La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2022 | FRANCE | N°21/02041

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/02041


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/02041 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG5YS





Société [2]



C/



CPAM DU [Localité 3]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Véronique BENTZ



- CPAM DU [Localité 3]















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social

du tribunal Judiciaire de Marseille en date du 15 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 1701392.





APPELANTE



Société [2], demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Véronique BENTZ de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Joha...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02041 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG5YS

Société [2]

C/

CPAM DU [Localité 3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Véronique BENTZ

- CPAM DU [Localité 3]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal Judiciaire de Marseille en date du 15 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 1701392.

APPELANTE

Société [2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Véronique BENTZ de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Johanna WILHELM, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

CPAM DU [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [L] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 février 2022, décision prorogée au 11 mars 2022, 1er avril 2022 et au 6 mai 2022 et au 30 septembre 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [Y], employé depuis le 1er janvier 1976, en qualité de conducteur d'engin, par la société [2] (devenue la société [2]), a déclaré le 07 juin 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] être atteint d'une 'surdité de perception' en sollicitant la reconnaissance de celle-ci au titre du tableau n°42 des maladies professionnelles.

Le certificat médical initial joint en date du 09 mai 2016 mentionne une surdité bilatérale et précise que la date de la première constatation de la maladie est le 08 septembre 2014.

Après enquête, la caisse a décidé le 13 octobre 2016 de prendre en charge, au titre du tableau 42 des maladies professionnelles, la maladie 'hypoacousie de perception'.

En l'état d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, la société Eiffage route Méditerranée a saisi le 10 février 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône de sa contestation de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par son salarié, étant précisé que la décision explicite de rejet de son recours est intervenue le 27 juillet 2017 et que la société Eiffage route Méditerranée a également saisi, le 02 août 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de sa contestation de cette décision.

La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] a ensuite déclaré M. [Y] consolidé à la date du 10 mai 2016 puis a fixé à 18% son taux d'incapacité permanente partielle.

Par jugement en date du 15 janvier 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, après avoir prononcé la jonction des procédures et avoir déclaré le recours recevable en la forme, a:

* rejeté la demande de jonction de la société [2], venant aux droits de la société Eiffage route Méditerranée, de la présente procédure avec celle portant sur la contestation du taux d'incapacité permanente partielle,

* rejeté le moyen d'irrégularité tiré du non-respect du contradictoire pendant l'instruction du dossier,

* rejeté le moyen d'irrégularité tiré de l'absence de délégation de signature,

* dit régulière la procédure d'instruction et de prise en charge conduite par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3],

* débouté la société [2] de sa demande d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] de prise en charge au titre du tableau n°42 des maladies professionnelles de la pathologie 'surdité de perception bilatérale' présentée le 9 mai 2016 par le salarié [J] [Y],

* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 27 juillet 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3],

* dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société [2] aux dépens.

La société [2] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 05 janvier 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [2] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

*lui dire inopposable la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie du 09 mai 2016 déclarée par M. [Y],

* condamner la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 05 janvier 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de rejeter les demandes de la société [2].

MOTIFS

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale que toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, est présumée d'origine professionnelle.

A partir de la date à laquelle le travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux, l'article L.461-2 du code de la sécurité sociale subordonne la prise en charge par l'organisme social au titre de la maladie professionnelle, pour les maladies correspondant aux travaux énumérés, à la première constatation médicale pendant le délai fixé à chaque tableau.

La première constatation médicale de la maladie concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de la maladie, même si son identification n'intervient que postérieurement au délai de prise en charge.

Ce délai, qui a pour point de départ la date de la fin d'exposition au risque est celui au cours duquel doit intervenir la première constatation médicale, laquelle peut être antérieure à la fin de l'exposition au risque.

L'appelante soutient que les conditions du tableau 42 des maladies professionnelles ne sont pas réunies, motifs pris de:

* l'absence de correspondance entre la pathologie constatée et celle visée par ce tableau, la condition relative à la désignation de la maladie devant s'entendre strictement.

Elle se prévaut de l'avis de son médecin conseil concluant que l'audiogramme du 09 mai 2016 n'est pas caractéristique d'une surdité professionnelle alors que la déclaration de maladie professionnelle fait état d'une surdité de perception, que le certificat médical initial mentionne une surdité bilatérale et la décision de prise en charge une hypoacousie de perception, alors que le tableau 42 vise l'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes, dont aucun document médical ne fait état.

Elle ajoute que son médecin conseil relève que les conditions techniques dans lesquelles l'audiogramme a été effectué ne sont pas connues alors que le tableau 42 délimite de façon très précise les modalités de cet examen et soutient que l'attestation du Dr [W], postérieure à l'examen audiométrique, ne peut justifier qu'il a été réalisé dans le respect des conditions du tableau,

* l'absence d'exposition au bruit: elle souligne que la conduite d'un camion poids lourd ne fait pas partie des travaux susceptibles de provoquer l'hypoacousie visée par le tableau 42 et que la caisse ne rapporte pas la preuve d'une exposition du salarié au risque. Elle souligne que le salarié occupait à 90% depuis 2009/2010 un poste de chauffeur poids lourd et à 10% une activité de conducteur de chargeur à pneu qui ne sont pas listées par le tableau.

Elle en tire la conséquence que les conditions du tableau n'étant pas toutes réunies, la caisse primaire d'assurance maladie devait avant décision solliciter l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, alors qu'elle ne l'a pas fait.

Dans un second temps, elle invoque:

* le non-respect du contradictoire dans le cadre de l'instruction du dossier, la caisse ne lui ayant jamais envoyé de questionnaire, mais simplement téléphoné le 06 septembre 2016, ne lui ayant communiqué l'audiogramme qu'au moment de la clôture de l'instruction l'empêchant d'émettre des réserves et ayant refusé d'entendre sa position concernant l'absence d'exposition au risque de l'assuré,

* le défaut de motivation de la décision de prise en charge en violation des dispositions des articles L.115-2 et R.441-14 du code de la sécurité sociale, en l'absence d'indication sur la réunion des éléments sur la pathologie réellement instruite et le caractère habituel des travaux compte-tenu des discordances observées entre les déclarations du salarié et de celles de son employeur,

* le défaut de pouvoir du signataire de la décision de prise en charge qui n'est pas le directeur de la caisse et doit être en possession d'une délégation écrite et motivée conformément à l'article D.253-6 du code de la sécurité sociale.

La caisse réplique que les conditions du tableau 42 sont réunies:

* l'affection présentée figure sur ce tableau, le médecin qui a réalisé l'examen audiométrique a attesté qu'il a été réalisé le 09 mai 2016 en cabine insonorisée avec audiomètre calibré, l'assuré a justifié d'une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours pour avoir été en RTT du 30 avril au 09 mai 2016, et l'examen audiométrique fait apparaître un déficit d'au moins 35dB sur la meilleure oreille,

* les représentants de l'employeur ont confirmé les travaux réalisés par l'assuré en estimant à 10% la conduite de chargeur sur pneus, dont l'utilisation figure sur la liste des travaux du tableau, et si l'employeur a indiqué que depuis 2010 son salarié exerce des fonctions moins exposantes qu'entre 1976 et 2010, au risque du tableau 42, il est patent qu'il a travaillé dans le secteur des travaux publics au sein d'un environnement bruyant tout au long de sa carrière.

Elle soutient en outre que le principe du contradictoire a été respecté, que l'employeur a été régulièrement informé de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la prise de décision et qu'elle lui a satisfait à sa demande de transmission des pièces.

Elle souligne l'absence de sanction spécifique applicable en cas de défaut de motivation et soutient que la décision de prise en charge est suffisamment motivée.

Enfin, elle soutient que l'éventuel défaut de pouvoir de son agent auteur de la décision de reconnaissance de maladie professionnelle ne peut avoir pour conséquence l'inopposabilité de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle et rappelle qu'aucun texte n'exige la signature sur les décisions rendues en matière de risques professionnels.

* sur l'inopposabilité de la décision de la caisse tirée d'irrégularités de la procédure d'instruction:

Par applications combinées des articles R.441-11 III et R.441-14 du code de la sécurité sociale (pris dans leurs rédactions issues du décret 2009-938 du 29 juillet 2009), en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse:

* envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés,

* communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

Par ailleurs l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale, liste les éléments que doit comprendre le dossier constitué par la caisse, au nombre desquels, dans la rédaction applicable au présent litige:

- la déclaration d'accident du travail,

- les divers certificats médicaux détenus par la caisse,

- les constats faits par la caisse primaire,

- les informations parvenues à la caisse de chacune des parties,

- les éléments communiqués par la caisse régionale.

Si la caisse est tenue à un parallélisme des formes à l'égard de la victime et de l'employeur, pour autant la cour constate qu'il a été respecté, la caisse n'ayant pas procédé par envoi de questionnaires, mais ayant entendu (par procès-verbaux) à la fois le salarié (le 05 septembre 2016) et les représentants de l'employeur (le 06 septembre 2016), étant rappelé que la caisse est libre de choisir entre l'envoi de questionnaires ou des auditions des intéressés.

Il est également établi qu'elle a respecté le principe du contradictoire en informant l'employeur par lettre en date du 22 septembre 2016 de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie 'hypoacousie de perception' inscrite au 'tableau 42 des maladies professionnelles: atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels' qui interviendra le 13 octobre 2016, et lui avoir ensuite transmis le 28 septembre 2016, à sa demande, copie des pièces suivantes:

- déclaration de maladie professionnelle,

- certificat médical initial,

- avis du médecin conseil (colloque médico-administratif),

- audiogramme,

- enquête administrative.

La circonstance qu'à la date du 15 septembre 2016 la société n'ait pas eu communication de l'audiogramme ne constitue nullement une violation du principe du contradictoire, dés lors que le droit de communication à l'employeur, comme à l'égard du salarié ou de ses ayants droit, n'existe qu'une fois la procédure d'instruction menée à son terme, lorsque l'ensemble des éléments ont pu être recueillis par la caisse et non point au fur et à mesure de leur recollement, qu'il est justifié que la clôture de l'instruction est intervenue le 22 septembre 2016 et que l'employeur en a alors été immédiatement avisé ainsi que de la faculté de consulter les pièces.

Les éléments listés par la caisse pour avoir été transmis à l'employeur à sa demande sont ceux énumérés par l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale.

La caisse n'avait pas à y intégrer le courrier de l'employeur du 15 septembre 2016 par lequel il conteste l'absence de transmission à cette date de l'audiogramme.

S'il est exact que l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable fait obligation à la caisse de notifier une décision motivée, en l'espèce la désignation de la maladie prise en charge et du tableau des maladies professionnelles sur le fondement duquel elle est mentionnée et constitue une motivation suffisante compte tenu de la mention du tableau des maladies professionnelles au titre duquel elle est prise en charge.

Enfin, aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obligation à la caisse de préciser l'identité de l'agent auteur de la décision et n'impose pas davantage que cette décision soit signée, sa notification liant la caisse. Il s'ensuit que les développements de l'appelante relatifs la délégation sont inopérants et dépourvus de pertinence.

Les premiers juges ont donc par des motifs pertinents rejetés les moyens d'inopposabilité de la décision de prise en charge tirés de la procédure suivie par la caisse.

* sur le fond et la caractérisation de la maladie professionnelle:

Le tableau 42 des maladies professionnelles relatif à l'atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels, désigne à ce titre 'l'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible accompagnée ou non d'acouphènes', 'caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral', dont le diagnostic est établi par une audiométrie tonale linéaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes (et en cas de non-concordance, par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou à défaut par l'étude du suivi audiométrique professionnel). Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.

L'audiométrie diagnostique doit être réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB, qui est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 hertz.

Ce tableau fixe le délai de prise en charge à 1 an, sous réserve d'une durée d'exposition d'un an et mentionne dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie:

14°- 'l'utilisation d'engins de chantiers: bouteurs, décapeurs, chargeuses, moutons, pelles mécaniques, chariots de manutention tous terrains'.

La circonstance que la décision de prise en charge désigne la maladie uniquement par la mention suivante 'hypoacousie de perception' sans reprendre l'intégralité de sa désignation au tableau 42 que la cour vient de citer, ne caractérise pas une absence de correspondance entre la maladie prise en charge et celle du dit tableau, étant observé que ce tableau ne porte inscription que de cette seule maladie.

Le certificat médical initial mentionne une surdité de perception bilatérale et sur le colloque médico-administratif, le médecin-conseil a précisé que la maladie, qu'il identifie précisément avec son code, constitue un 'déficit audiométrique bilatéral' est caractérisée par un audiogramme en date du 09 mai 2016.

La caisse verse aux débats le compte rendu audiométrique en date du 09 mai 2016 dont elle a transmis copie, à sa demande, à l'employeur lors de la clôture de l'instruction, qui fait ressortir un déficit auditif sur les deux oreilles et d'au moins 35 dB sur la meilleure oreille.

L'appelante n'étaye pas sa contestation du caractère probant de l'attestation établie le 31 mai 2016 par le médecin ORL mentionnant que 'l'audiométrie tonale linéaire et l'audiométrie vocale de M. [J] [Y] ont bien été réalisées en cabine insonorisée avec un audiomètre calibré,' qui est datée et signée du praticien qui y a apposé son tampon.

La circonstance que cette attestation soit postérieure à l'examen n'est pas de nature à remettre en cause sa teneur ni les résultats de celui-ci versées aux débats, qui sont constitués par des tableaux et courbes avec mention à la fois de la date de ces audiométries, du nom du praticien, de l'identité complète de l'assuré (avec sa date de naissance et son adresse).

L'argumentaire du médecin consultant de l'employeur affirme que le calcul pondéré retrouve une perte de 39 décibels à droite et de 35.5 à gauche, alors qu'il ne résulte pas du tableau 42 qu'il faille faire une lecture 'pondérée' des déficits.

La cour constate que les données chiffrées de l'audiométrie tonale linéaire font mention d'une perte auditive à droite de 43.3, à gauche de 35.6 et d'une 'perte binaurale' de 36.56% et l'audiométrie vocale est concordante, ce qui contredit les affirmations du médecin consultant de l'employeur.

Si ce dernier allègue aussi que 'les courbes de l'audiogramme ne sont pas caractéristiques d'une surdité de perception liée à un traumatisme sonore mais d'une surdité mixte' et que les 'fréquences graves ne sont pas respectées', que la courbe audiométrique s'apparente à une atteinte liée à l'âge (presbyacousie) pour autant il ne l'étaye pas, polarisant son argumentation sur une presbyacousie.

Or si à la date de la déclaration de la maladie professionnelle le salarié était âgé de 57 ans pour autant il résulte du colloque médico-administratif qu'il est conducteur d'engins, que le début de l'exposition au risque est fixé à 1976, la date de fin d'exposition étant celle du 30 avril 2016, éléments qui n'ont pas été pris en considération par l'argumentaire du médecin consultant de l'employeur.

Il est par ailleurs établi et non contesté qu'à la date des audiogrammes, le salarié n'avait pas été exposé au risque dans les conditions posées par le tableau (pendant au moins trois jours) pour avoir été en RTT du 30 avril au 9 mai 2016.

La condition relative à la caractérisation médicale de la maladie au retard du tableau est donc remplie.

Concernant l'exposition au risque lésionnel, le salarié a déclaré dans son audition, sans que ce soit contredit par son employeur, avoir été embauché en qualité de terrassier puis de conducteur d'engins par la société [2] le 1er janvier 1976 et avoir été occupé depuis cette date à:

- la conduite d'engins de chantier (occasionnellement niveleuse, bouteur, chariot de manutention, pelle mécanique à chenille, chargeur de chenille et habituellement un chargeur à pneu),

- la conduite d'un chargeur à pneu en carrière (occasionnel en remplacement),

- l'utilisation d'un perforateur pneumatique en carrière (1 an et demi entre 1983 et 1984),

- la conduite d'un camion poids lourd (à 80% depuis 2010, les 20% restant étant occupés par la conduite d'un chargeur à pneu),

et avoir toujours exercé dans le domaine des travaux publics et des carrières.

Les représentants de l'employeur ont déclaré avoir entendu le procès-verbal d'audition du salarié qui n'appelle 'aucune observation de leur part quant aux tâches effectuées et aux engins utilisés depuis 1976", et ont précisé que depuis 2009/2010 il occupe un poste de chauffeur poids lourd à 90% et une activité de conducteur de chargeur à pneu les 10% restants. Ils ont évalué la durée de conduite du chargeur à un mois par an dans le cadre d'un remplacement en précisant que l'utilisation journalière du chargeur est estimée entre 3h30 et 4h pour une activité de 7h30-8h et que le médecin du travail n'a émis le 1er juin 2016 aucune restriction médicale relative à une problématique auditive. Enfin, ils ont souligné que les fonctions de chauffeur poids lourd occupées depuis 2010 sont nettement moins exposante aux bruits lésionnels que celles occupées de 1976 à 2010.

Il ne résulte donc pas de l'examen comparatif de ces déclarations de grosses divergences sur l'exposition au risque lésionnel, laquelle est avérée et habituelle au regard des travaux listés sur le tableau 42 depuis l'embauche en 1976 jusqu'à une période située en 2009/2010, période de plus de trente ans suivie d'un période d'exposition moindre pendant les six années suivantes.

Une maladie professionnelle est par essence lente et évolutive. Le tableau 42 ne fixe pas de condition de délai pour la prise en charge autre que celle d'une exposition d'au moins un an, pendant au moins un an, laquelle est présentement remplie, peu important à cet égard que l'exposition la plus importante se situe pendant les 35 premières années de l'activité professionnelle du salarié.

Il s'ensuit que les deux autres conditions (exposition au risque et délai de prise en charge) sont également remplies.

C'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont dit opposable à la société [2] la maladie professionnelle déclarée le 07 juin 2016 par M. [J] [Y], prise en charge le 13 octobre 2016 au titre du tableau 42 des maladies professionnelles.

Succombant en ses prétentions, la société [2] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement sollicite l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

y ajoutant,

- Déboute la société [2] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la société [2] aux dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02041
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.02041 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award