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13/10/2022 | FRANCE | N°21/09825

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 13 octobre 2022, 21/09825


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 13 OCTOBRE 2022

lv

N° 2022/ 405













Rôle N° RG 21/09825 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXF2







[K] [Y] [H]





C/



G.F.A. LES DEUX TERRES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP PASCAL CHAMPDOIZEAU



SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de BRIGNOLES en date du 28 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/000115.





APPELANTE



Madame [K] [Y] [H]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011353 du 01/10/2021 accordée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 13 OCTOBRE 2022

lv

N° 2022/ 405

Rôle N° RG 21/09825 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXF2

[K] [Y] [H]

C/

G.F.A. LES DEUX TERRES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP PASCAL CHAMPDOIZEAU

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de BRIGNOLES en date du 28 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/000115.

APPELANTE

Madame [K] [Y] [H]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011353 du 01/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le 24 Décembre 1973 à [Localité 6] (COLOMBIE)

de nationalité Espagnole, demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Michelle CHAMPDOIZEAU- PASCAL de la SCP PASCAL CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Groupement Foncier Agrigole (G.F.A.) LES DEUX TERRES dont le siège social est [Adresse 7], prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur [N] [O] domicilié audit siège

représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Baptiste CHAREYRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Août 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le Groupement Foncier Agricole ( GFA) dénommé LES 2 TERRES est propriétaire de diverses parcelles sur la commune de [Localité 9], lieudit [Localité 5], cadastrées section B n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], le tout représentant une superficie de 6 ha 35a 06 ca.

Par acte sous seing privé en date du 2 décembre 2013, le GFA LES 2 TERRES a consenti à Mme [K] [Y] [H] un bail rural portant sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 2] d'une superficie de 1 ha 88 a60ca, désignée en terre.

Le bail a débuté le 2 décembre 2013 pour se terminer le 2 décembre 2022. Le montant du fermage a été fixé à 600 € par an.

Un second bail a été établi, le même jour, au profit de M. [N] [O] portant sur la parcelle B n° [Cadastre 4].

Lors de la constitution du GFA, M. [O] et Mme [Y] [H] étaient associés.

Celle-ci a saisi le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, par exploit du 23 juillet 2019, en contestation de la validité de certaines délibérations de l'assemblée générale du 17 juillet 2017 du GFA LES 2 TERRES, par lesquelles elle a perdu la qualité d'associée et de co-gérante.

Par requête en date du 25 mars 2020, le GFA LES 2 TERRES a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles aux fins de solliciter, à titre principal, la résiliation du bail du 2 décembre 2013 portant sur la parcelle B n° [Cadastre 2], l'expulsion de Mme [K] [Y] [H] sans terme, ni délai outre sa condamnation au paiement d'une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 28 mai 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles a:

- rejeté la demande de sursis à statuer de Mme [K] [Y] [H],

- déclaré recevables les pièces du GFA LES 2 TERRES n° 9, 10, 11, 17, 18 et 19,

- prononcé la résiliation du bail rural en date du 2 décembre 2013 entre le GFA LES 2 TERRES et Mme [K] [Y] [H], portant sur la parcelle B [Cadastre 2], et ce aux torts du preneur,

- ordonné l'expulsion sans délai de Mme [K] [Y] [H] ainsi que de toute personne de son chef de la parcelle B n° [Cadastre 2] ainsi que de toute installation étrangère à l'exploitation agricole, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du jugement,

- débouté le GFA LES 2 TERRES de ses autres et plus amples demandes,

- débouté Mme [K] [Y] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [K] [Y] [H] à payer au GFA LES 2 TERRES la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [K] [Y] [H] aux dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration en date du 30 juin 2021, Mme [K] [Y] [H] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2021, Mme [K] [Y] [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux le 28 mai 2021,

Statuant à nouveau,

- constater que Mme [K] [Y] [H] a initié une procédure en annulation de certaines délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du GFA LES 2 TERRES du 17 juillet 2017 devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence par exploit du 23 juillet 2019,

- dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence à intervenir,

Subsidiairement,

- écarter des débats les pièces n° 9, 10, 11, 17, 18 et 19 produites par la partie adverse,

- débouter le GFA LES 2 TERRES de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que Mme [K] [Y] [H] justifie exploiter le fonds donné à bail ,

- en conséquence, dire et juger n'y avoir lieu à résiliation du bail, ni expulsion de Mme [K] [Y] [H]

- condamner le GFA LES 2 TERRES à payer à Mme [K] [Y] [H] les sommes de:

* 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices,

* 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle sollicite le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure suite à l'instance qu'elle a engagée devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en nullité de certaines délibérations de l'assemblée générale du 17 juillet 2017, que si le tribunal fait droit à ses demandes, elle retrouvera ses qualités d'associée et de co-gérante, alors qu'en application de l'article 22 des statuts du GFA l'accord de tous les associés est impératif pour initier toute procédure de résiliation d'un bail.

Elle demande à la cour d'écarter un certain nombre de pièces produites par la partie adverse consistant en des procès-verbaux de constat et photographies illicites car réalisés en pénétrant sur ses terres et à son insu.

Elle conteste avoir abandonné l'exploitation de la parcelle donnée à bail, qu'au contraire elle a créé sa propre exploitation en finançant tous les matériels et investissements, qu'elle s'est retrouvée au contraire confrontée au refus du gérant qui a fait obstacle à tout développement de son activité.

Elle relate avoir complété son activité de maraîchage par la mise en place d'une ferme pédagogique, que dans cette optique, elle a créée une association en matière d'agro-écologie, qu'à ce titre, elle accueille des stagiaires et a obtenu les certificats ECOCERT attestant de son activité d'exploitante agricole, étant précisé qu'elle a toujours réglé le fermage.

Elle expose avoir subi de nombreux sinistres durant ces trois dernières années ( inondations) ayant entraîné une perte d'exploitation, qu'elle a par ailleurs conçu un projet de ferme-pilote en permaculture et foresterie, nécessitant la réalisation de certains travaux mais n'a pu obtenir l'autorisation préalable du bailleur pour les faire effectuer, la contraignant à saisir le tribunal partiaire en référé afin d'être autorisée à passer outre l'opposition du GFA pour entreprendre les travaux indispensables à la survie de son exploitation.

Le GFA LES 2 TERRES, suivant ses conclusions déposées et notifiées le 28 mars 2022, demande à la cour de:

- déclarer l'appel formé par Mme [K] [Y] [H] irrecevable,

Si la cour devait estimer que cet appel est recevable,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de Mme [K] [Y] [H],

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a déclaré recevables les pièces du GFA LES 2 TERRES n° 9, 10, 11, 17, 18 et 19,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail rural en date du 2 décembre 2013 entre le GFA LES 2 TERRES et Mme [K] [Y] [H], portant sur la parcelle B [Cadastre 2], et ce aux torts du preneur,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a ordonné l'expulsion sans délai de Mme [K] [Y] [H] ainsi que de toute personne de son chef de la parcelle B n° [Cadastre 2] ainsi que de toute installation étrangère à l'exploitation agricole, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du jugement,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a débouté Mme [K] [Y] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a condamné Mme [K] [Y] [H] à payer au GFA LES 2 TERRES la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles du 28 mai 2021 en ce qu'il a débouté le GFA LES 2 TERRES de ses autres et plus amples demandes,

En conséquence,

- condamner Mme [K] [Y] [H] à la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme [K] [Y] [H] aux frais de constat du 8 octobre 2019 rendu sur ordonnance et du rapport de M. [Z] [S] désigné également sur ordonnance,

- condamner Mme [K] [Y] [H] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'oppose à tout sursis à statuer aux motifs que non seulement l'interprétation par l'appelante de l'article 22 des statuts est erronée mais surtout le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a rendu sa décision le 22 octobre 2021 et a débouté Mme [Y] [H] de l'ensemble de ses demandes.

Il sollicite la confirmation du jugement querellé qui a rejeté la demande de l'appelante tendant à écarter un certain nombre de pièces en ce que, contrairement à ses affirmations, les procès-verbaux de constat d'huissier n'ont pas été établis à son insu et en toute infraction, aucun huissier n'ayant pénétré dans les lieux loués.

Il conclut au bien fondé de sa demande en résiliation du bail compte tenu des agissements de Mme [Y] [H], à tout le moins depuis 2017, qu'initialement l'exploitation comprenait un secteur de maraîchage serre tunnel avec 4 serres tunnel, un secteur production fruits rouges, un secteur arboriculture irrigué et enfin un secteur maraîchage plein champ mais que la preneuse, au fil des années s'est totalement désintéressée de l'exploitation pour d'autres activités non agricoles ainsi qu'il en résulte des différents constats d'huissier dressé entre 2017 et 2021 ainsi que du rapport d'expertise de M. [S].

Il soutient par ailleurs que l'appelante n'a pas respecté les dispositions du bail et a commis des faits de sous-location, toutes de cessions de bail à titre onéreux étant pourtant interdites, que Mme [Y] [H] a ainsi constitué un véritable village à l'adresse d'une communauté dans un but commercial, que les terres ne sont plus exploitées dans un objectif agricole mais pour des activités d'accueil et de formation menées par des intervenants extérieurs, ainsi qu'il en résulte des pièces produites attestant de la présence d'un public étranger. Il ajoute que l'intéressée réside en Colombie depuis le mois de mars 2021, que manifestement elle ne souhaite aucunement retourner en France et continue de pratiquer des sous-locations prohibées, justifiant d'autant plus la résiliation du bail litigieux.

Il insiste sur son préjudice, l'absence total d'exploitation et d'entretien des terres ayant entraîné des dégradations des sols ainsi que des installations.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

Sur la demande de sursis à statuer

Mme [Y] [H] demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence à intervenir suite à l'instance qu'elle a engagée en annulation de certaines délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du GFA aux termes desquelles elle a perdu la qualité d'associée et de co-gérante.

Elle se prévaut en effet de l'article 22 des statuts du GFA qui impose l'accord de tous les associés pour initier toute procédure en résiliation, de sorte que si le tribunal judiciaire fait droit à ses demandes, elle retrouvera sa qualité d'associée, rendant irrecevable la présente action.

Si effectivement l'article 22 desdits statuts exige une décision unanime de la collectivité des membres associés pour conclure, modifier, renouveler et résilier tous baux et locations, tel n'est pas le cas de l'engagement d'une procédure judiciaire pour non respect par le preneur de ses engagements dans le cadre de l'exploitation du fonds et de l'objet social du GFA.

Au demeurant la cour constate que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a rendu sa décision le 22 octobre 2021, Mme [Y] [H] ayant été déboutée de l'intégralité de ses demandes.

En conséquence, la demande de sursis à statuer dans la demande d'une bonne administration de la justice ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande tendant à écarter les pièces n° 9, 10, 11, 17,18 et 19 produites par le GFA LES 2 TERRES

Il s'agit des procès-verbaux de constat des 9 septembre 2017 ( pièce n°9), 8 mars 2018 ( pièce n° 10), 12 février 2019 ( pièce n° 11) dressés par la SCP ABEILLE GEORGES GASCOUIN, des 22 juin 2018 et 10 janvier 2019 établis par Me [D] ( pièce n° 17) et le 4 septembre 2019 par Me [V] ( pièces n° 18 et 19).

Mme [Y] [H] soutient que ces constats ont été établis à son insu et en toute infraction, l'huissier ayant pénétré sur les terres louées.

Il ressort des trois premiers constats ( pièce n° 9, 10 et 11) que l'huissier de justice s'est, à chaque fois positionnée au-devant des parcelles des parcelles données à bail et à l'extérieur de la ferme.

Les constats de Me [D] ont été établis à partir du chemin d'exploitation qui longe notamment la parcelle [Cadastre 2] donnée à bail à l'appelante et qui mène à d'autres parcelles exploitées par le GFA.

A la lecture des deux procès-verbaux de Me [V], celui-ci s'est transporté devant les parcelles litigieuses, à partir du chemin d'exploitation qu'il a emprunté.

Il en résulte qu'aucun des huissiers n'a ainsi pénétré dans les lieux loués.

Les pièces susvisées n'ont donc pas à être écartées.

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail

Le GFA LES 2 TERRES soutient d'une part, que la bonne exploitation du fonds est compromise et d'autre part, que l'appelante ne respecte pas les dispositions du bail en ce qu'elle pratique des faits de sous-location.

Sur le premier point, il est constant qu'en application de l'article L 411-31 du code rural, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie, notamment, des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation.

En l'occurrence, Mme [Y] [H] exerçait une activité de maraîcher, avec l'exploitation un secteur de maraîchage serre tunnel, un secteur production fruits rouges, un secteur arboriculture irrigué et un secteur maraîchage plein champ.

Le GFA intimé soutient que Mme [Y] [H], à compter de 2017, s'est totalement désintéressée de cette exploitation au profit d'autres activités non agricoles.

Il se prévaut plus particulièrement des éléments suivants:

- un procès-verbal de constat du 9 septembre 2017 , l'huissier indiquant que: ' Nous avons constaté que les parcelles de terres [Cadastre 2] A et [Cadastre 2] B sont à l'état d'abandon, sans aucune culture. Nous constatons également qu'il n'y a à ce jour aucune activité visible, que sur les parcelles il existe deux grandes serres qui vues de notre position semblent elles aussi à l'état d'abandon avec une végétation anarchique, sans aucune trace d'activité agricole en, cours (...)',

- dans son constat du 8 mars 2018, l'huissier ne relève, depuis sa position extérieure, aucune culture d'hiver en production dans les champs, que les parcelles sont équipées de deux serres tunnels de 60 mètres dont les bâches sont ouvertes voire éventrées sur des dizaines de mètres et les quatre demi lunes d'entrée de chacun des tunnels sont ouvertes voire arrachées, qu'il note également la présence d'un tipi indien ainsi que d'une zone aménagée avec une yourte, un carpot et une statue de bouddha avec autour une aire qui semble aménagée comme un lieu de méditation,

- le 12 février 2019, l'huissier constate que ' les parcelles plein champ ne présentent aucune culture d'hiver en production ou ensemencée. L'intégralité est en état de friche, sans entretien, ni travail du sol réalisé à ce jour ' et confirme que comme précédemment, les serres sont largement endommagées et dégradées, les portes éventrées avec un large trou en son centre. Il souligne la présence d'un igloo, d'un tipi indien et d'une roulotte en bois ainsi que différentes petites constructions en bois,

- le procès-verbal de constat du 4 septembre 2019 corrobore cette situation, l'huissier n'ayant remarqué la présence d'aucune culture, à l'exception d'un rang de courgettes et de quelques arbres fruitiers littéralement étouffés par les mauvaises herbes, sans aucun entretien.

Il est également communiqué un procès- verbal de constat et un rapport d'expertise de M. [S] du 8 octobre 2019, établis par ordonnance sur pied de requête, aus termes duquel l'huissier, qui a donc pu visiter intégralement les lieux, a relevé une absence totale d'exploitation, une zone de maraîchage de champs totalement en friche, une détérioration avancée des serres et la présence d'une végétation envahissante mélangées à quelques plants de tomates, des ronces, des mauvaises herbes et la présence de paillage au sol. L'expert agricole et foncier [S], autorisé à assister l'huissier, conclut en ces termes ' La seule culture à peine significative, en nature de plantation de tomates, se situe sous la serre bitunnel, selon un mode de culture très inhabituel caractérisé par un niveau tout à fait remarquable d'enherbement en adventices avec une plantation qui est en très grande partie envahie voire asphyxiée, de très faible vigueur et productivité apparente. Deux vergers de fruitiers sont à l'état d'abandon, presque intégralement morts (....) Outre l'état des rares cultures présentes, il est frappant d'observer l'absence totale de matériel de culture de type monoculture, bineuse, débroussailleuse, seuls de petits outils de jardinage sont entreposés sous la serre bitunnel; il n'a pas non plus été observé de local ou d'abri pour entreposer les différents consommables ' et indique que ' Il n'y a donc raisonnablement aucune activité de production sérieuse et suffisamment significative, en volume et en diversité, sur l'ensemble de la parcelle qui puisse justifier l'existence d'une exploitation agricole'.

Les procès-verbaux de constat dressés le 4 avril 2020, 12 novembre 2020 et 28 octobre 2021 attestent que toutes les zones de culture ou de verger sont en état de friche, d'abandon ou d'inculture.

Ces différents éléments confirment l'absence d'exploitation satisfaisante des parcelles objets du bail, depuis a minima 2017, soit bien antérieurement aux intempéries invoquées par l'appelante en novembre-décembre 2019, que le fait pour celle-ci de bénéficier de certificats ECOCERT, ne permet pas de justifier l'absence totale de production relevée depuis plusieurs années, tout agriculture réalisant des cultures sur les terres louées, peu importe qu'il soit certifié en agriculteur biologique.

Quant au refus allégué du bailleur de l'autoriser à installer d'autres plantations et de réaménager l'entrée du chemin pour permettre un accès pompier, il appartenait, comme l'a relevé le premier juge, à Mme [Y] [H], de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux et en tout état de cause, un tel refus n'est pas de nature à expliquer la situation dans laquelle se trouve l'exploitation.

Les agissements du preneur sont en l'espèce de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, d'autant qu'outre l'absence totale d'activité agricole, il apparaît que l'appelante exploite les terres données à bail dans un tout autre but.

En effet, les différents constats d'huissiers susvisés ( et notamment celui du 8 octobre 2019) relatent l'existence d'activités qui n'ont strictement aucun lien avec l'objet du bail: yoga, réflexologie plantaire, journée de la femme déesse, massage au chocolat, fête de l'utérus, roue de la vie chamanique, concerts de bols tibétains etc ... ainsi que sur la présence sur les lieux d'installations qui n'ont aucun rapport avec des installations agricoles ( tentes type tipi, caravanes, yourtes, statue de bouddha, igloo, roulotte.)

Les captures d'écran du site internet de l'appelante confirment l'organisation sur les lieux d'activités comme des soirées ' tantrique' , ' art de la passion', de conférence par un guérisseur mexicain sur les pratiques de sa tradition, de la venue d'un chaman avec proposition de massages divers et variés ou de cérémonie de nettoyage énergétique et enfin démonstration de yoha et de taïchi.

Le jugement querellé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail rural litigieux et ordonné l'expulsion, sous astreinte, de Mme [Y] [H] ainsi que de tous occupants de son chef, sera en conséquence confirmé.

Les pièces produites par le GFA LES 2 TERRES et notamment les multiples constats d'huissier démontrent que les agissements du preneur sont à l'origine de dégradations, particulièrement des installations. En effet, il est relevé dès le 8 mars 2018 que les serres tunnels présentent des détériorations importantes ( bâches plastiques ouvertes voire arrachées sur plusieurs mètres, demi-lunes d'entrée arrachées, portes éventrées, large trou au centre....)

Le bailleur subit ainsi un préjudice puisqu'il va devoir exposer des frais de remise en état de l'exploitation et notamment de ses serres, justifiant l'allocation d'une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le GFA LES 2 TERRES de sa demande de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau sur ce point,

Condamne Mme [K] [Y] [H] à payer au GFA LES 2 TERRES une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne Mme [K] [Y] [H] à payer au GFA LES 2 TERRES une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [K] [Y] [H] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/09825
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;21.09825 ?
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