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11/10/2022 | FRANCE | N°21/02500

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 11 octobre 2022, 21/02500


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2022



N°2022/709













Rôle N° RG 21/02500 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7DJ







CARSAT NORMANDIE





C/



[B] [K] veuve [E]











































Copie exécutoire délivrée

le : 11/10/2022

à :

>


- CARSAT NORMANDIE



- Me Jean-Christophe LEMAIRE, avocat au barreau de DIEPPE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 13 Décembre 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 18/1248.





APPELANTE



CARSAT NORMANDIE, demeurant [Adresse 2]



représenté par Mme...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2022

N°2022/709

Rôle N° RG 21/02500 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7DJ

CARSAT NORMANDIE

C/

[B] [K] veuve [E]

Copie exécutoire délivrée

le : 11/10/2022

à :

- CARSAT NORMANDIE

- Me Jean-Christophe LEMAIRE, avocat au barreau de DIEPPE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 13 Décembre 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 18/1248.

APPELANTE

CARSAT NORMANDIE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [H] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Madame [B] [K] veuve [E], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Christophe LEMAIRE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Christian MULLER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédures, prétentions et moyens des parties

Mme [B] [K], veuve de M. [S] [E] décédé le 5 juillet 1996, bénéficiaire d'une pension de réversion servie par la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (ci-après désignée CARSAT) de Normandie depuis le 1er juin 2001, a adressé le 7 mars 2006 une demande de pension de retraite personnelle auprès de l'Organic pour un départ au 1er mars 2006.

Informée de cette démarche, la CARSAT lui a adressé le 16 mai 2006 un premier questionnaire de ressources, qu'elle a retourné le 29 mai suivant sans préciser sa situation familiale et en ne renseignant que certaines ressources. Il lui a été notifié le 5 juin 2006 l'attribution de sa retraite personnelle à compter du 1er juin 2006, pour un montant mensuel brut de 59,78 euros, le montant mensuel brut de sa pension de réversion étant de 586,01 euros.

Le 16 août 2011, la Carsat lui a adressé un second questionnaire de ressources, retourné le 26 août, sur lequel l'assurée déclarait pour la première fois vivre en concubinage avec M. [P] [R].

Le 15 septembre 2011, Mme [E] a attesté sur l'honneur vivre en concubinage avec M. [R] depuis le 1er janvier 2001.

Le 28 mai 2015, la CARSAT lui a notifié la révision du montant de la pension de réversion à compter du 1er juin 2006, et a déterminé un trop-perçu d'un montant de 23.726,37 euros pour la période du 1er juin 2006 au 30 avril 2015, dont le paiement a été réclamé par courrier du 1er juin 2015.

Par notification du 12 juin 2015, l'organisme de sécurité sociale lui a adressé une notification préalable à l'application d'une pénalité financière de 600,00 euros, déterminée en raison de l'absence de déclaration de son état de concubinage et de l'existence de biens mobiliers et immobiliers.

Contestant cette dette, elle a saisi la commission de recours amiable de la CARSAT par courrier du 29 juin 2015, laquelle, par décision du 12 novembre 2015, a rejeté la contestation.

Par requête du 16 janvier 2016, Mme [E] a alors porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var.

Par jugement du 13 décembre 2019, notifié le 17 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulon ayant repris l'instance, a :

- déclaré recevable et fondé le recours de Mme [K] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 12 novembre 2015,

- condamné l'assurée à payer à la CARSAT la somme de 5.562,18 euros en remboursement du trop-perçu de la pension de réversion pour la période d'avril 2013 au mois d'avril 2015,

- annulé la pénalité prononcée par l'organisme de sécurité sociale le 12 juin 2015,

- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par déclaration au greffe de la cour du 16 janvier 2020, l'organisme de sécurité sociale a régulièrement interjeté appel à l'encontre de cette décision, en toutes ses dispositions.

L'affaire était cependant radiée pour défaut de diligences des parties le 2 septembre 2020 pour être ré-inscrite à la demande de l'appelante sous le RG 21/02500.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a limité le trop-perçu, et de :

- condamner Mme [K] veuve [E], au paiement de sa dette d'un montant de 23.726,37 euros correspondant aux sommes versées indûment sur la période du 1er juin 2006 au 30 avril 2015,

- juger que la décision prise le 12 juin 2015, d'envisager le prononcé d'une pénalité financière à l'encontre de Mme [K] veuve [E], est justifiée au regard de ses agissements frauduleux,

- condamner Mme [K] veuve [E] à lui régler la somme supplémentaire de 4.588,00 euros indûment perçue au titre de la pension de réversion pour la période du 1er août 2015 au 31 juillet 2017.

Elle fait valoir essentiellement que :

- au visa de l'article R.815-18 du code de la sécurité sociale, l'assurée bénéficiaire d'une pension de réversion est tenue de faire connaître à l'organisme le montant des ressources dont elle dispose, et le cas échéant de celles dont son conjoint, son concubin, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité dispose, et la Cour de cassation a jugé que l'abstention d'un assuré consistant à ne pas signaler l'évolution de sa situation personnelle et sa fausse déclaration à la caisse constitue des actes positifs constitutifs des éléments matériels de la fraude,

- l'enquête approfondie que la caisse a dû diligenter a permis d'établir que Mme [E] détient des biens et des comptes d'épargne,

- elle a dissimulé sur le questionnaire de 2006 sa vie maritale avec M. [R], en dépit du caractère explicite de ce questionnaire,

- la Carsat a eu connaissance des faits caractérisant la fausse déclaration au plus tôt le 15 septembre 2011 de sorte que sa demande en remboursement intervenu le 25 mai 2015 respecte le délai de cinq ans à compter de la découverte de la fraude, et n'est donc pas prescrite,

- l'application d'une pénalité est donc justifiée,

- au cours de l'examen du recours, la caisse s'est aperçue de ce que le revenu mensuel de la SCI à prendre en compte était plus élevé, de sorte que la pension de réversion a dû être réduite de nouveau à due concurrence, engendrant un nouveau trop-perçu d'un montant de 4.588,00 euros sur la période du 1er août 2015 au 31 juillet 2017, avec application de la prescription biennale, sur lequel le premier juge ne s'est pas penché et n'a pas statué,

- le niveau de ressources de Mme [E] ( 2.956,12 euros mensuels ) autorise les prélèvements d'office sur les prestations.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'intimée, formant appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la prescription des demandes de la Carsat antérieures au mois d'avril 2013, en ce qu'il a rejeté les demandes de la Carsat au titre du 1er août 2015 au 31 juillet 2017, en ce qu'il a prononcé l'annulation de la pénalité prononcée par la Carsat le 12 juin 2015, l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 5.562,18 euros pour la période d'avril 2013 à avril 2015, et de :

- débouter la Carsat de toute demande de condamnation,

- rétablir Mme [E] dans ses droits et condamner la Carsat à lui régler sa pension de réversion totale telle que fixée initialement à hauteur du solde non payé mensuellement de 224,82 euros,

- condamner la Carsat à payer pour la période de mai 2015 à avril 2022 la somme de 18.884,88 euros avec intérêts au taux légal à compter des dates auxquelles ces sommes auraient dû être versées,

- condamner la Carsat à lui payer la somme de 3.000,00 euros pour résistance abusive et à titre de dommages et intérêts,

- condamner la Carsat au paiement de la somme de 2.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens temps de première instance qu'en cause d'appel.

Elle soutient en substance que :

- au visa des dispositions de l'article 933 du code de procédure civile, et au constat de ce que la déclaration d'appel ne porte que sur la contestation de la recevabilité du bien-fondé du recours exercé par l'assuré et la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 5.562,18 euros , l'appel ne porte ni sur le rejet de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 23.726,37 euros ni sur la prescription retenue par le premier juge, ni sur le rejet de la demande de condamnation de la somme de 4.588,00 euros au titre de la période du 1er août 2015 au 31 juillet 2017,

- elle-même remet en cause la condamnation intervenue à son encontre, du fait de sa bonne foi, le questionnaire de demande de retraite de réversion qu'elle a renseigné le 16 février 2001 ne mentionnant aucun élément sur la situation personnelle ni aucun éventuel concubinage, et le questionnaire d'actualisation de ressources du 8 août 2017 ne prévoyant pas la situation de concubinage,

- aucune fraude ne peut être retenue à son encontre,

- le montant de la pension de réversion initialement fixée ne peut être modifié,

- la demande de la Carsat au titre de la période du 1er août 2015 au 31 juillet 2017 se heurte à l'absence d'effet dévolutif,

- elle devra donc être rétablie dans ses droits et percevoir sa pension de réversion d'avril 2015 à avril 2022 inclus à hauteur de 224,82 euros par mois,

- la persistance de la caisse à refuser toute discussion et à poursuivre la procédure justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel interjeté

Il est nécessaire d'en préciser les contours au vu des écritures prises par l'intimée.

La lecture de la déclaration d'appel enseigne que l'appel porte sur toutes les dispositions du jugement déféré.

Même si ce jugement n'a pas expressément indiqué dans son dispositif qu'il déboutait la Carsat du surplus des demandes non contenues dans le montant restreint de la condamnation à paiement qu'il prononce à l'encontre de Mme [E], il n'en résulte pas moins que ce dispositif exprime sans ambiguïté que d'une part, l'assurée est condamnée à payer une somme correspondant au remboursement du trop-perçu de pension de réversion pour la période non soumise à prescription, soit d'avril 2013 à avril 2015, d'autre part, la pénalité prononcée par la caisse le 12 juin 2015 est annulée.

Au regard de la saisine ainsi clairement délimitée de ce premier juge, ainsi qu'il résulte de l'exposé du litige énoncé dans la décision querellée mais aussi du premier paragraphe de ses motifs qui a entendu en délimiter précisément l'objet, le recours qui lui était soumis portait sur la contestation opposée par l'assurée d'une part à la demande de restitution d'un trop-perçu de 23.726,37 euros sur la période du 1er juin 2006 au 30 avril 2015, d'autre part sur la pénalité financière notifiée le 12 juin 2015.

Par suite, contrairement à ce que soutient l'intimée, il est sans emport sur la détermination de la saisine de la cour que l'appel de la Carsat ne porte pas sur le rejet de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 23.726,37 euros dès lors que le premier juge n'a pas explicitement rejeté ce chef de prétention, car ce rejet découle implicitement de la condamnation limitée à la période non prescrite sur laquelle portait cette prétention.

De même, il est également sans emport sur la saisine de la cour que la déclaration d'appel ne fasse aucune mention du rejet par la juridiction de première instance de la demande de la caisse tendant à la condamnation de Mme [E] à la somme de 4.588,00 euros au titre de la période du 1er août 2015 au 31 juillet 2017, puisque ce chef de demande n'a pas été présenté au premier juge, ainsi que la lecture du jugement l'enseigne, et qu'il est dès lors irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, tout comme le sont ceux contenus dans l'appel incident formalisé par Mme [E] portant sur le rétablissement du paiement de sa pension de réversion telle qu'initialement fixée et la condamnation de la Carsat à lui payer ce montant mensuel pour la période de mai 2015 à avril 2022, ou que l'est encore la demande qu'elle formule tendant au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive, toutes demandes dont n'a jamais été saisi le premier juge.

Au fond

L'article L.353-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'en cas de décès de l'assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d'un âge et dans des conditions déterminés par décret si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret.

L'article R.353-1-1 du code de la sécurité sociale précise que la pension de réversion est révisable en cas de variation dans le montant des ressources, calculé en application des dispositions de l'article R. 353-1, dans les conditions et selon les modalités fixées aux articles R. 815-20, R. 815-38, R. 815-39 et R. 815-42. La date de la dernière révision ne peut être postérieure :

a) A un délai de trois mois après la date à laquelle le conjoint survivant est entré en jouissance de l'ensemble des avantages personnels de retraite de base et complémentaire lorsqu'il peut prétendre à de tels avantages.

.../...

L'article R.815-38, notamment, indique que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont tenus de déclarer à l'organisme ou au service qui leur sert cette allocation tout changement survenu dans leurs ressources, leur situation familiale ou leur résidence.

L'article R.815-39 ajoute que les organismes et services mentionnés à l'article L. 815-7 peuvent procéder, à tout moment, à la vérification des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des demandeurs ou au contrôle des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.

Il n'est pas discuté en l'espèce, ainsi que cela résulte de l'attestation sur l'honneur rédigé le 15 septembre 2011 par Mme [E], que cette dernière vit en situation de concubinage depuis le 1er janvier 2001 avec M. [P] [R].

Il n'est pas davantage contesté que l'attribution à son bénéfice d'une pension de réversion à compter du 1er juin 2001 s'est faite au vu de la demande renseignée le 16 février 2001 qui ne comporte aucune question relative à la situation familiale personnelle de l'assurée, étant rappelé qu'à cette date l'attribution de la pension de réversion n'était nullement subordonnée à l'examen d'une condition de ressources du ménage éventuellement formé par le bénéficiaire avec un nouveau conjoint ou concubin. Cette condition nouvelle n'a été posée que par la modification du texte intervenue à compter du 22 août 2003.

Il résulte du questionnaire adressé le 16 mai 2006 à Mme [E], au titre de sa retraite de réversion, et précisant expressément qu'afin d'examiner cette retraite de réversion dans le cadre du nouveau dispositif lié à la réforme des retraites, la caisse devait connaître sa situation familiale actuelle et ses ressources, que ce dernier précisait expressément, que si le bénéficiaire de la pension de réversion vivait en couple, suite à remariage, PACS concubinage, il devait également déclarer les ressources de son conjoint, concubin, ou partenaire de PACS en France et à l'étranger.

À ce questionnaire, Mme [E] a répondu exclusivement dans la partie destinée aux bénéficiaires vivant seuls, mentionnant sa pension de réversion et ses autres pensions personnelles, et s'est abstenue de renseigner la partie destinée aux bénéficiaires vivant en couple,

prévoyant pourtant mention détaillée à faire également des ressources du concubin.

Elle n'a par ailleurs porté aucune mention sur les rubriques du questionnaire relative aux biens divers, et puisqu'elle vivait en couple, aux biens éventuels de son conjoint actuel ou partenaire PACS ou concubin. Ce questionnaire a été rempli et signé par Mme [E] le 23 mai 2006. Il est ainsi démontré qu'il contient de fausses déclarations par dissimulation de sa vie maritale, et de l'ensemble des ressources et biens éventuelles détenus ou perçus par M. [R].

Il en résulte que non seulement Mme [E] n'a pas signalé l'évolution de sa situation personnelle à la caisse, mais a effectué, sur demande précise de cette dernière, de fausses déclarations qui constituent des actes positifs constitutifs des éléments matériels de la fraude.

Aux termes de l'article L.355-3 du code de la sécurité sociale, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Il s'ensuit que l'action de la caisse en recouvrement de l'indu n'est pas soumise à la prescription biennale déterminée par le texte ci-dessus, mais à celle du droit commun général de la prescription quinquennale pour les actions mobilières prévu à l'article 2224 du code civil, dont le point de départ se trouve reporté, en raison des fausses déclarations, à la date de découverte de celles-ci par la caisse.

La caisse justifie par la production du questionnaire de situation familiale et de ressources adressé le 16 août 2011 au titre du 'contrôle à compter de 65 ans pour la retraite de réversion' à Mme [E], et que celle-ci a renseigné et signé le 25 août 2011, que ce n'est qu'à cette dernière date que Mme [E] a déclaré les revenus de son concubin ainsi que les droits immobiliers qu'elle détenait.

Il en résulte, sans qu'aucun autre élément ne soit ni établi ni même avancé par Mme [E], que la caisse n'a pu connaître la situation familiale et de ressources exactes de cette dernière qu'à réception du document précité du 25 août 2011, soit le 26 août 2011.

La demande de remboursement, après recalcul des droits de retraite de réversion effectuée par courrier du 28 mai 2015, est en date du 1er juin 2015.

Dès lors, l'action en récupération des sommes trop versées en l'état du recalcul des droits à pension de réversion de Mme [E] peut porter sur les sommes versées indûment entre le 1er juin 2010 et le 1er juin 2015.

Au constat de ce que Mme [E] ne conteste pas les modalités de calcul de la retraite de réversion tel qu'il figure dans l'annexe 1 des écritures de la caisse, le trop-perçu s'établit dès lors à 13.021,84 euros ( soit : 1.567,09 euros du 1er juin au 31 décembre 2010, + 2.616,76 euros du 1er janvier au 31 décembre 2011, + 2.619,03 euros du 1er janvier au 31 décembre 2012, + 2.619,84 euros du 1er janvier au 31 décembre 2013, + 2.697,84 euros du 1er janvier au 31 décembre 2014, + 899,28 euros du 1er janvier au 30 avril 2015).

Le jugement déféré en cours ainsi infirmation dans ces termes.

Rappel fait de ce que la juridiction n'est pas saisie d'un recours à l'encontre de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale, mais d'une contestation à l'encontre d'une décision prise par cet organisme, la cour condamnera Mme [B] [K] veuve [E] à payer à la caisse de retraite et santé au travail de Normandie la somme de 13.021,84 euros en remboursement du trop-perçu de pension de réversion pour la période du 1er juin 2010 au 30 avril 2015, cette dernière date correspondant à la fin de la période de trop-perçu vissé par la caisse dans ses écritures.

Aux termes de l'article L.114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige :

' I.-Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné :

1° L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations;

2° L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations;

(...)

Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Tout fait ayant donné lieu à une sanction devenue définitive en application du présent article peut constituer le premier terme de récidive d'un nouveau manquement sanctionné par le présent article. Cette limite est doublée en cas de récidive dans un délai fixé par voie réglementaire. Le directeur de l'organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu'elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d'un mois. A l'issue de ce délai, le directeur de l'organisme prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l'intéressé en lui indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter ou les modalités selon lesquelles elle sera récupérée sur les prestations à venir.

La personne concernée peut former, dans un délai fixé par voie réglementaire, un recours gracieux contre cette décision auprès du directeur. Ce dernier statue après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil d'administration de l'organisme. Cette commission apprécie la responsabilité de la personne concernée dans la réalisation des faits reprochés. Si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant. L'avis de la commission est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé.

La mesure prononcée est motivée et peut être contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. La pénalité ne peut pas être prononcée s'il a été fait application, pour les mêmes faits, des articles L. 262-52 ou L. 262-53 du code de l'action sociale et des familles.

(...)

Les faits pouvant donner lieu au prononcé d'une pénalité se prescrivent selon les règles définies à l'article 2224 du code civil. L'action en recouvrement de la pénalité se prescrit par deux ans à compter de la date d'envoi de la notification de la pénalité par le directeur de l'organisme concerné.

(...)

Il résulte de ce texte et de l'unique pièce versée à ce titre par la caisse à savoir la notification préalable à l'application de la procédure de pénalité financière du 12 juin 2015 que la caisse n'a pas poursuivi la procédure obligatoire prévue à l'article précité, aucune notification de la pénalité n'étant intervenue. La caisse indique du reste dans ses écritures que la procédure a été suspendue en raison de la contestation portée devant le tribunal.

Dès lors, au constat de l'irrespect des dispositions légales ci-dessus rappelées, la caisse sera déboutée de toute demande à ce titre, l'annulation de la pénalité financière ne pouvant être ordonnée dès lors que celle-ci n'a pas été ni prononcée ni notifiée.

Sur les demandes annexes et les dépens

Mme [E] ne justifie d'aucune résistance abusive de la caisse pas plus que d'aucun préjudice résultant de l'action de celle-ci. Sa demande en dommages et intérêt est en voie de rejet.

Dès lors qu'elle succombe, elle supportera la charge des dépens et verra sa demande présentée au titre des frais irrépétibles rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

- Constate que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est saisie exclusivement de la contestation opposée par l'assurée d'une part à la demande de restitution d'un trop-perçu de 23.726,37 euros sur la période du 1er juin 2006 au 30 avril 2015, d'autre part à la pénalité financière visée sur la notification préalable du 12 juin 2015.

- Déclare irrecevables les autres demandes.

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

- Condamne Mme [B] [K] veuve [E] à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie la somme de 13.021,84 euros en remboursement du trop-perçu de pension de réversion pour la période du 1er juin 2010 au 30 avril 2015.

- Déboute la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Normandie du surplus de ses demandes.

Y ajoutant,

- Déboute Mme [B] [K] veuve [E] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne Mme [B] [K] veuve [E] aux dépens.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02500
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;21.02500 ?
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