COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 30 SEPTEMBRE 2022
N°2022/ 315
Rôle N° RG 19/04031 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD5VS
SAS ALPH'AGE GESTION
C/
[G] [O] VEUVE [R]
[U] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :30/09/2022
à :
Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 11 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00236.
APPELANTE
SAS ALPH'AGE GESTION venant aux droits de la SAS RESIDENCE LE VERGER,, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Constance AMEDEGNATO, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Madame [G] [O] veuve [R] ayant droit de [C] [R], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [U] [R] ayant droit de [C] [R], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, et Monsieur Ange FIORITO, Conseiller.
Monsieur Ange FIORITO, Conseiller, est en charge du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
M. Ange FIORITO, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juillet 2022 puis prorogé au 30 Septembre 2022
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon contrat à durée indéterminée du 8 avril 2013, M.[R] a été recruté par la société de gestion de la résidence Le Verger, aux droits de laquelle vient la SAS Alph'Age Gestion, en qualité de responsable technique. Cette résidence était dirigée d'abord par M.[B] puis à compter du mois d'août 2016, M.[I] en est devenu le nouveau directeur.
Le 7 septembre 2016, M.[R] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement et a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire. Il a été licencié pour faute grave le 3 octobre 2016.
Le 6 avril 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une contestation de son licenciement.
M.[R] est décédé le 2 janvier 2018, laissant comme héritiers sa veuve et son fils, Mme [G] [O] et M.[U] [R].
Par jugement du 11 février 2019, le conseil de prud'hommes de Toulon a':
- dit que le licenciement de M.[R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse';
- condamné la SAS Alph'Age Gestion à régler à Mme [O] et M.[R] la somme de 16'562,00'euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- condamné la SAS Alph'Age Gestion à verser à Mme [O] et M.[R] les sommes suivantes:
- 1892,20'euros brut à titre de rappel de salaire lié à la mise à pied conservatoire et 189,22'euros brut au titre des congés payés y afférent';
- 9 937,20'euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 993,72'euros brut au titre des congés payés y afférent';
- 2477, 26'euros net à titre d'indemnité légale de licenciement';
- 1 500'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- débouté les parties de leurs autres demandes';
- condamné la SAS Alph'Age Gestion aux entiers dépens.
Le 8 mars 2019, la SAS Alph'Age Gestion a fait appel de ce jugement.
Selon ses conclusions du 3 décembre 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Alph'Age Gestion demande de':
à titre principal';
- Dire et juger que les manquements de M.[R] constituent une faute grave';
- Débouter purement et simplement les intimés de l'intégralité de leurs demandes';
à titre subsidiaire';
- Dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse';
- Débouter les intimés de leurs demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts';
à titre encore plus subsidiaire';
- Fixer le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal de 6 mois soit à la somme de 16.063,14 € et débouter les intimés de leur demande de dommages et intérêts';
En tout état de cause';
- Condamner les intimés à lui verser 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Les condamner aux entiers dépens.
A l'issue de leurs conclusions du 24 février 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [O] et M.[R] demandent de':
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon en date du 11 février 2019 en ce qu'il a jugé que le licenciement de M.[R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la SAS Alph'Age Gestion venant aux droits de la société de gestion de la résidence Le Verger à leur régler :
- 1.892,20 €uros brut à titre de rappel de salaire lié à la mise à pied conservatoire';
- 189,22 €uros brut au titre des congés payés y afférent';
- 9.937,20 €uros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
- 993,72 €uros brut au titre des congés payés y afférent';
- 2.477,26 €uros net à titre d'indemnité légale de licenciement';
dans le cadre de leur appel incident:
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon en date du 11 février 2019 pour le surplus, soit :
- sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués';
- sur le quantum concernant l'article 700 du code de procédure civile';
- en ce qu'il les a déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts, pour manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail de M.[R]';
statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant :
- condamner la SAS Alph'Age Gestion à leur régler :
- 39.748,80 €uros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- 3.500,00 € net à titre de dommages et intérêts, pour manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail de M.[R]';
- article 700 du code de procédure civile : 3.500,00 €';
dans tous les cas :
- mentionner la moyenne des trois derniers mois de salaire : 3.347,66 € brut';
- dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1966 (numéro 96/1080 ' tarif des huissiers), devront être supportées par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
SUR CE':
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à prouver.
Au terme de sa fiche de poste, il entrait dans les attributions de M.[R], recruté le 8 avril 2013 en qualité de responsable technique, de garantir le bon fonctionnement des installations techniques dans le respect des règles de sécurité et d'hygiène sous la responsabilité du directeur.
La lettre de licenciement adressée le 3 octobre 2016 par la SAS Alph'Age Gestion à M.[R] retient les griefs suivants à l'égard de ce salarié':
«'- Concernant la gestion du matériel:
L 'achat de matériels qui ne correspond pas aux besoins de la résidence pour exemple.
Plusieurs disques à diamant « spécial carrelage » alors que cette prestation est sous traitée à l'entreprise Eiffage.
Du matériel et outillage surdimensionné et en quantité importante à l'entreprise Wurth sans aucuns travaux faits sur le site. (D'ailleurs vous avez même refusé de faire l'inventaire du matériel qui vous était demandé par la cadre comptable et les commissaires aux comptes).
L'utilisation du matériel et les véhicules de l'entreprise pour vos besoins personnels sans autorisation préalable.
Pour exemple : le véhicule de service du directeur « Smart » pour emmener dîner votre épouse (vous vous en êtes vanté devant Monsieur [I], lors d'un déjeuner en présence de salariés).
Le véhicule du service technique de marque Kangoo pour emporter du matériel chez vous.
Une augmentation significative des dépenses liées aux postes, entretien, maintenance et réparation depuis votre arrivée, puisque pour certains, ils ont triplés.
Exemple du poste « achat petit matériel » qui est passé de 3026'euros à 8872, notamment, pour le fournisseur Wurth
Alors que l'établissement est dans un état lamentable, au niveau de l'entretien, d'une manière générale, puisque nous avons constaté :
- Que les portes d'accès à l'établissement qui ne ferment pas, facilitant ainsi les intrusions, et mettant en péril la sécurité des résidents ou du personnel de nuit.
- Que des appartements mis à la location alors que les petites réparations qui s 'imposent n 'ont pas été effectuées.
- Qu'il y avait une prolifération de cafards dans la cuisine et la salle de restauration faisant courir, ainsi, des risques sanitaires aux résidents et salariés. (Alors même qu'un contrat avec la société Pare est souscrit par la résidence). Vous n 'avez pas jugé utile de les appeler. Le 8 août 2016, jour de la prise de poste de Monsieur [I], vous vous êtes cantonné à prendre une bombe insecticide et à les repousser en cuisine.
- Vous vous permettez d'effectuer des travaux, chez des résidents pour votre propre compte, sur votre temps de travail.
- Concernant la disparition de matériels:
Nous avons constaté la disparition de matériels sous la responsabilité du directeur technique.
- (Une centaine de ballastes et lampes d 'extérieures). Nous avons été alertés par une salariée que ce matériel était en vente sur le site « Le bon coin.fr »
Pour toute réponse, vous nous avez rétorqué que ce matériel avait été mis à la poubelle et encombrant devant la résidence et que n 'importe qui aurait pu se servir.
Sauf que les photos diffusées sur le site « Le bon coin » ont été prises dans l'enceinte de l'établissement, une dans le garage et l'autre sur une façade.
Nous ne pouvons accepter votre attitude négligente vis-à-vis de matériels dont vous avez la charge,
De même, vous aviez en charge des téléviseurs dont une partie avait été distribuée au personnel. Nous avons constaté également la disparition du stock de téléviseurs restants.
Là encore, vous avancez des arguments farfelus, à savoir que n'importe qui pouvait les avoir pris dans le garage et que ces téléviseurs avaient été volés.
- Signature de documents sans habilitation et autorisation:
Nous avons constaté que vous avez signé des procès-verbaux de chantier, des devis de réparation et d'achats de matériels, des factures, mais aussi des contrats de maintenance qui engagent la société financièrement alors que vous n'êtes pas habilité à le faire.
En effet, seul le directeur a une délégation de son président pour engager des dépenses, il en est de même pour les services de la SCI propriétaire,
De même, nous avons relevé que vous établissiez les devis, les factures de l'entreprise de plâtrerie et peinture [T], sur votre temps de travail et sur l'ordinateur fourni par l'établissement, lorsqu'elle intervenait au sein de la résidence. Ces devis étaient signés par vous pour le compte de la résidence comme les factures qui étaient mise en paiement.
- Problèmes de comportement:
Monsieur [I] a été alerté par des salariés de votre attitude irrespectueuse et non adaptés, notamment envers le personnel féminin, Cela se traduit par des grossièretés et des tentatives d'intimidation sur ces dernières.
Pour exemple, à une collègue cadre vous avancez : « tu es une merde ; si ton personnel bouge un doigt je te déglingue ».
Des échanges de mails à caractère tendancieux et brimant. D 'ailleurs vous n'hésitez pas à écrire lors d'un échange avec la société Provence-Laser « l'autre conne, m'a encore dit que j 'avais qu'à choisir un autre prestataire ».
Ensuite, un de vos subordonnés se plaint de votre attitude harcelante vis-à-vis de lui.
Fait qu'il a déjà signalé par courrier en date du 17 novembre 2115, au précédent directeur, qui est resté sans suite et qui n 'a pas permis de mette un terme à vos agissements.
Enfin, vous n'hésitez pas à qualifier les résidents de surnoms désobligeants, ce qui est contraire à vos obligations contractuelles.
- Destruction de fichiers informatiques:
Le 05 août 2016, vous avez procédé à la destruction de fichiers informatiques appartenant à l'entreprise (intégralité des mails sur le poste du directeur et celui de l'infirmière coordinatrice cadre) sur la période antérieure à juin 2016, sans autorisation. Vous avez demandé au prestataire informatique de vous formater l'ordinateur portable du directeur en avançant qu'il allait être remis à l'IDEC.
En votre qualité de référent de l'entreprise prestataire, qui a en charge le réseau informatique de la résidence, vous étiez le seul à connaître les identifiants des postes de travail des collaborateurs. Nous avons découvert que vous vous permettiez de vous connecter sur des postes en dehors de la présence des salariés Le 18 août 2016, en l'absence du médecin, vous vous êtes introduit dans son bureau et vous vous êtes connecté sur son ordinateur, avec son code d'accès personnel.
Alors que, comme vous le savez, nous sommes dans un serveur d'activité règlementé où le médecin est soumis au secret médical et que nous devons tout mettre en oeuvre pour lui garantir ce secret médical.
Lors de votre entretien préalable, vous avez réfuté l'ensemble des faits qui vous sont reprochés à l'exception des devis que vous reconnaissez avoir réalisé pour l'entreprise [T]'».
Concernant le grief relatif à la gestion du matériel, la SAS Alph'Age Gestion verse aux débats le détail des achats réalisés entre 2012 et 2017 auprès de la société Wurth, les courriels échangés courant 2014 entre M.[R] et le service comptable de la société dont il ressort que M.[R] ne réalisait pas de fiches de stock pour les vis, chevilles, joints et petit matériel, la justification de l'achat en 2016 de robinets et leur pose, pour 33'256,84'€'ht en raison de la présence de legionellose dans l'établissement, un courriel adressé le 19 août 2016 à M.[I], nouveau directeur de l'établissement par Mme [E], responsable d'hébergement, faisant état d'éclats de peintures, dégradations du revêment et ampoules défectueuses dans les parties communes de la résidence et de divers problèmes d'entretien affectant des appartements de la résidence, la justification de frais engagés en 2016 pour lutter contre la présence de cafards et les devis et ordre de service relatifs à l'installation, courant 2016, de portes piétonnes.
Mme [O] et M.[R] versent aux débats le témoignage de M.[B], ancien directeur, selon lequel les achats de matériel avaient pour but d'assurer le mantien des locaux en état et que ces acquisitions ont été validées ou autorisées. Les éléments de preuve produits à l'instance par Mme [O] et M.[R] ne permettent pas d'établir le caractère mensonger ou frauduleux du témoignage de M.[B]. Par ailleurs, la seule évolution des achats de matériel par M.[R] ne suffit pas à démontrer, en l'absence de tout élément de comparaison utile, à en démontrer le caractère injustifié. En outre, il ressort des propres écritures de Mme [O] et M.[R] que les épisodes de légionellose ont pris fin suite à une meilleure surveillance de l'entreprise de maintenance par le nouveau directeur. Dès lors, les achats de robinets réalisés par M.[R] ne pouvaient présenter un caractère frauduleux. De surcroît, il ressort du témoignage de M.[B] que M.[R] avait été autorisé à user du véhicule de la société. Dès lors, peu important que cette autorisation n'a pas été qualifiée d'avantage en nature, celle-ci avait été autorisée par la direction de l'établissement. Il ne ressort pas des pièces précitées que la présence de cafards ou la nécessité de procéder à la pose, en 2016, de portes piétonnes peuvent être imputées à un manquement de M.[R] à ses obligations. Enfin, il n'est pas justifié que M.[R] a réalisé, pour son propre compte, des travaux au profit des résidents.
Dès lors, il ne peut donc être retenu à l'égard de M.[R] que l'absence de fiches de stock pour les vis, chevilles, joints et petit matériel et l'absence de travaux d'entretien ou de réparations courants dans les parties communes ou les appartements de la résidence.
Concernant le grief lié à la disparition de matériels, il est constant que des ballastes et lampes d'extérieures usagés ont, sans autorisation, fait l'objet d'une mise en vente sur le site «'le boin coin'» par un proche de M.[R]. En l'absence de tout élément de preuve, il n'est pas établi que M.[R] a participé à ces faits. De même, la SAS Alph'Age Gestion ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à démontrer que M.[R] a détourné un stock de téléviseurs appartenant à la SAS Alph'Age Gestion.
Concernant le grief lié à la signature de documents sans habilitation et autorisation, il est constant que M.[R] a signé, pour le compte de la SAS Alph'Age Gestion, divers documents engageant son employeur tels qu' un procès-verbal de réception ou des devis, dont certains pour des montants conséquents comme un procès-verbal d'installation de matériel pour un prix de 94'800'€ qui s'est avéré non-conforme par la suite. Il ressort cependant du témoignage précité de M.[B] que les achats réalisés par M.[R] avaient été validés ou autorisés par lui.
La délégation de pouvoirs délivrée par la SAS Alph'Age Gestion à M.[B] ne l'autorisait pas à subdéléguer l'autorisation qui lui avait été confiée par son employeur. Cependant, la faute commise par M.[B], qui a autorisé M.[R] à signer divers documents pour le compte de la société est personnelle à ce dernier et, sauf collusion, n'est pas opposable à M.[R]. En revanche, Mme [O] et M.[R] admettent que M.[R], pendant son temps de travail et à l'aide de son ordinateur personnel, a aidé l'entreprise de plâtrerie et peinture Lopez, qui intervenait sur la résidence.
Concernant le grief lié à des problèmes de comportement, la SAS Alph'Age Gestion produit aux débats, un courriel adressé par M.[R] le 4 juillet 2016 à la société Provence Laser, fournisseur de l'établissement, dans lequel il désigne une salariée de la SAS Alph'Age Gestion par les termes «'l'autre conne'».' le témoignage de Mme [S], infirmière au sein de l'établissement, selon laquelle, fin 2015, M.[R] lui aurait fait croire qu'une visite de la présidence de la SAS Alph'Age Gestion sur le site, officiellement présentée comme portant le directeur, était en réalité dirigée contre elle, des courriels échangés entre M.[R] et Mme [E] dans lesquels M.[R] adopte un
mode de réponse agressif à l'égard de celle-ci, le courrier adressé à M.[B] le 17 novembre 2015 par M.[V], chauffeur/entretien de l'établissement, corroboré par le témoignage de ce dernier et l'attestation de Mme [P], assistante-comptable, dont il ressort que M.[R] rabaissait M.[V].
En revanche, il n'est pas justifié par la SAS Alph'Age Gestion que, de manière générale, M.[R] avait une attitude irrespectueuse et non adaptée, notamment envers le personnel féminin ni qu'il proférait des grossièretés à leur encontre ou pouvait commettre des tentatives d'intimidation à leur égard. Aucun élément de preuve n'est notamment produit aux débats pour rapporter la preuve qu'il ait prononcé les propos suivants « tu es une merde ; si ton personnel bouge un doigt je te déglingue».
Il ressort clairement des éléments qui précèdent que M.[R] avait un mode de communication agressif dans les courriels qu'il adressait à Mme [E], responsable hébergement, que dans le cadre d'un courriel adressé à un fournisseur, il a qualifié de «'conne'» une salariée de la SAS Alph'Age Gestion et a adopté une attitude dégradante à l'égard de M.[V]. Cependant, le courriel du 4 juillet 2016, antérieur de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement, s'avère prescrit et ne peut donc être retenu.
Concernant le grief lié à la destruction de fichiers informatiques, s'il ressort des courriels échangés entre M.[R] et M.[I] que, courant août 2016, M.[R] est intervenu sur l'ordinateur du médecin et s'est vu rappelé, par la direction, de n'y intervenir qu'en présence du médecin afin de garantir le secret médical, il n'est pas démontré par la SAS Alph'Age Gestion que M.[R] a procédé à la destruction de fichiers informatiques appartenant à l'entreprise
En conséquence, ne peuvent être retenus à l'encontre de M.[R] que les griefs suivants':
- l'absence de fiches de stock pour les vis, chevilles, joints et petit matériel,
- l'absence de travaux d'entretien ou de réparations courants dans les parties communes ou les appartements de la résidence,
- la réalisation, pendant son temps de travail et à l'aide de son ordinateur professionnel, de devis et factures de l'entreprise de plâtrerie et peinture Lopez, qui intervenait sur la résidence.
- un mode de communication agressif dans les courriels qu'il adressait à Mme [E], responsable hébergement,
- une attitude dégradante à l'égard de M.[V], exerçant les fonctions de chauffeur-entretien.
Ces faits, qui démontre chez M.[R] un manque de rigueur dans l'exercice de ses fonctions et un mode de communication inadaptée vis-à-vis de certains collègues de travail n'apparaissent pas d'une gravité telle rendant impossible son maintien dans l'entreprise et ne permettaient donc pas son licenciement pour faute grave. En revanche, ces manquements réitérés, qui démontrent l'incapacité de M.[R] à assurer ses fonctions ne permettaient plus la poursuite des relations contractuelles et justifiaient en conséquence le licenciement de M.[R] pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré, qui a dit que le licenciement de M.[R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Alph'Age Gestion à payer à Mme [O] et M.[R] diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre d'indemnité légale de licenciement, sera infirmé et Mme [O] et M.[R] seront déboutés de leur demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il a été retenu que le licenciement de M.[R] était justifié par une cause réelle et sérieuse. Mme [O] et M.[R], qui invoquent une procédure de licenciement diligentée sur des motifs fallacieux à l'appui de leur demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, seront donc déboutés de leur demande de ce chef.
L'équité commande de débouter Mme [O] et M.[R] et la SAS Alph'Age Gestion de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chaque partie devra conserver la charge des frais et dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,
DECLARE la SAS Alph'Age Gestion recevable en son appel';
DECLARE Mme [O] et M.[R] recevables en leur appel incident';
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 11 février 2019 en ce qu'il a':
- dit que le licenciement de M.[R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse';
- condamné la SAS Alph'Age Gestion à régler à Mme [O] et M.[R] la somme de 16'562,00'euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- condamné la SAS Alph'Age Gestion à verser à Mme [O] et M.[R] la somme de 2477,26'euros net à titre d'indemnité légale de licenciement';
LE CONFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation et y ajoutant';
DIT que le licenciement de M.[R] pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse';
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT que chaque partie devra conserver la charge des frais et dépens exposés en cause d'appel
Le Greffier Le Président