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30/09/2022 | FRANCE | N°21/02164

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 30 septembre 2022, 21/02164


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 222













Rôle N° RG 21/02164 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6DY







[B] [C]





C/



E.U.R.L. MEDITERRANEENNE DE VOYAGEURS





















Copie exécutoire délivrée

le : 30 septembre 2022

à :

Me Katell MADEC

SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCI

ES













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02498.





APPELANT



Monsieur [B] [C], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me K...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 222

Rôle N° RG 21/02164 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6DY

[B] [C]

C/

E.U.R.L. MEDITERRANEENNE DE VOYAGEURS

Copie exécutoire délivrée

le : 30 septembre 2022

à :

Me Katell MADEC

SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02498.

APPELANT

Monsieur [B] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Katell MADEC, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

E.U.R.L. MEDITERRANEENNE DE VOYAGEURS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 2]

représentée par Me Philippe SANSEVERINO de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Marina ALBERTI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022 ; à cette date, les parties ont été informées que le délibéré a été prorogé au 30 septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

L'eurl MDV est spécialisée dans le transport et l'accompagnement de personnes à mobilité réduite par la mise à disposition de véhicules aménagés, activité principalement exercée dans le cadre de marchés publics.

M. [B] [C] a été embauché par l'eurl Mediterranéenne de voyageurs (MDV) en qualité de conducteur scolaire par contrat de travail intermittent à durée indéterminée du 21 décembre 2017 qui était rompu par le salarié durant la période d'essai.

Il était employé à nouveau par un même contrat intermittent à compter du 7 septembre 2018 , contrat également rompu par le salarié durant la période d'essai.

Enfin il était employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 5 novembre 2018 pour une période minimum de 5 jours en remplacement d'un salarié absent, contrat rompu par la société le 6 novembre au soir.

Contestant les modalités d'exécution du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande de requalification de son contrat de travail par requête du 4 décembre 2018.

Par jugement du 18 janvier 2021 cette juridiction a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes.

Critiquant les chefs de jugement le salarié a relevé appel et sollicite de la cour dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 17 mai 2022, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de condamner la société à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, prononcer la requalification du contrat de travail intermittent en un contrat de travail à temps complet, fixer le salaire de référence à 1 521,25euros brut et de:

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes:

- 2 689,44 euros brut à titre de rappel de salaire sur requalification à temps complet ;

- 268,95 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

A titre subsidiaire :

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 285,86 euros brut à titre de rappel des 1/2 heures non payées, outre les congés payés afférents;

- 110,33 euros brut au titre des travaux annexes non payés outre les congés payés afférents;

En tout état de cause,

Condamner la société au paiement de :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation ;

- 80 euros à titre de remboursement de frais de portable ;

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du préjudice subi en raison du non respect de la réglementation relative à la durée du travail et l'exécution déloyale du contrat de travail

Dire et juger que la rupture du contrat à durée déterminée est abusive :

Condamner la société à lui payer des dommages et intérêts correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'au 6 juillet 2019 soit la somme de 1 521,25*8mois (6 novembre 2018-6 juillet 2019) soit 12 170 euros.

Par conclusions notifiées et déposées le 21 juin 2022, la société MDV demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Dire et juger irrecevables en l'état les demandes non chiffrées du salarié,

Débouter le salarié de toutes ses demandes,

Condamner le salarié à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties la cour renvoie à leurs écritures précitées.

Motifs

Sur la recevabilité des demandes formées au titre de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée et de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de remplacement:

L'employeur soulève l'irrecevabilité de ces demandes au motif que celles-ci n'auraient pas été chiffrées dans la requête.

Selon les dispositions de l'article R. 1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. La requête et le bordereau sont établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction.

La critique de l'absence de chiffrage de la demande relève de la nullité de l'article 58, en vigueur, et doit faire l'objet d'une exception de nullité que la société n'a pas soulevée devant le premier juge et non d'une irrecevabilité, la cour observant que l'employeur ayant pu utilement défendre devant le conseil le principe du contradictoire apparaît respecté.

Il convient donc de déclarer ces demandes recevables.

Sur la demande de requalification:

Selon l'article L. 3123-31 du code du travail, le contrat de travail intermittent a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Il doit ainsi permettre aux entreprises confrontées à une forte fluctuation d'activité sur l'année de répondre à des besoins spécifiques en main-d''uvre. Il en résulte qu'en l'absence de définition de ces périodes dans le contrat de travail, ce dernier doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein.

Le salarié a été engagé en qualité de conducteur scolaire en contrat de travail intermittent le 21 décembre 2017.

Le contrat de travail mentionne une durée minimale de 550 h par an correspondant aux périodes d'activités scolaires, stipule qu'une annexe au présent contrat fixera pour l'avenir les périodes de travail, qu'un avenant sera signé chaque année entre les parties pour définir les périodes de travail, que les horaires de travail seront communiqués au salarié au plus tard le dernier jour ouvrable avant le début de chaque période concernée, sauf horaire identique d'une période à l'autre, que toute modification des jours ou des horaires types sera communiquée par la société avec un délai de prévenance de 3 jours ouvrables, sous réserve que la société en ait elle-même connaissance dans ce délai.

L'employeur ne produit pas l'annexe au contrat de travail fixant les périodes de travail conformément à l'article 4 de la Convention collective nationale.

La cour en déduit que le contrat de travail ne détermine pas les périodes travaillées et non travaillées en méconnaissance des exigences légales.

L'employeur soutient que les pièces versées attestent d'une détermination des horaires de travail des salariés connus d'eux, tels la référence à une alternance de périodes travaillées et non travaillées et à la desserte programmée et le calendrier scolaire, selon les dispositions de la Convention collective, la nature de services de transport effectués dans le cadre des marchés publics à heure fixe, auquel le salarié n'a toutefois pas accès, l'obligation de faire signer les attestations de présence démontrant la réalisation des transports, faisant état d'un transport aller-retour le matin et/ou un transport aller-retour l'après-midi, les relevés de géo-localisation personnels au salarié. Or ces éléments, non portés à la connaissance du salarié dans le contrat de travail ou joints à l'annexe contractuelle ne sont pas de nature à suppléer utilement l'absence de mentions substantielles dans le contrat affectant la définition des périodes travaillées et non travaillées au sens de l'article L.. 3123-31 du code du travail précité. Le moyen est rejeté.

Il s'en déduit que doit être prononcée la requalification en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein du contrat de travail conclu le 21 décembre 2017. Le jugement est infirmé de chef.

Sur les effets de la requalification:

En l'absence de toute contestation sur le montant du salaire de référence, sur les montants réclamés, il est fait droit à la demande de fixation du salaire de référence à la somme de 1 521,25 euros brut et à la condamnation de la société à payer au salarié les sommes de :

- 2 689,44 euros brut à titre de rappels de salaire sur requalification à temps complet;

- 268,95 euros brut au titre des congés payés y afférents;

Sur la rupture du contrat à durée déterminée:

Le salarié a été engagé par contrat à durée déterminée du 5 novembre 2018 en vue de remplacer un salarié absent M. [D] [M]. Il est noté dans ce contrat que celui-ci est conclu pour une période minimale de 5 jours, qu'il prend effet le 5 novembre 2018 pour se terminer au plus tôt le 9 novembre 2018 au soir et au plus tard au retour du salarié, sans toutefois dépasser la date du 6 juillet 2019.

Le salarié allègue que l'employeur a mis fin à ce contrat de manière anticipée, soit le 6 novembre 2018 au soir et demande une indemnisation équivalente aux 8 mois de travail prévus dans le contrat.

L'employeur réplique que c'est le salarié qui a quitté son emploi le 6 novembre.

L'employeur justifiant de l'absence du salarié remplacé par une attestation de ce dernier que la cour juge suffisante à établir la matérialité des faits contestés, de la régularité du contrat de travail, à défaut d'autres éléments sur les conditions de cette rupture, il convient de dire que, selon les clauses contractuelles susvisées, le contrat de travail liant les parties devait se terminer au plus tôt le 9 novembre 2018 au soir, et au vu du salaire déjà perçu, d'allouer au salarié le reliquat dû pour les 7, 8 et 9 novembre 2018 soit 173,77 euros brut (57,92 x3) outre 17,37 euros de congés payés afférents. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires et les remboursements de frais de portable:

- la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation:

Le salarié ne rapportant pas la preuve qui lui incombe d'un lien de causalité entre l'absence de formation alléguée, et du préjudice qu'il allègue subir, est débouté de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

- la demande en remboursement des frais liés à l'utilisation du portable personnel:

Le salarié ne rapportant pas la preuve d'un usage pour les besoins de l'activité professionnelle exercée de l'abonnement téléphonique souscrit, de la part d'utilisation professionnelle par rapport à l'utilisation privée, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

- la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation relative à la durée du travail et exécution déloyale du contrat de travail:

L'action en requalification étant accueillie sur le fondement de l'absence de mentions substantielles du contrat de travail intermittent, et non sur le fondement du non-respect de la réglementation relative à la durée du travail, la demande en dommages et intérêts est en voie de rejet.

L'exécution déloyale du contrat de travail doit être démontrée par le salarié, lequel doit établir une faute, un préjudice et un lien de causalité. Or le salarié ne caractérisant pas le préjudice qu'il allègue avoir subi, il s'ensuit le rejet de la demande. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

Sur la demande fondée sur l'article L.8223-1 du code du travail

Le bien fondé de la condamnation au paiement de l'indemnité nécessitant d'administrer la preuve d'une soustraction intentionnelle de l'employeur à diverses obligations énumérées, ce que ne constitue pas la seule requalification d'un contrat intermittent en contrat à temps complet, au demeurant no alléguée, et les autres manquements reprochés n'étant ni retenus ni établis, la demande n'est pas susceptibles d'être accueillie.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [B] [C] de sa demande en requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail intermittent à temps complet, et de sa demande de rappel de salaire au titre du contrat à durée déterminée en date du 30 octobre 2018;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées au titre de la requalification du contrat à durée indéterminée et au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de remplacement;

Prononce la requalification en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein le contrat de travail en date du 21 décembre 2017;

Fixe le salaire de référence à la somme de 1 521,25 euros brut;

Dit que le contrat à durée déterminée du 5 novembre 2018 devait se terminer au plus tôt le 9 novembre 2018;

Condamne la société MDV à payer à M. [B] [C] les sommes de :

- 2 689,44 euros brut à titre de rappels de salaire sur requalification à temps complet;

- 268,95 euros brut au titre des congés payés y afférents;

- 173,77 euros brut à titre de rappel de salaire sur le contrat à durée déterminée;

- 17,37 euros brut au titre des congés payés y afférents;

Déboute de toute autres demandes indemnitaires;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MDV à payer à M. [B] [C] la somme de 500 euros;

Condamne la société MDV aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/02164
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.02164 ?
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