La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2022 | FRANCE | N°21/14651

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 06 octobre 2022, 21/14651


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 06 OCTOBRE 2022



N° 2022/ 281













N° RG 21/14651 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIHQ6







SAS SOCODIMA





C/



S.A.S.U. EURO-TRANCHEUSES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Roselyne SIMON-THIBAUD



Me Lauriane COUTELIER











Décis

ion déférée à la Cour :



Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Toulon en date du 06 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021R00065.





APPELANTE



SAS SOCODIMA, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SI...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 06 OCTOBRE 2022

N° 2022/ 281

N° RG 21/14651 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIHQ6

SAS SOCODIMA

C/

S.A.S.U. EURO-TRANCHEUSES

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Lauriane COUTELIER

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Toulon en date du 06 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021R00065.

APPELANTE

SAS SOCODIMA, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marie-Caroline PELEGRY, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMEE

S.A.S.U. EURO-TRANCHEUSES, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Lauriane COUTELIER, avocat au barreau de TOULON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société EURO TRANCHEUSES a acquis auprès de la société SOCODIMA une machine trancheuse de roche, d'occasion, MASTENBROEK type 20/18.

Elle a obtenu par décision du tribunal de commerce de Toulon en date du 15 octobre 2018, rendu après expertise, la condamnation de la société SOCODIMA à lui payer, en raison de l'existence de vices cachés affectant la machine, les sommes de :

-199.732,00 euros au titre du remboursement de la machine,

- 1.329,84 euros au titre de la couverture de l'assurance,

- 6.861,12 euros au titre de l'assurance responsabilité civile,

- la somme de 19.200 euros au titre de l'immobilisation sur 24 mois,

- la somme de 249.643,50 euros au titre de la perte d'exploitation.

Par ordonnance du 11 janvier 2019, le Premier Président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire de façon limitée à la somme de 200.000 euros. En cause d'appel, la société SOCODIMA a réglé la somme de 294.586,48 euros, outre 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Un protocole d'accord a été signé entre les parties le 6 mars 2020. Ce protocole prévoyait outre l'annulation de la vente, l'enlèvement du matériel au plus tard le 6 mai 2020 et cette prestation n'a pas été exécutée.

Par ordonnance du 6 juillet 2021, le président du tribunal de commerce de Toulon a homologué la transaction, lui donnant force exécutoire.

Par ordonnance du 6 octobre 2021, le tribunal de commerce de Toulon a :

- condamné la société SOCODIMA à retirer, sous 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, la trancheuse, occupant indûment le terrain de la société EURO TRANCHEUSES, sous astreinte de 1.500€ par jour de retard,

- condamné la société SOCODIMA au paiement d'une indemnité provisionnelle de 11.200€ pour préjudice de jouissance au titre de l'occupation d'une partie de sa surface d'exploitation par le matériel appartenant à SOCODIMA, et au paiement de la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société SOCODIMA a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 15 octobre 2021.

Par ordonnance du 1er mars 2022, le président de chambre, statuant par délégation du premier président de la cour d'appel, a déclaré irrecevable la demande en autorisation de consignation formée par la société SOCODIMA, a déclaré recevable la demande en radiation formée par la société EURO TRANCHEUSES mais l'a rejetée au fond.

Le président de chambre a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 30 mai 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 27 juin 2022.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 mai 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société SOCODIMA demande à la cour de :

-annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon,

statuant à nouveau,

se déclarer incompétent pour liquider l'astreinte,

à titre principal,

débouter la société EURO TRANCHEUSES de ses demandes,

à titre subsidiaire,

ramener le montant de l'astreinte à de plus juste proportion et débouter la société EURO TRANCHEUSES de sa demande d'augmentation de l'astreinte,

condamner la société EURO TRANCHEUSES à payer à la société SOCODIMA la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

La société SOCODIMA soutient que :

- la société EURO TRANCHEUSES lui a donné assignation à comparaître par exploit du 3 août 2021 pour l'audience du 1er septembre 2021, qu'elle a constitué avocat en urgence, en pleine période de congé de son personnel, que son avocat s'étant constitué le jour même de l'audience, le tribunal a malgré tout retenu le dossier, la société SOCODIMA devant se contenter d'une note en délibéré. Elle fait valoir qu'une note en délibéré ne vaut pas conclusions, qu'elle n'a pas été en mesure de faire valoir ses moyens de défense, que le tribunal a manifestement méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ;

- dans l'hypothèse d'une astreinte prononcée par le tribunal de commerce qui n'était pas resté saisi de l'affaire et ne s'était pas réservé le pouvoir de la liquider, la cour d'appel est tenue de relever d'office son incompétence,

-elle fait état des difficultés liées à la période sanitaire, de ce que l'enlèvement de l'engin a eu lieu le 16 février 2022, qu'il a nécessité des moyens importants, la complexité de l'opération à organiser, en particulier au regard de l'état de la machine, ayant nécessité de coordonner l'intervention de trois entreprises et lui a coûté près de 11.000€, que la liquidation de l'astreinte sollicitée à hauteur de 178.500€ pour 119 jours, pour un prix net de machine de 199.732 euros TTC est manifestement disproportionnée,

- que l'indemnité supplémentaire de jouissance n'est pas justifiée.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mai 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société EURO TRANCHEUSES demande à la cour de :

-confirmer l'ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce de Toulon en date du 6 octobre 2021,

- débouter la société SOCODIMA de toutes ces demandes,

Y AJOUTANT,

- juger que l'astreinte à hauteur de 1.500€ par jour de retard sera due jusqu'au 16 février 2022, date d'enlèvement de la machine,

- en conséquence condamner la société SOCODIMA à payer à la société EURO TRANCHEUSES la somme de 198.000€ au titre de l'astreinte,

- condamner la société SOCODIMA à payer à la société EURO TRANCHEUSES la somme de 17.600€ au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la société SOCODIMA à payer à la société EURO TRANCHEUSES la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la société SOCODIMA a manifestement adopté une attitude dilatoire, que la machine a été vendue il y a maintenant près de 13 ans et qu' après 11 années de procédure, les parties ont signé un protocole d'accord le 6 mars 2020, lequel prévoyait le retrait de la machine, qu'elle a dû néanmoins diligenter un référé, que lors de cette procédure a permis à la société SOCODIMA de faire ses observations à l'audience,

- les explications donnée par SOCODIMA ne justifient en rien le délai d'exécution du protocole transactionnel, l'astreinte de 1.500€ prononcée par jour de retard après la période de 8 jours de la signification de la décision, est justifiée et proportionnée au regard de l'importance de la machine et du comportement de la société SOCODIMA, la demande provisionnelle au titre du préjudice lié à l'occupation du lieu loué par la machine qui devait être enlevée est parfaitement fondée et doit être actualisé à la somme de 17.600 € dans la mesure où elle n'a pas pu jouir et disposer librement d'1/5 -ème de son terrain loué, qu'il s'est écoulé plus de 14 mois après la date à laquelle le protocole devait être exécuté et la décision de justice d'octobre 2021, puis à nouveau 132 jours avant récupération de la machine.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en annulation du jugement pour non-respect du contradictoire

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toute circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Au cas présent, la société SOCODIMA a été autorisée à déposer une note en délibéré et à communiquer des pièces ainsi qu'il ressort du courrier du conseil de la société SOCODIMA en date du 21 septembre 2021 (pièce 5,6 et 7). Le tribunal mentionne expressément cette note dans son jugement. Il échet de retenir que le principe de la contradiction a ainsi été respecté.

En conséquence, cette demande sera rejetée.

Sur la compétence de la cour pour statuer sur la liquidation de l'astreinte

Aux termes de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonné reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.

Aux termes de l'article R.131-2, pour l'application de l'article L.131-3, l'incompétence est relevée d'office par le juge saisi d'une demande de liquidation d'astreinte.

Dans l'hypothèse d'une astreinte prononcée par le tribunal de commerce qui n'était pas resté saisi de l'affaire et ne s'était pas réservé le pouvoir de la liquider, la cour d'appel est tenue de relever d'office son incompétence.

Au cas présent, le tribunal de commerce de Toulon ne s'est pas réservé la liquidation de l'astreinte, laquelle relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution, de sorte que la cour est incompétente pour statuer sur cette demande.

Sur la demande d'indemnité provisionnelle à hauteur de 11.200 euros et son actualisation à la somme de 17.600 euros

Par application de l'article 873 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce dans les limites de sa compétence, peut toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il convient de rappeler qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe, qu'en son montant, qui n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Au cas présent, la société EURO-TRANCHEUSE fait état d'un préjudice subi par elle du fait de l'occupation des lieux loués par elle par la machine particulièrement volumineuse, et ce depuis la signature du protocole non exécuté dans les délais, et fait état d'un préjudice de jouissance qui doit, selon elle, être actualisé pour être porté à la somme de 17.600 euros.

Cette demande, portant sur l'indemnisation à titre provisionnel d'un préjudice, qui nécessite que soient appréciés une faute et un dommage en lien de causalité directe avec celle-ci, excède les pouvoirs du juge des référés qui est juge de l'évidence, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les circonstances de l'espèce imposent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront à la charge de la société SOCODIMA.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

REJETTE la demande d'annulation de l'ordonnance du 6 octobre 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Toulon,

SE DECLARE incompétente pour statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte au profit du juge de l'exécution,

INFIRME l'ordonnance susvisée en ce que le juge des référés a fait droit à la demande de provision au titre du préjudice de jouissance,

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que la demande de provision au titre du préjudice de jouissance excède les pouvoirs du juge des référés et la DECLARE en conséquence irrecevable,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SOCODIMA aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 21/14651
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.14651 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award