COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 20 OCTOBRE 2022
N°2022/.
Rôle N° RG 21/07331 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHO2I
[E] [U]
C/
CAF DES BOUCHES DU RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Géraldine ADRAI-LACHKAR
- CAF
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 20 Avril 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/4272.
APPELANTE
Madame [E] [U], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Géraldine ADRAI-LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Evan, ariel COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [U], allocataire de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône (ci-après la CAF), bénéficiait de prestations familiales soumises à condition de ressources.
Le 31 mai 2018, la CAF a notifié un indu à hauteur de 6.327,01 euros pour la période de juillet 2016 à novembre 2017.
Mme [U] a formé un recours devant la commission de recours amiable, qui par décision du 2 mai 2019, l'a rejeté.
Par lettre recommandée envoyée le 11 juin 2019, Mme [U] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille de sa contestation.
Par jugement du 20 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
- débouté Mme [U] de son recours exercé envers la position adoptée le 2 mai 2019 par la commission de recours amiable de l'organisme de protection sociale, entendant contester le bien fondé de l'indu notifié le 31 mai 2018 à hauteur de 6.327,01 euros pour la période écoulée de juillet 2016 à novembre 2017,
- condamné Mme [U] à payer à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône la somme ramenée à 4.729,51 euros après retenues sur prestations, indument perçue pour le compte de l'enfant [J] [F] pour la période écoulée de juillet 2016 à novembre 2017 ;
- mis les dépens éventuels de l'instance à la charge de Mme [U].
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 12 mai 2021, Mme [U] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
A l'audience du 22 septembre 2022, l'appelante se réfère aux conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- constater que les prestations étaient indues et que la faute dans l'octroi des prestations lui a causé un préjudice,
- condamner la CAF à lui payer la somme de 4.729,51 euros en réparation de son préjudice,
- débouter la CAF,
- subsidiairement, ramener la somme due à la CAF à la somme de 474,02 euros.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que bien qu'elle ait averti la CAF du changement de situation de sa fille passant du statut d'étudiante sans revenu à celui de salariée, en juin 2006 (sic), la CAF a continué à lui verser l'allocation relative à la situation de sa fille de 129,47 euros par mois. Selon elle, cette erreur constitue une faute qui entraîne pour elle un préjudice en mettant en péril l'équilibre financier de son foyer de sorte que la caisse doit être déboutée de sa demande.
Subsidiairement, elle soutient que l'allocation perçue pour le compte de son enfant dont la situation a changé étant de 129,47 euros par mois, elle n'a perçu indûment que la somme de 1.597,50 euros sur la période litigieuse et la CAF ayant procédé à des retenues, elle n'est plus redevable que de la somme de 474,02 euros.
La CAF des Bouches-du-Rhône, pourtant régulièrement convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception retourné signé le 4 avril 2022, n'a pas comparu.
Par courrier adressé par mail du 30 septembre 2022 au greffe de la cour, le représentant de la CAF a sollicité un renvoi de l'affaire en expliquant que le service courrier de la caisse n'avait pas suivi les instructions données de transmettre directement la convocation au service contentieux, de sorte que celui-ci ignorait l'avis d'appel d'une part, et la date de l'audience d'autre part.
La demande de renvoi ayant été formulée après la clôture des débats, il ne peut y être fait droit et il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, 'celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu'.
En l'espèce, le caractère indu des prestations familiales versées par la CAF à Mme [U] sans prise en compte du changement de la situation familiale de l'allocataire n'est pas discuté.
En effet, il ressort des propres conclusions de l'appelante que la CAF a continué de verser le même montant de prestations après le 1er juillet 2016, malgré le changement de statut de l'enfant [J] [F] née le 10 décembre 1996, jusque-là étudiante et devenue à cette date, salariée percevant des revenus.
Il s'en suit que Mme [U] est tenue de restituer les sommes indûment perçues.
Le montant de l'indu est contesté par l'appelante au motif que la caisse ne justifie pas du calcul retenu supérieur à la somme des montants mensuels perçus par Mme [U] au titre des allocations familiales avec conditions de ressources à hauteur de 129,47 euros par mois sur la période écoulée de juillet 2016 à novembre 2017 .
Le montant des prestations indues ne sauraient être limité à la somme des montants mensuels perçus au titre des allocations familiales sous conditions de ressources.
En effet, il résulte de l'attestation de droits produite par l'appelante elle-même, que chaque mois, elle percevait outre les allocations familiales avec conditions de ressources, une aide personnalisée au logement, ainsi qu'une allocation aux adultes handicapés pour le compte de [G] [F] et ponctuellement une allocation de rentrée scolaire.
Or, l'aide au logement est, en vertu de l'ancien article L.351-3 du code de la construction et de l'habitation, calculée en fonction d'un barème prenant en considération le nombre de personnes à charge vivant habituellement au foyer. De même, l' allocation aux adultes handicapés est, en vertu du dernier alinéa de l'article L.821-1 du code de la sécurité sociale, dans ses versions en vigueur sur la période litigieuse, susceptible d'être limitée à des montants variant selon que le bénéficiaire a une ou plusieurs personnes à charge. Et, selon l'article L.543-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2007 au 1er janvier 2019, l'allocation de rentrée scolaire est attribuée en fonction du nombre d'enfants à charge, pour chaque enfant inscrit en exécution de l'obligation scolaire dans un établissement et pour chaque enfant d'un âge inférieur à un âge déterminé qui poursuit des études.
Pour autant, la somme des prestations mensuelles perçues par Mme [U] au regard de l'attestation versée aux débats, ne permet pas de comprendre le montant de l'indu initialement retenu par la caisse.
En effet, d'une part, il résulte d'un extrait du compte de l'allocataire sur le site de la caisse que son couple a encore deux enfants à charge après le 1er juillet 2016 de sorte que le montant de l'allocation aux adultes handicapés n'est pas susceptible d'être réduit par le départ de l'enfant [J].
D'autre part,la somme des montants mensuels perçus au titre de l'allocation personnalisée au logement et des allocations familiales avec conditions de ressources, tels qu'ils ressortent de l'attestation de droit versée aux débats, à laquelle il convient d'ajouter le montant des allocations de rentrée scolaire en août 2016 et août 2017, est inférieure à la somme indue initialement retenue par la CAF à hauteur de 6.327,01 euros.
La CAF, non comparante en cause d'appel, ne justifie pas le montant de l'indu réclamé.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement et de débouter la CAF de sa demande d'indu.
En revanche, le seul fait de verser des prestations indues ne suffit pas à constituer une faute entraînant un préjudice et l'appelante ne justifie pas du 'péril dans l'équilibre financier de son foyer' invoqué.
Il s'en suit que Mme [U] sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
La CAF succombant à l'instance sera condamnée au paiement des dépens de l'appel et de la première instance.
PAR CES MOTIFS
la cour statuant publiquement par décision réputée contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 20 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Marseille, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la CAF des Bouches-du-Rhône de sa demande en remboursement d'indu,
Déboute Mme [U] de sa demande en condamnation de la CAF à lui payer des dommages et intérêts,
Condamne la CAF des Bouches-du-Rhône au paiement des dépens de l'appel et de première instance.
Le GreffierLa Présidente