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30/09/2022 | FRANCE | N°21/02663

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/02663


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/02663 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7S2







[W] [L]



C/



CPAM DU [Localité 12]



S.A.R.L. [6]



Me [I] [G] mandataire liquadateur de S.A.R.L ENTREPRISE [D]



SMABTP







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Lidia MAILLIET-WOZNIAK



- Me Stéphane CECCALDI>


- Me Ghislaine JOB-RICOUART



- Me [G] [I]



- Me Paul GUILLET















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Toulon en date du 19 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00099...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02663 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7S2

[W] [L]

C/

CPAM DU [Localité 12]

S.A.R.L. [6]

Me [I] [G] mandataire liquadateur de S.A.R.L ENTREPRISE [D]

SMABTP

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Lidia MAILLIET-WOZNIAK

- Me Stéphane CECCALDI

- Me Ghislaine JOB-RICOUART

- Me [G] [I]

- Me Paul GUILLET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Toulon en date du 19 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00099.

APPELANT

Monsieur [W] [L], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lidia MAILLIET-WOZNIAK, avocat au barreau de TOULON

INTIMEES

CPAM DU [Localité 12], demeurant [Adresse 5]

Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE a été dispensé de comparaître en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

S.A.R.L. [6], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anna-Clara BIANCHI, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.R.L. ENTREPRISE [D], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Paul GUILLET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile BILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

et ayant Me [I] [G] - Mandataire liquidateur de S.A.R.L. ENTREPRISE [D] , demeurant [Adresse 9],

[10], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Paul GUILLET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile BILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 mai 2022, décision prorogée au 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [L], salarié de la société [6], exerçant sous l'enseigne [6], a été victime le 06 février 2015, alors qu'il était mis à disposition de la société [D] en qualité de manoeuvre BTP, d'un accident du travail, déclaré le 09 février 2015, suivant déclaration d'accident du travail datée du 06 par son employeur, pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 12] a déclaré M. [L] consolidé à la date du 25 mai 2015 sans retenir de séquelles indemnisables.

Le tribunal de commerce de Toulon a par jugements en date des:

* 07 avril 2017 prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [D],

* 26 septembre 2017, arrêté son plan de redressement d'une durée de 10 ans,

* 10 juillet 2018 prononcé la résolution de plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société [D], en désignant maître [G] [I] en qualité de liquidateur.

M. [L] a saisi le 24 avril 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans son accident du travail.

Par jugement en date du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:

* débouté M. [W] [L] de l'ensemble de ses demandes,

* mis hors de cause la société civile immobilière [8],

* débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [W] [L] aux dépens.

Ce jugement a été déclaré commun et opposable à la société [D], représentée par son mandataire liquidateur.

M.[W] [L] a interjeté régulièrement, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, un premier appel par voie électronique le 19 février 2021, enregistré sous la référence RG 21/02663, puis un second appel par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 21/02691, enregistré sous la référence RG 21/02691.

Par ordonnance en date du 24 juin 2021du magistrat chargé d'instruire, l'affaire référencée RG 21/02691 a été jointe à celle portant le numéro RG 21/02663.

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [L] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* reconnaître la faute inexcusable de la société [6] es qualité d'employeur, pour l'accident survenu le 06 février 2017,

* majorer le capital ou la rente qui lui sera attribuée par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 12],

* ordonner avant dire droit une expertise médicale pour la détermination de ses postes de préjudices,

* condamner solidairement les sociétés [6] et [D] à lui payer une provision de 5 000 euros,

* condamner solidairement les sociétés [6] et [D] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite en outre l'exécution provisoire du jugement à intervenir (sic).

Par conclusions récapitulatives visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [6] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la responsabilité de la société [D] est exclusive et qu'aucune conséquence financière ne doit demeurer à sa charge.

Elle lui demande en outre de:

* juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable à Me [I] [G] et à la [10],

* condamner M. [L] ou toute partie succombant à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [D], représentée par son mandataire liquidateur Me [G] [I], et son assureur la société [10], sollicitent la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demandent à la cour de:

* débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

* condamner M. [L] à payer à la [10] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elles demandent à la cour de:

* enjoindre à l'expert qui serait désigné de se prononcer sur des antécédents médicaux éventuels susceptibles d'interférer avec les conséquences dommageables de l'accident du travail,

* revoir à de plus justes proportions la provision,

* dire qu'il incombera à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 12] de verser toutes sommes qui pourraient être allouées à M. [L] dans le cadre de la présente instance à charge pour elle d'en obtenir réparation auprès de l'employeur.

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 12], dispensée de comparaître, soulève l'irrecevabilité de la demande de la société [6] portant sur l'inopposabilité de

la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime M. [L] au titre de la législation professionnelle.

Elle indique s'en remettre sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et demande à la cour si celle-ci était retenue de:

* accueillir son action récursoire et condamner la société [6] à lui rembourser les sommes dont elle serait tenue de faire l'avance,

* rejeter la demande de majoration d'une indemnité en capital ou de rente,

* limiter l'expertise à l'évaluation des préjudices qu'elle liste.

MOTIFS

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ne constituent pas une prétention les demandes de 'constater', 'dire et juger', 'confirmer la non application d'une présomption'.

Pour débouter M. [L] de ses demandes, les premiers juges ont retenu d'une part que la matérialité de l'accident survenu le 06 février 2015 dont il a été victime est établie, d'autre part qu'il n'est pas prouvé qu'il a été affecté à un poste comportant des risques particuliers et que les circonstances indéterminées de l'accident du travail ne permettent pas de rechercher l'existence d'une faute inexcusable.

L'appelant expose être de nationalité polonaise, ne pas parler français, et qu'il travaillait lorsqu'il a été victime le 06 février 2015 d'un accident du travail, comme maçon sur un chantier sans avoir signé de contrat de travail, ignorant l'identité de son employeur.

Ayant appris ultérieurement avoir été mis à la disposition de la société [D] par l'intermédiaire d'une entreprise de travail temporaire, il s'est rendu cinq jours après son accident dans les locaux de cette dernière pour signer un contrat de mission temporaire portant sur la période du 02 février 2015 au 06 février 2015 avec mise à disposition au profit de '[D]', puis l'entreprise de travail temporaire lui a remis le 11 février 2015 un bulletin de paie du mois de janvier 2015 dont il résulte une embauche à compter du 08 janvier 2015 sans qu'une déclaration d'embauche préalable soit régularisée.

Tout en relevant que le contrat de mission fait mention d'un poste consistant dans la préparation de mortier, il soutient avoir en réalité reçu pour instructions de démonter seul deux coffrages en acier d'environ quatre-vingt kilos chacun fixés sur un mur en béton, que la partie de l'un des coffrages qu'il tentait d'ouvrir a basculé sur lui, lui faisant perdre l'équilibre et provoquant sa chute en arrière dans les escaliers, chute au cours de laquelle il s'est blessé à la main droite.

Faisant état d'un courrier en date du 30 mars 2015 de la caisse primaire d'assurance maladie indiquant ne pas avoir réceptionné de déclaration d'accident du travail adressée par son employeur, il indique que son conseil lui a envoyé par lettre recommandée avec avis de réception une déclaration d'accident du travail le 14 avril 2015 et que par courrier du 20 avril 2015 la caisse a reconnu le caractère professionnel de son accident.

En l'absence de recours de la société [6], il soutient d'une part que cette décision est définitive et qu'aucun crédit ne peut être accordé à la déclaration lacunaire qu'elle a adressée tardivement alors que l'entreprise utilisatrice a tenté de dissimuler son accident et a failli à son obligation d'en informer l'entreprise de travail temporaire. Il relève que la déclaration d'accident du travail de son employeur n'est accompagnée d'aucune réserve bien qu'elle fasse état de ses déclarations selon lesquelles il aurait glissé sur une marche et serait tombé de sa hauteur.

Il souligne que l'entreprise utilisatrice avait l'obligation de renseigner un imprimé dit 'information préalable à la déclaration d'accident du travail' pour permettre à l'entreprise de travail temporaire d'établir la déclaration, qui manifestement n'a pas été rempli puisque l'entreprise utilisatrice ne verse aux débats que la déclaration d'accident du travail établie par l'entreprise de travail temporaire.

Il soutient d'autre part que la faute inexcusable réside dans:

* l'absence de formation alors qu'il était affecté à un poste comportant des risques. Il conteste avoir été signataire le 07 janvier 2015 de l'attestation de remise du livret de sécurité et relève que le dit livret mentionne avoir été achevé d'imprimé en janvier 2017,

* l'absence de visite médicale d'embauche,

* l'absence équipements de protection individuelle adaptés, soulignant qu'il portait ses propres chaussures de sécurité et ses propres gants et que l'entreprise de travail temporaire ne lui en avait pas davantage fournis.

L'entreprise de travail temporaire se prévaut d'une déclaration d'accident du travail datée du jour de l'accident envoyée par lettre recommandée dont la caisse a signé l'avis de réception. Elle relève la discordance existant entre la relation du fait accidentel dans ce document avec celle de la déclaration d'accident du travail formalisée par l'appelant.

Elle soutient qu'aucun élément ne permet de considérer que les blessures constatées par le certificat médical initial du 06 février 2015 seraient survenues à l'occasion du travail accompli par M. [L] et allègue avoir contesté la durée des arrêts de travail.

Tout en reconnaissant avoir 'régularisé' le contrat de mission le 11 février 2011 soit postérieurement à l'accident, elle soutient qu'il ne peut être déduit de cette régularisation que le salarié a été victime d'un accident du travail, l'absence de réserve dans sa déclaration d'accident du travail demeurant sans incidence, en ce qu'elle ne prive pas l'employeur du droit de contester le caractère professionnel de l'accident.

Elle conteste l'existence d'une faute inexcusable, soutenant que sa preuve n'est pas rapportée, le salarié ayant été affecté à un poste de préparation de mortier ne présentant strictement aucun danger, et ayant été informé, ce dont il ne disconvient pas, de la nécessité de porter des chaussures de sécurité, un casque et des gants qu'elle allègue lui avoir fournis. Elle se prévaut de la remise le 07 janvier 2015 du livret d'accueil et indique qu'une visite médicale était prévue le 18 février 2015.

Elle soutient que les circonstances de l'accident du travail sont indéterminées, soulignant l'absence d'attestation des témoins prétendus de la chute.

L'entreprise utilisatrice et son assureur soutiennent que le salarié n'occupait pas un poste présentant une dangerosité particulière nécessitant que lui soit dispensée une formation renforcée à la sécurité et qu'il lui a été remis un livret de sécurité ainsi que des équipements de protection individuelle. Ils en tirent la conséquence que la présomption de la faute inexcusable ne peut trouver à s'appliquer.

Ils contestent l'existence d'une faute inexcusable et soutiennent que l'appelant ne rapporte pas la preuve, pour demeurer taisant sur les circonstances exactes de l'accident et ne fournir aucun élément, de la conscience que l'entreprise avait ou aurait du avoir du danger auquel il était exposé et n'avait pas pris les mesures qui s'imposaient pour l'en préserver, et pour ne se baser que sur ses propres déclarations.

La caisse relève que la réception de la notification de sa décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est en date du 25 avril 2015. Elle soutient que toute contestation par la société [6] de l'opposabilité de cette décision est irrecevable seul le caractère professionnel de l'accident pouvant être contesté comme moyen de défense dans le cadre de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Elle soutient en outre que la matérialité du fait accidentel résulte de la déclaration d'accident du travail rédigée par l'employeur, soulignant qu'il y fait état de la présence d'un témoin, indique en avoir été avisé le jour même, et qu'il n'a pas émis de réserves. Elle ajoute que le certificat médical initial établi le jour même corrobore le siège et la nature des lésions précisées dans la déclaration et qu'il incombe à l'employeur de détruire la présomption d'imputabilité au travail en apportant la preuve que la lésion a une cause étrangère, ce qu'il ne fait pas. Elle relève qu'il n'établit pas plus l'existence de l'éventuel état pathologique préexistant allégué.

* sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la société [6] à contester l'existence de l'accident du travail du 06 février 2015:

Dans le cadre du dispositif de ses dernières conclusions soutenues oralement la société [6] ne saisit pas la cour d'une prétention portant sur l'existence de l'accident du travail.

Il s'ensuit que l'irrecevabilité soulevée par la caisse primaire d'assurance maladie d'une telle demande est devenue sans objet, même s'il est exact que la contestation par l'employeur de la décision de la caisse de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré relève d'une action indépendante et autonome du contentieux portant sur sa reconnaissance de faute inexcusable, et qu'il lui incombe à peine d'irrecevabilité de son action de contester la décision de prise en charge de la caisse en saisissant sa commission de recours amiable, dans le délai de deux mois, puis éventuellement ensuite la juridiction du contentieux de la sécurité sociale.

Si dans le cadre d'un litige portant sur la reconnaissance de sa faute inexcusable, l'employeur peut contester le caractère professionnel de l'accident, il s'agit d'un moyen de défense et non d'une prétention à l'égard de laquelle il devrait être spécifiquement statué dans le dispositif.

La circonstance que présentement l'employeur n'ait pas contesté la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, ne le prive pas de la possibilité dans le cadre de sa défense à l'action en reconnaissance de sa faute inexcusable, de contester l'existence ou le caractère professionnel de l'accident du travail.

* sur la faute inexcusable:

- sur le caractère professionnel de l'accident:

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident du travail se définit comme un événement soudain, ce qui s'entend par un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. La charge de la preuve du fait accidentel incombe au salarié qui doit donc établir les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

En l'espèce, il n'est pas contesté par la caisse que le pli recommandé que lui a adressé la société [6] et qu'elle a réceptionné le 09 février 2015, contenait l'envoi de la déclaration d'accident du travail datée du 06 février 2015.

Il résulte de cette déclaration que M. [L], alors qu'il se trouvait sur le chantier de l'immeuble l'Alexandrin sis à [Localité 7], son lieu de travail occasionnel, le 06 février 2015 à 08 heures 30, a glissé sur une marche d'escalier et est tombé de sa hauteur.

Cette déclaration indique que le siège des lésions se situe au poignet droit, en précisant qu'il s'agit de coupures, éraflures et que le poignet est gonflé. Il y est mentionné que le salarié a été transporté à l'hôpital de [Localité 7].

Le certificat médical initial en date du 06 février 2015 établi par un médecin du centre hospitalier de [Localité 11] mentionne un traumatisme direct de la main droite et une plaie de la face dorsale de 3 cm de long.

Sur l'exemplaire de cette déclaration d'accident du travail versée aux débats par la caisse est mentionné, à la différence de celle produite par la société [6], la présence d'un témoin en la personne de M. [O] [C].

Il est exact que la déclaration d'accident du travail n'étant accompagnée d'aucune réserve, alors qu'elle est effectuée le jour même par l'employeur et que les lésions médicalement constatées sur le certificat médical initial qui prescrit un arrêt de travail jusqu'au treize février 2015 sont concordantes avec une chute dans un escalier, la présomption d'accident du travail est applicable.

Il incombe dés lors à l'employeur pour la renverser d'établir soit que les lésions médicalement constatée ont une cause étrangère au travail, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce par la société [6], soit que le salarié s'est soustrait à son autorité, ce qui n'est pas allégué.

Il s'ensuit que la société [6] ne peut utilement contester la matérialité du fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail, peu important à cet égard l'existence d'une contradiction dans les circonstances de cet accident avec celles relatées dans la déclaration d'accident du travail réalisée par l'intermédiaire du conseil du salarié, le 08 avril 2015, laquelle fait également état d'une chute dans les escaliers (en imputant la cause au démontage d'un coffrage et non point à une glissade) et qui cite deux autres témoins (messieurs [U] et [A]).

Elle est mal fondée en son moyen tiré de l'absence de caractère professionnel de l'accident du 06 février 2015.

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. En ce qui concerne les accidents du travail, l'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En matière d'accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, il résulte de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l'article L.452-1, à l'entreprise de travail temporaire et l'article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Aux termes de l'article L.4154-2 du code du travail, les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une formation adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

Il s'ensuit que la formation renforcée à la sécurité incombe à l'entreprise utilisatrice.

Par application des dispositions de l'article L.4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, est présumée établie pour les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L.4154-2 du même code.

La présomption de faute inexcusable ne peut être renversée que par la preuve que la formation renforcée à la sécurité a été dispensée au salarié par l'entreprise de travail temporaire qui y est tenue.

- sur la présomption de faute inexcusable:

Il est exact que le contrat de mission signé le 11 février 2015 par M. [L] dans les locaux de la société [6] entreprise de travail temporaire est irrégulier pour être postérieur au commencement d'exécution de ce contrat. Il y est en effet mentionné que la durée de la période de la mission est du 02 février 2015 au 06 février 2015 inclus avec une souplesse du 04 février 2015 au 10 février 2015.

Le salarié justifie par les attestations dans les formes légales qu'il verse aux débats, qu'il était accompagné lors de la signature de ce contrat de Mme [R] [T] épouse [P] (et de son mari) qui lui a assuré bénévolement la traduction.

Pour autant, l'irrégularité de ce contrat au regard de la législation du travail est sans incidence sur la faute inexcusable.

La mention sur le contrat de mission signé par le salarié le 11 février 2015 que le poste n'est pas à risques est insuffisante à établir qu'il ne l'est pas et il en est de même de cette mention apposée sur le contrat qualifié de prestations de services conclu le 02 février 2015 entre la société [6] et la société [D].

Seule une appréciation in concreto des tâches attribuées au salarié permet de déterminer si le poste occupé doit être considéré comme l'exposant à un risque particulier au sens des dispositions de l'article L.4154-2 du code du travail.

La nature du chantier (relevant du secteur d'activité des bâtiments et travaux publics) est à elle seule insuffisante et il est indiqué sur le contrat de mission qu'il est employé pour effectuer de la préparation de mortier, cette tâche ne comportant pas en elle-même un risque particulier.

La concordance des deux déclarations d'accident du travail situant le lieu de l'accident du travail dans un escalier ne suffit pas à retenir que la tâche effectuée à ce moment là par le salarié l'exposait à un risque particulier pour sa santé ou sa sécurité.

En dehors de l'affirmation du salarié selon laquelle il a perdu l'équilibre après avoir reçu sur la main un choc provoqué par le rabat d'une partie d'un coffrage qu'il essayait de démonter, aucun élément ne vient corroborer ses dires, d'autant que cette version est peu explicite sur l'endroit où se trouvaient selon lui les coffrages qu'il devait démonter et sur sa perte d'équilibre dans l'escalier.

S'il est exact que l'entreprise utilisatrice, substituée dans la direction du salarié à l'employeur et responsable des conditions d'exécution du contrat de mission, doit établir sur un formulaire spécifique dit 'information préalable à la déclaration d'accident du travail' la relation des circonstances de celui-ci et qu'en l'espèce, ni l'entreprise de travail temporaire, ni l'entreprise utilisatrice, ne versent ce document aux débats, pour autant il ne peut en être déduit que la relation des circonstances de l'accident du travail donnée par le salarié, qui diffère profondément de celle mentionnée dans la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur, serait établie.

La cour ne peut que constater, alors qu'il est fait mention de témoins présents, que ce soit sur la déclaration d'accident du travail du salarié ou dans celle de l'employeur, qu'aucune des personnes dont les noms sont cités à ce titre n'a établi d'attestation relatant les circonstances de l'accident et en particulier les tâches accomplies par l'appelant.

L'attestation très succincte établie par M. [V] [F] ne les relate pas.

Il ne peut donc être considéré quel'appelant était affecté à un poste l'exposant à un risque particulier pour sa santé ou sa sécurité.

Dés lors et même s'il n'est nullement justifié par l'entreprise utilisatrice et son assureur qu'une formation renforcée à la sécurité lui a été dispensée, la présomption de faute inexcusable n'est pas applicable.

- sur la faute inexcusable:

Les manquements reprochés à l'employeur à son obligation de sécurité au titre de la faute inexcusable incombent pour ce qui est de:

* l'absence de visite médicale à l'embauche à l'entreprise de travail temporaire,

* des équipements de protection individuelle à la fois à l'entreprise de travail temporaire (fourniture de chaussures, gants et casque dont le port est obligatoire sur le chantier suivant le contrat dit de prestations de services) et à l'entreprise utilisatrice pour les autres équipements de protection individuelle éventuellement nécessaires,

* de la formation renforcée à la sécurité à l'entreprise utilisatrice.

S'il n'est pas contesté que la visite médicale d'embauche n'a pas eu lieu avant l'accident du travail alors que l'entreprise de travail temporaire a établi un bulletin de paye pour le mois de janvier 2015 mentionnant 118 heures travaillées et une période travaillée du 08 au 30 janvier 2015, pour autant il ne peut être considéré que l'absence de visite médicale présente un lien avec la chute du salarié dans les escaliers le 06 février 20145.

Ce manquement de l'employeur ne peut donc être constitutif de la faute inexcusable.

De même, s'il n'est pas justifié par l'entreprise de travail temporaire de la mise à disposition des équipements de protection individuelle listés, il est reconnu par le salarié qu'il portait des chaussures de sécurité et il n'impute pas sa chute dans les escaliers à ses propres chaussures.

Dés lors ce manquement de l'employeur ne peut pas davantage être constitutif de la faute inexcusable.

Enfin s'agissant de la formation renforcée à la sécurité, s'il est exact que l'entreprise utiilisatrice ne justifie pas l'avoir dispensée, la cour vient de juger que la preuve n'étant pas rapportée que le poste occupé exposait le salarié à un risque particulier pour sa santé ou sa sécurité, elle n'avait pas d'obligation de la lui dispenser.

L'appelant ne soumettant pas plus d'élément à l'appréciation de la cour qu'en première instance, faute de rapporter la preuve d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité ayant un lien avec son accident du travail, le jugement entrepris qui l'a débouté de ses demandes doit être confirmé.

Succombant en ses demandes, il doit être condamné aux dépens et ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la disparité de situation, l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application au bénéfice de la société [6] comme de la [10] de ces mêmes dispositions.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

y ajoutant,

- Déboute M. [W] [L] de l'intégralité de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [W] [L] aux dépens.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02663
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.02663 ?
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