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30/09/2022 | FRANCE | N°21/00106

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 21/00106


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/00106 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXNT







Société [3]



C/



CPAM DE L'AUBE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Société [3]



- CPAM DE L'AUBE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal

Judiciaire de Marseille en date du 16 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09890.





APPELANTES et INTIMEES suite à jonction prononcée le 10 septembre 2021



Société [3], demeurant [Adresse 2]



dispensée en application des dispositions de l'article 946 aliné...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/00106 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXNT

Société [3]

C/

CPAM DE L'AUBE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Société [3]

- CPAM DE L'AUBE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 16 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09890.

APPELANTES et INTIMEES suite à jonction prononcée le 10 septembre 2021

Société [3], demeurant [Adresse 2]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

CPAM DE L'AUBE, demeurant [Adresse 1]

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [T], salarié de la société [3] a été victime le 3 décembre 2014 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube a déclaré M. [T] consolidé à la date du 15 avril 2017 et a fixé à 20% son taux d'incapacité permanente partielle.

La société [3] a saisi le 13 juillet 2017 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.

Par jugement en date du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* reçu en la forme le recours de la société [3],

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [3] et attribué à M. [Y] [T] suite à son accident du travail survenu le 03 décembre 2014 est de 10%,

* débouté la société [3] de toute autre demande,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube aux dépens.

La société [3], puis la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube ont relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par arrêt en date du 10 septembre 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après avoir joint les deux procédures d'appel, a ordonné avant dire droit une consultation médicale, dont le rapport a été déposé le 23 décembre 2021.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 09 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3], dispensée de comparaître, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de lui dire inopposable le taux d'incapacité permanente partielle notifié à M. [T] et subsidiairement de le ramener à 0%.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 14 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, dispensée de comparaître, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* dire que le taux d'incapacité permanente partielle de M. [Y] [T] suite à l'accident du travail survenu le 03 décembre 2014 doit être maintenu à 20%,

* dire ce taux opposable à la société [3],

* condamner la société [3] aux dépens.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

L'employeur expose que le taux d'incapacité permanente partielle retenu par le médecin conseil de la caisse est fondé sur les séquelles retenues qui sont les suivantes: cardio-myopathie des suites d'une électrisation.

Il soutient que s'agissant d'une pathologie relative à une lésion du myocarde, le barème préconise un taux compris entre 10 et 30% selon son origine partielle ou totale (séquelles d'infarctus) ou selon l'intensité des troubles du rythme, alors que son médecin conseil a relevé:

* un décalage temporel significatif entre le fait accidentel et la première constatation médicale,

* une insuffisance des données cliniques de l'examen médical,

* l'existence d'examens médicaux antérieurs à l'accident du travail (électrocardiogramme du 18 juillet 2012 et echo-Doppler des troncs supra-aortiques du 1er octobre 2012, tous deux indiqués normaux), sans que la motivation de ces examens ne soit indiquée,

* un bilan radio-pulmonaire du 1er juin 2015 qui met en évidence l'existence d'une pathologie pulmonaire contemporaine de la pathologie cardiaque, ce qui l'a conduit à retenir un lien de causalité exclusif et manifeste entre les troubles cardio-myopathiques, l'insuffisance cardiaque et cette pathologie pulmonaire, laquelle est étrangère à l'accident du travail du 03 décembre 2014,

* l'absence de démonstration d'un état clinique et para-clinique sain avant l'intervention.

Il relève que le médecin consultant désigné par les premiers juges a conclu à l'absence de lien de causalité entre la cardiomyopathie et l'accident du travail et que l'expert désigné par la cour conclut dans le même sens.

La caisse réplique qu'il existe une dyspnée d'effort et qu'un traitement continu est nécessaire, son médecin conseil ayant relevé à l'examen des sus crépitants.

Elle souligne que l'échographie montre un ventricule gauche dilaté et une hypokinésie et qu'ainsi l'évaluation doit se faire soit à la fourchette haute de la forme légère, soit à la fourchette basse de la forme moyenne.

Elle se prévaut de l'avis de son médecin-conseil après expertise qui relève que la littérature scientifique établit qu'il peut y avoir un lien entre l'électrisation et la cardiomyopathie et considère que l'électrisation est la cause la plus logique et la seule mise en évidence à la cardiomyopathie présentée par l'assuré.

Elle en titre la conséquence que le taux de 20% retenu par son médecin conseil est justifié par les séquelles issues de l'accident du travail.

Il résulte du chapitre préliminaire du barème indicatif d'invalidité (accidents du travail) que s'agissant des infirmités antérieures, l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables, mais il peut y avoir des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière, ce qui conduit à distinguer:

* l'état pathologique antérieur absolument muet, révélé à l'occasion de l'accident de travail (ou de la maladie professionnelle), qui n'est pas aggravé par les séquelles, qui n'a pas à être pris en compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

* lorsque l'état pathologique antérieur révélé par l'accident (ou la maladie professionnelle) est aggravé par celui-ci, il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

* lorsque l'état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci, l'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle est évaluée en fonction des séquelles présentées.

Le rapport du médecin conseil de la caisse évaluant le taux d'incapacité permanente partielle travail n'est pas versé aux débats.

Les premiers juges ont rappelé avec pertinence que le litige est circonscrit au taux d'incapacité eu égard aux séquelles retenues et au barème indicatif d'invalidité et non à l'imputabilité de l'accident et de ses séquelles.

La cour relève que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail survenu le 03 décembre 2014, comme celle fixant au 15 avril 2017 la date de consolidation ne sont pas contestées, et il n'est pas allégué qu'elles l'auraient été.

Il s'ensuit que les liens d'une part entre cet accident du travail et les lésions médicalement constatées sur le certificat médical initial comme avec les lésions nouvelles mentionnées sur des certificats médicaux de prolongations et d'autre part cet accident ne peuvent plus être discutés dans le cadre du présent litige.

Le médecin consultant désigné en première instance comme l'expert désigné par la cour n'ont donc pas répondu à la question qui leur était posée relative à l'évaluation des séquelles, suivant le raisonnement du médecin conseil de l'employeur discutant le lien de causalité entre la cardiopathie présentée par le salarié et son accident du travail.

Il résulte de l'expertise ordonnée par la cour que:

* lors de l'accident du travail du 03 décembre 2014, le salarié a été victime d'une électrisation en manipulant une plaque métallique qui lui a échappé des mains et a sectionné des câbles électriques,

* cette électrisation n'a pas nécessité une prise en charge médicalisée, le salarié a poursuivi son travail et a consulté le 18 décembre 2014 le Dr [F] qui a établi un certificat médical initial mentionnant 'électrocution avec décharge électrique sur l'hémicorps droit et paresthésies membre supérieur droit et gauche et membre inférieur droit',

* le certificat médical qualifié de complémentaire par l'expert, en date du 30 avril 2015, établi par le même médecin mentionne une lésion nouvelle: 'paresthésies des membres supérieurs + troubles conductifs cardiaques',

* un enregistrement du rythme cardiaque en date du 1er avril 2015 (holter ECG) mentionne de 'rares extrasystoles auriculaires et extrasystoles ventriculaires isolées',

* une échographie du 02 avril 2015, montre des 'signes d'insuffisance cardiaque avec dilatation débutante du ventricule gauche et hypokinésie (diminution de la contractilité du tissu myocardique)',

* un EMG du 30 mars 2015 confirme 'un canal carpien bilatéral prédominant à droite qui explique les paresthésies des membres supérieurs',

* l'examen clinique du médecin-conseil de la caisse du 20 février 2017 met en évidence:

- 'des signes d'insuffisance cardiaque gauche compensée, sans trouble du rythme',

- une 'dyspnée à un étage',

- 'l'absence d'oedème des membres inférieurs',

- normocarde ce jour: 'sous crépitant gauche sur une très fine lame'.

Les examens médicaux antérieurs à l'accident du travail dont l'employeur fait état dans ses conclusions (électrocardiogramme du 18 juillet 2012 et echo-Doppler des troncs supra-aortiques du 1er octobre 2012), qui auraient pu révéler l'existence d'une pathologie cardiaque ne l'ont pas décelée puisqu'il indique que le résultat de chacun de ces examens est normal.

Ils n'ont donc pas mis en évidence un état antérieur, peu important que le motif médical pour lequel ils ont pu être prescrits, n'ait pas été précisé.

Il résulte par conséquent de ces éléments que les lésions initialement constatées et prises en charge au titre de l'accident du travail sont des 'paresthésies membre supérieur droit et gauche et membre inférieur droit' et qu'à compter du 30 avril 2015 a été diagnostiquée et prise en charge la lésion nouvelle 'troubles conductifs cardiaques'.

Les séquelles constatées par le médecin-conseil de la caisse lors de l'examen proche de la date de consolidation (signes d'insuffisance cardiaque gauche compensée, sans trouble du rythme, dyspnée à un étage et sous crépitant gauche sur une très fine lame) qui sont en lien avec les lésions prises en charge au titre de l'accident du travail sont à prendre en considération pour la détermination du taux d'incapacité permanente partielle.

Le chapitre 10.1.1 du barème indicatif d'invalidité relatif aux lésions de l'appareil cardio-vasculaire et plus précisément de l'insuffisance cardiaque retient pour celle qu'il qualifie de:

* légère: une fourchette de 10 à 30% en précisant qu'il s'agit de troubles aux efforts prolongés, avec nécessité d'une thérapeutique et d'une surveillance discontinues, sans symptômes de décompensation, peu de retentissement sur la vie professionnelle,

* moyenne: une fourchette de 30 à 60% en précisant qu'il s'agit troubles survenant à l'effort et aggravés par lui, avec une absence de symptômes au repos, de petits signes d'insuffisance cardiaque cédant bien au traitement, et nécessité d'une surveillance suivie. Il précise qu'il y a une modification de l'image radiologique et quelques perturbations dans la vie professionnelle.

Le taux retenu par le médecin-conseil de la caisse est un taux médian de la fourchette du barème indicatif pour la forme légère et correspond effectivement aux constatations médicales faites lors de l'examen. Retenant cependant le caractère succinct de ces constatations, les premiers juges ont ramené le taux à celui du seuil de la fourchette.

La société [3] n'étaye pas sa contestation du taux de 10% fixé par les premiers juges, lequel correspondant à la fourchette basse du barème pour des lésions légères, alors que l'existence de telles lésions médicalement constatées (signes d'insuffisance cardiaque gauche compensée, dyspnée à un étage et sous crépitant gauche sur une très fine lame) n'est pas discutable.

La caisse n'étaye davantage pas sa contestation de ce taux, faute de soumettre à l'appréciation de la cour d'éléments sur l'existence d'une thérapeutique ou sur la nature/l'importance des troubles lors d'efforts prolongés alors que lors de l'examen clinique, son médecin-conseil ne quantifie pas précisément les lésions qu'il a constatées.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé.

Succombant en ses prétentions la société [3] doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

y ajoutant,

- Condamne la société [3] aux dépens, hormis les frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/00106
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.00106 ?
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