commercial n'a été signé entre les sociétés Burger Real Estate Finances, Burger Real Estate et Trois Caps, d'une part, et la société Océan 24 d'autre part.

Il ressort néanmoins des contrats conclus par ces sociétés, que les conventions d'agent commercial ont été passées le 1er janvier 2015 avec « Madame [J] [H] (') ou toute autre société ultérieurement créée la représentant dans cette activité » et que le 30 mai 2017 a été immatriculée une société dénommée Océan 24, ayant une activité d'agence immobilière et dont la gérante est Mme [H].

Il peut en être déduit que la faculté de substitution invoquée par Mme [H] était dès lors prévue au contrat et ne nécessitait pas d'autre formalité, d'autant, comme l'ont relevé les premiers juges, que cette pratique était courante avec les autres collaborateurs du groupe Burger, en ce compris avec M. [C] [F], président du groupe, qui possédait une société dénommée Eclat d'Azur lui permettant d'exercer les fonctions d'agent commercial.

Quant à l' « intuitu personae » invoqué par les sociétés Burger Real Estate et Trois Caps, mentionné à l'article 9.3 des contrats d'agents commerciaux, il est effectivement une condition essentielle du mandat donné à l'agent commercial.

Pour autant, les mentions de l'article 9.3, outre qu'elles se réfèrent uniquement à l'interdiction de la cession et du transfert du contrat d'agent commercial, n'apparaissent pas incompatibles avec l'exercice des fonctions d'agent sous forme de société dès lors que Mme [H] a continué à exercer personnellement les fonctions d'agent commercial en sa qualité de gérante de la société Océan 24 et n'a pas dissimulé cette situation au regard des échanges de mails produits avec l'assistante-comptable du groupe et l'expert-comptable au nom de la société Océan 24.

En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L.223-17 du code de commerce que lorsqu'il n'y a pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé, intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés, sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée générale.

Lorsque la société ne comprend qu'un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions.

En l'espèce, les deux contrats d'agents commerciaux concernant la société Burger Real Estate et la société Trois Caps ont été effectivement passés entre ces dernières sociétés et Mme [H], qui en était également la gérante.

Pour autant, il apparaît que ces contrats ont également été signés en dernière page par M. [C] [F], représentant la société Burger Real Estate Finances en sa qualité d'associée unique de chacune des sociétés mandantes, de sorte que le moyen n'est pas fondé.

En tout état de cause, il convient d'observer qu'en vertu de ce même article les conventions non approuvées ne sont pas nulles de facto mais « produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciable à la société ».

En troisième lieu, il a été déduit de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970, dite « Loi Hoguet » et entériné par l'article 4 du décret du 19 juin 2015 modifiant l'article 9 du décret du 20 juillet 1972, qu'en dépit des dispositions de l'article L.134-1 du code de commerce permettant aux agents commerciaux d'exercer sous forme de sociétés, ceux-ci ne peuvent être habilités à exercer en qualité de négociateur immobilier qu'en tant que personne physique.

Néanmoins, l'interdiction faite à un agent commercial habilité d'exercer une activité de négociateur immobilier sous forme de société commerciale ne s'applique pas aux sociétés elles-mêmes titulaires de la carte professionnelle d'agent immobilier.

En l'espèce, étant relevé que la société Océan 24 produit aux débats la carte professionnelle dont elle est titulaire, il s'ensuit que la substitution opérée par Mme [H] en qualité d'agent commercial, ne relève pas de l'interdiction prévue aux articles 4 et 9 susvisés.

Enfin, en dernier lieu, il est manifeste que la multiplicité des fonctions exercées par Mme [H] était source de conflits d'intérêts entre des fonctions accomplies dans son intérêt personnel en qualité d'agent commercial et d'autres, pour le compte des sociétés du groupe dont elle était à la fois gérante et directrice générale et commerciale.

Pour autant, les contrats d'agent commercial ont été signés et avalisés le 1er janvier 2015 par M. [C] [F], dirigeant de la société Burger Real Estate Finances, alors que celui-ci ne pouvait ignorer, pour en être également signataire à titre personnel, que Mme [H], par le biais de sa société [J] [H] Conseil, était d'ores est déjà bénéficiaire d'une rémunération prévue au titre du contrat de prestation de services conclu le 30 octobre 2013.

La signature des contrats d'agent commercial avec Mme [H] n'a pas davantage empêché la signature le 1° décembre 2015 d'un avenant au contrat de prestation du 30 octobre 2013, prévoyant un supplément de rémunération au bénéfice de la société [J] [H] Conseil à raison de 5% hors taxes des chiffres d'affaires cumulés des sociétés la société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate, 3 Caps et Mafa, Mme [H] invoquant alors sa « très forte implication dans certaines transactions réalisées avec les agents commerciaux ainsi que dans leurs contacts permanents avec les propriétaires et acquéreurs potentiels ».

Ainsi, la société Burger Real Estate Finances, par son représentant, associée unique des sociétés Burger Real Estate et Trois Caps, ne peut arguer qu'elle était dans l'ignorance de la réalité des conventions passées avec Mme [H] et la société [J] [H] Conseil, de sorte que le cumul de rémunération, et « le mélange des genres » dénoncé par la société Burger Real Estate Finances dans son courrier de résiliation du 19 juillet 2018, ont nécessairement été acceptés et n'étaient, hormis la rémunération fixe, que la contrepartie des bons résultats enregistrés par les sociétés.

En outre, le « double emploi » dénoncé également par le groupe Burger au titre des moyens humains par l'utilisation faite par Mme [H], notamment du personnel du groupe dans l'intérêt de sa société Océan 24, est corroboré par le témoignage de Mme [L], assistante-comptable, et par l'activité de Mme [Y], même s'il n'est, encore une fois, que la conséquence de la confusion des rôles consentie par la société Burger Real Estate Finances. En tout état de cause, cette circonstance sera intégrée à l'appréciation des indemnités revenant à Mme [H] et ses sociétés.

De même, au regard des pièces produites il n'est pas exclu que certains biens immobiliers aient été commercialisés par la société Océan 24 après que les clients aient pris contact avec les agences du groupe Burger et inversement, ces deux sociétés étant sous la gérance de Mme [H]. Le groupe Burger produit à l'appui de ces allégations un dossier dénommé « [K] » permettant, bien qu'isolé, d'appréhender le mode de fonctionnement du groupe.

Ainsi, s'il apparaît que les époux [K], à la recherche d'un bien à acquérir, ont été effectivement adressés directement à M. [C] [F] par le biais de M. [G] [E], Mme [H] produit également divers échanges de mails et une proposition d'achat attestant que celle-ci a activement participé à la réalisation de l'achat immobilier et que la commission d'agent aurait en réalité été partagée entre M. [F] et elle-même, le prix de vente revenant aux sociétés du groupe Burger.

Pour le surplus, Mme [H] produit l'ensemble des justificatifs de son commissionnement de sorte que les montants facturés doivent être entérinés.

Il s'ensuit que les moyens soulevés par la société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate et Trois Caps, devenues la société Casir [Localité 4] Holding, Casir [Localité 4] et Casir [Localité 5], doivent être rejetés.

Le jugement est dès lors confirmé de ce chef en ce qu'il a débouté la société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate et Trois Caps de leurs demandes en restitution de commissions à l'encontre de la société Océan 24, en ce compris les demandes de dommages et intérêts afférentes.

Sur les demandes formées par la société [J] [H] Conseil :

La société [J] [H] Conseil sollicite le paiement de ses honoraires restant dus en exécution du contrat de prestation de direction générale et commerciale du 30 octobre 2013 et de son avenant du 1er décembre 2015.

A cet égard, le tribunal de commerce a établi un décompte provisionnel concernant les honoraires sur le chiffre d'affaires de l'année 2018, en l'attente de la publication des comptes, après avoir relevé que le contrat avait été renouvelé par tacite reconduction le 30 octobre 2017, la durée initiale étant de douze mois.

En l'état des pièces communiquées et du décompte produit il y a donc lieu d'arrêter les sommes dues à la société [J] [H] Conseil à la somme globale de 356.083 euros toutes taxes comprises au titre de la rémunération fixe prévue au contrat du 30 octobre 2013 et au titre de la rémunération de 5% du chiffre d'affaires sur les sociétés du groupe et sur la société Burger Real Estate Finances au titre des années 2017 (solde) et 2018.

Le groupe Burger ne justifie d'aucun élément permettant d'infirmer ces chiffres, étant précisé que la faute imputée à Mme [H] est sans conséquence sur son droit à rémunération, et étant observé que la base de calcul de la rémunération de la société [J] [H] Conseil repose en partie sur le chiffre d'affaires des sociétés, attestant que la direction opérée par Mme [H], par le biais de sa société, a abouti à des résultats financiers positifs.

En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts complémentaire considérant que la rémunération de la société [J] [H] Conseil a d'ores et déjà été calculée sur l'exercice 2018 global, et constitue une compensation suffisante à la brusque résiliation du contrat.

Sur les demandes formées par Mme [J] [H] :

Mme [H] sollicite de la part de chacune des sociétés intimées la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son honorabilité et mesures vexatoires.

Elle invoque les dispositions de l'article L.223-25 du code de commerce relatives aux sociétés à responsabilité limitée et l'article 1851 du code civil prévoyant l'octroi de dommages et intérêts en cas de révocation du gérant décidée sans juste motif.

En l'espèce, il apparaît que Mme [H] a été informée le 19 juillet 2018, par mail et par courrier, de la cessation immédiate de toutes ses fonctions et collaborations avec les trois sociétés du groupe Burger et avec la société Burger Real Estate Finances et a été invitée dès le lendemain à reprendre possession de ses effets personnels.

Si par mail du 13 avril 2018 M. [C] [F] partageait avec Mme [H] son inquiétude quant aux résultats des sociétés et lui indiquait qu'un audit serait effectué, il n'est établi par aucune pièce que celle-ci ait pu s'expliquer sur les griefs qui lui étaient faits au titre de l'existence de la société Océan 24 et des commissions perçues, et ce, alors qu'au vu des éléments ci-dessus énoncés, aucune faute ne peut être retenue hormis l'utilisation du personnel affecté aux sociétés du groupe Burger.

Bien plus, le groupe Burger n'établit pas les fautes qu'il impute à Mme [H] au titre de l'exploitation de l'audit établi par le cabinet Ruff, expert-comptable, dans le cadre de ses fonctions de gérante, et pas davantage au titre de la direction générale ou encore de ses fonctions d'agent commercial.

A contrario, Mme [H] produit une note d'analyse concernant la situation nette et l'endettement du groupe Burger établie par M. [I] [D], expert judiciaire, dont il résulte que la situation nette des 4 sociétés du groupe Burger Real Estate Finances a bénéficié d'un enrichissement de 731.177 euros et que son endettement a diminué.

Au demeurant, le groupe Burger ne communique aucune pièce corroborant son inquiétude sur les résultats des sociétés dénoncée en avril 2018, et ce, alors que jusqu'en mars 2017, M. [F] tenait des propos élogieux à l'égard de Mme [H], la citait en exemple pour son travail.

En conséquence, au regard de la brutalité de la révocation de Mme [H] de ses fonctions de gérante des sociétés du groupe, et ce, sans lui avoir permis de s'expliquer sur les griefs qui lui étaient faits, sans préavis et sans motif pertinent, sauf le résultat d'une situation de cumul favorisée et avalisée par le groupe Burger lui-même et dont Mme [H] a su tirer profit, il y a lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par Mme [H] à hauteur de la somme globale 30.000 euros.

Sur les demandes formées par la société Océan 24 :

La substitution opérée au profit de la société Océan 24 ayant été déclarée recevable, il y a lieu de juger que les conventions conclues le 1er janvier 2015 seront analysées comme des contrats d'agent commercial et non comme des prestations de services, contrairement aux énonciations des premiers juges.

A cet égard, aux termes des articles L134-12 et L134-13 du code de commerce en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Par exception, cette indemnité n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Il résulte des usages de la profession que le montant de l'indemnité de rupture équivaut à deux ans de commissions brutes calculées sur la base des commissions perçues soit au cours des deux dernières années d'exécution du contrat, soit sur la moyenne des commissions des trois dernières années.

En l'espèce, sauf les griefs concernant la société Océan 24, et auxquels il a d'ores et déjà été répondu dans le cadre des demandes en restitution de commissions perçues par ladite société, le groupe Burger ne démontre pas l'existence d'une faute grave imputable à Mme [H], celle-ci dénonçant au contraire, dans sa lettre en réponse au courrier de résiliation, la volonté du groupe de l'évincer en raison notamment de son souci de faire respecter la réglementation dans le fonctionnement d'une agence immobilière et de son manque de complaisance à l'égard de certaines opérations comptables.

En conséquence, la société Océan 24 est bien-fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de rupture à l'égard des deux sociétés du groupe.

Pour autant, les usages ayant été rappelés, il apparaît que l'indemnité de rupture a pour vocation de compenser le travail fourni par l'agent pour développer un flux d'affaires suffisant pour amortir ses investissements et percevoir une rémunération continue, et que cette durée a été évaluée entre deux à trois ans.

Il apparaît qu'en matière immobilière, sauf partenariat commercial, la clientèle présente une récurrence limitée s'agissant des ventes ou des achats effectués par des particuliers, limitant sa valeur patrimoniale intrinsèque.

En outre, il apparaît qu'en l'espèce, Mme [H] a profité incontestablement, dans le cadre de ses activités d'agent commercial, des agences et du réseau du groupe Burger (devenu Sotheby's puis Casir Holding) et a profité également des moyens humains et matériels mis à sa disposition afin de parvenir à la réalisation de transactions immobilières, nonobstant ses qualités personnelles, de sorte que l'indemnité de rupture ne peut être équivalente à deux ans de commissions, étant relevé qu'à l'égard de la société Trois Caps, Mme [H] opère un doublement des commissions pour l'année 2017, mais ne communique pas le montant de ses commissions sur les deux années précédant la rupture du contrat.

Enfin, au regard de la rémunération perçue par Mme [H] au titre de la direction générale et commerciale du groupe pour sa « très forte implication dans certaines transactions réalisées avec les agents commerciaux ainsi que dans leurs contacts permanents avec les propriétaires et acquéreurs potentiels », implication qui lui permettait néanmoins d'intervenir en concours avec d'autres agents commerciaux en vue d'un partage de commissions (dossier [K] notamment pour un commissionnement de 100.000 euros), il y a lieu de modérer le montant de l'indemnité perçue, le préjudice subi par l'agent commercial ne pouvant s'apprécier à hauteur de deux ou trois années de commissions au cas d'espèce.

Ainsi, à la lumière de ces éléments il y a lieu de fixer l'indemnité de rupture due par la société trois Caps à la somme de 70.000 euros et l'indemnité due par la société Burger Real Estate à la somme de 180.000 euros, les chiffres proposés par la partie adverse n'étant étayés par aucune pièce.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.

Mme [H], la société [J] [H] Conseil et la société Océan 24 seront déboutées de leur demande à ce titre, faute pour elles de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part des sociétés du groupe Burger, et faute d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.

En conséquence, elles seront déboutées à ce titre.

Sur les frais et dépens :

La société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate et Trois Caps, devenues Casir Holding, Casir [Localité 4] et Casir [Localité 5], conserveront in solidum la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et seront tenues de payer à la société [J] [H] Conseil, Mme [J] [H] et à la société Océan 24 la somme globale de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme les jugements rendus les 19 et 30 avril 2019 par le tribunal de commerce d'Antibes en ce qu'il a :

-constaté la jonction de l'affaire portant le numéro RG 2018004249 avec l'affaire principale inscrite sous le numéro RG 2018003321,

-dit recevable l'intervention forcée de la société Burger Real Estate Finances,

-dit recevable l'intervention de la société [J] [H] Conseils,

-débouté les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances de leurs demandes,

-débouté la société [J] [H] Conseil de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et mesures vexatoires,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné solidairement les sociétés Burger Real Estate, Les Trois Caps et Burger Real Estate Finances à payer à la société Océan 24 et Mme [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

L'infirme pour le surplus, et y ajoutant,

Condamne la société Burger Real Estate Finances, devenue Casir Holding, à payer à la société [J] [H] Conseil la somme globale de 356.083 euros toutes taxes comprises au titre de la direction générale et commerciale du groupe,

Condamne la société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate et la société Trois Caps, devenues Casir Holding, Casir [Localité 4] et Casir [Localité 5], in solidum à payer à Mme [J] [H] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la cessation de ses fonctions de gérante,

Condamne la société Burger Real Estate, devenu Casir [Localité 4], à payer à la société Océan 24, gérée par Mme [H], la somme de 70.000 euros à titre d'indemnité suite à la rupture du contrat d'agent commercial,

Condamne la société Les Trois Caps, devenue Casir [Localité 5], à payer à la société Océan 24, gérée par Mme [H], la somme de 180.000 euros à titre d'indemnité suite à la rupture du contrat d'agent commercial,

Déboute Mme [H], la société [J] [H] Conseil et la société Océan 24 de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne in solidum, la société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate et la société Trois Caps, devenues Casir Holding, Casir [Localité 4] et Casir [Localité 5], aux dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum, la société Burger Real Estate Finances, la société Burger Real Estate et la société Trois Caps, devenues Casir Holding, Casir [Localité 4] et Casir [Localité 5], à payer à la société [J] [H] Conseil, Mme [J] [H] et à la société Océan 24 ensemble la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/07828
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;19.07828 ?
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