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30/09/2022 | FRANCE | N°21/06578

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/06578


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/06578 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMEI







Organisme CPAM DE L'AUDE





C/



Société [5]



Société [4]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- CPAM DE L'AUDE



- Me Gabriel RIGAL





-

Me Laura TETTI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 31 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11018.





APPELANTE



CPAM DE L'AUDE, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]



représenté par Mme [X] [N] , Inspecteur juridique en vertu ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/06578 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMEI

Organisme CPAM DE L'AUDE

C/

Société [5]

Société [4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM DE L'AUDE

- Me Gabriel RIGAL

- Me Laura TETTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 31 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11018.

APPELANTE

CPAM DE L'AUDE, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représenté par Mme [X] [N] , Inspecteur juridique en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [5], demeurant [Adresse 7] - [Localité 2]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON

dispensé en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

PARTIE INTERVENANTE

Société [4], demeurant [Adresse 7] - [Localité 2]

représentée par Me Laura TETTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Juliette RIEUX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE:

M. [P] [L], employé en qualité d'ouvrier qualifié par la société [5] depuis le 16 octobre 2014 et mis à disposition de la société utilisatrice Ferifos, aux droits de laquelle se trouve la société [4], a été victime le jour même d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude l'a déclaré consolidé à la date du 05 novembre 2017 et a fixé à 12% son taux d'incapacité permanente partielle.

Par jugement en date du 06 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier, pôle social, saisi d'un recours de M. [L] portant sur le taux d'incapacité permanente partielle reconnu par la caisse l'a fixé à 20%, dont 5% au titre de l'incidence professionnelle (et ce dans les rapports salarié/caisse).

La société [5] a saisi le 20 février 2018 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de la décision de la caisse afférente au taux d'incapacité.

Par jugement en date du 31 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

*dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [5] et attribué à M. [P] [L] suite à son accident du travail du 16 octobre 2014 est de 7%,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude aux dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 22 juin 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* juger que le taux d'incapacité opposable à l'employeur doit être de 15% (taux médical) et 5% (taux professionnel),

* rejeter les demandes de l'employeur notamment sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 21 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [5], dispensée de comparaître, sollicite la confirmation du jugement entrepris ayant abaissé à 7% le taux d'incapacité permanente partielle qui lui est opposable au titre des séquelles de l'accident du travail du 16 octobre 2014 présenté par M. [P] [L].

En l'état de ses conclusions déposées sur l'audience du 22 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [4], non désignée sur la déclaration d'appel en qualité d'intimée, mais convoquée à cette l'audience, demande à la cour de juger qu'aucune demande ne peut être dirigée à son encontre et sollicite la confirmation du taux de 7% fixé par le jugement entrepris.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

La caisse, qui se prévaut de l'argumentaire de son médecin conseil, expose que le certificat médical initial établi le 21 novembre 2014, expose que l'accident du travail a eu une incidence professionnelle importante, que les séquelles sont loin d'être bénignes, une inaptitude professionnelle ayant été retenue.

L'intimée qui souligne l'indépendance des rapports caisse/salarié et caisse/employeur, et se prévaut de l'avis de son propre médecin conseil, soutient que le chapitre 4.2.1.1 du barème, prévoit pour le syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne, pour le syndrome subjectif, une fourchette de 5 à 20% et qu'on ne doit pas additionner au taux du syndrome post-commotionnel les taux inhérents aux séquelles neurologiques sans que celles-ci soient individualisées et objectivées par des examens para-cliniques éventuels alors qu'au niveau cognitif et neuro-psychologique le salarié a bénéficié d'un bilan qui retrouve manifestement une atteinte légère à modérée et que l'examen clinique du médecin conseil de la caisse retrouve un MMS (mini mental state) à 28/30 avec un problème au niveau du calcul mental, sans qu'il soit retrouvé de problème mnésique ni de désorientation temporo-spatiale.

Le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail définit la consolidation comme correspondant au 'moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus en principe nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente consécutive à l'accident, sous réserve de rechutes et de révisions possibles'.

S'agissant de l'incidence professionnelle, les principes généraux dégagés dans le chapitre préliminaire de l'annexe I à l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale, précisent que le médecin chargé de l'évaluation, lorsque les séquelles de l'accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l'intéressé, ou un changement d'emploi, doit tenir compte des possibilités d'exercice d'une profession déterminée et des facultés de l'intéressé de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

L'évaluation de l'incidence professionnelle doit par conséquent prendre en considération à la fois les séquelles physiques mais aussi l'âge du salarié, sa qualification professionnelle et ses possibilités de reclassement.

En l'espèce, le rapport du médecin conseil de la caisse évaluant le taux d'incapacité permanente partielle travail à 12% n'est pas versé aux débats en cause d'appel.

Il est établi que dans les rapports caisse/salarié, le tribunal de grande instance de Montpellier a fixé par jugement en date du 06 décembre 2016, le taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'accident du travail dont M. [L] a été victime le 16 octobre 2014 à 20% dont 5% au titre de l'incidence professionnelle, en retenant qu'à la date de l'examen par le médecin conseil (de la caisse) le salarié présentait:

* des acouphènes,

* une perte de mémoire des événements récents,

* une perte de mots,

* des difficultés de concentration, d'organisation, de gestion du quotidien, et perte de notion de temps,

* des troubles cognitifs d'intensité légère à modérée et modifications comportementales et fonctionnelles, modification de l'humeur et modifications psycho-comportementales modérées.

Par ailleurs ce jugement relève que le salarié décrit un parcours professionnel continu depuis l'âge de 16 ans jusqu'à l'accident du travail et faire l'objet d'une décision d'inaptitude.

Pour être né le 23 mars 1972, le salarié était âgé de 42 ans à la date de son accident du travail,

et de 45 ans à la date de consolidation.

Le certificat médical initial en date du 16 octobre 2014, daté du jour de l'accident du travail, établi par un médecin du service des urgences du centre hospitalier universitaire de [Localité 6] mentionne un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale.

Le certificat médical final, en date du 13 novembre 2017, établi par un médecin généraliste, énumère plusieurs séquelles du traumatisme crânien (dont des acouphènes, des troubles de la concentration, déjà mentionnés sur la quasi-totalité des certificats de prolongation).

Le taux de 12% fixé par le médecin conseil de la caisse ne prend pas en considération l'incidence professionnelle, puisqu'il est précisé que celui-ci est de 0%, mais cette incidence a été judiciairement retenue dans le taux opposable entre le salarié et la caisse, laquelle en fait état dans le cadre du présent litige.

En sollicitant en réalité la fixation du taux d'incapacité permanente partielle au taux retenu par ce jugement, la caisse admet implicitement l'existence d'une incidence professionnelle.

L'argumentaire médical dont se prévaut la caisse en cause d'appel, reconnaît expressément celle-ci pour mentionner d'une part une décision d'inaptitude et d'autre part que le salarié n'a pas pu reprendre son métier ni aucune activité professionnelle en raison de la persistance des séquelles.

Le rapport du médecin consultant désigné par les premiers juges mentionne que:

* lors de l'accident du travail il y a eu un traumatisme crânien avec perte de connaissance lors d'une chute avec choc direct du crâne sur un escalier,

* l'IRM du rachis lombaire réalisé le 14 juin 2016 fait état de 'discopathie multi-étage modérée en L5-S1", celle du 21 juillet 2016 d'une 'uncodiscarthrose étagée en C5-C6, une profusion herniaire focale en postéro latéral gauche et rétrécissement foraminal',

* le compte rendu d'examen neuro-psychique des 30 octobre 2016 et 08 novembre 2016 conclut à des 'troubles cognitifs d'intensité légère à modérée, modification de l'humeur, sévère retentissement psychologique familial, professionnel et social',

* note que le salarié 'n'a pu reprendre son activité professionnelle'.

Il mentionne qu'à la date de consolidation du 05 novembre 2017, le salarié présentait un syndrome post commotionnel et reprend à cet égard l'énumération des séquelles mentionnée dans le jugement en date du 06 décembre 2016.

Il précise que selon le barème, le syndrome subjectif post commotionnel est évalué entre et 5 et 20% et propose de retenir un taux de 12% au titre d'un syndrome post commotionnel crânien d'intensité légère à modérée.

Dans ses deux argumentaires, le médecin conseil de l'employeur considère que les doléances notées, à savoir les pertes de mémoire et la perte de notion du temps ne sont pas objectivées, en retenant que l'examen clinique du médecin conseil retrouve un MMS à 28/30 avec un problème au niveau du calcul mental, mais pas de problème mnésique ni de désorientation temporo-spatiale.

Il ajoute dans son second argumentaire que le MMSE test évalue les capacités d'intégration et de restitution des données, l'orientation dans le temps et dans l'espace, la concentration ainsi que la mémoire, et qu'il a été uniquement constaté des erreurs de calcul mental.

Il relève, concernant les céphalées et troubles de l'humeur, qu'on ne retrouve aucune médication à visée antalgique ni thymo-régulatrice et conclut que l'atteinte est légère.

Pour ramener à 7% le taux d'incapacité permanente partielle, les premiers juges n'ont pas pris en considération l'incidence professionnelle, résultant des éléments de l'examen du médecin conseil repris dans le rapport du médecin consultant, et se sont référés exclusivement aux éléments du barème, en ce qu'il indique au titre du chapitre 4.2.1.1 relatif au syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne, mentionnant que ces derniers se plaignent souvent de troubles divers constituant le syndrome subjectif, et que ce dernier 'ne sera admis que s'il y a eu à l'origine un traumatisme crânien ou une commotion cérébrale par l'intermédiaire de l'axe cérébral plus particulièrement du rachis cervical'.

Or en l'espèce, ce type de traumatisme est établi à la fois par l'ensemble des certificats médicaux (initial, de prolongation et final) que la caisse verse aux débats et par les éléments repris dans le rapport du médecin consultant qui cite les deux IRM et le compte rendu compte rendu d'examen neuro-psychique.

Le guide barème précise du reste que le syndrome post-commotionnel des traumatisé du crâne se 'manifeste par des céphalées, des étourdissements ou une sensation d'instabilité, une difficulté de concentration intellectuelle et de l'association d'idées (...) des troubles amnésiques portant sur les faits récents (...)

S'il ajoute qu'on ne peut additionner au taux du syndrome post-commotionnel les taux inhérents à des séquelles neurologiques sans que celles-ci aient été individualisées ou objectivées par des examens para-cliniques éventuels, pour autant il ne résulte de la consultation médicale ordonnée par les premiers juges, que le médecin conseil aurait procédé à une telle addition de taux.

Lors de l'examen médical il a été constaté par le médecin conseil de la caisse, ainsi que repris dans le rapport du médecin consultant, des séquelles médicales caractéristiques du syndrome subjectif des traumatisés crâniens étant observé que le salarié occupait un emploi dans le BTP, peu compatible avec l'existence de difficultés de concentration, lesquelles sont mises en évidence par les erreurs de calcul relevées.

L'absence alléguée par le médecin conseil de l'employeur de médication à visée antalgique ou/et thymo-régulatrice n'est pas étayée.

La cour constate la convergence des deux avis (médecin consultant / médecin conseil de la caisse) pour retenir un taux de 12%, et relève que le taux proposé par le médecin consultant ayant examiné le salarié dans le cadre d'une procédure distincte (15%) est relativement proche alors que celui retenu par les premiers juges, suivant en cela l'avis du médecin conseil de l'employeur (7%) est très éloigné.

Il s'ensuit que le taux d'incapacité purement médical de 12% doit être retenu, mais qu'il doit être tenu compte de l'incidence professionnelle caractérisée en l'espèce par l'inaptitude médicale, résultant nécessairement de l'avis du médecin du travail chez un salarié âgé de 45 ans à la date de consolidation et ayant travaillé depuis l'âge de 16 ans dans des métiers du bâtiment, ce qui conduit la cour à quantifier à 5% l'incidence professionnelle.

Par infirmation du jugement entrepris, la cour fixe dans les rapports caisse/employeur à 17% (dont 5% au titre de l'incidence professionnelle) le taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'accident du travail dont M. [P] [L] a été victime le 16 octobre 2014

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Dit que dans les rapports entre la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et à la société [5], le taux d'incapacité résultant de l'accident du travail dont a été victime le 16 octobre 2014 M. [P] [L] est fixé à 17% dont 5% au titre de l'incidence professionnelle,

- Condamne la société [5] aux dépens, à l'exclusion des frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06578
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.06578 ?
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