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30/09/2022 | FRANCE | N°21/02575

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/02575


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/02575 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7KP







S.A.S. MAGNYDIS



C/



[K] [E]

Caisse CPAM DE SEINE ET MARNE









Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Clément LAMBERT



- Me Pierre LOPEZ



- CPAM















Décision défé

rée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 19 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01859.





APPELANTE



S.A.S. MAGNYDIS, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON substitué par...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02575 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7KP

S.A.S. MAGNYDIS

C/

[K] [E]

Caisse CPAM DE SEINE ET MARNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Clément LAMBERT

- Me Pierre LOPEZ

- CPAM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 19 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01859.

APPELANTE

S.A.S. MAGNYDIS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Marie PELLAN, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [K] [E], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Pierre LOPEZ, avocat au barreau de TOULON

CPAM DE SEINE ET MARNE, demeurant [Adresse 3]

non comparante, a été dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d'être représentée à l'audience.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 mai 2022, décision prorogée au 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [E], employé en qualité de chef de rayon par la société Magnydis depuis le 1er octobre 2014, a été victime le 03 mars 2015 d'un accident du travail, déclaré le 10 suivant par son employeur et pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse l'a déclaré consolidé à la date du 18 avril 2016 en retenant un taux d'incapacité permanente partielle de 7 % (dont 2% au titre de l'incidence professionnelle), porté à 17% (dont 2% au titre de l'incidence professionnelle) par jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille en date du 18 mai 2018.

Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement avec effet au 18 juin 2016.

M. [E] a saisi le 18 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var aux fins de reconnaissance du caractère inexcusable de la faute reprochée à son employeur dans son accident du travail.

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, a:

* 'considéré' que l'accident du travail dont a été victime M. [K] [E] le 03 mars 2015 est imputable à la faute inexcusable de la société Magnydis,

* ordonné la majoration maximale du capital versé par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne pour son taux de 17%,

* ordonné avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices une expertise médicale aux frais avancés par la caisse primaire d'assurance maladie qui pourra en récupérer le montant auprès de la société Magnydis,

* alloué à M. [E] une indemnité provisionnelle de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

* dit que la caisse primaire d'assurance maladie récupérera auprès de la société Magnydis les sommes qui lui seront allouées y compris à titre de provision en réparation de son préjudice,

* condamné la société Magnydis à payer à M. [E] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Magnydis aux dépens.

La société Magnydis a interjeté régulièrement, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, le 18 février 2021 un premier appel, par remise par voie électronique, enregistré sous la référence RG 21/02575, puis un second appel, par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 19 février 2021, enregistré sous la référence RG 21/02767.

Par ordonnance en date du 21 avril 2021du magistrat chargé d'instruire, l'affaire référencée RG 21/02767 a été jointe à celle portant le numéro RG 21/02575.

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société Magnydis sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter M. [E] de ses demandes et de le condamner aux dépens.

A titre subsidiaire, si la faute inexcusable était retenue, elle lui demande de débouter M. [E] de ses demandes de provision et d'expertise, et plus subsidiairement , si une expertise était ordonnée, de dire que l'expert désigné devra évaluer le préjudice lié à l'état préexistant anxio-dépressif de M. [E].

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [E] sollicite la confirmation du jugement entrepris hormis en ce qui concerne l'indemnité provisionnelle qu'il demande à la cour de porter à 5 000 euros.

Il sollicite la condamnation de la société Magnydis au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 22 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne, dispensée de comparaître, indique s'en remettre à justice en ce qui concerne l'appréciation de l'existence d'une faute inexcusable imputable à l'employeur ainsi que sur la majoration de la rente et la fixation des éventuels préjudices extra-patrimoniaux dans la limite des textes et de la jurisprudence applicables.

Elle sollicite la condamnation de la société Magnydis à lui rembourser le montant des sommes dont elle est condamnée à faire l'avance.

MOTIFS

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ne constituent pas une prétention les demandes visant à 'écarter une présomption' ou à 'écarter le caractère professionnel d'un accident'.

Si dans le cadre d'un litige portant sur la reconnaissance de sa faute inexcusable, l'employeur peut contester le caractère professionnel de l'accident, il s'agit d'un moyen de défense et non d'une prétention à l'égard de laquelle il devrait être spécifiquement statué dans le dispositif.

* sur la faute inexcusable:

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité.

C'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable et par voie de conséquence d'établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

L'appelante expose exploiter un supermarché à l'enseigne Casino ayant ouvert ses portes en octobre 2014 et que le 03 mars 2015, une très légère fuite de CO2 a été constatée dans la chambre froide du magasin, le rapport d'intervention des techniciens de la société Sidfrem mentionnant qu'aucun salarié ni client n'y a été exposé.

Elle conteste d'une part la matérialité d'un accident du travail et relève que le certificat médical initial établi le lendemain par le médecin traitant de son salarié ne mentionne aucun accident du travail ni de doléance, indique une contre-indication au port de charges supérieures à un kilogramme. Ayant informé M. [E] de ce qu'elle sollicitait l'avis du médecin du travail, son salarié est retourné voir son médecin traitant qui lui a délivré le 05 mars 2015 un nouveau certificat d'arrêt de travail rétroactif à compter du 04 mars 2015 au titre d'un accident du travail, avec irritation des yeux, sans rapport avec celui établi la veille.

Alléguant qu'il n'y a pas eu de lésion apparue sur le lieu et au temps du travail le 03 mars 2015, que le lendemain il n'a pas été constaté de lésion en relation avec l'incident du 03 mars 2015 et que ce n'est que le 6 mars 2015 et par mesure de rétorsion à l'égard de son employeur que le salarié a fait état pour la première fois de lésions et d'accident du travail après être retourné voir son médecin de 05 mars 2015, elle en tire la conséquence que la présomption d'accident du travail n'est pas applicable. Elle relève en outre que la nouvelle lésion de syndrome dépressif constatée le 30 mars 2015 l'a été alors que le contrat de travail était suspendu, pour soutenir qu'elle n'est pas apparue au temps et lieu du travail.

Elle conteste d'autre part toute faute inexcusable soutenant que la preuve de sa conscience du danger n'est pas établie, alléguant ne pas avoir à justifier avoir pris les mesures nécessaires pour préserver la sécurité de son salarié.

Elle soutient avoir rempli son obligation de sécurité en adhérant en décembre 2014 au CIAMT (médecine du travail). Tout en alléguant que la visite médicale n'a pu intervenir en raison de l'arrêt de travail à compter du 04 mars 2015, elle relève l'absence de lien entre l'accident du travail et le défaut de visite médicale.

Elle conteste que son salarié se soit retrouvé seul à gérer une situation de crise alors qu'il a appelé les techniciens compétents pour régler l'incident, lesquels lui ont donné immédiatement les explications et consignes à suivre et que les celles-ci ne consistaient pas à fermer le magasin ni à évacuer la clientèle faute de danger identifié.

Elle conteste que le salarié se soit retrouvé seul sans instruction et ajoute avoir procédé à l'établissement d'un document unique d'évaluation des risques lequel fait état de trois réunions générales du personnel sur les risques psychosociaux.

Le salarié lui oppose d'une part que les conditions légales de l'accident du travail sont réunies, ayant été victime le 03 mars 2015 de l'émanation d'un gaz toxique alors qu'il procédait au rangement de marchandises dans les rayons en provenance de la chambre froide négative, et qu'il y avait eu à 15 heures 30 un déclenchement de l'alarme pour motif de fuite de gaz CO2, les employés du rayon ayant au moment du stockage du surplus de marchandises percuté la gaine du détendeur du liquide du gaz de refroidissement lequel a cédé du fait de l'absence de toutes protections, et qu'en l'absence de tout responsable et de personnel d'encadrement sur site, il a dû se rendre dans la chambre froide pour constater la gravité de la situation puis appeler la société de maintenance laquelle a dépêché en urgence deux techniciens, qui ont réparé la fuite mais n'ont pas pu réactiver l'alarme en raison de la forte concentration en CO2 dans la chambre froide.

Il souligne que l'imputabilité des lésions à l'accident du travail est établie et que l'état anxio-dépressif mentionné sur le certificat du 20 mars 2015 est directement lié à la situation de stress intense dans laquelle il s'est trouvé le 03 mars 2015, ayant seul à gérer la sécurité technique des salariés en l'absence de tout responsable sur le site, sans avoir bénéficié d'aucune formation appropriée pour parer à un accident technique de cette nature.

Il soutient d'autre part que son employeur a manqué à son obligation de sécurité d'une part en raison de l'absence de visite médicale d'embauche et d'autre part de l'insuffisance d'information et de formation générale à la sécurité dispensée, n'ayant reçu aucune consigne lui permettant de savoir ce qu'il fallait faire en cas d'émanation de gaz toxique. Il ajoute que le document unique d'évaluation des risques ne prend pas de mesure spécifique pour réduire voir supprimer les risques inhérents à la survenance de situation dangereuse, ni les risques psychosociaux auxquels il a été soumis, alors que son employeur connaissait parfaitement les dangers et avait nécessairement conscience des risques qu'il encourait, alors que le jour de l'accident, il n'y avait aucun cadre dirigeant présent dans le magasin.

- sur le caractère professionnel de l'accident:

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident du travail se définit comme un événement soudain, ce qui s'entend par un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. La charge de la preuve du fait accidentel incombe au salarié qui doit donc établir les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail datée du 10 mars 2015, mentionne que le 03 mars 2015 à 15 heures 30, sur son lieu de travail habituel, alors qu'il procédait au rangement des rayons, le salarié a été victime d'une fuite de CO2 dans la réserve du magasin, qu'un arrêt de travail lui a été prescrit et que l'employeur en a été informé par ses préposés. Il y est précisé que le magasin et les clients ont été évacués.

Il est indiqué dans une annexe à cette transmission à laquelle la déclaration d'accident du travail renvoie au titre des réserves, que le salarié a 'fourni en date du 4/03 un arrêt de travail pour maladie d'une journée avec une contre-indication de son médecin précisant que celui-ci ne pouvait porter de charges supérieures à 1 kilo. Il est retourné voir son médecin en date du 5/03 qui lui a prescrit un arrêt d'accident de travail en date du 4/03 pour irritation des yeux suite à fuite de gaz'.

Le certificat médical initial en date du 04 mars 2013, établi par un médecin généraliste, l'est sur le Cerfa spécifique (accident du travail/ maladie professionnelle). Il mentionne des 'douleurs paravertébrales gauches suite effort au travail et irritation des yeux suite fuite de gaz' et prescrit un arrêt de travail.

Il résulte de sa décision du 17 avril 2015, que la caisse a pris en charge l'accident ainsi déclaré au titre de la législation professionnelle, après avis de son médecin conseil en date du 15 avril 2015 estimant que les lésions lui sont imputables.

Le caractère soudain du fait accidentel (fuite de CO2) aux temps et lieu du travail de M. [E] n'est pas contesté par l'employeur qui allègue en réalité uniquement qu'il n'en serait pas résulté de lésion.

Or la lésion (irritation des yeux) a été initialement constatée sur le certificat médical initial daté du lendemain de ce fait accidentel, soit dans un temps proche du fait accidentel et le médecin conseil de la caisse a estimé qu'elle est en lien avec l'accident.

Il s'ensuit effectivement que la présomption d'accident du travail est applicable et qu'il incombe à l'employeur de la renverser en rapportant la preuve d'une cause étrangère au travail, qu'il ne rapporte pas, se bornant à mettre en doute la constatation médicale afférente à l'irritation des yeux en versant aux débats le volet n°3 (ne mentionnant pas le motif médical) d'un arrêt de travail prescrit par certificat médical en date du 04 mars 2015 auquel est joint un certificat médical manuscrit faisant mention d'une contre-indication au port de charges lourdes (supérieures à 1 kg).

De même, la circonstance que le certificat médical de prolongation en date du 30 mars 2015 mentionne outre la persistance de l'irritation des yeux et des douleurs paravertébrales gauches, la survenue d'un état anxio-dépressif suite à des problèmes au travail et que sur avis de son médecin conseil en date du 07 mai 2015, favorable à la prise en charge au titre de l'accident du travail de la nouvelle lésion 'syndrome anxio-dépressif', la caisse a décidé le 12 mai 2015 de la prendre en charge, alors qu'à cette date le contrat de travail était suspendu du fait de l'arrêt de travail prescrit, est inopérante à renverser la présomption d'imputabilité.

L'appelante procède par confusion entre le fait soudain accidentel survenu au temps et lieu du travail et la constatation dans les suites immédiates de celui-ci (en l'espèce le lendemain) d'une lésion et de la constatation médiale d'une nouvelle lésion en lien avec l'accident du travail survenu dans les suites de la prise en charge médicale et à une date à laquelle l'état de santé résultant de l'accident du travail n'était pas consolidé.

Il résulte donc de ces éléments d'une part que la matérialié du fait accidentel dont M. [E] a été victime, au temps et au lieu du travail, est établie et d'autre part qu'il en est résulté une première lésion puis une seconde, toutes deux médicalement contestées.

Les circonstances de la survenance de l'accident du travail comme l'absence, non contestée, sur le site de tout personnel d'encadrement, le salarié occupant uniquement un poste de chef de rayon, et ayant été contraint de gérer la situation en sollicitant sur la base de simples instructions orales, l'intervention d'une entreprise spécialisée, est effectivement de nature à générer pour ce salarié une situation de stress particulier.

Il s'ensuit que l'employeur ne peut soutenir utilement la cause étrangère au travail à l'égard à la fois de la lésion constatée initialement (irritation des yeux) et de la lésion nouvelle (syndrome anxio-dépressif) et par suite est mal fondé en son moyen tiré de l'absence de caractère professionnel de l'accident du 03 mars 2015.

- sur la faute inexcusable:

Le manquement reproché à l'employeur à son obligation de sécurité est lié au non-respect d'une part de son obligation légale afférente à la visite médicale d'embauche et d'autre part de l'absence d'évaluation de ce risque et de consignes à suivre définies en cas de survenance, comme de l'absence de personnel d'encadrement sur place.

S'il est exact que l'absence de visite médicale d'embauche caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, pour autant il est en l'espèce sans lien direct avec l'accident du travail consécutif à une fuite de CO2.

Par contre, l'employeur doit évaluer les risques auxquels sont exposés ses salariés, l'article L.4121-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de l'accident du travail, lui faisant obligation, compte tenu de la nature des activités de son établissement, d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail, et à la suite de cette évaluation, de mettre en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et en intégrant ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

L'appelante verse aux débats un document unique d'évaluation des risques mentionnant 'année 2015", qui ne précise pas à quelle date il a été établi, et qui ne comporte aucun élément d'appréciation du risque lié aux interventions des salariés à proximité de la chambre froide.

Exploitant une enseigne de distribution, l'appelante ne pouvait ignorer, du fait même de son secteur d'activité, l'existence d'un risque lié à une fuite de CO2 en lien avec ses équipements réfrigérés.

Elle ne pouvait d'autant moins l'ignorer que le groupe auquel elle appartient (groupe Casino) a établi une fiche sécurité interne, comportant 5 pages, datée du 21 juillet 2003, spécifique au produit 'dioxyde de carbone (réfrigéré)' qui mentionne d'une part que le contact avec ce gaz liquéfié réfrigéré 'peut causer des brûlures par le froid ou des gelures' et qu'il existe un 'risque d'asphyxie à haute concentration' et d'autre part préconise des mesures à prendre en cas de dispersion accidentelle.

Il importe donc peu, alors que la survenance de ce risque, lié aux équipements utilisés pour son activité, a été occultée dans le document unique d'évaluation des risques dont elle se prévaut, que ce document mentionne une évaluation du risque lié au stress pour les unités de travail caisse et services en lien avec les relations clients.

Présentement l'exposition au risque lié au stress et par conséquent à la lésion nouvelle de syndrome anxio-dépressif prise en charge au titre de l'accident du travail est la conséquence:

* d'une part de l'absence d'évaluation du risque lié à une fuite de CO2 et de l'absence de préconisations à suivre en cas de survenance, portées à la connaissance du personnel,

* et d'autre part de l'absence d'organisation de ce site, sur lequel n'étaient présents lors de la survenance du fait accidentel aucun personnel d'encadrement ou responsable, le salarié, chef de rayon, n'ayant pas qualité en matière de sécurité et ayant été contraint de prendre des initiatives en urgence.

Ni la prise en charge de cette lésion du syndrome anxio-dépressif au titre de l'accident du travail, ni la date de consolidation, ni le taux d'incapacité permanente partielle retenu par la caisse n'ont été contestés par l'appelante.

La cour relève que dans son évaluation du taux d'incapacité le médecin conseil a retenu au titre des séquelles une névrose post- traumatique avec notamment troubles anxieux caractérisés en tenant compte d'un état antérieur pathologique interférent.

La fiche de la société Sidfrem portant sur l'intervention en date du 03 mars 2015 de 16 heures 30 à 19 heures, établit:

* le déclenchement de l'alarme détention CO2,

* une fuite sur détenteur dans la chambre froide négative et sa réparation,

* une remise en service,

* l'impossibilité de mettre l'alarme 'car trop de concentration de CO2 dans la chambre froide', sa remise en service étant prévue le lendemain.

Si dans un courriel du 13 mars 2015, un salarié de la société Sidfrem a écrit que lors de leur intervention les techniciens ont constaté une 'très légère fuite sur le détendeur de l'évaporateur de la chambre froide négative crémerie' et que 'la quantité de R744 perdue a été infime et qu'il n'a pas été nécessaire de faire un complément de charge dans la centrale', pour autant l'appelante ne peut alléguer que personne n'a été mis en danger.

En ne procédant pas à l'évaluation du risque lié à une fuite CO2 en lien avec ses installations, en n'établissant aucun protocole à suivre en cas de déclenchement de l'alarme, et en laissant le site sans responsable sécurité sur place, la société Magnydis a commis un manquement à son obligation de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont a été victime le 03 mars 2015 M. [E], constitutif de sa faute inexcusable.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé à cet égard.

* sur les conséquences de la faute inexcusable:

Lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, à une indemnisation complémentaire de ses préjudices, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, outre une majoration de la rente.

Le jugement entrepris doit être confirmé sur la majoration à son maximum de la rente, étant précisé cependant que dans les rapports caisse/employeur le taux applicable est celui de 7%.

L'expertise médicale ordonnée par les premiers juges est effectivement nécessaire avec la mission impartie pour évaluer les conséquences dommageables de l'accident, au sens des dispositions précitées et de la décision du conseil constitutionnel, compte tenu des séquelles retenues sans qu'il y ait lieu de préciser plus amplement la mission de l'expert.

Le montant de l'indemnisation provisionnelle, justement apprécié au regard de l'importance des blessures subies, doit également être confirmé.

Le jugement doit enfin être également confirmé sur l'avance que doit faire la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne de la provision allouée et des frais d'expertise et sur son action récursoire, en application des dispositions des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale, la cour précisant cependant que le recours de la caisse s'agissant de la majoration de la rente ne pourra s'effectuer que dans la limite du taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur,

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [E] les frais qu'il a été contraint d'exposer pour sa défense, ce qui conduit la cour à lui allouer la somme de 3 000 euros.

Succombant principalement en son appel, la société Magnydis doit être condamnée aux dépens d'appel, le surplus des dépens étant réservé en fin de cause eu égard à la confirmation de l'expertise.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour sauf à préciser que l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne s'agissant de la majoration de la rente ne pourra s'effectuer que dans la limite du taux d'incapacité permanente partielle de 7% opposable à la société Magnydis,

y ajoutant,

- Condamne la société Magnydis payer à M. [K] [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Magnydis aux dépens d'appel, le surplus des dépens étant réservé en fin de cause.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02575
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.02575 ?
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