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30/09/2022 | FRANCE | N°21/06679

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/06679


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/06679 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMSG







CPAM DU RHONE -





C/



S.A.S. [3]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- CPAM DU RHONE





- Me Hélène BOUT















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 19 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 16/05014.





APPELANTE





CPAM DU RHONE -, demeurant [Adresse 1]



représentée par Mme [I] [V], Inspecteur juridique en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



S.A.S. [3], dem...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/06679 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMSG

CPAM DU RHONE -

C/

S.A.S. [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM DU RHONE

- Me Hélène BOUT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 19 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 16/05014.

APPELANTE

CPAM DU RHONE -, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [I] [V], Inspecteur juridique en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Hélène BOUT, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [K] [C] épouse [B], employée en qualité de cadre technicien par la société [3] depuis le 1er septembre 2008, a été victime le 03 septembre 2013, d'un accident du travail déclaré avec réserves le 17 septembre 2013 par son employeur.

Le certificat médical initial en date du 03 septembre 2013, établi par un médecin généraliste, mentionne une 'entorse du genou gauche et des cervicalgies, dorsalgies post chute' et prescrit un arrêt de travail.

Après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a décidé le 11 décembre 2013, de reconnaître le caractère professionnel de cet accident,

Après rejet le 02 juin 2016, par la commission de recours amiable de sa contestation portant à la fois sur la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et de la durée des arrêts de travail consécutifs, la société [3] a saisi le 28 juillet 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date 19 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* infirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en date du 02 juin 2016,

* déclaré inopposable à la société [3] la décision de prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Mme [K] [C] le 03 septembre 2013,

* débouté la société [3] de ses autres demandes,

* laissé les dépens à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a interjeté appel de ce jugement dont elle a accusé réception de la notification le 30 mars 2021, par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 29 avril 2021.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 22 juin 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône demande à la cour de:

* infirmer le jugement entrepris,

* déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident du travail survenu le 03 septembre 2013.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 11 avril 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3] soulève l'irrecevabilité de l'appel.

Subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions et sollicite la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

* sur la recevabilité de l'appel:

L'article 932 du code de procédure civile dispose que l'appel est formé par une déclaration que la partie ou son mandataire fait ou adresse par pli recommandé au greffe de la cour.

Il résulte par ailleurs de l'article 538 du code de procédure civile que le délai d'appel en matière contentieuse est d'un mois.

Par application de l'article 668 du code de procédure civile, la date de l'expédition d'une notification faite par la voie postale est celle qui figure que le cachet du bureau d'émission.

Le jugement entrepris a été notifié par le greffe du tribunal judiciaire de Marseille par transmission expédiée le 23 mars 2021 (date du bordereau de la Poste) et la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en a en accusé réception le 30 mars 2021.

L'appelante a formalisé son appel par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 29 avril 2021, ainsi que cela résulte du tampon dateur du bureau d'expédition de la Poste.

Il s'ensuit que l'appel ayant été formalisé dans le mois de la signification du jugement est recevable.

* sur le fond:

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

La caisse expose avoir procédé à une enquête en raison des réserves émises par l'employeur et qu'il en résulte que la salariée, qui occupait un poste de chef de secteur depuis le 1er septembre 2008, n'avait pas d'horaires précis, devant effectuer cinq visites journalières en clientèle. Elle a déclaré avoir trébuché sur un plot et avoir chuté alors qu'elle avait effectué à 7 heures 55 le 03 septembre 2013 une première visite chez un client, qu'elle s'était garée pour se diriger vers le poste de sécurité de son second client, et s'était écartée de la chaussée pour laisser passer un camion de livraison, deux témoignages recueillis confirmant les causes et les circonstances de l'accident. La salariée a en outre déclaré avoir prévenu par mail le jour même son employeur de son accident et avoir su ultérieurement que son mal n'était pas parti, par suite du blocage de sa messagerie par son employeur, lequel lui a notifié son licenciement par courrier du 17 septembre 2013, et l'avoir alors informé de son accident.

La caisse soutient qu'il y a eu un fait matériel précis le 03 septembre 2013, jour de la constatation médicale de lésions, dont deux témoins cités par l'assurée ont attesté, alors que le rapport d'enquête dont se prévaut l'employeur daté du 09 juin 2014, est dépourvu de valeur probante, l'enquête de terrain n'ayant été effectuée qu'en février 2014 et ne répertorie aucun appel entre le 24 janvier 2013 et le 02 avril 2013.

Elle relève que les courriers datés du 03 septembre 2013 envoyés par l'assurée à la responsable des ressources humaines témoignent de son ignorance de la notification de licenciement avec dispense de préavis et d'un problème rencontré de mot de passe de messagerie périmé, et enfin que l'employeur a indiqué que sa salariée lui avait déclaré son accident du travail le 05 septembre 2013, soit dans un temps proche.

Elle souligne l'existence d'un conflit entre l'employeur et la salariée résultant de la notification le jour de l'accident d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, alors que la matérialité du fait accidentel survenu le 03 septembre 2013 est établie et que l'employeur ne renverse pas la présomption d'imputabilité.

L'intimée lui oppose avoir reçu le 09 septembre 2013 une déclaration pour un accident de trajet qui serait survenu le 03 septembre 2013 à [Localité 4]. Elle fait état de deux mails envoyés par la salariée le 03 septembre 2013 à 9 heures 09 et à 10 heures 24 ne faisant pas état de la survenance de l'accident du travail, tout en soulignant que la salariée affirme que son accident du travail est survenu entre 08h45 et 9h00. Elle soutient que les heures de ces mails démontrent qu'elle n'a pas été victime d'un accident du travail et que les témoins ont fait de faux témoignages.

Elle conteste le blocage de la messagerie de la salariée le 03 septembre 2013 et souligne que celle-ci a par le passé fait état de difficultés informatiques qui n'ont pas emporté la conviction de l'inspecteur du travail, lequel a autorisé son licenciement et se prévaut du rapport d'enquête d'une agence de recherches privée établissant l'existence de relations intimes entre la salariée et le gérant du restaurant devant lequel elle a déclaré avoir eu son accident.

En l'espèce, il est établi que l'accident du travail contesté se situe dans le cadre d'un contexte relationnel dégradé entre l'employeur et la salariée, puisque la lettre de licenciement est datée du même jour que cet accident, et que le contexte de rupture du contrat de travail était connu de la salariée puisque cette lettre fait mention d'un entretien préalable en date du 31 mai 2013, de ce qu'étant salariée protégée, l'employeur a sollicité le 05 juillet 2013 l'autorisation administrative de licenciement qui lui a été accordée le 28 août 2013, après que la salariée ait été entendue le 23 juillet 2013 par l'inspectrice du travail.

Le certificat médical initial constatant les lésions est daté du 03 septembre 2013, sans que l'heure de la consultation ne soit établie. Ce certificat mentionne une entorse du genou gauche, des cervicalgies et dorsalgies en précisant 'post chute' sans que d'autres constatations médicales corroborent la 'chute' (pas de constatations d'égratignures, éraflures, de traces d'impact...).

Les circonstances matérielles du fait accidentel ainsi que le créneau horaire de sa survenance résultent donc exclusivement de la relation donnée par la salariée corroborée par deux attestations, l'une établie le 06 septembre 2013 par M. [R], l'autre le 18 octobre 2013 par M. [Y], qui le sont toutes deux dans les formes légales, le premier attestant avoir vu la salariée tomber le 03 septembre 2013 entre 8h30 et 9 heures, avoir appelé les pompiers qui ont refusé de se déplacer car elle était consciente, le second attestant également avoir vu la chute de la salariée le même jour entre 8h 30 et 8h45 sur le parking de carrefour, et faisant état également d'un appel aux pompiers, de leur refus de se déplacer et de ce que le frère de la salariée serait finalement venu la chercher.

Ces deux attestations qui sont rédigées dans des termes très proches, ne mentionnent pas précisément la nature des blessures qu'aurait présentées la salariée dans les suites de sa chute.

S'il est établi par le registre des badges de l'enseigne indiquée comme étant la première visitée par la salariée le 03 septembre 2013, qu'un salarié de la société [3] a effectivement badgé le 03 septembre 2013 à 07 heures 15, ce qui corrobore la version de la salariée sur le début de sa tournée, par contre, en dehors des deux attestations précitées aucun élément ne vient corroborer le moment de la journée du 03 septembre 2013 de survenance des lésions médicalement constatées.

Aucun élément objectif ne corrobore l'appel aux pompiers mentionné dans ces attestations et l'heure de consultation du médecin n'est pas davantage établie par les documents versés aux débats par la caisse.

L'employeur a écrit dans sa lettre de réserves avoir reçu un certificat d'arrêt de travail initial le 09/09/2013, puis le 17 septembre 2013 la prolongation.

Il a justifié dans le cadre de l'enquête administrative que la salariée a envoyé le 03 septembre 2013 à sa responsable ressources humaines deux mails en utilisant son iphone:

* l'un à 09h09, soit dans un créneau horaire très proche de celui de l'accident allégué, dans lequel elle n'en fait pas état et au contraire indique avoir 'modifié son plan de tournée' et 'inversé la journée d'hier avec celle d'aujourd'hui car j'avais oublié que c'était la rentrée scolaire',

* l'autre à 11 h 43, dans lequel elle ne fait pas davantage état de son accident, et demande que lui soit réservé un 'TGV pour la réunion'.

L'absence de mention de l'accident dans ces deux courriers adressés par la salariée à son employeur le jour de l'accident contredit:

* d'une part la teneur des attestations précitées sur la survenance entre 8h30 et 9h00 du fait accident dont elle a déclaré avoir été victime,

* comme d'autre part l'impossibilité d'en prévenir son employeur, alors qu'il est établi qu'il a bien reçu les deux messages dont il a adressé copie à la caisse dans le cadre de l'enquête administrative.

Il s'ensuit que la salariée qui avait bien la possibilité d'informer son employeur ou son responsable hiérarchique de la survenance d'un accident du travail le 03 septembre 2013 ne l'a pas fait, alors qu'elle en a l'obligation légale.

Ces messages contredisent également les attestations précitées quant aux conséquences de la chute dont elles font état puisqu'ils établissent que la salariée a poursuivi au moins jusqu'à 11h43 sa matinée de travail.

Il ne résulte donc pas de l'enquête réalisée par la caisse concordance d'éléments permettant de retenir la survenance au temps et lieu du travail le 03 septembre 2013 d'un fait accidentel ayant engendré pour Mme [K] [C] épouse [B] les lésions médicalement constatées dans le certificat médical initial déclaration d'accident du travail du même jour.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à l'employeur la décision de reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône en date du 11 décembre 2013 du caractère professionnel de l'accident déclaré survenu le 03 septembre 2013 à Mme [K] [C] épouse [B].

Succombant en ses prétentions, la caisse doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

- Dit la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône recevable en son appel,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône de ses demandes,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06679
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.06679 ?
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