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20/10/2022 | FRANCE | N°19/00511

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 20 octobre 2022, 19/00511


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2022



N° 2022/ 291













N° RG 19/00511 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTJZ







SARL BURGER REAL ESTATE





C/



[S] [Y]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Jean-Michel RENUCCI



Me Edouard BAFFERT













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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 13 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00008.





APPELANTE



Société CASIR [Localité 4] anciennement dénommée COTE D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 4] et encore plus anciennement dénommée Société BURGER REAL ES...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2022

N° 2022/ 291

N° RG 19/00511 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTJZ

SARL BURGER REAL ESTATE

C/

[S] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Jean-Michel RENUCCI

Me Edouard BAFFERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 13 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00008.

APPELANTE

Société CASIR [Localité 4] anciennement dénommée COTE D'AZUR SOTHEBY'S [Localité 4] et encore plus anciennement dénommée Société BURGER REAL ESTATE, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Michel RENUCCI de la SELARL ACTANCE MEDITERRANEE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIME

Monsieur [S] [Y]

né le 20 Octobre 1980 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Edouard BAFFERT, avocat au barreau de [Localité 6], plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 février 2013, M. [S] [Y] a signé avec la SARL Burger Real Estate un contrat d'agent commercial aux termes duquel il lui était confié un mandat de prospection et de transaction de vente ou de locations de biens immobiliers sur les secteurs du Cap d'[Localité 3], [Localité 4] et [Localité 5].

Le 26 février 2014, un avenant était signé entre les parties précisant le nouveau système de commissionnement.

Un second avenant était signé le 23 juin 2014 transférant le bénéfice du contrat d'agent à la SARL Riviera Consult, société créée par M. [Y] et étendant le secteur d'activité de l'agent jusqu'à St Tropez.

A compter de l'année 2017 les relations entre les parties se sont dégradées, et le 21 août 2017, M. [S] [Y], invoquant la rupture brutale de son contrat d'agent commercial, a sollicité le paiement d'une indemnité compensatrice.

Parallèlement, la société Burger lui a notifié le 1er septembre 2017 la rupture de son mandat pour faute grave.

La société Riviera Consult contestant cette rupture, a fait assigner le 22 décembre 2017 la société Burger Real Estate devant le tribunal de commerce de Cannes pour obtenir le paiement des sommes suivantes :

-17.750 euros au titre de l'indemnité de préavis,

-142.000 euros au titre de l'indemnité de rupture,

-10.000 euros au titre de la réparation du préjudice d'image,

-4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [Y] est intervenu volontairement à la procédure.

Par jugement du 13 décembre 2018 le tribunal de commerce de Cannes a statué ainsi :

-Déclare nul et de nul effet l'avenant signé entre la SARL Riviera Consult et la SARL Burger Estate le 23/06/2014 modifiant le contrat initial d'agent commercial signé le 04/02/2013 entre Monsieur [S] [Y] et la SARL Burger Estate ;

-Dit que le contrat signé le 04/02/2013 entre la SARL Burger Estate et Monsieur [S] [Y] a continué à produire ses effets au-delà du 23/06/2014 ;

-Déclare en conséquence recevable l'intervention volontaire principale de Monsieur [S] [Y] ;

-Déboute la SARL Riviera Consult de l'ensemble de ses demandes ;

-Condamne la SARL Burger Estate à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 8.250 euros, au titre de l'indemnité de préavis, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

-Condamne la SARL Burger Estate à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 38.500 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de fin de contrat, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

-Condamne la SARL Burger Estate aux dépens ;

-Condamne la SARL Burger Estate à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Déboute les parties de leurs demandes d'exécution provisoire.

----------------

Par acte du 10 janvier 2019 la société Burger Real Estate a interjeté appel du jugement.

-----------------

Par conclusions enregistrées le 27 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Casir [Localité 4], anciennement dénommée Côte d'Azur Sotheby's et encore plus anciennement Burger Real Estate, fait valoir que :

-à compter du 23 juin 2014, par l'effet de la novation, la société Riviera Consult s'est substituée à M. [Y] ; or, l'avenant signé entre la société Burger et la société Riviera Consult est nul dès lors qu'une société ne peut exercer un mandat d'agent commercial pour un agent immobilier selon l'interprétation de la loi Hoguet,

-l'intervention volontaire de M. [Y], régularisée en cours de procédure est irrecevable faute pour lui de justifier d'une qualité et d'un intérêt à agir, la novation ayant entraîné l'extinction de toutes obligations et effets du contrat initial conclu entre la société Burger et M. [S] [Y] ;

Subsidiairement,

-la rupture du contrat est justifiée par les fautes graves de l'agent puisqu'il a commis des manquements caractérisés : activité commerciale délaissée, attitude et comportement inadapté, non-communication des documents légaux d'exercice ; les relances effectuées à l'égard de M. [S] [Y] attestent de l'absence de rupture brutale ; certains des documents produits par M. [S] [Y] ont été obtenus par la mandant et ne sont justifiés que pour l'année 2017

Très subsidiairement

-les sommes réclamées par M. [Y] sont excessives et doivent être diminuées,

-l'indemnité de préavis doit être ramenée à 3.028,06 euros,

-l'indemnité de rupture est basée sur un mandat exercé illégalement depuis 2014 mais si la cour venait à faire droit aux demandes de M. [S] [Y], elle devrait être évaluée à la somme de 8.032,96 euros.

Ainsi, la société Casir [Localité 4] demande à la cour de :

-rabattre la clôture pour permettre à M. [S] [Y] de répliquer à ses conclusions,

-réformer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat signé le 4/02/2013 entre M. [S] [Y] et la société Burger a continué à produire ses effets au-delà du 23/06/2014, en ce qu'il a déclaré M. [S] [Y] recevable en son intervention volontaire et condamné la société concluante à payer à M. [S] [Y] les sommes de :

-8.250 euros au titre de l'indemnité de préavis outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement

-38.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de fin de contrat outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

-2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

In limine litis,

-déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. [S] [Y] et le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Au fond,

-débouter M. [S] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Très subsidiairement,

-ramener la demande de la société et de M. [S] [Y] au titre du préavis à 3.028,06 euros,

-ramener la demande de la société et de M. [S] [Y] au titre d'une indemnité de rupture à 8.032,96 euros

En tout état de cause,

-condamner M. [S] [Y] au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel

----------------

Par conclusions enregistrées le 12 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [S] [Y] réplique que :

-l'avenant signé le 23 juin 2014 est nul et de nul effet et le contrat initial signé le 4 février 2013 doit s'appliquer conformément à la jurisprudence applicable en matière d'annulation de la convention novatoire ; en conséquence, son intervention volontaire est recevable,

-la rupture du contrat survenue le 31 juillet 2017 résulte du seul comportement du mandant : la société Burger a demandé sa démission le 30 juillet 2017 et lui a ensuite coupé la connexion internet avec le système informatique de la société et lui a demandé de restituer les clefs de l'agence de [Localité 7], avant de le radier de l'annuaire de l'agence,

-subsidiairement, la faute grave qui lui est reprochée n'est pas établie : les griefs qui lui sont faits ne sauraient constituer des fautes graves et aucun reproche ne lui a été formulé depuis le début des relations contractuelles en février 2014,

-il forme un appel incident s'agissant des indemnités retenues par le tribunal de commerce

Monsieur [Y] demande ainsi à la cour de rejeter les écritures de la société Casir [Localité 4] notifiées le 27 juin 2022, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture et conclut à la confirmation de la décision déférée sauf en ce qui concerne le montant des sommes allouées qu'il chiffre ainsi :

-16.500 euros au titre de l'indemnité de préavis

-122.967,72 euros au titre de l'indemnité de rupture ou à titre subsidiaire la somme de 111.846,38 euros

Il demande en outre la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et demande à ce que les sommes dues portent intérêts à compter de l'assignation en justice soit le 22 décembre 2017 au visa des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et se capitalisent depuis cette date chaque année pour porter eux-mêmes intérêts au visa de l'article 1343-2 du code civil.

----------------

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 27 juin 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 8 septembre 2022. A cette date l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 20 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Au visa des articles 907, 802 et 803 du code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats postérieurement à l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, à l'exception des demandes en intervention volontaire, des conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, et à l'exception également des demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et des conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

Par ailleurs, l'ordonnance de clôture peut être révoquée s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, il apparaît qu'en concluant à nouveau le jour de l'ordonnance de clôture, la société appelante n'a pas mis l'intimé en situation de conclure en réponse avant la clôture de l'instruction.

Par ailleurs, il apparaît que la société Burger Real Estate, après avoir changé de dénomination une première fois pour se nommer Côte d'Azur Sotheby's Cannes, a pris la dénomination de société Casir [Localité 4] en cours de procédure.

En conséquence, au regard du nécessaire respect du principe du contradictoire et du changement de dénomination, il convient d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 27 juin 2022 et de reporter la clôture au 8 septembre 2022, date des débats, de sorte que les dernières conclusions de la société Casir [Localité 4] en date du 27 juin 2022 ainsi que les dernières conclusions de M. [S] [Y] en date du 12 juillet 2022 sont recevables.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [S] [Y] :

En application de l'article 325 du code de procédure civile l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En outre, aux termes de l'article 329 du même code l'intervention principale n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Ainsi, au visa de l'article 329 du code de procédure civile, le tribunal de commerce a valablement déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [S] [Y] après avoir constaté qu'il existait des liens contractuels liant M. [S] [Y] à la la société Burger Real Estate, à savoir le contrat d'agent commercial signé le 4 février 2013, et qu'il existait une lien de connexité entre l'intervention volontaire et le litige originaire.

Nonobstant l'absence de la société Riviera Consul en cause d'appel, il apparaît que M. [S] [Y] justifie d'un droit propre à agir.

Les parties ne contestent pas la nullité de l'avenant passé le 23 juin 2014 entre la société Burger Real Estate et la société Riviera Consult, par lequel ces sociétés ont implicitement opéré une substitution d'agent commercial au profit de la société Riviera Consult, créant ainsi novation au profit de cette dernière.

En effet, il a été déduit de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 dite « loi Hoguet », qu'en dépit des dispositions de l'article L.134-1 du code de commerce permettant aux agents commerciaux d'exercer sous forme de sociétés, ceux-ci ne peuvent exercer en qualité de négociateur immobilier qu'en tant que personne physique.

C'est donc à bon droit que le tribunal de commerce a tiré les conséquences de ces énonciations en jugeant que l'avenant signé le 23 juin 2014 entre la société Burger Real Estate et la société Riviera Consult, modifiant le contrat initial d'agent commercial signé entre la société Burger Real Estate et M. [S] [Y], était nul.

Le tribunal en a également déduit que postérieurement au 23 juin 2014 le contrat d'agent commercial a continué à produire ses effets entre la société Burger Real Estate et M. [S] [Y].

En outre, il a été jugé, au visa de l'article 1271 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qu'en cas d'annulation de la convention novatoire, la première obligation retrouve son efficacité. Ainsi, M. [S] [Y] est bien-fondé à agir en son nom propre en qualité d'agent commercial dès lors qu'en l'état de l'annulation de la convention novatoire, par laquelle les parties ont substitué la société Rivier Consul à M. [S] [Y], la première obligation conclue avec ce dernier a retrouvé son efficacité.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'intervention volontaire de M. [S] [Y] recevable.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial :

Aux termes des articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Par exception, cette indemnité n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial, laquelle s'entend de celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

En l'espèce, il ressort de deux attestations produites par la société Casir [Localité 4], anciennement la société Burger Real Estate et Sotheby's [Localité 4], (pièces 8 et 9) que des négligences et un manque de rigueur ont été imputés à M. [S] [Y] dans l'établissement des fiches clients ou des comptes-rendus de visite ainsi que dans le respect de la réglementation (tracfin, loi Alur, communication d'une attestation de collaboration ou encore de son attestation d'assurance). A cet égard, les pièces produites par M. [S] [Y] dans le cadre de l'instance ne sauraient infirmer l'ensemble de ces constatations dès lors que l'attestation d'assurance porte sur une période postérieure au 8 juin 2017 et que l'attestation de collaborateur n'est valable qu'à compter du 25 juillet 2017.

Pour autant, il convient de relever qu'au-delà des mails circulaires adressés à plusieurs collaborateurs concernant le rappel des obligations réglementaires d'exercice de la profession d'agent commercial dans le domaine de l'immobilier (pièce 10), la société Casir [Localité 4] ne justifie que d'une seule seule mise en garde adressée nominativement à celui-ci avant la rupture du contrat aux termes d'un courrier daté du 30 mars 2017, relatif notamment à la charte Ethique et Déontologique, le suivi de la formation continue, l'établissement des dossiers acheteur/vendeur ou encore la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment.

Par ailleurs, la remise des clefs de l'agence par M. [S] [Y] le 3 août 2017, notamment au regard de l'attestation émise par Mme [L] [I], gérante, prenant acte de la remise des clefs, est insuffisante à caractériser l'existence d'une faute grave de la part de l'agent.

D'une part, cette remise fait suite à la rencontre intervenue le 30 juillet 2017 entre M. [S] [Y] et M. [E] [T], directeur du groupe, et relatée par mail du 2 août, au cours de laquelle le départ de M. [S] [Y] aurait été exigé, et d'autre part, M. [S] [Y] évoque d'ores et déjà le 2 août l'entrevue avec Mme [I] avec une possible demande de remise des clefs. Dès lors, il ne peut en être déduit que les clefs ont été rendues par M. [S] [Y] de sa seule initiative.

M. [S] [Y] pointait également par ce même mail la coupure de son accès au logiciel « immofacile ».

En outre, l'absence de signature de ventes imputée à M. [S] [Y] au titre des années 2013, 2014 et 2016 s'apprécie au regard des mandats de vente produits par celui-ci, attestant à tout le moins de ses diligences, et s'apprécie à la lumière du marché immobilier, lequel était décrit de la façon suivante dans la revue « Les Echos » du 7 juillet 2017 (pièce 41 de l'intimé) « Après cinq années difficiles, l'immobilier haut de gamme de bord de mer retrouve des couleurs » attestant que le faible volume des affaires dénoncée par la société Casir [Localité 4] n'est pas seulement le fait de M. [S] [Y]. En tout état de cause, ce grief n'a fait l'objet d'aucun échange avéré entre les parties avant la présente procédure.

Enfin, il est fait grief à M. [S] [Y] de son comportement inadapté. Pour autant, son attitude « inappropriée, désinvolte, méprisante et contraire à l'esprit positif généré par la direction de l'entreprise » ne ressort que d'une seule attestation (pièce 14) et ne permet pas d'en tirer de conséquences sur l'attitude générale de M. [S] [Y], cette assertion étant elle-même contredite par les mails de deux autres collaborateurs démissionnaires produits par M. [S] [Y] (pièces 17 et 19) mettant en exergue le comportement et les orientations de la direction au sein du groupe Sotheby's, anciennement Burger Real.

En conséquence, il résulte des pièces produites que des négligences ou oublis peuvent être imputés à M. [S] [Y], comme l'ont relevé les premiers juges.

Pour autant, considérant que ces éléments s'apprécient à la lumière d'une relation contractuelle qui a débuté en 2014 et n'a donné lieu à aucune critique nominative à l'endroit de M. [S] [Y] jusqu'en 2017, aucun élément ne permet de caractériser l'existence d'une faute grave au sens de l'article L.134-13 du code de commerce rendant impossible le maintien du lien contractuel et portant atteinte à la finalité commune du contrat, seule de nature à priver l'agent commercial du versement d'une indemnité de rupture.

Le jugement, à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus, sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur les indemnités au titre de la rupture du contrat d'agent commercial :

L'indemnité de préavis :

L'article 9.1 du contrat d'agent commercial passé entre les parties prévoit que, sauf faute grave, la durée du préavis est de trois mois après la troisième année et les suivantes.

L'indemnité de préavis, au même titre que l'indemnité de rupture, sera calculée sur la base des deux dernières années de commissions ramenées prorata temporis.

Ainsi, considérant que M. [S] [Y] a perçu la somme totale de 38.500 euros (5.500 euros en 2016 et 33.000 euros en 2017) sur les deux années précédentes, l'indemnité de préavis sera calculée comme suit : 38.500/24x3= 4.812,50 euros.

A cet égard, il n'y a pas lieu d'intégrer au calcul les facturations nouvellement produites par M. [S] [Y] en cause d'appel, alors même que ces facturations ne sont accompagnées d'aucun versement de commissions, et que M. [S] [Y] n'explique pas leur production tardive et non étayée, bien que portant toutes une date antérieure à la délivrance de l'assignation introductive.

L'indemnité de rupture :

Il résulte des usages que le montant de l'indemnité de rupture équivaut à deux ans de commissions brutes calculées sur la base des commissions perçues soit au cours des deux dernières années d'exécution du contrat, soit sur la moyenne des commissions des trois dernières années.

En l'espèce, il y a lieu de retenir le calcul effectué par les premiers juges au titre des commissions perçues sur les deux dernières années, et de confirmer le montant de l'indemnité compensatrice à hauteur de 38.500 euros, considérant que la durée retenue est proportionnée à celle du mandat.

En application de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la sommation. En conséquence, les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la première demande en justice, soit à compter du 22 décembre 2017.

En outre, conformément à l'article 1154 (ancien) du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur les frais et dépens :

La société Casir [Localité 4] conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et sera tenue de payer à M. [S] [Y] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 27 juin 2022 et reporte la clôture de l'instruction au 8 septembre 2022, date des débats,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Cannes le 13 décembre 2018 sauf en ce qu'il a condamné la société Burger Real Estate (devenue la société Casir [Localité 4]) à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 8.250 euros, au titre de l'indemnité de préavis, et en ce qu'il a jugé que les sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Condamne la société Casir [Localité 4] (anciennement la société Burger Real Estate) à payer à M. [S] [Y] la somme de 4.812,50 euros au titre de l'indemnité de préavis,

Dit que les sommes allouées au titre de l'indemnité de préavis et au titre de l'indemnité de rupture porteront intérêts au taux légal à compter de la première demande en justice, soit à compter du 22 décembre 2017, et que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

Condamne la société Casir [Localité 4] (anciennement la société Burger Real Estate) aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Casir [Localité 4] (anciennement la société Burger Real Estate) à payer à M. [S] [Y] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/00511
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.00511 ?
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