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30/09/2022 | FRANCE | N°21/02601

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/02601


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/02601 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7NH





CPAM DES HAUTES-ALPES



C/



[X] [N]





Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- CPAM DES HAUTES-ALPES



- Monsieur [X] [N]











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de

Marseille en date du 20 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01834.





APPELANTE



CPAM DES HAUTES-ALPES, demeurant [Adresse 1]



dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02601 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7NH

CPAM DES HAUTES-ALPES

C/

[X] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM DES HAUTES-ALPES

- Monsieur [X] [N]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 20 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01834.

APPELANTE

CPAM DES HAUTES-ALPES, demeurant [Adresse 1]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience.

INTIME

Monsieur [X] [N], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 mai 2022, décision prorogée au 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [X] [N], employé par la société [3] en qualité d'ouvrier manoeuvre, depuis le 20 février 2017, a été victime, le 22 février 2017 d'un accident du travail que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes a pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La déclaration d'accident du travail mentionne que le salarié retirait du doublage dans les combles quand une grenade datant de la seconde guerre mondiale est tombée et a explosé.

La caisse l'a déclaré consolidé à la date du 04 juin 2018 puis lui a reconnu le 21 septembre 2018 un taux d'incapacité de 25%, sans retenir d'incidence professionnelle.

La maison départementale des personnes en situation de handicap 05 a renouvelé le 22 février 2018 à M. [N] le bénéfice de l'allocation adulte handicapé en lui reconnaissant un taux compris entre 50% et 79% avec restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2013.

M. [N] a saisi le 10 octobre 2018 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation du taux d'incapacité permanente reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie.

Par jugement en date du 20 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle de M. [X] [N] est porté à 37% à la date du 04 juin 2018,

* infirmé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes du 21 septembre 2018,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes aux dépens, à l'exclusion des frais de la consultation médicale incombant à la caisse nationale de l'assurance maladie.

La caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 03 février, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, dispensée de comparaître, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* confirmer sa décision attribuant à M. [X] [N] un taux d'incapacité permanente partielle de 25%,

* rejeter les demandes de M. [X] [N].

A titre subsidiaire, elle sollicite une nouvelle consultation médicale.

M. [X] [N] a demandé lors de l'audience du 23 février 2022 la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 37%.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte, résultant de son accident du travail et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

La caisse qui se prévaut d'un argumentaire médical et des dispositions de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, expose que M. [N] a été victime successivement d'un accident du travail le 14 juin 2005 dont il a été déclaré guéri le 23 septembre 2005, puis d'un autre accident du travail du 22 février 2017 dont il a été déclaré consolidé avec séquelles à la date du 04 juin 2018, et qu'il convient de se placer à celle-ci pour les évaluer, les pièces médicales postérieures ne pouvant être prises en considération.

Elle conteste l'attribution faite par les premiers juges d'un taux socioprofessionnel au motif que sur le questionnaire qu'elle lui a adressé, l'assuré a indiqué ne pas avoir subi du fait de cet accident une diminution de salaire ou de primes.

Elle soutient que le taux retenu par son médecin conseil de 25% est justifié au regard du barème.

L'intimé sollicite la confirmation du taux retenu par les premiers juges, tout en soulignant que son accident du travail a eu une incidence sur son audition et verse aux débats copie d'une expertise en date du 11 janvier 2019 que lui a transmise la caisse primaire d'assurance maladie le 07 février 2019.

Le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail définit la consolidation comme correspondant au 'moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus en principe nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente consécutive à l'accident, sous réserve de rechutes et de révisions possibles'.

L'évaluation de l'incidence professionnelle doit par conséquent prendre en considération à la fois les séquelles physiques mais aussi l'âge du salarié, sa qualification professionnelle et ses possibilités de reclassement.

L'appelante ne verse pas aux débats le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle que son médecin conseil a nécessairement établi et qui est censé être proche de la date de consolidation qu'il a retenue. Il résulte cependant de l'argumentaire médical dont elle se prévaut que le médecin conseil a déterminé un taux d'incapacité permanente partielle de 25% en:

* évaluant à 20% les séquelles au niveau des membres inférieurs au regard du chapitre 4.2.5 du barème, en précisant que pour les névrites périphériques, la fourchette donnée est de 10 à 20%,

* ne prenant pas en considération les séquelles auditives au motif que la surdité est préexistante à l'accident du travail pour avoir été objectivée par audiogrammes des 21/06/2013 et 13/07/2016,

* évaluant à 5% les séquelles psychologiques.

Le médecin consultant désigné par les premiers juges qui a procédé à l'examen de l'assuré, a relevé:

* de multiples cicatrices sur les deux jambes, certaines étant douloureuses à la palpation,

* une amyotrophie du quadriceps droit par rapport au gauche,

* un signe du rabot du genou droit avec douleurs au compartiment fémoro-patellaire externe,

* des tremblements assez constants des membres inférieurs.

Il a proposé de retenir un taux de 25% pour les jambes, de 5% sur le plan auditif et de 5% pour le syndrome anxio-dépressif.

Le certificat médical initial établi par un neurochirurgien du centre hospitalier de [Localité 4] indique que les lésions sont constituées par des plaies par grenade de criblage aux jambes et scrotum, une hypoacousie, des acouphènes et des perforations des tympans, et la déclaration d'accident du travail précise que l'accident du travail est consécutif à la chute et l'explosion d'une grenade datant de la seconde guerre mondiale demeurée dans les combles que le salarié dégageait.

Il résulte donc tant des circonstances d'accident du travail, que du certificat médical initial constatant médicalement les lésions initiales, que l'explosion de la grenade a non seulement engendré des lésions corporelles sur les membres inférieurs mais aussi des lésions auditives (tympans perforés et acouphènes).

Le barème indicatif d'invalidité, chapitre 4.2.5 relatif aux séquelles portant sur le système nerveux périphérique, donne pour celles affectant le membre inférieur, lorsqu'elles sont persistantes et suivant leur siège et leur gravité une fourchette de taux d'incapacité de 10 à 20%.

En l'espèce les séquelles affectent les deux membres inférieurs, le médecin consultant a constaté que les tremblements étaient constants et M. [N] a fait état d'une grande fatigabilité après avoir marché 100 à 200 mètres, et de chutes.

Ces éléments justifient de retenir le taux proposé par le médecin consultant de 25% pour les séquelles affectant les deux membres inférieurs.

Concernant les séquelles psychologiques, le médecin consultant a évalué à 5% les séquelles liées à l'accident du travail pour l'état anxio-dépressif constaté, et la cour relève qu'à cet égard il y a concordance avec l'avis du médecin-conseil de la caisse. Ce taux doit donc être retenu.

Il résulte du chapitre préliminaire du barème indicatif d'invalidité (accidents du travail) que s'agissant des infirmités antérieures, l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables, mais il peut y avoir des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière, ce qui conduit à distinguer:

* l'état pathologique antérieur absolument muet, révélé à l'occasion de l'accident de travail (ou de la maladie professionnelle), qui n'est pas aggravé par les séquelles, qui n'a pas à être pris en compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

* lorsque l'état pathologique antérieur révélé par l'accident (ou la maladie professionnelle) est aggravé par celui-ci, il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

* lorsque l'état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci, l'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle est évaluée en fonction des séquelles présentées.

Ainsi il incombe à tout le moins à la caisse d'étayer les raisons médicales conduisant à considérer que les séquelles auditives ne sont pas directement, totalement ou partiellement, une conséquence de l'accident du travail.

Si son médecin conseil fait état dans son argumentaire d'une 'surdité objectivée par audiogrammes' antérieurs à l'accident du travail, pour autant il ne précise nullement le degré de cette surdité, n'évoque pas la préexistence d'acouphènes.

La caisse ne soumet à l'appréciation de la cour aucun élément permettant de considérer que l'état antérieur connu n'a pas été aggravé par l'accident du travail. En particulier, l'argumentaire de son médecin conseil ne fait pas état d'un bilan audiologique effectué à sa demande permettant d'asseoir ses affirmations quant à l'absence d'aggravation de l'état antérieur.

Or, il résulte de l'expertise en date du 11 janvier 2019 que le bilan audiologique réalisé le 06 avril 2017 (antérieur à l'accident du travail) 'retrouve une surdité transmissionnelle bilatérale aggravée par rapport aux examens de médecine du travail dont le plus récent date du 13 juillet 2016", et que celui du 20 mars 2018 (postérieur à l'accident du travail et antérieur à la date de consolidation) 'montre une aggravation de la surdité préexistante'.

L'expert ajoute que même s'il existait une surdité importante préalablement au traumatisme, l'aggravation subie lors de ce dernier a 'considérablement augmenté la gêne auditive de ce patient et nécessite maintenant de manière impérative le port d'appareils auditifs bilatéraux'. Il ajoute qu'il est impossible de quantifier les acouphènes mais qu'il est aussi classique de retrouver ces symptômes après une exposition à un son très violent.

Bien que postérieure à la date de consolidation, cette expertise faisant état d'éléments médicaux antérieurs à accident du travail mais postérieurs à celui-ci, qui sont précis et argumentés, doivent être pris en considération, d'autant qu'ils ne sont pas contredits par 'l'argumentaire' trés succinct du médecin conseil de la caisse qui se borne en réalité à détailler le taux d'incapacité permanente partielle retenu.

S'agissant des acouphènes, le chapitre 5.5.3 du barème indicatif précise qu'en général les acouphènes d'origine traumatique (bourdonnements, sifflements, tintements, etc.) n'existent pas à l'état isolé, c'est-à-dire, en dehors de tout déficit auditif, qu'ils ne sont pas expressément conditionnés par un déficit important et préconise de tenir compte, pour l'estimation du taux d'incapacité, de leur durée, de leur intensité, de leur retentissement sur le sommeil, voire sur l'état général, moral et psychique, évaluant un acouphène gênant le sommeil, accompagnant une baisse de l'acuité auditive à un taux de 2 à 5, qui s'ajoute par simple addition à celui afférent à la surdité.

En retenant un taux de 5%, le médecin consultant s'est placé sur la fourchette haute, sans évaluer spécifiquement l'aggravation de la surdité, alors qu'il est établi qu'elle est réelle.

Ce taux est donc justifié notamment au regard de l'incidence en terme de fatigabilité des acouphènes.

S'agissant de l'incidence professionnelle, retenue par les premiers juges et contestée par l'appelante, la cour rappelle que les principes généraux dégagés dans le chapitre préliminaire de l'annexe I à l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale, précisent que le médecin chargé de l'évaluation, lorsque les séquelles de l'accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l'intéressé, ou un changement d'emploi, doit tenir compte des possibilités d'exercice d'une profession déterminée et des facultés de l'intéressé de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

L'évaluation de l'incidence professionnelle doit par conséquent prendre en considération à la fois les séquelles physiques mais aussi l'âge du salarié, sa qualification professionnelle et ses possibilités de reclassement, et pas seulement une perte de revenus.

M. [N] a indiqué avec constance au cours de la procédure avoir fait l'objet d'un avis d'inaptitude médicale et que son médecin l'avait incité à prendre sa retraite.

Il a du reste répondu sur le questionnaire envoyé par la caisse qu'il ne travaillait plus en faisant état de sa situation de retraité.

Compte tenu de son âge à la date de son accident du travail (61 ans) et à la date de la consolidation (62 ans) les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de l'incidence professionnelle en retenant à ce titre un taux de 2%, la prise d'effet de la retraite ayant une incidence sur le nombre de trimestres cotisés et par suite une incidence professionnelle sur sa retraite.

La mesure de consultation médicale sollicitée à titre subsidiaire par la caisse est dépourvue de pertinence étant rappelé que le barème est indicatif, ce qui implique de procéder à une appréciation in concreto du taux d'incapacité résultant des séquelles, dont la matérialité au plan médical est présentement établie.

Succombant en ses prétentions la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions avec la précision que le taux d'incapacité permanente partielle fixé à 37% inclut à hauteur de 2% l'incidence professionnelle,

y ajoutant,

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes de sa demande de consultation médicale,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes aux dépens, hormis les frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02601
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.02601 ?
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