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30/09/2022 | FRANCE | N°18/14366

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 30 septembre 2022, 18/14366


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 289













Rôle N° RG 18/14366 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDAIE







[I] [K]





C/



Association AGS - CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST

[X] [G]

SARL FERNANDES ET FILS









Copie exécutoire délivrée

le :30/09/2022

à :



Me Julien BESSET, avocat au barreau de

TOULON



Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON



Association AGS - CGEA DE [Localité 6]





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 31 Juillet 2018 enregistré au r...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 289

Rôle N° RG 18/14366 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDAIE

[I] [K]

C/

Association AGS - CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST

[X] [G]

SARL FERNANDES ET FILS

Copie exécutoire délivrée

le :30/09/2022

à :

Me Julien BESSET, avocat au barreau de TOULON

Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

Association AGS - CGEA DE [Localité 6]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 31 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00374.

APPELANT

Monsieur [I] [K], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Julien BESSET, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Maître [X] [G] es qualitès de mandataire liquidateur de la SARL FERNANDES, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

Association AGS - CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST, demeurant [Adresse 5]

Défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M. Philippe SILVAN, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 22 septembre 2014, M.[K] a été recruté par la SARL Fernandes et Fils en qualité de monteur. A l'issue d'une visite médicale de reprise du 8 mars 2017, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste. M.[K] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 13 avril 2017.

Le 30 mai 2017, M.[K] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et rappel d'indemnité de déplacement kilométriques et d'une demande en nullité pour harcèlement moral, de son licenciement.

Par jugement du 31 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon a':

''dit qu'il qu'il n'y avait pas lieu de requalifier le licenciement de M.[K] pour inaptitude,

-'condamné la SARL Fernandes et Fils à payer à M.[K] les sommes suivantes':

- 3156'€ nets au titre du complément de salaire durant la période d'arrêt maladie,

- 500'€ au titre de 700 du code de procédure civile,

-'condamné la SARL Fernandes et Fils à rectifier, sous trois mois à compter du jugement, les bulletins de salaire du mois de septembre 2014 à avril 2017, en raison de l'erreur sur le nom de M.[K],

-'débouté M.[K] du surplus de ses demandes,

-'débouté la SARL Fernandes et Fils de ses demandes,

-'dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

M.[K] a fait appel de ce jugement le 3 septembre 2018.

La SARL Fernandes et Fils a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 11 mai 2021. Maître [X] [G] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par actes d'huissier des 22 novembre et 1er décembre 2021, M.[K] a mis en cause Maître [X] [G], ès qualités, et L'AGS-CGEA.

A l'issue de ses conclusions du 9 décembre 2021 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M.[K] demande de':

-'réformer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon le 31 juillet 2018, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes suivantes':

- 1/ rappel de salaire d'heures supplémentaires sur les années 2014,2015 et 2016';

- 2/ rappel d'indemnités de déplacement, kilométriques et de repas de novembre 2014 jusqu'à juin 2016 inclus';

- 3/ nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral de l'employeur caractérisé par une discrimination salariale étant la cause de l'inaptitude définitive au poste dans l'entreprise,

juger que son licenciement pour inaptitude définitive est nul et de nul effet';

condamner la SARL Fernandes et Fils à lui payer les sommes de':

- 1) 2969,95'€ nets au titre du rappel d'indemnités de grand déplacement et kilométriques (depuis novembre 2014)';

- 2) 463,18'€ nets au titre du rappel d'indemnités de repas (depuis novembre 2014)';

- 3) 257,85'€ bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires 2014 (à compter d'octobre, au taux horaire majoré à 25'% de 11'; 91'€)';

- 4) 2860,18'€ bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires 2015 (sur 11 mois, au taux horaire majoré à 25'% de 12'; 01'€)';

- 5) 1570,49'€ bruts au titre du rappel d'heures supplémentaires 2016 (jusqu'à juin inclus, au taux horaire majoré à 25'% de 12'; 09'€)';

- 6) 468,85'€ bruts au titre du rappel total d'indemnités de congés payés sur ce rappel de salaire

- 7) 1466,65'€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice (1 mois de salaire de base dû compte-tenu de la faute de l'employeur qui est l'origine de l'inaptitude du salarié)';

- 8) 146,66'€ bruts au titre l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis';

- 9) 17599,80'€ au titre de l'indemnité de licenciement nul, (soit 12 mois de salaire de base)';

-'ordonner à la SARL Fernandes et Fils à lui remettre, sous astreinte de 100'€ par jour de retard':

- certificat de travail rectifié';

- attestation pôle emploi rectifiée';

- solde de tout compte rectifié';

-'condamner la SARL Fernandes et Fils à lui payer la somme de 2500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

-'condamner la SARL Fernandes et Fils aux entiers dépens';

- fixer au passif de la procédure collective ouverte contre la SARL Fernandes et Fils sa créance salariale pour un montant total de 27803,61'€ hors indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

juger que l'arrêt à intervenir est opposable à l'AGS(CGEA), qui doit le garantir en intégralité;

Au terme de ses conclusions du 5 janvier 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Maître [X] [G], ès qualités, demande de':

-'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M.[K] de la majorité de ses demandes';

-'déclarer l'appel incident régulier, recevable et bien fondé';

-'infirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a condamné la SARL Fernandes et Fils à payer à M.[K] la somme de 3156'€ nets au titre du complément de salaire durant la période d'arrêt maladie ainsi que la somme de 500'€ au titre de l'art. 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a ordonné la rectification des bulletins de paie en raison de l'erreur sur le nom de M.[K] à compter de septembre 2014';

par conséquent';

-'déclarer, dire et juger que les allégations de M.[K] selon lesquelles il aurait dû percevoir le même montant d'indemnités de déplacements et de repas que monsieur [H], ne sont pas fondées';

-'déclarer, dire et juger que les allégations de M.[K] selon lesquelles la SARL Fernandes et Fils lui serait redevable d'heures supplémentaires, ne sont pas fondées';

-'déclarer, dire et juger que M.[K] ne démontre pas avoir transmis ses arrêts de travail à la SARL Fernandes et Fils';

-'déclarer, dire et juger que M.[K] ne s'est pas présenté à son poste à l'issue de ses congés payés, le 26 juillet 2016';

-'déclarer, dire et juger que les allégations de M.[K] selon lesquelles la SARL Fernandes et Fils aurait cherché à l'évincer de l'entreprise, ne sont pas fondées';

-'déclarer, dire et juger que les accusations de harcèlement moral et de discrimination de M.[K] ne sont pas fondées';

en conséquence';

-'débouter M.[K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

-'autoriser la SARL Fernandes et Fils et Maître [X] [G] és qualités de liquidateur de la SARL Fernandes et Fils à établir une attestation au lieu et place des bulletins de paie des mois de septembre 2014, octobre 2014, novembre 2014 et décembre 2014 pour procéder à la rectification du nom du salarié';

-'condamner M.[K] à verser à la SARL Fernandes et Fils et Maître [X] [G] es qualité de liquidateur de la SARL Fernandes et Fils la somme de 3'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

-'condamner M.[K] aux entiers dépens.

L'AGS-CGEA n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 juin 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

sur les heures supplémentaires':

moyens des parties':

Au soutien de sa demande en rappel de salaire sur heures supplémentaires M.[K] expose que les salariés de la SARL Fernandes et Fils n'étaient pas soumis à un horaire collectif, puisqu'il y avait divers chantiers et donc plusieurs équipes, aucun affichage ou planning, que dans cette hypothèse, l'article D.'3171-8 du code du travail prévoit que la durée du travail doit donner lieu à un décompte journalier et à une récapitulation hebdomadaire, que sont concernés tous les salariés occupés sur la base d'un horaire nominatif et individuel ainsi que de ceux qui sont employés à temps partiel ou selon un système d'horaires individualisés, qu'il a été recruté sur la base de 35 heures hebdomadaires, qu'en réalité, la durée hebdomadaire de travail était de 40 heures, soit 5 heures supplémentaires chaque semaine que l'employeur n'a jamais payées, qu'il rapporte la preuve de ses allégations par les témoignages d'autres salariés qu'il produit aux débats, que la SARL Fernandes et Fils, qui remet en cause le caractère probant de ces attestations, n'a jamais établi de décompte journalier, ni récapitulation hebdomadaire, qu'il est contradictoire que son bulletin de paie celui d'un autre collègue ne mentionne aucune heures supplémentaires alors qu'ils travaillaient sur des chantiers importants, situés loin du siège social de l'entreprise, qu'en matière de contentieux sur la durée du travail, la charge de la preuve est partagée et que le conseil de prud'hommes ne pouvait donc rejeter sa demande au motif que les éléments qu'il produisait ne prouvaient pas le bien fondé de sa demande.

Maître [X] [G], ès qualités, réplique que M.[K] n'apporte absolument aucun élément probant de nature à rapporter la preuve des heures qu'il prétend ainsi avoir effectuées, que les témoignages qu'il produit aux débats sont rédigés en des termes généraux pour les besoins de la cause et s'avèrent donc dépourvus de force probante, que le calcul qu'il opère est fondé sur la base d'un horaire théorique de 40 heures hebdomadaires, qu'il ne reflète pas la réalité et, qu'en l'absence de tout élément probant ni même d'un commencement de preuve, M.[K] devra être débouté de sa demande.

réponse de la cour':

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des'heures'de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence'd'heures'supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M.[K], qui expose qu'il travaillait à raison de 40 heures par semaine, présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées dont le paiement est réclamé permettant à son ex-employeur, chargé d'assurer le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M.[K], qui exerçait les fonctions de monteur sur divers chantiers, produit aux débats les témoignages d'anciens collègues de travail, à savoir MM. [J], [H] et [C] qui attestent, de manière concordante, que M.[K], qui effectuait divers déplacements sur de nombreux chantiers à [Localité 3], [Localité 4], [Localité 8], [Localité 7],', travaillait à raison de 40 heures hebdomadaires. A l'encontre de ces déclarations précises et concordantes, Maître [X] [G], ès qualités, ne démontre pas que la SARL Fernandes et fils avait mis en place au sein de l'entreprise un système de contrôle de la durée de travail de M.[K] et ne verse à l'instance aucun élément de preuve suffisamment pertinent de nature à remettre en cause les déclarations de ces témoins.

En considération des témoignages précités et des bulletins de paie de M.[K], il apparaît que ce dernier a réalisé pour le compte de la SARL Fernandes et fils des heures supplémentaires impayées selon le détail suivant':

- 257,85'€ bruts pour l'année 2014,

- 2860,18'€ bruts pour l'année 2015,

- 1570,49'€ bruts pour l'année 2016.

Il sera en conséquence fait droit à la demande en rappel de salaire formée de ce chef par M.[K] ainsi qu'à sa prétention au titre des congés payés afférents.

sur les indemnités de grand déplacement et de repas':

moyens des parties':

M.[K] indique que, alors qu'il effectuait les mêmes déplacements sur divers chantiers que d'autres salariés de la SARL Fernandes et Fils, il a perçu, entre novembre 2014 et février 2016, des indemnités de grands déplacements et de repas inférieures à celles payées à ses collègues que la SARL Fernandes et Fils, qui soutient que M.[K] n'a pas effectué les mêmes déplacements que les salariés auxquels il se compare doit en rapporter la preuve, qu'elle ne produit aux débats aucun journal de bord, ni contrat, relevé de péages ou facture, qu'elle ne démontre pas qu'il était occupé sur des chantiers plus proches géographiquement du siège social de l'entreprise, qu'à l'inverse, ses bulletins de paie et ceux du salarié avec qui il se compare rapportent la preuve qu'ils travaillaient ensemble en permanence, et que leurs différences de fonctions (l'un poseur, l'autre monteur) justifiaient leur collaboration pour travailler correctement.

Maître [X] [G], ès qualités, expose que M.[K] percevait chaque mois, pour chaque déplacement, des indemnités de déplacements, des indemnités de repas ainsi que des indemnités kilométriques lorsqu'il utilisait son véhicule personnel, que M.[K] ne rapporte pas la preuve que la SARL Fernandes et Fils lui serait redevable d'un rappel d'indemnités de déplacement et qu'il ne rapporte pas la preuve de la réalisation des mêmes chantiers que le salarié auquel il se compare.

réponse de la cour':

Il ressort du témoignage précité de M. [H] qui a toujours travaillé de concert avec M.[K] et des bulletins de paie de M. [H] et de ceux de M.[K] que l'appelant n'a pas été réglé des indemnités de repas et de déplacement auxquels il pouvait prétendre conformément à l'accord national du 26 février 1976 relatif aux conditions de déplacement. Il sera en conséquent fait droit à sa demande de ce chef.

sur le complément de salaire':

moyens des parties':

M.[K] expose qu'il a été placé en arrêt de travail du 2 août 2016 au 8 avril 2017, que la SARL Fernandes et Fils n'a pas envoyé à la CPAM l'attestation de salaire dans le délai de 48 heures comme la loi y oblige, le contraignant à saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes pour en obtenir la délivrance sous astreinte, qu'il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 16 décembre 2016, que la SARL Fernandes et Fils a prétendu de mauvaise foi devant le juge des référés qu'elle ignorait qu'il était en arrêt maladie, alors qu'elle avait accusé réception d'un courrier recommandé envoyé le 02 août 2016 contenant l'avis d'arrêt de travail initial, qu'en tout état de cause elle aurait dû s'inquiéter de l'absence de son salarié depuis le 2 août 2016, que la SARL Fernandes et Fils a tardé à exécuter l'ordonnance de référé du 16 décembre 2016, qu'il a perçu des indemnités journalières de la part de la Sécurité sociale mais que la SARL Fernandes et Fils n'a pas versé le complément de salaire conventionnellement fixé et qu'il lui reste dû la somme de 3156'€ nets de ce chef.

Maître [X] [G], ès qualités, fait valoir que M.[K] n'a jamais adressé son arrêt de travail à son employeur, qu'il ne peut donc être reproché à l'employeur de ne pas avoir transmis son attestation de salaire à la CPAM, ni de ne pas lui avoir versé de complément de salaire, que le courrier du 2 août 2016 qu'il invoque ne se réfère pas à un arrêt de travail, qu'en l'absence de fourniture d'un justificatif de ses absences dans le délai légal de 48 heures, la SARL Fernandes et Fils n'était absolument pas tenue de verser à M.[K] un complément de salaire pendant son absence, que le droit au maintien du salaire est subordonné à la justification, dans les 48 heures, de l'incapacité de travail résultant de la maladie, que M.[K] ne remplis les conditions d'indemnisation requise et que le jugement déféré, qui a condamnée la SARL Fernandes et Fils à payer M.[K] la somme de 3156'€ nets au titre du complément de salaire durant la période d'arrêt maladie devra être réformé.

réponse de la cour':

L'article L.'1226-1 du code du travail prévoit que':

Tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition':

1° D'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale';

2° D'être pris en charge par la sécurité sociale';

3° D'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres États membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres États partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

L'article 23 de la convention collective des industries métallurgiques et connexes du Var, applicables à la relation de travail, définit les conditions de maintien de la rémunération des salariés en arrêts de travail pour maladie ou accident.

En l'espèce, M.[K] a été placé en arrêt maladie du 2 août 2016 au 4 avril 2017. Il est constant qu'il a bénéficié du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale. En revanche, alors que, les 17 juillet et 2 août 2016, il a été en mesure d'écrire par lettre recommandée avec accusé de réception à son employeur pour lui indiquer qu'il se tiendrait à sa disposition à l'issue de ses congés, lui faire grief de ne pas lui avoir fourni de travail à son retour dans l'entreprise ou encore refuser une proposition de rupture conventionnelle, il ne justifie pas, de l'envoi dans le délai de 48 heures précité, de son arrêt de travail du 2 août 2016.

Dès lors, il ne peut prétendre au maintien de sa rémunération par la SARL Fernandes et fils. Le jugement déféré, qui a fait droit à sa demande de ce chef, sera en conséquence infirmé.

sur le harcèlement moral et le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement':

moyens des parties':

M.[K] reproche à la SARL Fernandes et Fils sa volonté de l'évincer de l'entreprise à compter de ses revendications salariales aux motifs que, courant 2016, il a sollicité de le paiement d'un rappel d'indemnités de grand déplacement et d'heures supplémentaires, que la SARL Fernandes et Fils n'a pas répondu à cette demande, qu'elle lui a proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail qu'il a refusée, que le 25 juillet 2016, à son retour de congés, il s'est présenté au siège de l'entreprise pour prendre son poste et recevoir son planning, que personne ne lui a ouvert et que l'inertie de la SARL Fernandes et Fils s'est prolongée jusqu'au 2 août 2016, date de son placement en arrêt de travail en raison d'un syndrome anxiodépressif très sévère en lien avec le travail.

Il soutient qu'il a fait l'objet, en violation des articles L.'3221-2 et suivants du code du travail imposant à M.[K] d'assurer pour un même travail de valeur égale, une égalité de rémunération entre les salariés de l'entreprise, de ne pas lui avoir payé le même montant d'indemnités de repas et de grand déplacement qu'un autre collègue, ayant la même classification, avec qui il était intervenu sur les mêmes chantiers.

Il reproche en outre à la société le non-paiement des heures supplémentaires et du complément de salaire durant l'arrêt maladie, la non-remise de l'attestation de salaire à la CPAM et la non-fourniture de travail du 25 juillet au 02 août 2016, alors qu'il se tenait à disposition de son employeur, et le défaut du paiement du salaire sur cette période.

Il estime que tous ces manquements de l'employeur sont intentionnels et caractérisent une intention de lui nuire au salarié, pour le déstabiliser. Il indique que ces agissements répétés qui ont dégradé également son état de santé puisqu'il a été arrêt maladie durant plusieurs mois pour un syndrome dépressif sévère en lien avec le contexte professionnel.

Il soutient que son inaptitude est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral entraînant la nullité de son licenciement.

Il précise que son inaptitude définitive sans reclassement possible dans l'entreprise en raison de son état de santé a été prononcée suite à l'avis spécialisé d'un psychiatre, qui a confirmé la grave dégradation de ses facultés mentales qui est la conséquence de la dégradation de ses conditions de travail et que le comportement fautif réitéré de la SARL Fernandes et Fils est donc à l'origine de son inaptitude au poste.

Maître [X] [G], ès qualités, conteste chez la SARL Fernandes et Fils la volonté d'évincer M.[K] de l'entreprise aux motifs qu'il ne rapporte pas la preuve que, courant 2016, la SARL Fernandes et Fils se serait engagée envers M.[K] à lui verser, dans les meilleurs délais, un rappel d'indemnités de grands déplacements et d'heures supplémentaires ni que M.[K] aurait formulé une réclamation de ce chef, qu'elle a adressé à M.[K] un formulaire de rupture conventionnelle de son contrat de travail pour lui permettre d'en prendre connaissance et de revenir ensuite vers son employeur, que M.[K] n'a pas donné suite à ce courrier, que M.[K], qui venait d'être jeune père, ne souhaitait plus opérer de grands déplacements, que si la SARL Fernandes et Fils n'était pas opposée à la rupture conventionnelle du contrat de travail, elle n'était pas à son origine et n'a pas tenté de l'imposer à M.[K], que M.[K], alors qu'il était encore en congés payés, ne s'est pas présenté au siège de l'entreprise le 25 juillet 2016, qu'en fait, à l'issue de ses congés payés il ne s'est plus jamais présenté à son poste, et au lieu de signer la rupture conventionnelle sollicitée, a manifestement préféré monter de tout pièce un dossier prud'homal afin de tenter d'obtenir des sommes totalement indues au détriment de la SARL Fernandes et Fils.

Maître [X] [G], ès qualités, conteste les faits de discrimination salariale invoqués par M.[K] aux motifs qu'il ne rapporet pas la preuve qu'il a travaillé exactement sur les mêmes chantiers que le salarié auquel il se compare, que que les salariés de la SARL Fernandes et Fils travaillent sur différents chantiers ce qui explique qu'ils ne perçoivent pas les mêmes indemnités de déplacements, qu'il ne peut donc s'agir d'une discrimination ou d'une violation du principe d'égalité de traitement qui ne trouve à s'appliquer qu'entre des salariés qui se trouvent dans une situation identique ce qui en l'espèce n'est pas le cas.

Concernant le surplus des griefs invoqués par M.[K], Maître [X] [G], ès qualités, fait valoir que la SARL Fernandes et Fils n'est redevable d'aucune heure supplémentaire à M.[K], que ce dernier jamais justifié de ses arrêts maladie auprès de son employeur et ne pouvait donc pas prétendre à un complément de salaire pendant son absence, que l'employeur n'ayant pas été informée des arrêts de travail de M.[K], il n'était pas en mesure d'établir une attestation de salaire et que M.[K] ne s'est jamais présenté à son poste de travail à l'issue de ses congés payés.

Maître [X] [G], ès qualités, expose en outre que M.[K] ne peut affirmer que la circonstance que son inaptitude aurait été constatée à l'issue d'une seule visite ne peut constituer un argument suffisamment pertinent pour caractériser le harcèlement moral à l'origine de son inaptitude aux motifs que depuis le 1 er janvier 2017, le principe est désormais que l'inaptitude du salarié est constatée lors d'un seul examen médical sauf si le médecin du travail l'estime nécessaire, notamment pour rassembler des éléments complémentaires que la circonstance que l'inaptitude de M.[K] ait été prononcée à l'issue d'un seul examen n'a rien d'exceptionnel et n'est absolument pas le signe quelconque d'un harcèlement moral au sein de l'entreprise, que dans son avis d'inaptitude, le médecin du travail ne fait pas état d'une situation de harcèlement moral ni d'un lien entre l'inaptitude de M.[K] et son milieu professionnel.

Maître [X] [G], ès qualités, admet l'existence d'une erreur sur les bulletins de paie concernant l'orthographe du nom de M.[K]. Elle indique que des bulletins de paie rectifiés ont été adressés à M.[K] pour la période courant de janvier 2015 à avril 2017, qu'il n'est pas possible de rectifier les bulletins de paie pour la période allant de septembre 2014 à décembre 2014 car la SARL Fernandes et Fils avait à l'époque un autre cabinet comptable avec lequel elle n'est plus en relation, qu'il convient de dispenser la SARL Fernandes et Fils de rectifier l'orthographe du nom de M.[K] pour la période courant de septembre 2014 à décembre 2014 sur les bulletins de paie et e l'autoriser à établir en lieu et place une attestation rectificative.

réponse de la cour':

L'article L.'1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.'1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.'1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Cependant, les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

Il est de jurisprudence constante qu'est nul le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lorsque cette inaptitude trouve dans sa cause dans des faits de harcèlement moral subi par le salarié.

En l'espèce, il est constant que la SARL Fernandes et fils n'a émis l'attestation de salaire destinée à la Sécurité sociale suite à l'arrêt de travail de M.[K] que suite à sa condamnation par ordonnance de référé du 16 décembre 2016, M.[K] n'a pas été réglé des heures supplémentaires réalisées pour le compte de la SARL Fernandes et fils entre 2014 et 2016, que la SARL Fernandes et fils n'a pas payé à la SARL Fernandes et fils les indemnités de déplacement et de repas dues à compter de novembre 2014 en raison de ses déplacements sur divers chantiers et que M. [H], collègue de M.[K] et qui travaillait en même temps que ce dernier, a reçu quant à lui paiement de ces primes.

Les éléments produits à l'instance ne permettent pas d'établir un lien entre cette différence de traitement et l'un des critères visés à l'article L.'1132-1 du code du travail et de supposer ainsi l'existence d'une discrimination salariale au profit de M.[K].

Cependant, en traitant de manière différente des salaires placés dans des situations similaires, la SARL Fernandes et fils a violé le principe d'égalité de traitement entre salarié.

En revanche, le seul courrier de M.[K] du 25 juillet 2016, qui n'est corroboré par aucun élément de preuve extérieur, ne permet pas de démontrer que, à compter de cette date, la SARL Fernandes et fils a refusé de lui fournir du travail.

Il est constant que, à l'issue d'une visite médicale de reprise du 8 mars 2017, le médecin du travail a déclaré M.[K] inapte à son poste. En l'absence de toute information médicale plus précise sur la nature de l'état de santé et son origine, il n'en ressort pas qu'il peut être établi un lien entre les manquements relevés à l'égard de la SARL Fernandes et fils et la dégradation de l'état de santé de M.[K]. Dès lors, ce dernier ne présente pas des éléments suffisants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il ne peut en conséquence conclure à la nullité de son licenciement et sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur le surplus des demandes':

M.[K] a été reconnu partiellement bien fondé en ses demandes. Maître [X] [G], ès qualités, sera en conséquence débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.. Enfin, il sera alloué à M.[K] la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS';

LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire';

DECLARE M.[K] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 31 juillet 2018 en ce qu'il a':

-'dit qu'il qu'il n'y avait pas lieu de requalifier le licenciement de M.[K] pour inaptitude,

-'condamné la SARL Fernandes et Fils à payer à M.[K] la somme de 500'€ au titre de 700 du code de procédure civile,

-'condamné la SARL Fernandes et Fils à rectifier, sous trois mois à compter du jugement, les bulletins de salaire du mois de septembre 2014 à avril 2017, en raison de l'erreur sur le nom de M.[K],

-'débouté la SARL Fernandes et Fils de ses demandes.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation et y ajoutant';

FIXE la créance de M.[K] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Fernandes et fils aux sommes suivantes':

- 257,85'€ bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2014,

- 25,79'€ bruts au titre des congés payés afférents,

- 2860,18'€ bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2015,

- 286,02'€ bruts au titre des congés payés afférents,

- 1570,49'€ bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2016,

- 157,05 au titre des congés payés afférents,

- 2969,95'€ nets à titre de rappel d'indemnités de grand déplacement et kilométriques depuis le moins de novembre 2014,

- 463,18'€ nets à titre de rappel d'indemnités de repas,

- 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS CGEA et que celle-ci doit sa garantie dans les conditions définies par l'article L3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux;

DIT que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à M.[K] devra couvrir la totalité des sommes allouées à M.[K], à l'exception de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

DIT que son obligation de faire l'avance des sommes allouées à M.[K] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL Fernandes et fils.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/14366
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;18.14366 ?
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