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30/09/2022 | FRANCE | N°21/08668

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/08668


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/08668 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTTM







CPAM ESSONNE



C/



Société [3]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- CPAM ESSONNE



- Me Gabriel RIGAL















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal J

udiciaire de Marseille en date du 03 Mai 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01951.





APPELANTE



CPAM ESSONNE, demeurant [Adresse 1]



représenté par Mme [J] [I] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



Société [3], demeurant [Adresse 2]



représentée par M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/08668 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTTM

CPAM ESSONNE

C/

Société [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM ESSONNE

- Me Gabriel RIGAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 03 Mai 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01951.

APPELANTE

CPAM ESSONNE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [J] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON substituée par Me Florence JEAN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE:

M. [D] [W], employé en qualité de chargeur/déchargeur par la société [3] depuis le 1er juillet 2013, a été victime le 24 mai 2016 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne l'a déclaré consolidé à la date du 14 octobre 2018 et a fixé à 15% son taux d'incapacité permanente partielle.

La société [3] a saisi le 1er décembre 2020 le pôle social du tribunal judiciaire de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.

Par jugement en date du 3 mai 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [3] et attribué à M. [D] [W] suite à son accident du travail du 24 mai 2016 est de 1%,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 04 mai 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* dire que le défaut de transmission du rapport d'incapacité par le service médical ne peut lui être opposable,

* dire que les séquelles présentées par M. [W] à la date du 14 octobre 2018 justifient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partiel de 15%.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 02 mai 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3], sollicite la désignation d'un médecin consultant aux frais de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Sur le fond, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

La caisse expose que l'absence de transmission à la juridiction de première instance ne peut lui être opposé, n'étant pas détentrice de ce document. Elle soutient que le médecin-conseil, qui relève de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, est tenu au secret professionnel et que le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu, devant être concilié avec celui du salarié victime au regard du secret médical. Elle souligne avoir transmis au médecin conseil de l'employeur la totalité des certificats médicaux qu'elle détenait et ajoute que dans le cadre de la procédure d'appel le service médical a transmis à son service administratif le rapport d'évaluation des séquelles.

Elle soutient que le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé conformément aux éléments du barème d'invalidité, chapitre 4.2.1.1 pour des séquelles d'Un traumatisme crânien et du poignet gauche chez un chargeur de camion manutentionnaire de 27 ans, droitier, à type de syndrome subjectif des traumatisés crâniens, pour lequel le barème préconise un taux d'incapacité compris entre 5 et 20%. Elle souligne que le salarié a subi un grave accident du travail attesté par la lourdeur du traitement médicamenteux, dans des circonstances très traumatisantes et qu'il ne présentait pas d'état antérieur sur le plan psychique, que l'évaluation médicale faite par le médecin-conseil a été réaffirmée par le colloque médico-administratif et que le taux de 15% est justifié.

Elle relève que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude définitive au poste de travail avec possibilité de reclassement sur un poste différent et sur un autre site d'exploitation, et ne pas avoir eu d'autre information que celle de la convocation du salarié à un entretien professionnel en ce sens.

Au soutien de sa demande de consultation médicale, l'intimée indique vouloir faire valoir l'avis de son propre médecin conseil afin de solliciter la confirmation du jugement entrepris, soulignant qu'il n'y a pu avoir de discussion médicale, le médecin consultant en première instance n'ayant pu rendre d'avis en l'absence de transmission par la caisse des éléments médicaux du dossier de son salarié et notamment du rapport d'évaluation des séquelles.

Sur le fond, elle se prévaut de l'argumentaire de son propre médecin conseil, après étude des pièces médicales communiquées en cause d'appel par la caisse, qui propose un taux d'incapacité permanente partielle de 1% compte tenu d'un examen clinique normal, et retient l'absence de syndrome subjectif ainsi que l'absence d'avis de sapiteur.

En cause d'appel, la caisse ayant versé contradictoirement aux débats, outre les certificats médicaux, le rapport du médecin conseil sur l'évaluation de l'incapacité et un colloque médico-juridique comportant un argumentaire circonstancié de son médecin conseil et l'employeur produisant pour sa part un argumentaire de son propre médecin conseil après examen de ces pièces, une mesure d'instruction, qui ne pourrait être que sur pièces, et par conséquent sur les pièces versées aux débats, ne peut être justifiée que s'il existe un différent médical.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le lendemain du fait accidentel mentionne que 'le salarié était entrain de décharger des palettes vides dans une remorque à l'aide d'un C1, le chauffeur a quitté le quai, le salarié est tombé entre le quai et la remorque avec son chariot, il a été blessé à la tête et au niveau du bras gauche.'

Le certificat médical initial en date du 24 mai 2016, établi par un médecin du service des urgences-traumatologie du centre hospitalier Sud Francilien, mentionne: 'traumatisme poignet gauche, entorse + plaie cuir chevelu', et prescrit un arrêt de travail.

Sur le certificat de prolongation en date du 28 août 2017, établi par un médecin psychiatre, qui prescrit un arrêt de travail, est mentionné au titre des lésions 'syndrome anxio-dépressif sévère en rapport ave un accident survenu sur le lieu du travail. Syndrome de stress post traumatique chronique'.

Le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle fait mention d'un examen réalisé le 13 septembre 2018 par le médecin-conseil auteur de ce rapport, soit à une date proche de la consolidation fixée au 14 octobre 2018. Ce rapport mentionne que le salarié est droitier, l'absence d'antécédents médicaux et qu'un avis favorable à la nouvelle lésion du 28 août 2017 (syndrome anxio-dépressif sévère) a été donné.

Il liste précisément les documents médicaux présentés par le salarié ainsi que leurs conclusions dont il reprend la teneur. Si l'examen neurologique est normal ainsi que l'IRM cérébrale, le médecin neurologue dans son compte rendu de la consultation du 13 juin 2017 explique que les conditions de la chute d'environ 1m30 du salarié ont été particulièrement traumatisantes car 'le chariot d'un poids d'environ 2000 kg risquait de tomber sur lui et ce même accident était survenu quelques temps avant dans l'entreprise provoquant le décès de la personne'.

Ce rapport d'évaluation du taux d'incapacité mentionne le traitement médicamenteux toujours prescrit (qui est effectivement lourd pour comporter outre un antalgique notamment des antidépresseurs et anxiolytiques) et reprend les doléances exprimées lors de l'examen.

Il retient comme séquelle indemnisable un 'syndrome subjectif des traumatisés crânien: céphalées, sensations vertigineuses avec retentissement sur les actes de vie quotidienne', en précisant 'pas de séquelle indemnisable poignet gauche'.

Dans son argumentaire, le médecin conseil de l'employeur considère que le praticien conseil a conclu à un syndrome subjectif des traumatisés crânien alors qu'il existe un syndrome anxio-dépressif et relève qu'un suivi psychiatrique et un traitement antidépresseur n'est pas indiqué dans un syndrome subjectif. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie a accepté ce syndrome dépressif en nouvelle lésion et non un syndrome subjectif des traumatisés crâniens il conclut que les conclusions du médecin-conseil ne sont pas médico-légalement recevables, et que l'avis sapiteur spécialisé est indispensable s'agissant du syndrome anxio-dépressif afin d'évaluer les séquelles.

L'employeur n'allègue pas avoir contesté la prise en charge de cette nouvelle lésion au titre de l'accident du travail, ni la date de consolidation fixée au 14 octobre 2018.

L'argumentaire du colloque médico-juridique dont se prévaut la caisse souligne que les doléances exprimées lors de l'examen (céphalées, insomnies, cauchemars, sensations vertigineuses, hypoacousie, acouphènes) sont typiques d'un syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne pour lesquelles le barème indique 5 à 20%, pour conclure que le taux de 15% est conforme au barème.

Il résulte du guide barème chapitre 4.2 relatif aux séquelles portant sur le névraxe que les incapacités en résultant doivent être évaluées non pas à partir de la lésion initiale en elle-même mais en fonction des séquelles réduisant l'activité de l'intéressé.

Le chapitre 4.2.1.1 relatif au syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne mentionne que ceux-ci se plaignent souvent de troubles divers constituant le syndrome subjectif, qui ne sera admis que s'il y a eu à l'origine un traumatisme crânien ou une commotion cérébrale par l'intermédiaire de l'axe cérébral plus particulièrement du rachis cervical.

Il précise que ce syndrome se manifeste par des céphalées, des étourdissements ou une sensation d'instabilité, une difficulté de concentration intellectuelle et de l'association des idées, la victime peut accuser également la fatigabilité intellectuelle à la lecture, des troubles amnésiques portant sur les faits récents, une modification de l'humeur et du caractère, ainsi que des troubles du sommeil.

Il donne pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle de ce syndrome une fourchette de 5 à 20%.

En l'espèce, il résulte du certificat médical initial que le salarié a présenté une plaie cuir chevelu et du rapport du médecin-conseil, que:

* il a été réalisé le 03 juin 2016, soit neuf jours après l'accident un scanner cérébral dont le compte rendu ne lui a pas été communiqué,

* le 15 février 2017 son médecin l'a orienté pour consultions ORL en raison de 'vertiges récurrents avec hypoacousie et acouphènes associés à des céphalées temporales lors de l'accident du travail' et le 18 février 2017 pour consultation par 'ophtalmo' pour difficultés à voir de loin, parfois des céphalées associées et surtout des vertiges maintenant avec des flous visuels.

La cour constate que les troubles dont le salarié a fait état se sont manifestés sous formes diverses, qu'ils ont été à l'origine de consultations et examens spécialisés étalés dans le temps, avec un an après l'accident du travail la consultation d'un neurologue, qui a conclu à un examen neurologique normal, en soulignant que l'IRM est normale, tout en mentionnant que le salarié s'est plaint lors de la consultation de 'céphalées', de 'sensations vertigineuses', d'un 'sommeil perturbé par des cauchemars qui lui ré-évoquent l'accident' et qui conclut son examen en indiquant que le salarié 'présente un syndrome post-traumatique' justifiant une prise en charge spécialisée.

Il est ainsi établi que lors de l'accident du travail, le salarié a eu un traumatisme crânien, ayant du reste justifié sous huitaine un scanner cérébral. Les doléances récurrentes du salarié, ressortant des certificats médicaux et courriers médicaux repris dans le rapport d'évaluation de l'incapacité, correspondent rigoureusement à celles décrites dans le barème pour le syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne.

Les troubles dont il a fait ainsi état devant le médecin-conseil de la caisse, constituent donc les lésions séquellaires à la date de consolidation, prises en charge au titre de l'accident du travail pour résulter du certificat médical initial, et la cour relève que la nouvelle lésion mentionnée sur le certificat médical du 28 août 2017 (syndrome anxio-dépressif sévère) n'est pas prise en compte par le médecin conseil de la caisse dans l'appréciation des séquelles.

Il s'ensuit que l'avis d'un sapiteur évoqué par le médecin conseil de l'employeur ne peut être pertinent dans le cadre du présent litige.

Dés lors l'évaluation du taux d'incapacité doit se faire au regard des dispositions de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, du chapitre 4.2.1.1 du barème indicatif et en tenant compte à la fois des éléments médicaux et des doléances exprimées lors de l'examen clinique réalisé par le médecin-conseil:

* maux de tête,

* sensations vertigineuses sans chute 2 à 3 fois par semaine,

* 6 heures de sommeil par jour incluant 2 heures de sieste.

Il doit également être tenu compte de l'avis d'inaptitude définitif au poste émis le 1er octobre 2018 par le médecin du travail, considérant le salarié 'a priori apte à un poste de travail sans conduite de chariot autoporté sur un site différent que celui d'aujourd'hui' qui mentionne une étude de poste effectuée le 26 septembre 2018, et de la réponse au service accident du travail de la caisse apportée par l'employeur le 15 novembre 2018 faisant état d'une procédure de reclassement en cours, éléments qui mettent en évidence l'existence d'une incidence professionnelle de l'accident du travail.

En cause d'appel, l'employeur ne verse aux débats aucun élément sur la situation actuelle du salarié (reclassé/ licencié).

Ces éléments conduisent la cour à fixer par infirmation du jugement entrepris à 10% le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [3] résultant de l'accident du travail dont a été victime le 24 mai 2016 M. [D] [W].

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Fixe à 10% le taux opposable à la société la société [3] résultant de l'accident du travail dont a été victime le 24 mai 2016 M. [D] [W],

- Condamne la société [3] aux dépens, à l'exclusion des frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/08668
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.08668 ?
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