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30/09/2022 | FRANCE | N°21/04574

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/04574


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.

Rôle N° RG 21/04574 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHF4X







[M] [E]



C/



S.A.S. [5]



CPAM DES ALPES MARITIMES







Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- Me Rachel COURT-MENIGOZ



- Me Cyrille BARAN



- Me Stéphane CECCALDI













Décision d

éférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 12 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/2342.





APPELANT



Monsieur [M] [E], demeurant [Adresse 3]



comparant en personne, assisté de Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRAN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/04574 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHF4X

[M] [E]

C/

S.A.S. [5]

CPAM DES ALPES MARITIMES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Rachel COURT-MENIGOZ

- Me Cyrille BARAN

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 12 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/2342.

APPELANT

Monsieur [M] [E], demeurant [Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.A.S. [5], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cyrille BARAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Etablissement CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE:

M. [M] [E], employé en qualité de chauffeur-livreur depuis le 23 janvier 2012 par la société [5], a été victime le 04 avril 2012 d'un accident du travail, déclaré le 17 suivant par son employeur, que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle.

Par arrêt en date du 26 mai 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a reconnu le caractère professionnel de cet accident.

La caisse a déclaré M. [E] consolidé à la date du 30 novembre 2017 puis a fixé à 24% dont 4% au titre de l'incidence professionnelle son taux d'incapacité permanente partielle.

M. [E] a été licencié le 07 décembre 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Il a saisi le 19 décembre 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans son accident du travail.

Par jugement en date du 12 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a:

* débouté M. [E] de ses demandes,

* débouté la société [5] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [E] aux dépens.

M. [E] a interjeté régulièrement, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, un premier appel par déclaration au greffe en date du 29 mars 2021, ayant donné lieu à un enrôlement sous la référence RG 21/04574, puis un second appel par remise par voie électronique le 12 avril 2021, enrôlé sous le numéro RG 21/05314.

Par ordonnance en date du 19 mai 2021 le magistrat chargé d'instruire a prononcé la jonction de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 21/05314 avec celle portant la référence RG 21/04574.

Par conclusions visées par le greffier le 04 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [E] demande à la cour de:

* infirmer le jugement entrepris,

* dire que la société [5] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime,

* fixer à son taux maximum la majoration de la rente,

* ordonner une expertise médicale,

* lui allouer une indemnité provisionnelle de 5 000 euros,

* lui allouer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier le 04 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [5] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Elle demande à la cour de débouter M. [E] de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 04 mai 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes indique s'en remettre sur la reconnaissance de la faute inexcusable et demande à la cour, dans l'hypothèse où celle-ci serait retenue, de:

* condamner la société [5] à lui rembourser les sommes qu'elle a, aura ou sera amenée à faire l'avance à son assuré social,

* condamner la partie succombante au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

L'article R.4541-2 du code du travail dispose que l'on entend par manutention manuelle toute opération de transport ou de soutien d'une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement, exige un effort physique d'un ou plusieurs travailleurs.

L'article R.4541-3 du code du travail fait obligation spécifique à l'employeur de prendre les mesures d'organisation appropriées ou d'utiliser les moyens appropriés pour éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs et lorsque celle-ci ne peut être évitée, l'article R.4541-5 du même code stipule que l'employeur doit:

- évaluer les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité,

- organiser les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso-lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques, ou à défaut de pouvoir les mettre en oeuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible.

L'article R.4541-8 du code du travail fait obligation à l'employeur de faire bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles :

1° d'une information sur les risques qu'ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière techniquement correcte, en tenant compte des facteurs individuels de risque définis par l'arrêté prévu à l'article R.4541-6 ;

2° d'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations. Au cours de cette formation, essentiellement à caractère pratique, les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.

Enfin, aux termes de l'article R.4541-9 du code du travail, lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° de l'article R.4541-5 ne peuvent pas être mises en oeuvre, un travailleur ne peut être admis à porter d'une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu'à condition d'y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que les charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes.

Le manquement à son obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité.

C'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d'établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur dans le cadre de son obligation de sécurité.

L'appelant expose avoir lors de son accident du travail ressenti une forte douleur en déchargeant son camion.

Il soutient que son employeur a commis une faute en ne lui délivrant aucune information sur les risques qu'il pouvait encourir, en ne le faisant pas bénéficier d'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ses tâches et qu'en manquant délibérément à ses obligations, il l'a, en toute conscience des risques encourus, mis en danger et a commis une faute inexcusable.

La société employeur lui oppose l'absence de danger auquel le salarié était exposé en livrant des denrées alimentaires et que la tâche à laquelle il était occupé le 04 avril 2012 ne présentait aucune particularité. Elle soutient avoir remis lors de l'embauche un 'livret chauffeur' qui récapitule les bonnes pratiques et notamment la nécessité de port des équipements de protection ainsi que les gestes et postures à adopter.

La déclaration d'accident du travail, en date du 17 avril 2012, mentionne que l'accident a eu lieu le 04 avril 2012, à 20 heures, lors d'un déplacement pour le compte de l'employeur et pendant les heures de travail du salarié, qui lui a déclaré 'avoir ressenti une forte douleur au dos en déchargeant son camion'.

Le certificat médical initial en date du 05 avril 2012, établi par un médecin du service des urgences du centre hospitalier de [4] mentionne un lumbago et prescrit un arrêt de travail.

Le contrat de travail en date du 23 janvier 2012 mentionne que dans le cadre de son emploi de chauffeur-livreur préparateur de commandes polyvalent le salarié a notamment pour attributions d'emballer la marchandise et de réaliser l'ensemble des livraisons du magasin.

Pour débouter le salarié de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable dans son accident du travail, les premiers juges ont retenu d'une part qu'il ne détaille nullement ses tournées et ne précise pas les poids transportés, se contentant d'une affirmation générale sur le poids des bacs et le poids total d'une tournée, alors que l'employeur, qui ne justifie pas plus de ses affirmations, soutient que le nombre de tournées et le poids transporté étaient moindres.

En cause d'appel, les circonstances de l'accident du travail ne sont pas réellement décrites par l'appelant qui ne fait état d'aucun élément précis que ce soit en ce qui concerne le nombre de colis transportés, leurs poids et le nombre de livraisons effectuées au cours de sa journée de travail et spécialement de ce qu'il faisait exactement au moment de la douleur ressentie.

Force est de constater qu'en cause d'appel les éléments de fait exposés par le salarié sont donc encore moins précis qu'en première instance, alors qu'il est appelant, puisqu'il allègue tout au plus que 'le port de charge journalier pouvait atteindre les 800 kg'.

L'employeur ne soumet pas plus d'éléments, se contenant de produire aux débats:

* un document unique d'évaluation des risques, peu lisible, établi en 2019 (!), qui est par conséquent inopérant pour établir les risques évalués et mesures prises pour les prévenir en 2012, année de l'accident du travail,

* une copie d'un livret chauffeur qui n'est pas émargée par le salarié et dont la remise n'est pas établie au moment de son embauche,

* une note de service datée de décembre 2014, qui ne peut être utilement opposée par l'employeur pour être postérieure de presque deux années à l'accident du travail.

Aucune des parties ne verse aux débats l'enquête de la caisse.

Pour considérer que l'accident du 04 avril 2012 a un caractère professionnel, l'arrêt du 26 mai 2017 retient que le salarié a signalé à son employeur souffrir du dos le 05 avril 2012 et que la lésion a été médicalement constatée dans les heures qui ont suivi les faits allégués par le salarié.

La circonstance de la survenance d'un accident du travail est en elle-même insuffisante à établir la faute inexcusable de l'employeur.

Le salarié ne soumettant à l'appréciation de la cour aucun élément précis de nature à établir un lien entre son accident du travail (douleur ressentie au temps et lieu du travail et médicalement constatée dans un temps proche) et un manquement de son employeur à son l'obligation de prévention du risque réalisé lors de l'accident, et dont l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience, la faute inexcusable ne peut être retenue.

La circonstance de la survenue d'un accident du travail ne peut en effet suffire, à elle seule, à caractériser l'existence de la faute inexcusable de l'employeur.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [E] de ses demandes doit être confirmé en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour.

Succombant en ses prétentions, il doit être condamné aux dépens et ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne parait pas inéquitable, compte tenu de la disparité de situation de laisser à la charge de la société [5] comme de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes les frais qu'elles ont été contraintes d'exposer pour leur défense.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [M] [E] aux dépens.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/04574
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.04574 ?
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