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30/09/2022 | FRANCE | N°18/13769

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 septembre 2022, 18/13769


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT MIXTE ET AVANT DIRE DROIT

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.





Rôle N° RG 18/13769 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC6OU







[7]



C/



[D] [K]



Société [16]



Société [11]





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Stéphane CECCALDI



- Me Sandrine OTT-RAYNAUD



- Me Benjamin COMPIN



- Me Martine DESOMBR

E



- M. l'Expert









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Var en date du 20 Juillet 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21501809.



APPELANTE



[7], demeurant [Adresse 14]



représenté par Me Stép...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT MIXTE ET AVANT DIRE DROIT

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 18/13769 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC6OU

[7]

C/

[D] [K]

Société [16]

Société [11]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Stéphane CECCALDI

- Me Sandrine OTT-RAYNAUD

- Me Benjamin COMPIN

- Me Martine DESOMBRE

- M. l'Expert

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Var en date du 20 Juillet 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21501809.

APPELANTE

[7], demeurant [Adresse 14]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [D] [K], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Mathias BONGIORNO, avocat au barreau de TOULON

Société [16], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Benjamin COMPIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Christian MULLER, avocat au barreau de MARSEILLE

Société [8] venant aux droits de la Société [11], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me FROMONT-BRIENS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laure LIOTIER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BREUIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 mai 2022, décision prorogée au 30 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE:

M. [D] [K] a été employé de 1989 à 1995 par la société [16] en qualité de mécanicien.

A compter du 05 février 1996, il a été embauché par la société [12] également en qualité de technicien, puis a été promu à compter du 1er mai 1997 au poste de responsable d'agence, catégorie cadre. Son contrat de travail a ensuite été transféré auprès de plusieurs employeurs successifs et en dernier lieu à la société [11] aux droits de laquelle se trouve la société [8].

M. [K] a déclaré le 06 mai 2014 à la [7] être atteint de scialalgies L5-S1 avec hernie discale L3-L4 et L4-L5 en sollicitant la reconnaissance du caractère professionnel de cette pathologie et en joignant un certificat médical initial en date du 04 avril 2014 mentionnant des 'discopathies L4-L5, par hernie discale L5-S1" et comme date de la première constatation médicale de la maladie celle du 02 juillet 2010.

Après enquête, la [7] a décidé le 30 septembre 2014 de prendre en charge la maladie 'sciatique par hernie discale L5-S1" au titre du tableau 98 des maladies professionnelles relatif aux 'affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes'.

Après avoir retenu comme date de consolidation le 15 juillet 2014, sur contestation de M. [K] et après expertise technique, la [7] a fixé le 30 décembre 2014 au 15 décembre 2014 la date de consolidation, puis lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 15%.

Après échec de la procédure de conciliation, M. [K] a saisi le 17 septembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans sa maladie professionnelle.

Par jugement en date du 20 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var a:

* déclaré inopposable à la société [11] la décision de la [7] en date du 04 avril 2014 (sic) relative à la prise en charge de la maladie professionnelle n°98 dont M. [K] était atteint,

* débouté M. [K] de son action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [11].

La [7] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Il résulte des extraits Kbis que la société [11] a fait l'objet d'une fusion absorption par la société [8] le 31 août 2018, ce qui a entraîné sa radiation du registre du commerce et des sociétés.

Par arrêt avant dire droit en date du 13 septembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Marseille pour avis sur le lien direct et essentiel de la maladie professionnelle avec le travail habituel de M. [K].

L'avis de ce comité en date du 09 avril 2020 retient un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée.

Par conclusions récapitulatives visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la [7] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [11] sa décision relative à la prise en charge de la maladie professionnelle n°98 dont M. [K] était atteint.

Elle demande à la cour à titre principal de déclarer irrecevable la société [11] en sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie professionnelle dont est atteint M. [K].

A titre subsidiaire:

* elle indique s'en remettre sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ainsi que sur la majoration de la rente, sur la provision et sur l'expertise médicale sollicitées, tout en demandant de limiter cette dernière aux postes de préjudices qu'elle liste,

* elle demande à la cour 'd'entériner' l'avis rendu du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et si cet avis était jugé irrégulier, elle précise s'en remettre sur la désignation d'un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue, elle demande à la cour de:

* condamner solidairement le ou les employeurs qui pourraient être reconnus comme en étant les auteurs, à savoir la société [11] venant aux droits de la société [8] et la société [16] à lui rembourser l'intégralité des sommes dont elle serait tenue de faire l'avance, et ce, même si les conséquences de la maladie professionnelle venaient à être imputées sur le compte spécial,

* rejeter la demande de la société [11] relative à sa condamnation au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [K] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il demande à la cour de déclarer irrecevable la contestation de l'origine professionnelle de sa maladie par la société [11] et subsidiairement s'il était estimé que les conditions ne sont pas remplies, il lui demande de saisir pour avis un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il demande en outre à la cour de:

* dire que la société [11] venant aux droits de la société [11] a commis une faute inexcusable,

* ordonner la majoration de la rente,

* ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer les préjudices listés,

* condamner la société [11] à lui verser une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

* condamner la société [11] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* déclarer l'arrêt commun à la [7].

Par conclusions n°2 visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments,

la société [11], venant aux droits de la société [8], demande à titre 'liminaire' à la cour de déclarer nul l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 10] et d'ordonner la saisine d'un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et surseoir à statuer dans l'attente de celui-ci.

'A titre principal', elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de déclarer recevable sa demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de l'affection déclarée par M. [K] et de débouter la [7] ainsi que M. [K] de l'intégralité de leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire, si sa faute inexcusable était retenue, elle sollicite que sa condamnation soit solidaire avec la société [16].

Elle demande en outre à la cour de rejeter les demandes:

* d'expertise et subsidiairement de limiter celle-ci aux préjudices 'non déjà visés' par le livre IV du code de la sécurité sociale,

*de provision,

* sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite enfin que soient inscrites au compte spécial les dépenses engagées par suite de la prise en charge de la maladie professionnelle de M. [K] et la condamnation solidaire de la [7] et de M. [K] au paiement de la somme de 5 000 euros ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 23 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [16] sollicite la confirmation du jugement entrepris.

Elle demande à la cour de débouter la société [11] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Par suite de la production autorisée au cours du délibéré des extraits Kbis des sociétés [11] et [8], dont il résulte la fusion absorption de la société [11] par la société [8] le 31 août 2018, il convient de rectifier les erreurs matérielles résultant des écritures des parties en ce que ce n'est pas la société [11] qui vient aux droits de la société [8] mais le contraire, la société [11] ayant été du fait même cette fusion absorption radiée du registre du commerce et des sociétés.

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ne constituent pas une prétention les demandes de 'constater', de 'dire et juger', 'd'entériner un avis', comme de confirmer une interprétation.

* sur l'irrecevabilité de la demande de la société [8] venant aux droits de la société [11] tendant à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle:

La cour précise en préliminaire, compte tenu de la confusion émise sur la date de la décision de la caisse que la date de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle est celle du 30 septembre 2014, et non point celle du 04 avril 2014 comme indiqué par erreur dans le jugement entrepris et repris par les conclusions des parties, la déclaration de maladie professionnelle étant datée du 06 mai 2014 et le certificat médical initial du 04 avril 2014.

Les premiers juges ont d'une part déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [K] et d'autre part et en conséquence débouté ce dernier de son action en reconnaissance de la faute inexcusable.

La [7] réitère en cause d'appel la fin de non recevoir soulevée en première instance tirée de l'irrecevabilité de la demande de la société [11] tendant à l'inopposabilité de sa décision de prise en charge.

Elle expose avoir régulièrement notifié sa décision du 30 septembre 2014 par lettre recommandée réceptionnée le 03 octobre 2014 par la société [11], cette notification précisant le délai de deux mois imparti suivant la réception pour la contester et que n'ayant jamais saisi la commission de recours amiable de sa contestation, la société est irrecevable en sa contestation de l'opposabilité de sa décision.

Le salarié reprend à son compte cette fin de non recevoir et sa motivation.

Tout en reconnaissant le principe de l'indépendance des rapports caisse/employeur et employeur/ salarié, la société soutient que l'employeur peut contester une décision de prise en charge dans le cadre d'une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable dont elle déduit l'inopposabilité de la décision de la caisse fondée sur le défaut de caractère professionnel de l'affection du salarié.

La contestation par l'employeur de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée, prise par l'organisme social, relève d'une action indépendante et autonome du contentieux portant sur la reconnaissance de la faute inexcusable.

La société employeur, suivie en son raisonnement par les premiers juges, procède par confusion entre l'opposabilité d'une décision de prise en charge de l'organisme social et ses conséquences avec l'action en reconnaissance de la faute inexcusable et ses conséquences lorsque celle-ci est retenue.

Il incombe effectivement à l'employeur, à peine de forclusion, s'il entend contester la décision de prise en charge de la caisse (et sollicite en conséquence qu'elle lui soit déclarée inopposable) de saisir à peine de forclusion dans le délai de deux mois de la notification de cette décision la commission de recours amiable de l'organisme social, puis éventuellement ensuite la juridiction du contentieux de la sécurité sociale.

Il est justifié que la société [11] a accusé réception le 03 octobre 2014 de la décision de la [7] en date du 30 septembre 2014 portant sur la prise en charge au titre du tableau 98 des maladies professionnelles de la maladie mentionnée sur le certificat médical initial du 04 avril 2014. Cette notification précisant, à la fois, le délai de deux mois pour la contester en saisissant la commission de recours amiable ainsi que l'adresse de celle-ci et les modalités de la saisine, la société [8] venant aux droits de la société [11] est forclose depuis le 04 décembre 2014 à la contester.

Il s'ensuit que la société employeur est forclose à contester la décision du 30 septembre 2014 de prise en charge au titre du tableau 98 des maladies professionnelles de la maladie déclarée le 06 mai 2014. Cette décision ne peut plus lui être déclarée inopposable et les conséquences qui s'y attachent ne peuvent pas davantage être discutées.

Par contre, la société [8] venant aux droits de la société [11] n'est pas privée, dans le cadre du présent litige portant sur la reconnaissance de sa faute inexcusable, de la possibilité de contester le caractère professionnel de la maladie. Il s'agit d'un moyen de défense dont la conséquence, s'il est admis, est exclusivement de faire obstacle à la reconnaissance de sa faute inexcusable dans la maladie professionnelle de son salarié.

Les premiers juges ne pouvaient par conséquent, dans le cadre de leur saisine aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, déclarer inopposable à la société [11] la décision de la [7] de prendre en charge la maladie déclarée par M. [K] au titre de la législation professionnelle.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions et la société [8] venant aux droits de la société [11] doit être déclarée irrecevable en sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.

* Sur le fond:

- sur le caractère professionnel de la maladie déclarée:

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable (issue de la loi 98-1194 en date du 23 décembre 1998), que toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, est présumée d'origine professionnelle.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime (alinéa 3).

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

A partir de la date à laquelle le travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux, l'article L.461-2 du code de la sécurité sociale subordonne la prise en charge par l'organisme social au titre de la maladie professionnelle, pour les maladies correspondant aux travaux énumérés, à la première constatation médicale pendant le délai fixé à chaque tableau.

La première constatation médicale de la maladie concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de la maladie, même si son identification n'intervient que postérieurement au délai de prise en charge.

L'article R.142-24-2 devenu R.142-17-2 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque le différend porte sur la reconnaissance d'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse, et désigne alors le comité d'une des régions les plus proches.

La société [8] venant aux droits de la société [11] soutient que son salarié n'a pas effectué de manière habituelle les travaux de manutention lourde limitativement énumérés au tableau 98 des maladies professionnelles, au motif que depuis le 1er mai 1997 il occupe des fonctions de responsable d'agence n'impliquant pas leur exécution habituelle.

Elle conteste le caractère probant des attestations dont se prévaut son salarié comme des photographies qu'il verse aux débats auxquelles elle oppose la fiche de poste de responsable d'agence, permettant tout au plus, si l'organisation de l'agence rendait de telles interventions nécessaires, d'assurer de manière ponctuelle l'accueil des clients ou un support aux mécaniciens de l'atelier mais pas la manutention de charges lourdes. Elle en tire la conséquence qu'il n'a pas été exposé au risque du tableau.

Elle soutient en outre que la condition du tableau relative au délai de prise en charge n'a pas été respectée, le salarié ayant cessé d'être exposé au risque du tableau depuis le 1er mai 1997 et en tout état de cause à compter de son arrêt maladie du 26 avril 2012 alors que la première constatation médicale à retenir est celle du 04 avril 2014, date du certificat médical initial.

Elle en tire la conséquence que la présomption de maladie professionnelle ne peut être retenue et qu'il incombe à M. [K] de démontrer un lien de causalité entre son affection et son travail, ce qu'il ne fait pas.

Elle soutient en outre que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est irrégulier pour avoir été rendu en l'absence du médecin inspecteur régional du travail, sans l'avis motivé du médecin du travail, sans que soit rapportée la preuve d'une impossibilité matérielle pour la caisse primaire d'assurance maladie de lui communiquer un tel avis et pour être partial, le rapport circonstancié de l'employeur n'ayant pas été pris en considération.

M. [K] réplique que la [7] ayant constaté la réunion de toutes les conditions posées par le tableau, l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'était pas obligatoire.

Il soutient qu'en cas de succession d'employeurs la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf pour l'employeur d'établir la preuve contraire en démontrant que l'affection résulte des conditions de travail du salarié au sein des entreprises dans lesquelles il a précédemment travaillé. Il indique ne pas avoir rencontré de problèmes de santé liés à son dos dans les précédentes agences car il n'était pas en charge de la gestion des stocks et que dans l'agence de [Localité 17] il était seul à avoir cette charge et devait également effectuer les inventaires et le rangement des marchandises en dehors des horaires de travail des autres salariés pour éviter la gêne dans le travail et la circulation dans l'atelier petit et mal agencé.

Il soutient avoir été exposé au risque du tableau, soulignant avoir eu plusieurs accidents du travail en chutant dans les escaliers alors qu'il transportait de lourdes marchandises pour les stocker au sous-sol de l'agence de [Localité 17] avec à chaque fois la même pathologie constatée et que l'avis d'aptitude du médecin du travail suite à sa maladie professionnelle le déclare apte au poste de chef d'agence sans manutention lourde ni rangement des stocks.

Il déduit de l'impossibilité pour son employeur de le maintenir sur le poste qu'il occupait la démonstration que la manutention lourde et les rangements des stocks faisaient partie de ses fonctions habituelles de son poste au sein de cette agence, son employeur ayant lors de la reprise modifié son poste et son lieu du travail. Il relève que lors de l'enquête de la caisse, il a été confirmé par le représentant de son employeur les activités et travaux de manutention de charges lourdes qu'il effectuait manuellement.

Il soutient en outre que le délai de prise en charge qui correspond à la période maximale qui doit séparer la fin de l'exposition au risque et la constatation médicale de la pathologie a été respecté, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et que la cessation de l'exposition au risque marque le point de départ du délai de prise en charge.

Il souligne que les certificats médicaux établis en 2012, notamment celui de juin 2012, font état de sa pathologie.

*

* *

L'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a été sollicité par l'arrêt avant dire droit du 13 septembre 2019, la cour ayant considéré dans sa motivation que la maladie déclarée, désignée au tableau n°98, est caractérisée, mais ne pas disposer d'éléments suffisants pour statuer sur la réalité de la manutention habituelle de charges lourdes par le salarié dans le cadre de son contrat de travail le liant à son employeur et qu'ayant été en arrêt de travail à compter du 26 avril 2012 le délai de prise en charge n'a pas été respecté.

En l'espèce, la maladie professionnelle a été prise en charge par la caisse au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles, relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes, qui mentionne la 'sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante' et fixe le délai de prise en charge à 6 mois sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans.

Il n'est pas contesté que la maladie déclarée que la caisse a prise en charge est caractérisée au regard des conditions médicales du tableau 98.

Le certificat médical initial en date du 04 avril 2014 mentionne que la première constatation médicale de la maladie est le 02 juillet 2010 et il résulte du colloque médico-administratif que le médecin conseil a retenu comme date de première constatation de la maladie le 26 avril 2012, en précisant qu'elle correspond à un arrêt de travail prescrit en maladie.

Cette date de première constatation médicale de la maladie est corroborée par les éléments médicaux versés aux débats par le salarié et en particulier par:

* le compte-rendu du scanner lombaire en date du 04 mai 2012 mentionnant des 'discopathies bombances étagées L3-L4, L4-L5, et L5-S1 avec débords disco-ostéophytiques postéro-latéraux droits étagés',

*les courriers en date des 21 juin 2012 et 28 novembre 2012, adressé par le Dr [X], chirurgien, au médecin traitant de l'assuré qui font référence à une 'double discopathie L4-L5 et L5-S1 associée à une profusion discale L4-L5 droite et aussi une sténose foraminale L5-S1 droite à l'origine de sa symptomatologie de lombalgie et de sciatique' et à une 'hernie discale L5-S1 droite relativement compressive au niveau de son nerf S1 à droite mais aussi et surtout une discopathie L4-S1 assez sévère'.

Le salarié ayant cessé d'être exposé au risque du tableau 98 à compter de son arrêt de travail en date du 26 avril 2012, la première constatation médicale de la maladie est bien intervenue dans les six mois qui ont suivi, même si le certificat médical initial est en date du 04 avril 2014.

Il s'ensuit que la condition du délai de prise en charge a bien été respectée. La durée d'exposition au risque de 5 ans n'est présentement pas discutée ni discutable au regard des postes de travail occupés par M. [K] à tout le moins depuis le 05 février 1996.

Le tableau 98 liste limitativement les travaux susceptibles de provoquer cette maladie pour être des 'travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués' notamment 'dans le chargement déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers'.

L'enquête de la [7] retient au titre des travaux exposant au risque la manutention manuelle de charges lourdes pour:

* récupérer ou poser les diverses pièces mécaniques au sol,

* poser au sol les roues des voitures,

* réceptionner, contrôler les marchandises sur palettes,

* déposer la palette,

* stocker provisoirement sur une aire libre dédiée à cet effet,

* ranger les marchandises en sous-sol.

Il résulte de l'avis du médecin du travail en date du 09 mai 2016, dans le cadre de la visite de reprise une aptitude 'à un essai de reprise comme chef d'agence sans manutention lourde ni rangement des stocks' avec nouvelle visite dans un mois.

Cet avis implique qu'antérieurement le salarié était amené à effectuer de la manutention de charges lourdes et il est exact que lors de l'enquête administrative M. [M] [U], représentant de l'employeur a confirmé téléphoniquement le 06 août 2014 à l'agent assermenté de la caisse que M. [K] effectuait des 'activités et travaux de manutention de charges lourdes manuellement'.

De plus, il est noté sur la fiche d'entreprise du 19 juin 2009 lors de la visite du médecin du travail en présence de M. [K] chef d'agence, au titre de l'évaluation des risques, la manutention lors du stockage avec une manutention importante pour l'accès au sous-sol.

Par ailleurs, l'amplitude horaire de la présence du salarié dans cette agence dont fait état M. [H], client régulier de l'agence de [Localité 17], dans sa seconde attestation du 31 janvier 2019, corrobore l'affirmation du salarié selon lesquelles il était amené en l'absence d'autres salariés, habituellement, à effectuer de la manutention.

La circonstance que sur une fiche de poste, qui n'est pas émargée par le salarié, il ne soit pas fait mention de manutention de charges lourdes par le chef d'agence, ne suffit pas à contredire:

* les déclarations du salarié corroborées par le représentant de l'employeur au cours de l'enquête administrative,

* les attestations de salariés de cette agence dans une période de temps où M. [K] en était le chef (Mme [E], M. [A], M.[G], M. [J]) établies dans les formes légales, toutes concordantes, relatant l'avoir vu habituellement réceptionner la marchandise, la contrôler manuellement, ranger les pièces mécaniques, les fûts d'huile, les pneus, tout en précisant qu'il n'y avait pas d'équipement de manutention, que cette marchandise était stockée au sous-sol dans un espace confiné, difficile d'accès, posant des difficultés lors des déplacements,

* les photographies jointes à certaines attestations corroborant la description du lieu de stockage,

* son affection temporaire à la suite des restrictions posées par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise dans une autre agence puis dans de nouvelles fonctions.

Enfin, le risque lié aux manutentions de charges lourdes étant intrinsèquement lié à la fois à l'activité de cette agence et à la configuration des locaux avec un lieu de stockage en sous sol accessible uniquement par un escalier non mécanisé, il en résulte le caractère habituel de ces manutentions pour M. [K] travaillant sur ce site.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la condition du tableau 98 relative aux travaux exposant au risque de la maladie qui y est mentionnée est également établie.

Les conditions du tableau 98 des maladies professionnelles étant toutes réunies, la présomption de l'origine professionnelle de la maladie déclarée par le salarié est applicable.

Il s'ensuit que la saisine pour avis sur le lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée par le salarié n'était pas nécessaire pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie et qu'il n'y a pas lieu d'examiner la régularité de l'avis surabondant du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il incombe à l'employeur qui conteste son caractère professionnel de renverser cette présomption en rapportant la preuve que le travail de son salarié est sans lien avec elle.

Cette preuve n'est présentement pas rapportée par la société [8] venant aux droits de la société [11] qui se contente en réalité de contester le caractère probant des éléments convergents que la cour vient d'examiner et de retenir.

Elle est par conséquent mal fondée en ce moyen.

- sur la faute inexcusable:

Les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail font obligation à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités.

En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, dans le cadre de son obligation de sécurité destinée à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, l'employeur doit, notamment:

* mettre en place une organisation et des moyens adaptés et veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes,

* adapter le travail à l'homme en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que les choix des équipements de travail et les méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé,

* planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

Antérieurement au 1er mai 2008, l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, lui faisait également obligation d'évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail, puis à la suite de cette évaluation, de mettre en oeuvre des actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production qui doivent garantir un meilleur niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être intégrées dans l'ensemble des activités et à tous les niveaux de l'encadrement.

En particulier, l'article R.231-67 devenu R.4541-3 et R.4541-4 du code du travail fait obligation à l'employeur de prendre les mesures d'organisation appropriées ou d'utiliser les moyens appropriés pour éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs et lorsque celle-ci ne peut être évitée, l'article R.4541-5 (précédemment R.231-68) du même code dispose que l'employeur doit:

- évaluer les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité,

- organiser les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso-lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques, ou à défaut de pouvoir les mettre en oeuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible.

Le manquement à son obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2018, l'article L.4131-4 du code du travail dispose que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.

M. [K] invoque la présomption de faute inexcusable en soutenant que la société [11] était informée du danger grave et imminent qui pesait sur lui avant la survenance de sa maladie professionnelle, et se prévaut d'une attestation d'un mécanicien présent dans l'entreprise depuis 2011 faisant état des demandes de mises aux normes de sécurité du stock au sous-sol adressées à la direction, de la fiche des relevés établie par l'AIST intervenue sur les lieux en 2009 et transmise à l'employeur. Il ajoute que la configuration des lieux est telle que son employeur ne pouvait ignorer violer son obligation de sécurité envers ses salariés et que l'absence de fourniture d'appareil de levage ou autre matériel et le poids des marchandises qu'il devait entreposer démontre sa conscience que ces marchandises ne pouvaient qu'être stockées manuellement.

Reprenant ses précédents développements sur l'exposition au risque, il souligne que les pneus et fûts (d'huile et liquide de refroidissement) étaient livrés sur palettes sans qu'il y ait aucun appareil de levage ni transpalette, obligeant à des manipulations manuelles pour les transporter, que le local de stockage des pneus était très mal aménagé avec une configuration des locaux empêchant l'exercice du travail dans le respect des conditions de sécurité.

Ayant été exposé pendant plus de 10 ans à des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectuées dans le chargement et le déchargement, le stockage et la répartition des produits industriels alors qu'en sa qualité de cadre dans une entreprise dont le secteur d'activité est le commerce de détail d'équipements automobiles il n'aurait pas du être exposé à ce risque de maladie professionnelle, il soutient que sa maladie professionnelle est la conséquence selon la définition du tableau 98 du port habituel de charges lourdes et que le lien de causalité entre sa maladie et la faute commise par son employeur est établi, aucune mesure pour assurer sa sécurité n'ayant été prise.

Son employeur lui oppose que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une faute inexcusable, le salarié n'ayant pas été directement et habituellement exposé aux risques inhérents à la manutention de charges lourdes et ne démontre aucun lien entre une éventuelle exposition à ce risque et sa maladie.

Il conteste avoir eu conscience d'un risque inexistant et avoir été alerté par M. [K] qui n'en rapporte pas la preuve, soulignant qu'en sa qualité de responsable d'agence, le salarié devait veiller à la bonne application des règles QHSE.

Il soutient avoir pris toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder la santé et la sécurité de son salarié, se prévalant du document unique d'évaluation des risques qui identifie exclusivement pour les postes ateliers pneus et non pour les postes dits administratifs comme celui de M. [K] les risques liés au stockage et à la manutention de pneus, ainsi que de l'avis du cabinet [18] sur la conformité de l'escalier desservant le sous-sol avec les dispositions des articles R.4216-1 à R.4216-34 du code du travail.

Il soutient enfin qu'il n'avait pas à prendre davantage de mesures de prévention en l'absence d'élément de fait faisant présager l'existence d'un risque de survenance d'une maladie professionnelle.

Il est exact que M. [K] ne justifie pas de l'envoi d'un écrit à son employeur lui signalant le risque lié à la manutention pour le stockage de marchandises.

Pour autant, il résulte de l'attestation das les formes légales de M. [J], employé dans cette agence de juin 2021 à mars 2013, que M. [K] a faits de 'nombreuses demandes à la direction pour la mise aux normes de sécurité du stock en sous-sol'

Il est établi par la fiche d'entreprise du 19 juin 2009 portant 'appréciation des risques et actions tendant à les réduire', établie lors de la visite du médecin du travail en présence de M. [K] chef d'agence, une exposition de l'ensemble de l'effectif de l'agence, composé de six hommes et d'une femme, au risque lié aux postures, et que:

* le risque lié à la manutention concerne six salariés,

* le risque accident du travail est considéré 'prépondérant' pour les sept salariés.

Les observations du médecin du travail portent notamment sur l'accès au sous-sol 'par un long escalier', le sous-sol étant 'très long = dédale', et il est noté 'manutention ++'.

Ce document établit le signalement à l'employeur du risque qui s'est matérialisé avec la maladie professionnelle en ce qu'il comporte l'avis du médecin du travail sur l'existence du risque lié aux manutentions, en lien avec la nature des locaux et spécialement du lieu de stockage en sous-sol, alors que cette configuration du lieu de stockage ne permet pas le recours à des aides mécaniques.

L'activité de la société [11] mentionnée sur son extrait Kbis étant le 'négoce de pneumatiques neufs, rechapage, réparation, échange standard, achat vente de tous accessoires', implique nécessairement de la manutention pour le stockage de pièces et accessoires lourds, dont des pneus, et par conséquent l'utilisation de locaux adaptés permettant l'utilisation d'équipements mécaniques évitant la manutention manuelle.

Le risque relevé lors de la visite de 2009 a par ailleurs perduré ainsi que cela résulte de la concordance des attestations dont se prévaut le salarié, et en particulier des photographies jointes aux attestations établis par messieurs [H] et [J], couvrant les années 1997 à 2013 qui corroborent également le stockage en ce lieu de fûts lourds alors que l'accès au local de stockage ne peut se faire que par un escalier.

Ce lieu de stockage n'étant accessible que par un escalier non mécanisé, il s'ensuit nécessairement de la manutention manuelle dont l'employeur ne peut pas ne pas avoir conscience, et l'avis du cabinet [18] qui se réfère aux dispositions des articles R.4216-1 à R.4216-34 du code du travail, soit à des dispositions du code du travail relatives aux obligations du maître de l'ouvrage, est inopérant à établir que les locaux mis à la disposition des salariés dans cette agence sont adaptés en ce qu'ils permettent d'éviter les risques liés aux manutentions de charges lourdes.

Cet avis de la société [18] ne contredit nullement l'existence du risque relevé par le médecin du travail dans le document précité que la société avait l'obligation de prendre en considération et constitue par conséquent au sens des dispositions de l'article L.4131-4 du code du travail une alerte donnée à l'employeur sur l'existence du risque qui s'est finalement réalisé avec la maladie professionnelle du salarié.

La cour rappelle que la maladie professionnelle se caractérise par une évolution lente en lien avec une exposition au risque, et qu'en l'espèce la durée d'exposition exigée par le tableau 98 est de cinq ans.

La circonstance que le salarié occupait un emploi de cadre (au forfait jour) qui n'aurait pas dû l'amener à manipuler des charges lourdes est inopérante dés lors que l'employeur a été avisé par la fiche du médecin du travail du risque lié aux manutentions importantes auxquels était exposée la quasi-totalité des effectifs de l'agence (six sur sept salariés en 2009, sachant qu'il y avait six hommes et une femme) avant qu'il ne se réalise par la maladie professionnelle de M. [K].

La présomption de faute inexcusable édictée par l'article L.4131-4 du code du travail doit donc être retenue, et il est exact qu'elle est irréfragable.

La cour dit en conséquence que la maladie professionnelle de M. [K] a pour cause la faute inexcusable de son employeur.

* Sur les conséquences de la faute inexcusable:

- à l'égard de M. [K]:

Lorsque l'accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, à une majoration de la rente et à une indemnisation complémentaire de ses préjudices, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

Il résulte des dispositions de l'article L.452-2 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, que la caisse récupère le capital représentatif de la majoration de la rente auprès de l'employeur et l'article L.452-3 dernier alinéa dispose que la réparation des préjudices de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

En l'espèce, la [7] a attribué à M. [K] un taux d'incapacité permanente partielle de 15%. Il y a donc lieu de fixer au maximum la majoration de la rente.

L'expertise médicale sollicitée, effectivement nécessaire pour évaluer les conséquences dommageables de la maladie professionnelle doit être ordonnée, avec la mission précisée au dispositif, étant rappelé que cette expertise ne peut avoir pour objet de déterminer le déficit fonctionnel permanent, le taux d'incapacité permanente partielle étant en matière de législation professionnelle fixé par la caisse, et que la date de consolidation est celle du 15 décembre 2014.

Compte tenu des éléments médicaux soumis à l'appréciation de la cour, l'octroi de l'indemnité provisionnelle sollicitée de 5 000 euros est justifié.

Par ailleurs, l'équité commande d'allouer à M. [K] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile que la cour fixe à 3 000 euros.

- Sur l'action récursoire de la [7]:

Par application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable.

Il résulte donc de ces dispositions que lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, ce dernier doit rembourser à la caisse la totalité des sommes dues à la victime, liées à la reconnaissance de la faute inexcusable.

Par conséquent, l'action récursoire de la caisse pour les sommes dont elle est tenue de faire l'avance doit être accueillie à l'égard de la société [8] venant aux droits de la société [11].

- Sur les demandes de la société [8] venant aux droits de la société [11] dirigées contre la société [16]:

Retenant que le salarié a été employé en qualité de technicien de montage entre 1989 et 1995 au sein du centre de [Localité 17] de la société [16], la société [8] venant aux droits de la société [11] sollicite un partage de responsabilité.

La société [16] réplique n'avoir commis aucun manquement à son obligation de sécurité et souligne que le salarié indique que lors de son emploi chez elle, des mesures de sécurité avaient été prises et que la disposition des locaux de plain-pied comportait les aménagements de sécurité avec mise à dispositions de chariots.

La cour vient de retenir la faute inexcusable de la société [8] venant aux droits de la société [11] sur le fondement des dispositions de l'article L.4131-4 du code du travail.

Il s'ensuit que la faute inexcusable dans la maladie professionnelle de M. [K] est exclusivement imputable à son exposition au risque lié aux manutentions habituelles de charges lourdes dans le cadre de son emploi au sein de la société [11], en lien avec l'organisation du lieu de travail induite par le caractère inadapté des locaux de son agence de [Localité 17] à son activité, alors qu'elle avait été informée du risque, notamment par la fiche établie en 2009 par le médecin du travail.

La société [8] venant aux droits de la société [11] doit en conséquence être déboutée de ses demandes dirigées contre la société [16] et n'est pas davantage fondée à invoquer les dispositions de l'article D.242-6-5 du code de la sécurité sociale pour l'inscription des dépenses engagées par suite de la prise en charge de la maladie professionnelle de son salarié en compte spécial.

Succombant en ses prétentions la société [8] venant aux droits de la société [11] ne peut solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [16] les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense ce qui justifie de lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'expertise ordonnée, les dépens doivent être réservés en fin de cause.

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Dit la société [8], venant aux droits de la société [11], irrecevable en sa demande d'inopposabilité de la décision, en date du 30 septembre 2014, de prise en charge par la [7] de la maladie professionnelle de M. [K],

- Dit que la maladie professionnelle de M. [D] [K] prise en charge le 30 septembre 2014 par la [7] au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles a pour cause la faute inexcusable de son employeur la société [11], aux droits de laquelle se trouve la société [8],

- Fixe au maximum la majoration de la rente,

- Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de M. [D] [K]:

- Ordonne une expertise médicale,

* Commet pour y procéder:

le Docteur [V] [O],

Hôpital [15]

(service de chirurgie ortho et trauma)

[Adresse 3]

[Localité 5]

( mèl : [Courriel 9])

et à défaut

le docteur [P] [Z],

Hôpital [13],

[Adresse 6]

[Localité 5]

tous deux inscrits sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

avec pour mission de :

- convoquer, dans le respect des textes en vigueur, M. [K],

- Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de M. [K] et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à la maladie et sa situation actuelle,

- A partir des déclarations de M. [K], au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins,

- Recueillir les doléances de M. [K] et au besoin de ses proches, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

- Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

- Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de M. [K], à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par elle,

- Analyser dans un exposé précis et synthétique :

* la réalité des lésions initiales,

* la réalité de l'état séquellaire,

* l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur déjà révélé,

- Tenir compte de la date de consolidation fixée par l'organisme social,

- Préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale:

* Souffrances endurées temporaires et/ou définitives:

Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif, les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif:

Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice d'agrément:

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, en distinguant les préjudices temporaires et définitif,

* Perte de chance de promotion professionnelle:

Indiquer s'il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles fonctionnelles,

- Préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale:

* Déficit fonctionnel temporaire:

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d'une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d'hospitalisation.

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,

* Assistance par tierce personne avant consolidation:

Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, préciser la nature de l'aide prodiguée et sa durée quotidienne,

* Frais de logement et/ou de véhicule adaptés:

Donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,

* Préjudices permanents exceptionnels:

Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents,

* Préjudice sexuel:

Indiquer s'il existe ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité),

- Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

- Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

- Alloue à M. [K] une indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

- Dit que la [7] doit faire l'avance des frais de l'expertise médicale avec faculté de recours contre l'employeur en versant au Régisseur d'avances et de recettes (RIB : Code banque 10071 Code guichet 13000 N° de compte 00001012418 Clé RIB 38 Domiciliation TP Marseille) de la cour d'appel la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur sa rémunération,

- Dit que la [7] fera l'avance des sommes allouées à M. [D] [K] et pourra en récupérer directement et immédiatement, les montants ainsi que celui des frais d'expertise auprès de la société [8],

- Dit que l'expert déposera au greffe de la cour son rapport dans le délai de six mois à compter de sa saisine,

- Désigne le président ou le magistrat chargé d'instruire de la 4ème chambre section 8 de la cour pour surveiller les opérations d'expertise,

-Déboute la société [8] venant aux droits de la société [11] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamne la société [8] venant aux droits de la société [11] à payer à M. [D] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société [8] venant aux droits de la société [11] à payer à la société [16] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Renvoie l'affaire à l'audience du 13 décembre 2023 à 9 heures,

- Dit que les parties devront déposer et communiquer leurs conclusions selon le calendrier de procédure suivant :

- 31 juillet 2023 pour M. [K],

- 30 novembre 2023 pour les autres parties.

- Réserve les dépens en fin de cause.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 18/13769
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;18.13769 ?
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