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30/09/2022 | FRANCE | N°20/03860

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 20/03860


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.





Rôle N° RG 20/03860 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFX3U







S.A. [5]



Me [S] [F] - commissaire intervenant volontaire de S.A. [5]



C/



URSSAF PACA







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Salomé CASSUTO



- URSSAF PACA



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 17 Février 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 20/01586.





APPELANTE



S.A. [5], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





IN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 20/03860 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFX3U

S.A. [5]

Me [S] [F] - commissaire intervenant volontaire de S.A. [5]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Salomé CASSUTO

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 17 Février 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 20/01586.

APPELANTE

S.A. [5], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [M] [U] en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

Me [F] [S] (SCP [4]-[F]) - commissaire à l'exécution du plan de S.A. [5], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application des législations de sécurité sociale et d'allocations familiales, d'assurance chômage et garantie des salaires au sein de la société [5] et sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a notifié une lettre d'observations en date du 30 août 2012, avec quatorze chefs de redressement, comportant un redressement total de 430 839 euros en cotisations et contributions outre une majoration de redressement pour absence de mise en conformité d'un montant de 1 776 euros en application des dispositions des articles L.243-7-6 et R.243-18-1 du code de la sécurité sociale.

Après échange d'observations, l'URSSAF a notifié à la société [5] une mise en demeure en date du 03 décembre 2015 portant sur un montant total de 500 239 euros pour des cotisations dues pour un total de 430 837 euros outre 69 492 euros de majorations.

La société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 21 avril 2016 en l'état d'une décision implicite de rejet par la commission de recours amiable de ses contestations afférentes uniquement aux chefs de redressement n°6, 8 et 9, puis le 28 septembre 2016 suite au rejet explicite du 25 mars 2016

Le tribunal de commerce de Marseille a, par jugements en date des:

* 04 janvier 2016, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [5],

* 10 juillet 2017, arrêté son plan de redressement pendant 10 ans,

* 19 octobre 2020, modifié son plan de redressement, dont la durée avait été prolongée successivement par ordonnances en date du 2 juillet 2020 puis du 06 juillet 2020 jusqu'au 10 octobre 2028.

Dans le dernier état, le commissaire à l'exécution du plan désigné est maître [S] [F].

Par jugement en date du 17 février 2020, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, après avoir joint les procédures, a:

* déclaré le recours de la société [5] recevable,

* débouté la société [5] de l'ensemble de ses demandes,

* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 25 mai 2016,

* maintenu le redressement opéré,

* fixé la créance de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur au passif de la société [5] à la somme de 426 755.45euros,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société [5] aux dépens.

La société [5] a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par arrêt avant dire droit en date du 28 janvier 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a prononcé la réouverture des débats pour production d'un extrait Kbis de la société [5], justification de la décision afférente à la dernière désignation du mandataire judiciaire ou du commissaire à l'exécution du plan, et son appel en cause.

En l'état de ses conclusions n°4, portant également intervention volontaire de maître [S] [F], commissaire à l'exécution du plan, visées par le greffier le 06 avril 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [5] sollicite la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, à titre principal, d'annuler les chefs de redressement contestés et le redressement.

A titre subsidiaire, elle lui demande de limiter le montant de l'inscription à son passif soit:

* du montant de la seule part patronale des cotisations objets du redressement,

* soit, à défaut, à un montant de 0 euro.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses conclusions n°3 visées par le greffier le 06 avril 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur demande à la cour de recevoir l'intervention volontaire du commissaire à l'exécution du plan et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tout en sollicitant la condamnation de la société [5] au paiement de la somme de 519 987 euros au titre du redressement ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite en outre que l'arrêt soit déclaré opposable au mandataire judiciaire de la société [5].

MOTIFS

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ne constituent pas une prétention les demandes de 'constater' ou de 'déclarer' énonçant en réalité un moyen.

La cour n'est pas saisie d'une contestation quelconque portant sur l'intervention volontaire du commissaire à l'exécution du plan, qui doit uniquement être présent dans la procédure.

L'opposabilité de l'arrêt est de droit à l'égard de l'ensemble des parties (appelant, intimé et intervenant volontaire) sans qu'il y ait lieu de statuer à cet égard.

En cause d'appel, comme du reste en première instance, le litige est circonscrit à trois chefs de redressement:

* n°6: 'transaction suite à licenciement pour faute grave: reprise du préavis',

* n°8: 'avantages en nature: challenge [6]'

* n°9: ' avantages en nature: cadeaux en nature offerts par l'employeur: challenge vendeur'.

L'article L.242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale dispose que sont assujetties à cotisations l'ensemble des sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entreprise d'un tiers à titre de pourboire.

1- Sur le chef de redressement n° 6: 'transaction suite à licenciement pour faute grave: reprise du préavis' d'un montant total de 80 270 euros portant sur les années 2012, 2013 et 2014:

Il résulte de l'article L.242-1 alinéa 10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable, qu'est exclue de l'assiette des cotisations, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.

Les sommes versées, à l'occasion de la rupture du contrat de travail, sont ainsi soumises aux règles d'assiette, dans la limite des exonérations qui sont d'interprétation stricte, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

Aux termes de l'article L.134-5 alinéa 1 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'article 2044 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

La transaction implique l'existence de concessions réciproques.

Lorsque après la rupture du contrat de travail l'employeur s'engage dans le cadre d'une transaction à verser au salarié une indemnité forfaitaire, il appartient au juge, en application de l'article 12 du code de procédure civile, de restituer à celle-ci sa véritable qualification et de rechercher si elle ne constitue pas un supplément de rémunération soumis à cotisations.

L'appelante conteste ce chef de redressement au motif que les accords transactionnels suite aux licenciements pour faute grave de salariés n'emportent pas renonciation de sa part à se prévaloir de la qualification de rupture pour faute grave des contrats de travail ainsi qu'à ses conséquences, en ce compris le non-versement d'une quelconque indemnité de préavis ou d'une autre nature.

Elle soutient que les transactions sont claires, précises et sans ambiguïté sur l'intention des parties de maintenir la qualification de faute grave, sur l'absence de préavis effectué et que le salarié n'a jamais formulé de demande s'agissant de l'indemnisation d'un préavis qui ne lui était pas dû.

L'intimée lui oppose que dés lors que l'indemnité transactionnelle est conclue pour une somme globale et forfaitaire, il doit être recherché nonobstant la qualification retenue par les parties, si cette somme n'inclut pas des éléments de rémunération légaux ou conventionnels soumis à cotisations.

Elle soutient que l'indemnité transactionnelle est par principe assujettie sauf à ce que le cotisant démontre qu'elle répare un préjudice indemnisable, et qu'en l'espèce les transactions étant toutes bâties sur un même modèle stéréotypé, aucun chef de préjudice n'étant précisé, elles ne permettent pas d'établir le préjudice que la société a entendu réparer.

En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté le versement d'indemnités transactionnelles à des salariés licenciés pour faute grave (quinze en 2012, dix en 2013, et un en 2014), listés dans des tableaux annexés à la lettre d'observations, auxquels l'indemnité conventionnelle de préavis n'a pas été versée.

Ils ont relevé que lors du contrôle précédent portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011les mêmes pratiques avaient été constatées et avaient donné lieu à un redressement et ont retenu la majoration de redressement pour absence de mise en conformité.

Ils ont constaté que la société n'a pas versé à ces salariés l'indemnité conventionnelle de préavis, rappelant que cette indemnité est soumise à cotisations, et en s'appuyant sur de la décision de la Cour de cassation en date du 08 juillet 2010, ils ont réintégré dans l'assiette des cotisations le montant correspondant à l'indemnité de préavis.

Les accords transactionnels que la société verse aux débats sont rédigés de manière identique, en ce qu'ils reprennent l'historique contractuel, mentionnent que le/la salarié.e a contesté son licenciement (dont le grief est rappelé) 'en faisant valoir qu'il lui causait un préjudice important' et que 'la rupture lui a causé un préjudice moral qui s'ajoute au préjudice financier compte tenu des difficultés prévisibles de réinsertion dans la vie active et des troubles importants dans ses conditions d'existence', et a fait part à l'employeur de 'son intention de saisir le conseil de prud'hommes'.

Sans préciser les demandes de ces salariés, ces protocoles indiquent uniquement: 'sans revenir sur la qualification du licenciement, la concession de la société [5] est d'allouer une indemnité transactionnelle de rupture afin de réparer le préjudice subi par (...) à la suite de la perte effective et durable de son emploi' et que 'la concession du/de la salarié.e est d'accepter les conséquences de la rupture et de s'estimer rempli de ses droits et réparé de son entier préjudice' et 'renonce définitivement et irrévocablement à réclamer le bénéfice d'un quelconque préavis sous quelque forme que ce soit (exécution ou paiement d'une indemnité compensatrice)'.

Les préjudices des salariés que l'indemnité transactionnelle est censée compenser, n'y sont pas spécifiés, pour être énoncés de façon très générale, sans une référence quelconque à une prétention indemnitaire émise.

Dès lors qu'il ne résulte pas des termes de ces transactions le préjudice réparé, il s'ensuit que ces indemnités incluent, comme retenu par les inspecteurs du recouvrement et les premiers juges, l'indemnité compensatrice de préavis, l'employeur ayant nécessairement admis du fait de 'concessions réciproques' abandonner la qualification de faute grave, bien qu'il soit allégué le contraire alors que les salariés ont renoncé à toute procédure prud'homale.

Ce chef de redressement est donc justifié et la société n'en conteste pas le quantum.

Le jugement entrepris qui a validé ce chef de redressement doit donc être confirmé.

2- Sur le chef de redressement n°8: ' avantages en nature: challenge [6]', d'un montant total de 331 575 euros pour les années 2012, 2013 et 2014:

L'article L.242-1-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi 2011-1906 du 21 décembre 2011, dispose que toute somme ou avantage alloué à un salarié par une personne n'ayant pas la qualité d'employeur en contrepartie d'une activité accomplie dans l'intérêt de ladite personne est une rémunération assujettie aux cotisations de sécurité sociale et aux contributions mentionnées aux articles L. 136-1 du présent code, L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Dans les cas où le salarié concerné exerce une activité commerciale ou en lien direct avec la clientèle pour laquelle il est d'usage qu'une personne tierce à l'employeur alloue des sommes ou avantages au salarié au titre de cette activité, cette personne tierce verse à l'organisme de recouvrement dont elle dépend une contribution libératoire dont le montant est égal à 20 % de la part de ces rémunérations qui excède pour l'année considérée un montant égal à 15 % de la valeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance calculée pour un mois sur la base de la durée légale du travail. Les cotisations et les contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi ne sont pas dues sur ces rémunérations. Cette contribution libératoire ne s'applique que sur la part des rémunérations versées pour un an qui n'excède pas 1,5 fois la valeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance calculée pour un mois ; la part supérieure à ce plafond est assujettie aux cotisations et contributions mentionnées au premier alinéa.

Lorsque la personne tierce appartient au même groupe que l'employeur au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, elle ne peut s'acquitter de ses cotisations et contributions sociales par le versement de la contribution libératoire prévue au deuxième alinéa du présent article.

La personne tierce remplit les obligations relatives aux déclarations et aux versements de la contribution libératoire ou des cotisations et contributions sociales relatifs à ces rémunérations selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général assises sur les salaires. Elle informe l'employeur des sommes ou avantages versés à son salarié.

Le deuxième alinéa du présent article n'est ni applicable ni opposable aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code si la personne tierce et l'employeur ont accompli des actes ayant pour objet d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des cotisations et contributions sociales. Dans ce cas, l'article L. 243-7-2 est applicable à l'employeur en cas de constat d'opérations litigieuses.

Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les modalités d'information de l'employeur par la personne tierce sur les sommes ou avantages versés aux salariés.

Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale détermine les règles selon lesquelles les sommes recouvrées au titre de la contribution libératoire mentionnée au deuxième alinéa sont réparties entre les attributaires des cotisations et contributions mentionnées au premier alinéa.

Aux termes de l'article D.242-2-2 du code de la sécurité sociale, la personne tierce mentionnée au sixième alinéa de l'article L. 242-1-4 transmet à l'employeur une copie du document adressé au salarié indiquant le montant des sommes et avantages qui lui ont été alloués ainsi que celui des cotisations et contributions acquittées sur ceux-ci. Cette transmission est effectuée au plus tard, au choix de la personne tierce, le premier jour du mois qui suit l'allocation des sommes et avantages ou le 30 juin de l'année civile qui suit celle de cette allocation.

Il résulte de ces dispositions que le transfert de la charge des cotisations et contributions sociales de l'employeur à la personne tierce exige que la personne tierce ait:

* d'une part, rempli les obligations relatives aux déclarations et aux versements de la contribution libératoire ou des cotisations et contributions sociales relatifs à ces rémunérations selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général assises sur les salaires, et qu'elle ait informé l'employeur des sommes ou avantages versés à son salarié,

* d'autre part, transmis à l'employeur une copie du document adressé au salarié indiquant le montant des sommes et avantages qui lui ont été alloués ainsi que celui des cotisations et contributions acquittées sur ceux-ci, et ce dans le délai imparti.

L'appelante expose que la société [6] organise chaque année à l'attention de ses vendeurs un challenge à l'occasion desquels les salariés ayant atteint les objectifs commerciaux préalablement déterminés par cette société remportent des bons d'achats auprès de celle-ci. Elle considère que le redevable des cotisations et contributions sur ces rémunérations complémentaires doit être recherché en la personne de l'opérateur télécom [6].

Elle se prévaut des dispositions de l'article L.242-1-4 du code de la sécurité sociale pour soutenir que désormais les avantages octroyés par un tiers à un salarié soumis à cotisations et contributions sociales sont à la charge du tiers.

Elle soutient que les conditions d'application de la législation relative aux avantages servis par des tiers sont en l'espèce remplies, les avantages alloués à ses salariés l'étant par une personne qui n'est pas leur employeur, la société [6] étant un des seuls opérateurs continuant à faire distribuer ses produits dans ses boutiques.

Elle allègue que sa pérennité financière résulte de ses liens avec cette société, et que lorsque [6] a mis un terme au contrat les liant, elle a été placée en redressement judiciaire.

Elle souligne que les challenges étaient organisés et financés par [6], qu'elle achetait les lots déterminés par cette dernière, les remettait à ses collaborateurs en contrepartie du travail accompli et des objectifs de vente fixés par [6] et justifiait auprès de cette société avoir respecté les conditions du challenge, [6] émettant alors une commande de collaboration publicitaire puis lui remboursait les sommes engagées au titre du challenge.

L'intimée lui oppose que si les bons d'achat, bien qu'ils soient à la charge financière de la société [6], ont été versés en contrepartie ou à l'occasion du travail aux salariés d'Avenir télécom par l'employeur 'principal', aucun élément ne permet de vérifier que [6] lui rembourse intégralement les bons d'achats, les factures ne permettant pas de distinguer clairement le paiement d'activités commerciales des challenges, et que les dispositions invoquées par l'appelante ne sont pas applicables puisque l'opérateur [6] ne verse pas directement les bons d'achats aux salariés de la société [5].

Elle relève que la société [6] n'a jamais été mise en cause dans le cadre du présent litige, tout en soutenant que les dispositions de l'article L.242-1-4 du code de la sécurité sociale n'ont pas été respectées, en l'absence de preuve de l'intervention du partenaire commercial de la société dans la distribution des bons. Elle soutient que le défaut de déclaration et le défaut de paiement des cotisations concernées constituent les prévisions de l'alinéa 5.

En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que:

* dans le cadre de leur activité professionnelle, les vendeurs salariés d'[5] perçoivent à titre de 'récompenses' des bons d'achats versés à l'occasion de challenges commerciaux organisés par le client de cette société,

*l'opérateur [6] est l'organisateur des challenges, il fixe les modalités, les actions à mener, les montants des chèques cadeaux gagnés par les vendeurs ainsi que les personnes concernées par ces challenges,

*les responsables régionaux de [6] proposent directement les challenges aux responsables des magasins puis les formalisent par mail avec une personne au siège d'Avenir télécom en charge de la relation opérateur,

* ces chèques cadeaux sont achetés par [5] pour le compte de [6] et leur distribution est également réalisées par [5],

* les bons d'achat, bien qu'ils soient à la charge financière finale de la société [6], ont été versés en contrepartie ou à l'occasion du travail aux salariés d'Avenir télécom,

Ils en ont tiré la conséquence qu'il appartient à l'employeur, [5], de soumettre ces avantages à cotisations et contributions sociales et ont relevé que ce point a déjà fait l'objet d'un redressement lors du précédent contrôle.

Ils ont précisé que les bases de régularisation ont été fournies par l'employeur dans le cadre des tableaux récapitulatif des challenges et avoir constaté que pour la base plafonnée, elle correspond sur les DADS à environ 90% du salaire brut, qu'en 2014 le challenge Noël ne fait pas partie du redressement car les bons d'achats ont été distribués en juin 2015 et que leur montant doit être réintégré par l'employeur dans le tableau annuel URSSAF 2015.

Il résulte ainsi des constatations des inspecteurs du recouvrement que les bons d'achats sont la contrepartie du travail des salariés d'Avenir télécom.

Une lettre d'observations étant un élément constitutif des procès-verbaux dressés par les inspecteurs de recouvrement, il s'ensuit, par application des dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, que ses mentions font foi jusqu'à preuve contraire.

La cour constate que l'appelante ne verse aux débats aucune des facturations [6] et qu'il résulte des quelques échanges de mail dont elle justifie entre un responsable clientèle de cette société et son propre siège que les 'challenges [6]' définis ont pour contrepartie du travail des salariés [5] des chèques cadeaux chiffrés à partir des objectifs atteints, le challenge du 25 août au 24 septembre 2012 indiquant par exemple: 'si la proposition spontanée et systématique de l'équipement de l'équipe ADSL a eu lieu sur le scénario de l'enquêteur mystère alors le PDV remporte 200 € de chèques Kdo!'.

La cour constate que certaines mentions des mails échangés sont rayées, notamment une ligne néanmoins partiellement lisible de sa pièce 8, relative à '10€ par ligne en chèque Kdo chaque manager gagne 5€ par ligne en chèque Kdo, chaque DER gagne 300€'.

Enfin, la cour constate que les facturations par [5] à [6] ne permettent pas d'établir de lien avec les challenges [6], pour ne pas y faire référence et comporter des mentions rayées (pièces 11et 13).

Il résulte donc à la fois des constatations des inspecteurs du recouvrement qui ne sont pas contredites par les pièces versées aux débats par l'appelante, que des salariés de l'appelante ont bénéficié d'avantages en nature ou rémunérés en bons cadeaux en contrepartie du travail qu'ils ont fourni dans le cadre de challenges qu'elle a conclu en sa qualité d'employeur avec la société [6], pour la distribution et la commercialisation des produits et services de celle-ci.

Les avantages dont ont ainsi bénéficié les salariés de la société [5] doivent être assujettis à cotisations et contributions sociales, pour constituer un avantage en nature en contrepartie du travail dans le cadre des challenges de [6].

La cour constate que l'appelante ne justifie ni avoir été informée par la société [6] de ce que celle-ci aurait procédé aux déclarations et aux versements de la contribution libératoire ou des cotisations et contributions sociales sur ces avantages en nature accordés à ses salariés, ni que cette dernière lui a transmis copie du document qu'elle devait en pareilles circonstances adresser aux salariés concernés bénéficiaires des dits avantages.

Elle ne peut donc opposer à l'URSSAF que l'entreprise tierce ([6]) serait tenue au paiement des cotisations et contributions sociales, y afférentes, alors que les conditions de de l'article L.242-1-4 du code de la sécurité sociale qui le permettent, ne sont pas présentement réunies, et que par ailleurs si la personne tierce et l'employeur ont accompli des actes ayant pour objet d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des cotisations et contributions sociales, ces dispositions ne sont ni applicables ni opposables aux URSSAF.

L'absence de justification du paiement de la contribution libératoire par la société [6] résulte de l'absence de justification par l'appelante du respect des diligences prescrites par les dispositions des articles L.242-1-4 et D.242-2-2 du code de la sécurité sociale.

Le jugement entrepris qui a validé ce chef de redressement doit donc être confirmé.

* sur le chef de redressement n°9: ' avantages en nature: cadeaux en nature offerts par l'employeur: challenge vendeur' d'un montant total de 3 077 euros pour les années 2012 et 2013:

Par dérogation au principe d'assujettissement posé par l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale dont la cour a rappelé la teneur, la circulaire de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale en date du 03 décembre 1996 prévoit une dérogation au principe d'assujettissement, en l'absence de comité d'entreprise, pour les cadeaux en nature attribués aux salariés à l'occasion d'événements particuliers (mariage, naissance, retraite, fête des mères ou des pères, Sainte-Catherine ou Saint-Nicolas, Noël des enfants jusqu'à leurs 16 ans révolus dans l'année civile, Noël des salariés, rentrée scolaire jusqu'à 19 ans) qui peuvent être exonérés de cotisations si leur montant reste inférieur à 5% du plafond mensuel de sécurité sociale.

Il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 10 décembre 2002 que les avantages en nature autres que les avantages nourriture et logement, véhicule avec utilisation privée, outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication dont l'usage est en partie privé, sont déterminés d'après la valeur réelle arrondie à la dizaine de centimes d'euro la plus proche.

Cette valeur réelle s'apprécie en fonction de l'économie réalisée par le salarié.

L'appelante conteste ces chefs de redressement au motif que les chèques accentives Kadeos et les montres [7] ont été exclusivement attribués à des clients et non à des salariés.

L'intimée lui oppose que les cadeaux en nature ou bons d'achats offerts au personnel ont fait l'objet de la réintégration et que si lors du contrôle la société a précisé qu'une seule montre a été donnée à un client, les quatre autres étant au siège de la société, le redressement a été établi à partir du fichier transmis par le service comptable de la société qui a précisé que seules les factures commençant par 6 concernaient les salariés.

Elle ajoute que dans le cadre de l'échange d'observations, les factures fournies par la société aux noms de clients ont été comparées au fichier initial ce qui a révélé qu'elles n'avaient pas fait l'objet d'une régularisation lors du contrôle.

Elle conteste le caractère probant des pièces versées aux débats par l'appelante tout en soutenant que les éléments nécessaires à la vérification de l'application des règles devaient être produits lors des opérations de contrôle.

En l'espèce , les inspecteurs du recouvrement ont constaté qu'à l'occasion de challenges vendeurs, la société offre parfois à ses salariés des cadeaux ou bons d'achats pour récompenser l'activité et les résultats professionnels, les cadeaux ainsi offerts s'analysant en avantages en nature.

S'agissant des chèques accentives Kadeos d'un montant de 2 790 euros, ils ont constaté que l'employeur n'a pas été en mesure de préciser à qui ils ont été offerts, et s'agissant des montres [7], d'un montant unitaire de 412.50 euros, que sept salariés en ont bénéficié suivant détail fourni par Mme [L].

Il est exact que les justifications de nature à contredire les éléments retenus par les inspecteurs du recouvrement doivent être produits par le cotisant dans le cadre des opérations de contrôle.

Si les factures de la société, intégrées dans sa pièce 6, établies aux noms d'entreprises clientes, mentionnent certes une montre [7] gratuite, pour autant leur production aux débats est insuffisante à rapporter la preuve contraire aux constatations des inspecteurs du recouvrement qui se réfèrent précisément au détail et éléments qui leur ont été fournis lors du contrôle.

Ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, ce chef de redressement est donc justifié.

* sur le quantum des sommes restant dues:

L'appelante se prévaut des dispositions de l'article L.243-5 du code de la sécurité sociale stipulant que les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire sont remis, sauf si le passif déclaré résulte en tout ou partie du constat de l'infraction mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail et allègue que l'URSSAF n'a déclaré dans le cadre de la procédure collective que le montant des charges patronales pour les deux redressements objets de deux instances distinctes.

L'URSSAF réplique avoir établi sa déclaration de créance le 09 mai 2016 pour un montant total de 1 349 157.93 euros, après annulation des majorations de retard, dont 314 167 euros au titre du présent redressement.

En l'espèce, la mise en demeure en date du 03 décembre 2015 d'un montant de 500 329 euros, porte sur un montant total de cotisations de 430 837 euros auquel s'ajoutent 69 492 euros de majorations.

Le jugement d'ouverture est en date du 04 janvier 2016.

L'URSSAF justifie avoir déclaré dans le cadre de la procédure collective le 09 mai 2016 une créance pour un montant total de cotisations dues au titre des années 2012, 2013 et 2014 de 314 167 euros.

Il s'ensuit que l'URSSAF a effectivement annulé les majorations de retard dans sa déclaration de créance.

L'URSSAF ne pouvant solliciter dans le cadre du présent litige la fixation de sa créance à un montant supérieur à celui déclaré dans le cadre de la procédure collective, le jugement entrepris doit être réformé en ce qu'il a fixé au passif de la procédure collective la créance de l'URSSAF à la somme de 426 755.45 euros.

La créance de l'organisme de recouvrement doit être fixée à la somme de 314 167 euros.

Succombant en ses prétentions, la société [5] ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être condamnée aux dépens.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense.

PAR CES MOTIFS,

- Réforme le jugement entrepris sur le montant de la créance de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur fixée au passif de la procédure collective de la société [5],

- Le confirme pour le surplus en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,

- Fixe à la somme de 314 167 euros le montant de la créance de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur au passif de la procédure collective de la société [5],

- Déboute la société [5] de l'ensemble de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [5] aux dépens.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 20/03860
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;20.03860 ?
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