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30/09/2022 | FRANCE | N°21/03427

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 30 septembre 2022, 21/03427


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 219













Rôle N° RG 21/03427 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCED







S.A.S. SOVITRAT 12





C/



[W] [Y]

S.A.S. ADF MAINTENANCE INDUSTRIELLE





















Copie exécutoire délivrée

le : 30 septembre 2022

à :

SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE>
SELARL FAYOLLE JEAN

SELARL AKTIS











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 18 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00219.





APPELANTE



S.A.S. SOVITRAT 12 prise en ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 219

Rôle N° RG 21/03427 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCED

S.A.S. SOVITRAT 12

C/

[W] [Y]

S.A.S. ADF MAINTENANCE INDUSTRIELLE

Copie exécutoire délivrée

le : 30 septembre 2022

à :

SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

SELARL FAYOLLE JEAN

SELARL AKTIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 18 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00219.

APPELANTE

S.A.S. SOVITRAT 12 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

INTIMES

Monsieur [W] [Y], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jean FAYOLLE de la SELARL FAYOLLE JEAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

S.A.S. ADF MAINTENANCE INDUSTRIELLE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social sis , demeurant [Adresse 2]/ FRANCE

représentée par Me Aurelie BOUCKAERT de la SELARL AKTIS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Françoise BEL, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022 ; à cette date, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision serait prorogé au 30 septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

La société Sovitrat, entreprise de travail temporaire a engagé M. [W] [Y] à compter du 19 octobre 2015 et l'a mis à disposition de la société ADF entreprise utilisatrice, en qualité de monteur.

Les contrats de mission se sont succédés jusqu'au 29 juin 2018.

Invoquant le caractère illicite du recours aux contrats de mission successifs, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues à l'encontre de la société Sovitrat 12 par requête du 6 septembre 2018 et mis en cause en cours d'intance la société ADF, aux fin de voir requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et voir statuer sur les conséquences de droit de la requalification.

Par jugement de départage du 18 février 2021, le conseil a prononcé la requalification de la relation à l'égard des deux sociétés à compter du 19 octobre 2015, fixé la date de la rupture au 29 juin 2018 et condamné les sociétés au payement de sommes.

La société Sovitrat 12 a relevé appel par déclaration en date du 8 mars 2021 du chef de la requalification et des chefs de jugement de condamnation et de débouté de ses demandes.

Par conclusions déposées et notifiées le 28 octobre 2021, la société de travail temporaire demande à la cour,

Dire et juger irrecevable la demande nouvelle de la société ADF Maintenance Industrielle visant à être garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par la société Sovitrat 12, en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,

Débouter le salarié de son appel incident,

Infirmer le jugement

Statuant à nouveau sur ces points :

Dire et juger prescrites les demandes en requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée pour non-respect des délais de carence et transmission tardive des contrats de mission,

Débouter en tout état de cause le salarié de sa demande de requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Sovitrat 12,

Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société Sovitrat 12,

Subsidiairement,

Débouter le salarié de sa double demande de condamnation à l'égard de la société Sovitrat 12 et de la société ADF Maintenance Industrielle pour les mêmes préjudices,

Constater que la moyenne de salaire du salarié s'établit à la somme de 1.886,18 euros,

Dire que l'indemnité compensatrice de préavis ne saurait être supérieure à 3.772,36 euros, outre 377,23 euros au titre des congés payés afférents,

Dire que l'indemnité légale de licenciement ne saurait être supérieure à 1.257,45 euros,

Dire que les dommages et intérêts pour rupture abusive ne sauraient être supérieurs à la somme de 5.658,54 euros,

Débouter le salarié de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Sovitrat 12 et ADF Maintenance Industrielle au titre des indemnités liées à la rupture des contrats,

Débouter le salarié de sa demande de rappels de salaires pour non-respect du temps de travail contractuellement convenu,

Débouter le salarié de sa demande au titre de l'exécution provisoire à défaut d'être justifiée,

Débouter le salarié de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions, savoir :

-Débouté du salarié de ses demandes au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure, de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, pour inégalité de traitement au titre des congés payés, de dommages et intérêts pour maintien abusif dans la précarité,

Y ajoutant,

Condamner le salarié à payer à la société Sovitrat 12 la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner le même aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Par conclusions déposées et notifiées le 12 mai 2021 la société ADF Maintenance Industrielle, formant appel incident demande à la cour , au visa des articles L1251-16, L1251-42 et L1251-1 du code du travail, L1251-6 et L1235-3 du même code,

Juger recevable l'appel incident relevé par la société ADF Maintenance Industrielle.

Juger recevable la demande formulée par la société ADF Maintenance Industrielle visant à être garantie par la société Sovitrat 12 des condamnations éventuelles prononcées à son encontre, en raison des fautes commises par la société Sovitrat 12.

À titre principal,

Infirmer et réformer le jugement du 18 février 2021 en ce qu'il a :

- requalifié en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de mission du salarié avec la SAS ADF Maintenance Industrielle à compter du 19 octobre 2015.

- dit que la rupture de la relation contractuelle entre le salarié et la SAS ADF Maintenance Industrielle ainsi que la SAS Sovitrat 12 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à la somme de 1968,94 euros.

- condamné la SAS ADF Maintenance Industrielle à payer au salarié la somme de 1968,94 euros à titre d'indemnité de requalification.

- condamné in solidum la SAS ADF Maintenance Industrielle et la SAS Sovitrat 12 à payer au salarié:

' la somme de 10 492,52 euros à titre de rappel de salaire outre la somme de 1049,25 euros au titre des congés payés afférents.

' la somme de 3937,88 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre celle de 393,78 euros au titre de l'incidence de congés payés.

' la somme de 1394,45 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

' la somme de 6500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-condamné la SAS ADF Maintenance Industrielle à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées au salarié à compter du 30 juin 2018 dans la limite de six mois d'indemnité chômage.

- condamner la SAS ADF Maintenance Industrielle à délivrer au salarié les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision.

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

- condamné in solidairement la SAS ADF Maintenance Industrielle et la SAS Sovitrat 12 à verser au salarié la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Le confirmer pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les points pour lesquelles l'infirmation est demandée ;

Juger que l'employeur du salarié est la société Sovitrat.

Juger que le recours à l'intérim par la société ADF Maintenance Industrielle est fondé.

Juger que le salarié est mal fondé à formuler une demande de requalification en contrat à durée indéterminée à l'encontre de la société ADF Maintenance Industrielle.

Juger que le salarié est mal fondé à formuler une demande de rappels de salaire à l'encontre de la société ADF Maintenance Industrielle.

En conséquence,

Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de la société ADF Maintenance Industrielle et de ses demandes de condamnation in solidum de la SAS ADF Maintenance Industrielle et de la SAS Sovitrat 12,

En cas de condamnation de la société ADF Maintenance Industrielle,

Juger que la société Sovitrat 12 devra garantir l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre de la société ADF Maintenance Industrielle.

À titre subsidiaire,

Limiter l'indemnité de requalification à la somme de 1886,18 euros.

Limiter l'indemnité de licenciement à la somme de 1257,45 euros.

Limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3772,36 euros, et les congés payés afférents à la somme de 377,24 euros.

Limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5658,54 euros.

Débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire formulée à l'encontre de la SAS ADF Maintenance Industrielle, et à titre infiniment subsidiaire :

Si votre cour devait entrer en condamnation sur le fondement d'une requalification des contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps plein, limiter la condamnation à la somme de 3174,45 euros et 317,44 euros au titre des congés payés afférents.

Si par extraordinaire votre cour devait entrer en voie de condamnation sur le fondement d'une condamnation à des rappels de salaire au titre des périodes interstitielles, limiter la condamnation à la somme sollicitée à ce titre par le salarié , soit la somme de 4462,64 euros, et 446,26 euros au titre des congés payés afférents.

Juger que la société Sovitrat 12 devra garantir l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre de la Société ADF Maintenance Industrielle.

Débouter le salarié de toutes ses autres demandes.

En tout état de cause :

Condamner le salarié au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées et notifiées le 9 mai 2022 le salarié demande à la cour de:

Dire la société Sovitrat 12 mal fondée en son appel et ses demandes ;

Dire la société ADF Maintenance Industrielle mal fondée en son appel incident et ses demandes;

Le dire recevable en son appel incident et bien fondé en ses demandes;

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié, tant à l'égard de la société Sovitrat 12 qu'à l'égard de la société ADF Maintenance Industrielle, les contrats de missions conclus pour la période du 19 octobre 2015 au 29 juin 2018 en un contrat de travail à durée indéterminée ;

- fixé la date de rupture du contrat de travail au 29 juin 2018 ;

- dit que le licenciement en date du 29 juin 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixé la moyenne de salaires à la somme de 1.968,94 euros ;

- condamné in solidum les sociétés Sovitrat 12 et ADF Maintenance Industrielle à lui payer à une indemnité de préavis et congés payés y afférents, une indemnité légale de licenciement et un rappel de salaire ;

- condamné in solidum les sociétés Sovitrat 12 et ADF Maintenance Industrielle à lui payer à la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'artic1e L.1343-2 du code de procédure civile ;

- assorti les condamnations de nature salariale des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2018 et celles de nature indemnitaire à compter du 18 février 2021 ;

- condamné in solidum les sociétés Sovitrat 12 et ADF Maintenance Industrielle aux dépens;

Confirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais l'infirmer quant à son quantum ;

Confirmer le jugement en ce qu°il a accordé une indemnité de requalification mais l'infirmer quant à son quantum ;

L'infirmer en ce qu'il l'a débouté :

- de ses demandes au titre de l'indemnité de requalification, de l'indemnité pour irrégularité de la procédure, de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, de dommages et intérêts pour inégalité de traitement au titre des congés payés et de dommages et intérêts pour maintien abusif dans la précarité ;

- du surplus de ses demandes ;

Et, statuant à nouveau,

Condamner la société ADF Maintenance Industrielle à lui verser à la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de requalification ;

Condamner in solidum les sociétés ADF Maintenance Industrielle et Sovitrat 12 à lui verser la somme de 12.250 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, et à titre subsidiaire : 6.891,29 euros ;

Condamner in solidum les sociétés ADF Maintenance Industrielle et Sovitrat 12 à lui verser à la somme de 1.968,94 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement;

Condamner in solidum les sociétés ADF Maintenance Industrielle et Sovitrat 12 à lui verser à les sommes de :

-1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

- 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la prise des congés payés et inégalité de traitement de ce chef;

- 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour maintien abusif dans la précarité;

Condamner in solidum les sociétés ADF Maintenance Industrielle et Sovitrat 12 au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel;

Condamner in solidum les sociétés ADF Maintenance Industrielle et Sovitrat 12 aux entiers dépens.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties la cour renvoie à leurs écritures précitées.

Motifs

Sur la recevabilité de la demande aux fins de relevé et garantie:

La demande de relevé et garantie formé par la société ADF dans le dispositif de ses dernières conclusions du 12 mai 2022 doit être déclaré irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article910-1 du code de procédure civile, selon lesquelles les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige, cette prétention n'ayant pas été présentée dans les conclusions du 6 septembre 2021, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen de recevabilité tiré de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur la requalification:

Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice n'excluant pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d''uvre est interdite n'ont pas été respectées, le salarié peut agir à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire. Il s'ensuit que le salarié peut faire valoir des droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour du contrat de mission irrégulier.

Les parties ont conclu des contrats de mission pour mise à disposition du salarié auprès d'une entreprise utilisatrice entre le 19 octobre 2015 et le 29 juin 2018.

À l'égard de la société ADF:

- sur l'accroissement temporaire d'activité:

Le contrat de mission conclu le 2 novembre 2015 après l'expiration d'un premier contrat de mission conclu le 19 octobre 2015 jusqu'au 31 octobre, mentionne comme motif du recours 'divers travaux de montage'.

L'avenant du 1er septembre 2014 au contrat -cadre conclu entre la société ADF et la société Kem One aux termes duquel la société ADF devait réaliser des prestations dont les cycles de production étaient variables, ne permet pas d'établir qu'à la date de conclusion du contrat de mission en cause, le motif du recours était fondé. C'est à bon droit que le premier juge a considéré que les motifs d'un accroissement temporaire d'activité n'étaient pas justifié par les pièces produites à la date du contrat en cause.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a accueilli de ce chef la demande de requalification du contrat à l'encontre de la société ADF.

À l'égard de la société Sovitrat 12:

- l'inobservation du délai de carence entre contrats successifs:

Aucun moyen de prescription n'étant articulé par la société Sovitrat 12, la cour n'est pas tenue de se prononcer de ce chef par application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Selon l'article L. 1251-36 du code du travail dans sa version applicable à la cause, à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements. Ce délai de carence est égal au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ; à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.

Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs.

L'article L.1251-37 dispose que le délai de carence n'est pas applicable dans, notamment, les cas suivants 1° Lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;2° Lorsque le contrat de mission est conclu pour l'exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.

La société de travail temporaire a émis des contrats de mission successifs le 2 novembre 2015 après l'expiration d'un premier contrat de mission conclu du 19 octobre 2015 jusqu'au 31 octobre 2015. Elle n'a fait application d'aucun délai de carence.

Le second contrat n'ayant pas été conclu pour l'un des motifs précités, c'est exactement que le premier juge a prononcé la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée à l'encontre de la société appelante. Le jugement est confirmé.

- le défaut de transmission de certains contrats de mission :

Selon l'article L.1471-1 du code du travail applicable au litige, l'action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le point de départ de l'action en requalification exercée par le salarié fondée sur le défaut de transmission du contrat de mission, se situe à la date de la souscription du contrat de mission argué d'irrégularité.

L'appelante soutient la prescription de l'action fondée sur le défaut de transmission des contrats de mission du 30 janvier au 12 février 2016 et du 1er au 11 mars 2016, à la date de la saisine du conseil le 6 septembre 2018.

La prétention ayant été soumise au premier juge le 6 septembre 2018, l'action est prescrite à la date de la saisine et la demande est déclarée irrecevable.

Sur les effets de la requalification:

- sur le salaire de référence:

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a fixé le salaire de référence à la date de la rupture , comprenant le salaire de base et autres éléments de salaire, à la somme de 1 968, 94 euros.

- l'indemnité de requalification :

Selon l'article 1251-41, l'indemnité de requalification est à la charge de l'entreprise utilisatrice. Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société ADF à payer à la somme de 1 978,94 euros.

- Sur la rupture et les conséquences financières:

Les conséquences financières de la requalification, en particulier celles résultant de la rupture du contrat requalifié, sont supportées par l'entreprise de travail temporaire à raison des manquements qui lui sont propres.

La requalification du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée entraîne la requalification de la rupture des relations contractuelles par arrivée du terme du dernier contrat de travail temporaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse dont la réparation est prévue par les articles L. 1235-3 et suivants applicables du code du travail, en considération de l'ancienneté du salarié et du nombre de salariés dans l'entreprise.

Le jugement est confirmé du chef des montants alloués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et l'incidence congés payés, de l'indemnité légale de licenciement.

Sur l'indemnité pour licenciement abusif:

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau, soit 2 années, entre 3 et 3,5 mois de salaire brut, 3 années, entre 3,5 et 4 mois de salaire brut.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les dispositions de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, d'effet direct en droit interne, mais ne conduisent pas à en écarter l'application, ce qui serait contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi, reconnu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Selon l'article 24 de la Charte sociale européenne, les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application, par la législation ou la réglementation, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales, dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique de rapports périodiques et de réclamations collectives. Ces dispositions n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 précité du code du travail.

Compte tenu des éléments produits, d'une ancienneté de 2 ans et 9 mois du salarié, la cour peut fixer le préjudice subi à raison du licenciement abusif à la somme de 5700 euros, montant qui répare intégralement et adéquatement le préjudice subi par le salarié de la rupture du contrat de travail . Le jugement est réformé du chef des montants alloués.

Sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure:

En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que le premier juge a débouté le salarié de la demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaires:

Ainsi que rappelé à bon droit par le premier juge, le salarié, engagé par contrat stipulant un temps plein en justifie du droit à être payé sur la base d'un temps complet.

Ces dispositions doivent trouver application aux périodes convenues.

Le salarié sollicite toutefois une indemnisation pour les périodes interstitielles, sans justifier s'être effectivement tenu à disposition de l'employeur.

En conséquence le jugement est réformé de ce chef, et il sera alloué au salarié la somme de 3 174,45 euros correspondant aux seules périodes contractuelles. Le jugement est réformé de ce chef.

Les contrats de mission étant établis au moyen des éléments fournis par la société utilisatrice, en fonction des besoins qu'elle a exprimés, les manquements résultant de l'exécution du contrat de mission lui sont opposables, de sorte que la condamnation in solidum au payement de rappel de salaire est recevable et en l'espèce fondée.

En conséquence la société Sovitrat 12 et la société ADF seront condamnées in solidum à payer au salarié la somme de 3 174,45 euros.

Sur la demande pour inégalité de traitement au titre des congés payés:

Le premier juge a justement retenu que le salarié, d'une part, a bénéficié d'un régime légal de congés payés spécifique et, d'autre part, ne fournit aucun élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement, la cour ajoutant qu'en cause d'appel le salarié ne verse pas davantage d' éléments de nature à justifier sa demande. Le jugement est dès lors confirmé.

Sur la demande indemnitaire pour maintien dans la précarité:

Le jugement est confirmé en l'absence de moyens nouveaux en cause d'appel.

Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail:

Le jugement est confirmé par adoptions des justes motifs du premier juge.

Sur la condamnation in solidum;

Chacune des sociétés en cause se voyant reprocher un ou plusieurs manquements fautifs, est condamnée in solidum au payement des montants résultant de la rupture, et au rappel de salaires.

Par ces motifs

La cour,

Déclare irrecevable la demande de relevé et garantie formée à l'encontre de la société Sovitrat12;

Déclare irrecevable l'action en requalification fondée sur le défaut de transmission des contrats de mission du 30 janvier 2016 et du 1er mars 2016;

Confirme le jugement sauf du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du montant du rappel de salaire ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne in solidum la société Sovitrat 12 et la société ADF à payer à M. [W] [Y] la somme de 5700 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne in solidum la société Sovitrat 12 et la société ADF à payer à M. [W] [Y] la somme de 3 174,45 euros au titre de rappels de salaire;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Sovitrat 12 et la société ADF à payer à M. [W] [Y] la somme de 500 euros;

Condamne in solidum la société Sovitrat 12 et la société ADF aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/03427
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.03427 ?
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