La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°19/13070

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 29 septembre 2022, 19/13070


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 389













Rôle N° RG 19/13070 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEX46







[A], [V] [O] [B] [T]





C/



Société IMMEUBLE [7]

SAS BOURGEOIS IMMOBILIER (VENANT AUX DROITS DE BELLOTT O IMMOBILIER)





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ



SCP MAGNAN PAUL

MAGNAN JOSEPH



SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04679.





APPELANTE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 389

Rôle N° RG 19/13070 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEX46

[A], [V] [O] [B] [T]

C/

Société IMMEUBLE [7]

SAS BOURGEOIS IMMOBILIER (VENANT AUX DROITS DE BELLOTT O IMMOBILIER)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04679.

APPELANTE

Madame [A], [V] [O] [B] [T]

demeurant [Adresse 4]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Patrick ARNOS, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Syndicat des copropriétaires DE LA RESIDENCE IMMEUBLE [7], sis à [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société BOURGEOIS IMMOBILIER, venant aux droits de la société BELLOTTO IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

représenté par la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Fabienne LATTY de la SCP BOURGOGNE - LATTY & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE

SAS BOURGEOIS IMMOBILIER dont le siège social est [Adresse 3] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, venant aux droits de la Société BELLOTTO IMMOBILIER, SAS, prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d'ORLEANS , plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame [L] [Y], a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Depuis le 19 août 1975, [A] [B] [T], divorcée de [D] [J], était propriétaire des lots 40 (cave), 49 (appartement au 2ème étage du bloc A) et 50 (garage) dans l'immeuble dénommé [Adresse 8].

Elle les a vendus, par acte du 21 avril 2017.

A partir du 20 décembre 2010, la société Bellotto Immobilier a été le syndic de la copropriété.

Dès avant son entrée en fonction, la question de l'entretien de la toiture s'était posée.

[A] [B] [T] indiquant que son appartement, situé sous la toiture, avait subi des infiltrations, a obtenu, par ordonnance du 12 septembre 2012 la désignation de [R] [F] en qualité d'expert judiciaire, et celui-ci a déposé son rapport d'expertise le 30 avril 2013.

Par acte d'huissier du 19 décembre 2014, elle a fait assigner le syndicat des copropriétaires et le syndic devant le tribunal de grande instance de Grasse en sollicitant, au visa des articles 14 alinéa 1er et 18 de la loi du 10 juillet 1965, 1382 et suivants du code civil, de voir :

Constater, dire et juger que les réparations effectuées ont été insuffisantes à mettre un terme aux infiltrations affectant l'appartement compte-tenu de la vétusté de la toiture.

Constater, dire et juger qu'au terme de la résolution 4 votée à l'unanimité lors de l'assemblée générale du 30 juillet 2012, les copropriétaires ont décidé à l'unanimité d'effectuer les travaux de réfection de la toiture.

Constater, dire et juger que le syndicat des copropriétaires devra procéder à la réfection complète de la toiture de l'immeuble sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'issue d'un, délai de deux mois à compter du jour de la signification de la présente décision.

Constater, dire et juger que le syndicat des copropriétaires a engagé sa responsabilité de plein droit du chef du défaut d'entretien de la toiture.

Constater, dire et juger que la société Bellotto Immobilier a engagé sa responsabilité pour faute.

Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la société Bellotto Immobilier à lui payer une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Condamner le syndicat des copropriétaires et la société Bellotto Immobilier aux entiers dépens y compris le coût du constat d'huissier du 9 janvier 2012, du référé expertise et des frais de l'expertise, avec distraction au profit de Maître Jonathan Turrillo.

Condamner le syndicat des copropriétaires et la société Bellotto Immobilier à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a statué en ces termes:

Prononce la révocation de l'ordonnance de clôture du 18 avril 2019.

Prononce la clôture au 06 mai 2019.

Reçoit l'intervention volontaire de la société Bourgeois Immobilier en lieu et place de la société Bellotto Immobilier, radiée du registre du commerce et des sociétés à compter du 04 septembre 2018.

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de Madame [A] [B] [T].

Déboute Madame [A] [B] [T] de ses demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [7].

Déboute Madame [A] [B] [T] de ses demandes formées à l'encontre la société Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier.

Déboute la société Bourgeois Immobilier de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne Madame [A] [B] [T] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [7] et à la société Bourgeois Immobilier la somme de 1 000 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame [A] [B] [T] aux dépens, avec distraction au profit de Maître Essner, avocat

Juge n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Il a été considéré que :

-le syndicat des copropriétaires n'était pas responsable d'un défaut d'entretien, qu'il convenait de distinguer de la vétusté (alors même que l'expertise révélait que les infiltrations provenaient de la vétusté de la toiture qui n'a été efficacement réparée qu'en 2015), prenant en compte le fait que la demande d'expertise avait retardé les travaux, et que l'avis de l'expert tendant à une réparation partielle ayant été suivi, cette réparation avait été insuffisante.

-le syndic a fait diligence en portant à l'ordre du jour des assemblées générales la question des travaux de toiture, les travaux ayant été votés suivant les préconisations de l'expert, et réalisés avec diligence en deux temps, d'abord partiellement, ensuite totalement.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 8 août 2019, [A] [B] [T] a fait appel du jugement,

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 mai 2020, [A] [B] [T], appelant, demande à la Cour, au visa des articles 3, 14 alinéa 1, 18 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, 1240 et suivants du code civil, de :

-débouter le syndicat des copropriétaires et la société Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

-confirmer le jugement du chef de la disposition ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée

de son défaut de qualité et d'intérêt à agir.

-réformer le jugement entrepris pour le surplus,

-dire et juger que le syndicat des copropriétaires a engagé sa responsabilité de plein droit du fait des infiltrations d'eau en provenance de la toiture.

-dire et juger que la société Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier a engagé sa responsabilité pour faute du fait du défaut de réalisation des travaux d'étanchéité de la toiture.

-condamner solidairement 1e syndicat des copropriétaires et la société Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier à lui payer les sommes suivantes du chef :

-de la perte locative subie représentant une somme de 16 699,99 € ;

-de la perte de valeur vénale de l'appartement subie représentant une somme de 48.456 €.

-de 1a procédure d'expertise représentant une somme de 5 372,83 €.

-de la réparation du préjudice moral évalué à la somme de 10 000 €.

-condamner le syndicat des copropriétaires et la société Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier à payer chacun la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ceux d'appe1 distraits au profit de la SCP Rousseau & associés sous sa due affirmation de droit.

Par ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 février 2020, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, la SARL Bellotto Immobilier, intimé, demande à la Cour de :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter [A] [B] [T] de toutes ses prétentions,

-condamner [A] [B] [T] à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 03 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la SAS Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier, demande à la cour, au visa des articles 325 et suivants, 122 et 123 du code de procédure civile, L236-3 du code de commerce, 1382 et suivants du code civil, et de la loi du 10 juillet 1965, de :

-rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

-déclarer l'appel de [A] [B] [T] recevable mais mal fondé et l'en débouter ;

-déclarer son appel incident recevable et bien-fondé et y faire droit ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir, soulevée par elle, tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de [A] [B] [T], sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et atteinte à sa réputation et en ce qu'il a condamné [A] [B] [T] à lui payer seulement 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-confirmer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau :

-dire et juger que son intervention volontaire, comme venant aux droits de la SAS Bellotto Immobilier par fusion-absorption, est recevable et y faire droit ;

-déclarer [A] [B] [T] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;

à titre principal

-dire et juger que [A] [B] [T] a perdu toute qualité et intérêt pour agir suite à la vente de l'appartement situé dans l'immeuble [7]

en conséquence,

-dire et juger irrecevables les demandes de [A] [B] [T] et l'en débouter,

subsidiairement

-dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa fonction de syndic,

-lui donner acte qu'elle considère que le syndicat des copropriétaires lui-même mis en cause n'a commis non plus aucune faute,

en conséquence,

-débouter [A] [B] [T] de l'ensemble de ses demandes,

-dire n'y avoir lieu à quelconque garantie éventuellement demandée du syndicat des copropriétaires par elle,

à titre reconventionnel

-condamner [A] [B] [T] à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêt pour procédure abusive et atteinte à sa réputation professionnelle, la qualité de la demanderesse devenue appelante lui conférant une connaissance particulière des arcanes procédurales,

-condamner [A] [B] [T] à lui payer la somme de 8 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner [A] [B] [T] aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la SELARL Lexavoue pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'intervention volontaire de la société Bourgeois Immobilier en lieu et place de la société Bellotto Immobilier :

Nul ne conteste le jugement ayant reçu cette intervention volontaire alors que la société Bellotto Immobilier a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 4 septembre 2018.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la recevabilité de [A] [B] [T] :

[A] [B] [T] a été propriétaire de l'appartement constituant le lot 49 du 19 août 1975 au 21 avril 2017.

Elle se plaint des infiltrations subies depuis les années 2010, à raison d'un défaut d'entretien de la toiture, et sollicite l'indemnisation de ses préjudices personnels.

Peu importe que l'acte de vente ne contienne « aucune clause particulière informant l'acquéreur de la procédure en cours et stipulant que le vendeur conserve les droits de l'action en cours ainsi que le bénéfice et la perte attachée à ladite procédure » dès lors que [A] [B] [T] entend obtenir la réparation de ses préjudices personnels pour des préjudices subis antérieurement à la vente, et non des interventions sur un bien immobilier qui ne lui appartient plus.

Elle a donc seule qualité et intérêt à agir en indemnisation des préjudices allégués pour la période antérieure à la vente de son bien.

Le jugement ayant rejeté la fin de non recevoir qui lui est opposée sera donc confirmé.

Sur les demandes en paiement de [A] [B] [T] :

[A] [B] [T] sollicite la condamnation solidaire du syndicat des copropriétaires et du syndic à l'indemniser de ses préjudices.

A l'égard du syndicat des copropriétaires, elle se fonde sur l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

A l'égard du syndic, elle se fonde sur sa faute du fait du défaut de réalisation des travaux d'étanchéité de la toiture.

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires :

Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version en vigueur du 1er janvier 1986 au 1er juin 2020, le syndicat des copropriétaires « a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »

[A] [B] [T] agit sur le fondement de cet article tandis que le syndicat des copropriétaires réplique qu'il n'a pas commis de faute au visa des articles 382 et suivants du code civil.

Or, dès lors que seraient établies des infiltrations dans l'appartement dues au défaut d'entretien de la toiture, partie commune, le syndicat des copropriétaires serait tenu des dommages causés à [A] [B] [T].

Il ressort du rapport d'expertise de [R] [F] que :

« l'appartement est affecté des désordres suivants, qui avaient déjà été constatés dans le procès-verbal d'huissier du 9 janvier 2012 :

Salle de bain sud-ouest :

-enduit endommagé en plafond avec présence de craquelures ;

Chambre sur façade arrière :

Fissurations horizontales en imposte

Enduit craquelé en plafond ayant pour origines des infiltrations d'eau

côté façade arrière : enduit fissuré en plafond

Niveau étage supérieur duplex :

des traces d'infiltration d'eau au droit des deux velux avec taches

des traces d'infiltrations et d'écoulement d'eau au niveau du faux-plafond formant

sous-pente de toiture

Traces généralisées d'infiltrations d'eau au niveau des poutraisons de l'ensemble ce la sous- toiture

Coin dressing étage supérieur duplex :

deux plaques formant faux-plafond sont disjointes en raison de mouvements consécutifs à des infiltrations d'eau des matériaux hydrophobes

Pour tous les désordres ci-dessus listés, absence de toute humidité constatée le jour de la première réunion d'expertise eu égard aux mesures conservatoires prises par la copropriété consistant au bêchage du faîtage et déterminant ainsi la zone de toiture fuyarde... les dégâts étant antérieurs au 20 décembre 2010...

L'état de vétusté de la toiture haute en général et le vieillissement naturel des matériaux sont la cause de ces désordres à l'exception d'un défaut de recouvrement d'une bande solin, en un endroit particulier au niveau du faîtage et des arêtiers...

La toiture haute, bien que d'une façon générale vétuste, n'est pas, dans toute sa surface, à l'origine du dégât des eaux et la reprise du faîtage permettra de mettre un terme aux infiltrations d'eau dans l'appartement du demandeur.

Les travaux nécessaires pour remédier aux infiltrations consistent en la reprise des tuiles et bandes solin en faîtage et arêtiers sur une surface de toit correspondant à la surface protégée par la bâche de protection mise en 'uvre à titre provisoire (10 m² maximum)... »

Dès lors que le lien causal entre les désordres constatés dans l'appartement de [A] [B] [T] et la vétusté de la toiture ou le défaut de recouvrement d'une bande solin au niveau du faîtage et des arêtiers est établi et non sérieusement contesté par le syndicat des copropriétaires, sa responsabilité est engagée sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

En effet, il importe peu, au regard de ces éléments, que le syndicat des copropriétaires ait régulièrement inscrit à l'ordre du jour des assemblées générales des questions relatives à la réfection totale ou partielle de la toiture et qu'il ait finalement procédé à cette réfection totale le 24 juillet 2015, sa responsabilité étant engagée dès lors que les dommages sont dus à la vétusté de la toiture et au défaut de recouvrement d'une bande solin au niveau du faîtage et des arêtiers, qui résultent nécessairement d'un défaut d'entretien.

Pour autant, il appartient à [A] [B] [T] d'établir la réalité de son préjudice en lien avec la faute du syndicat des copropriétaires.

Sur la responsabilité du syndic :

Une telle responsabilité est encourue dans les conditions de la responsabilité délictuelle de l'ancien article 1382 du code civil (repris dans l'article 1240) nécessitant d'établir une faute, un préjudice et un lien causal entre les deux.

[A] [B] [T] soutient que la responsabilité du syndic est engagée en ce qu'il :

-n'a pas usé de ses pouvoirs d'engager des travaux de sauvegarde sans autorisation de l'assemblée générale dans les conditions prévues par l'article 37 du décret du 17 mars 1967, alors même que les travaux de réfection de la toiture étaient urgents ;

-n'a pas exécuté les décisions de l'assemblée générale ayant voté la réfection de la toiture.

Le syndic réplique avoir, dès son entrée en fonction alors que les problèmes préexistaient, soumis dès le 20 décembre 2010 aux assemblées générales, la question de la réfection de la toiture, documents à l'appui, et s'être conformé aux décisions de la collectivité dont [A] [B] [T] faisait partie.

La société Bellotto Immobilier a été le syndic de la copropriété à partir du 20 décembre 2010.

Lors de l'assemblée générale du même jour, la question de la réfection de la toiture a été évoquée, des interrogations étant posées sur une facture de 1 620 € payée à l'entreprise Stan au titre de travaux de réparation de fuites, sans que le résultat ait été vérifié, le syndic Bellotto ayant contacté Monsieur [M], intervenu sur la toiture, lequel avait confirmé le bon état de la charpente, la pourriture des liteaux et la nécessité de changer les tuiles poreuses, travaux prévus aux devis présentés.

Les copropriétaires ont décidé à l'unanimité, y compris [A] [B] [U], (alors [J]) de permettre à Monsieur [X], architecte, de rencontrer l'entreprise la moins-disante des trois devis pour affiner et réduire le coût.

Lors de l'assemblée générale du 21 novembre 2011, la résolution 21 qui a été adoptée prévoyait de ne pas réaliser les travaux de réfection complète de la toiture, afin de procéder à diverses consultations du conseil syndical et d'experts, et de pouvoir visiter l'appartement de Monsieur [X].

Lors de l'assemblée générale du 30 juillet 2012, la résolution 4 qui a été adoptée prévoyait de réaliser les travaux de réfection de la toiture, suivant devis de France Toiture Compagnons de 38 537,66 €.

Par la résolution 6, le syndic était autorisé à appeler les fonds dès le mois d'août, en une seule fois.

Mais lors de l'assemblée générale du 18 février 2013, alors que [A] [B] [U] avait obtenu la désignation de [R] [F] en qualité d'expert judiciaire, par ordonnance du 12 septembre 2012, la résolution 4 adoptée annulait la résolution 4 de l'assemblée générale précédente, étant précisé que cela entraînerait la facturation du coût du bâchage provisoire, de son enlèvement selon les préconisations de l'expert, et de la pose d'un autre bâchage (plus adapté).

La résolution 6 adoptait le devis de réfection partielle de la toiture de l'entreprise [C] pour un montant de 6 392,50 €

Néanmoins, de nouvelles fuites se produisaient en novembre 2014.

Lors de l'assemblée générale du 24 novembre 2014, il a été acté qu'un couvreur était passé et devait remettre son rapport au syndic, lequel était chargé de faire bâcher la partie de toiture incriminée.

Lors de l'assemblée générale du 12 janvier 2015, il était voté le principe de la réfection totale de la toiture, le syndic devant obtenir des devis, et le bâchage devant être complété si besoin.

Lors de l'assemblée générale du 20 avril 2015, il était décidé de réaliser les travaux de réfection complète de la toiture, suivant devis de l'entreprise Pamther de 42 377 €.

Les travaux effectués par cette entreprise étaient réceptionnés sans réserve le 24 juillet 2015.

Il a ainsi fallu plus de cinq ans pour remédier efficacement au problème d'infiltrations provenant de la toiture dans l'appartement de [A] [B] [U].

Toutefois, le syndic justifie en l'espèce de ses diligences pour tenter d'y remédier conformément à la volonté exprimée par les copropriétaires réunis en assemblées générales, sur la base de renseignements et surtout des préconisations de l'expert judiciaire lui-même, qui n'estimait pas utile de procéder à une réfection complète de la toiture dans son rapport du 30 avril 2013, qui pourtant s'est avérée la seule solution efficace.

Le syndic ne peut, dans ces circonstances, se voir reprocher de ne pas avoir mis en 'uvre la résolution votée le 30 juillet 2012, prévoyant de réaliser les travaux de réfection totale de la toiture, suivant devis de France Toiture Compagnons de 38 537,66 €, alors que cette résolution a été annulée par la volonté de l'assemblée générale suivante, éclairée par les préconisations de l'expert de réparer partiellement la toiture.

Il ne peut davantage se voir reprocher de ne pas avoir mis en 'uvre une telle mesure de réparation intégrale à raison de l'urgence à remédier aux fuites, dès lors qu'un avis technique de professionnel ne l'indiquait pas et que ses mandants, après avoir envisagé cette solution, sont revenus dessus.

Enfin, la société Bellotto Immobilier (aux droits et obligations de laquelle se trouve la société Bourgeois Immobilier) n'ayant été le syndic de la copropriété [7] qu'à compter du 21 avril 2017 ne peut se voir reprocher de négligence antérieure à sa prise de fonction.

En dernier lieu, lorsque de nouvelles infiltrations sont survenues en novembre 2014, le délai pour y remédier cette fois par une réfection totale de la toiture a été raisonnable, eu égard à la nécessité de recueillir des avis techniques et des devis de montants conséquents que seule l'assemblée générale des copropriétaires pouvait valider.

Il convient dès lors d'écarter la responsabilité du syndic Bourgeois Immobilier et de confirmer le jugement de ce chef.

Sur le montant du préjudice de [A] [B] [T] :

Elle sollicite :

-16 699 € pour la perte de revenus locatifs entre décembre 2015 et le 21 avril 2017,

-48 456 € pour la perte de valeur vénale de l'appartement,

-5 372,83 € de procédure d'expertise

-10 000 € en réparation du préjudice moral.

L'appartement atteint par les infiltrations était donné en location à [W] [G] depuis le mois de janvier 2006 pour un loyer mensuel de 1 000 €.

[W] [G] atteste avoir quitté les lieux en novembre 2015 (le 30, selon l'appelante) à raison des nuisances de plus en plus importantes, causées par les infiltrations.

Toutefois, il n'est pas produit aux débats d'état des lieux de sortie, ni le congé délivré.

Les travaux ayant remédié aux désordres de la toiture ayant été réceptionnés le 24 juillet 2015, antérieurement au départ de la locataire de [A] [B] [T], celle-ci ne peut se prévaloir d'un préjudice de perte de loyers postérieur qui serait imputable à la faute du syndicat des copropriétaires, puisqu'à cette date, il avait remédié à la cause des infiltrations.

De plus, si [A] [B] [T] prétend ne pas avoir pu relouer son bien après le départ de sa locataire à raison des désordres l'affectant, elle ne réclame pas le paiement de travaux de remise en état, mais prétend qu'ils étaient d'un tel montant qu'elle n'a pu les réaliser et a choisi de vendre son bien.

Elle ne verse aux débats aucun constat postérieur à celui du 9 janvier 2012 qui permettrait de considérer que l'état de l'appartement s'est encore dégradé à raison des infiltrations et ne pouvait plus être habité dans des conditions décentes après le départ de sa locataire, du fait des infiltrations subies.

L'expert avait relevé dans son pré-rapport et dans son rapport qu'elle n'avait pas fourni d'éléments pour justifier des préjudices subis.

La seule production d'une attestation d'une candidate à la location indiquant avoir « renoncé à la location du fait des travaux de réfection importants et indispensables à réaliser après les multiples infiltrations dont la propriétaire m'a fait part » et d'un devis de l'entreprise Tendero du 17 février 2017 pour la réfection totale de la peinture de l'appartement (pièces, plinthes, boiseries, fenêtres, portes, placards et radiateurs) ne permet pas de considérer qu'il existe un lien causal entre l'absence de nouvelle location du bien à compter de décembre 2015 et le défaut d'entretien de la toiture qui a été imputé au syndicat des copropriétaires, mais auquel il avait été remédié le 24 juillet 2015.

Enfin, [A] [B] [T] ne justifie pas de ses démarches pour tenter de relouer son bien, alors qu'elle l'a mis en vente suivant mandat du 19 juillet 2016, la vente étant effectivement intervenue le 21 avril 2017.

[A] [B] [T] ne justifie pas non plus d'un préjudice moral alors qu'elle ne vivait pas sur place et que sa locataire n'a pas quitté les lieux avant la réalisation de la réfection totale de la toiture ayant mis fin aux désordres d'infiltrations.

[A] [B] [T] entend obtenir 48 456 € pour la perte de valeur vénale de l'appartement, en se fondant sur :

- la différence entre le prix auquel le bien était mis en vente dans le mandat de vente, soit 428 546 € net vendeur et le prix auquel il a été vendu (380 000 €) ;

-l'attestation de son mandataire suivant laquelle le bien a été vendu en dessous de la valeur du mandat en raison de son état de dégradation lié aux diverses infiltrations d'eau,

-une fiche des estimations de biens situés à [Localité 5], avenue de [Localité 9] par « meilleurs agents » évaluant à 5 638 € le prix moyen du m².

Il est établi par les pièces versées aux débats que l'appartement a subi des infiltrations à différentes reprises de 2010 à 2014, et qu'il a été dégradé dans les conditions relevées par l'expert.

Pour autant, les pièces produites pour établir la réalité d'une perte de valeur vénale imputable aux infiltrations sont insuffisantes à caractériser ces faits.

En effet, il n'est pas produit d'évaluation du bien mis en vente par différentes agences, et le document relatif au prix moyen du m² est dépourvu de valeur du fait de sa source incertaine et de la généralité de l'évaluation alors qu'aucun document ne permet de comparer la valeur du bien concerné avant et après les infiltrations, étant de plus ajouté qu'aucun justificatif n'est fourni sur l'intervention des assureurs.

[A] [B] [T] sollicite enfin 5 372,83 € de procédure d'expertise qu'elle détaille comme suit :

Constat d'huissier du 9 janvier 2012 : 470,41 €

Assignation en référé du 20 juin 2012 :129,64 €

Droit de plaidoirie : 13 €

Ordonnance de taxe : 2 367,78 €

Honoraire cabinet [N] : 2 392 €

Cette dernière somme correspond aux frais facturés par Maitre [N], avocat et relève donc des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sommes de 2 367,78 €, 13 € et 129,64 € correspondent aux frais d'expertise, de droit de plaidoirie et d'assignation en référé, qui font partie des dépens.

Enfin, le coût du constat d'huissier du 9 janvier 2012 sera mis à la charge du syndicat des copropriétaires dès lors que sa faute est retenue dans le défaut d'entretien de la toiture.

Sur les demandes de la SAS Bourgeois Immobilier venant aux droits de la société Bellotto Immobilier :

Il est demandé 10 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Mais le droit d'agir en justice, y compris en appel, ne dégénère en abus que si une légèreté blâmable, une intention de nuire, de la mauvaise foi ou une erreur grossière équipollente au dol, est caractérisée.

La SAS Bourgeois Immobilier prétend que l'instance engagée par [A] [B] [T], épouse d'un avocat, au fait du droit et des procédures, est téméraire et empreinte d'animosité alors qu'elle a parfaitement rempli ses obligations de syndic et ne pouvait agir autrement.

Mais, rien ne démontre l'animosité alléguée alors qu'il n'a pu être remédié aux infiltrations subies qu'après plus de cinq années.

Le jugement ayant rejeté cette demande sera donc confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Succombant à l'instance qu'elle a engagée alors que l'assemblée générale avait voté dès l'assemblée générale du 30 juillet 2012, la réalisation des travaux de réfection totale de la toiture, et que ce n'est qu'ensuite de l'expertise que des résolutions contraires ont été adoptées, la charge de la totalité des dépens sera laissée à [A] [B] [T].

En revanche, elle ne sera pas condamnée à des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat des copropriétaires ou de la SAS Bourgeois Immobilier.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de 470,41 € de [A] [B] [T] et en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Condamne le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice, la SARL Bellotto Immobilierà payer à [A] [B] [T] la somme de 470,41 € représentant le coût du constat d'huissier du 9 janvier 2012,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [A] [B] [T] aux dépens, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de chaque partie au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/13070
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.13070 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award