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29/09/2022 | FRANCE | N°19/12872

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 29 septembre 2022, 19/12872


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 386





Rôle N° RG 19/12872 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXMV





[UD] [NW]

[OY] [NW] épouse [Z]

[I] [NW]

[DZ] [NW] épouse [F]

[N] [NW]





C/



[H] [M] épouse [D]

[P] [M] épouse [V]

[A] [M] épouse [CF]

[L] [M]

COMMUNE DE [Localité 21]













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





SCP TGA-AVOCATS



SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON



Me Dounia AZERINE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 12 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00319....

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 386

Rôle N° RG 19/12872 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXMV

[UD] [NW]

[OY] [NW] épouse [Z]

[I] [NW]

[DZ] [NW] épouse [F]

[N] [NW]

C/

[H] [M] épouse [D]

[P] [M] épouse [V]

[A] [M] épouse [CF]

[L] [M]

COMMUNE DE [Localité 21]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP TGA-AVOCATS

SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON

Me Dounia AZERINE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 12 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00319.

APPELANTS

Monsieur [UD] [NW]

demeurant [Adresse 22]

représenté par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [OY] [NW] épouse [Z]

demeurant [Adresse 22]

représentée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Monsieur [I] [NW]

demeurant [Adresse 22]

représenté par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [DZ] [NW] épouse [F]

demeurant [Adresse 22]

représentée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Monsieur [N] [NW]

demeurant [Adresse 16]

représenté par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE, assisté de Me Francois DESSINGES, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

INTIMES

Madame [H] [M] épouse [D]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [P] [M] épouse [V]

demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [A] [M] épouse [CF]

demeurant [Adresse 17]

représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Monsieur [L] [M]

demeurant [Adresse 22]

représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

COMMUNE DE [Localité 21], sise [Adresse 22], pris en la personne de son représentant légal en exercice

représenté par Me Dounia AZERINE, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

Madame [VF] [NW] épouse [W], intervenant volontaire par conclusions du 30 mai 2022

demeurant [Adresse 18]

représentée par Me Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène GIAMI, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant attestation de dévolution successorale du 13 septembre 2014, [H] [M] épouse [D], [A] [M] épouse [CF], [P] [M] épouse [V] et [L] [M] sont les héritiers, chacun pour un quart (1/4) en pleine propriété des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession de [R] [U] veuve de [G] [C] [M], décédée le 25 juillet 2014.

Suivant attestation de propriété immobilière du 7 février 2015, les héritiers ont accepté purement et simplement la succession qui se compose notamment de la moitié indivise des parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 21], lieudit «[Localité 15]» section [Cadastre 12] pour 1ha2a et 50 ca (lande), [Cadastre 2] pour 85 ca (sol) et [Cadastre 4] pour 12a 80ca comprenant une maison d'habitation et ses annexes.

Suivant attestation de dévolution successorale du 19 novembre 2015, suite au décès de [O] [U] veuve [NW] survenu le 14 février 2015, [VF] [NW] épouse [W], [UD] [NW], [OY] [NW] épouse [Z], [I] [NW], ses quatre enfants, [N] [NW] et [DZ] [NW] épouse [F], ses deux petits enfants venant par représentation de [E] [NW], son fils, sont les héritiers de leur mère et grand-mère.

Il n'est pas contesté que les consorts [NW] sont propriétaires en indivision de l'autre moitié indivise des parcelles cadastrées section [Cadastre 12], [Cadastre 2] et [Cadastre 4], qui constituent un fonds agricole occupé et exploité par eux.

Par arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 juin 1965, le fonds [U], sis à [Localité 21], lieudit «[Localité 15]» a été reconnu en état d'enclave relative, et «une servitude de passage pour son exploitation» lui a été consacrée «le long du mur du cimetière sur une longueur de 15 mètres et une largeur de 4 mètres, soit une superficie de 60 m²», sur le fonds appartenant à [K] [S] veuve [T], moyennant une indemnité compensatrice de 1 000 francs.

La commune de [Localité 21] a acquis le 8 juin 1993, auprès de [B] [KI], qui lui-même l'avait acquise de [K] [S] veuve [T] le 22 janvier 1960, une parcelle de terrain située lieudit «[Localité 15]», cadastrée section [Cadastre 14] pour 30 ares (3 000 m²).

Cet acte rappelle une servitude de passage en ces termes:

«A cet égard, l'acquéreur fera son affaire personnelle sans recours contre la venderesse, d'un droit de passage profitant aux consorts [U] de [Localité 21], quartier de [Localité 15] sur la parcelle [Cadastre 20] de la section D lieudit «[Localité 15]» présentement vendue.

Ce droit de passage a été confirmé par un jugement rendu par Monsieur le Juge de Paix du canton du Lauzet sur Ubaye, le trente et un octobre mil neuf cent cinquante huit dont le dispositif est ainsi conçu:

Par ces motifs

"Jugement publiquement contradictoirement et en premier ressort vidant l'interlocutoire porté par notre précédent jugement en date du dix octobre mil neuf cent cinquante huit."

"Disons que la propriété [U] cadastrée sous les [Cadastre 19]-[Cadastre 5]-[Cadastre 6]-[Cadastre 7]-[Cadastre 8]-[Cadastre 9] de la section D de l'ubac de la commune de [Localité 21] est enclavée au sens de l'article 682 du Code Civil."

En conséquence "Maintenons les hoirs [U] en possession du chemin longeant le mur Ouest du cimetière et passant sur la propriété de la dame [T] sur une longueur de huit mètres et une largeur de deux mètres cinquante et permettant aux véhicules encombrants nécessaires à l'exploitation agricole et ne pouvant passer entre les murs de [Localité 15] et de la Mairie de parvenir à l'aire de battage et à la grange.

Ordonnons que la défenderesse la dame [S] veuve [T] enlève la pile de bois et la barrière séparant sa propriété de celle des [U] ainsi que la camionnette stationnée à l'entrée de sa propriété afin de permettre aux [U] le libre accès à leur grange et à leur aire de battage pour les véhicules trop larges qui ne peuvent passer entre les murs de [Localité 15] et de la mairie.

Ordonnons que la défenderesse sera tenue de remettre dans les huit jours de la signification du présent jugement les lieux litigieux dans l'état où ils se trouvaient avant le vingt septembre mil neuf cent cinquante huit.

Et faute par elle de le faire dans ledit délai autorisons les demandeurs à enlever ces obstacles et à damer le sol du chemin aux frais de la dame [T].

Faisons défense à la dame [T] de troubler à l'avenir les hoirs [U] dans leur possession de cette servitude de passage et d'y porter atteinte.

Condamnons la dame [S], veuve [T] à verser aux hoirs [U] à titre de dommages intérêts pour trouble possessoire la somme de cinq mille francs.

Condamne en outre la dame [T] aux entiers dépens liquidés à la somme de deux mille cinq cent soixante dix francs pour le billet d'avertissement de l'exploit introductif d'instance à mille sept cent quatre vingts francs pour le jugement interlocutoire ordonnant la visite des lieux, à cinq mille six cent quatre vingts francs pour le procès verbal de visite des lieux et le transport sur les lieux soit au total à la somme de dix mille trente francs et ce non compris les frais du présent jugement de ses suites.

Ainsi jugé au Lauzet sur Ubaye les jour mois et an susdits par Nous Ponsin Jean Juge de paix assisté de Me Lebre Marie Tenée»

Ayant souhaité agrandir le cimetière édifié sur la parcelle [Cadastre 3] en raison de son encombrement, la commune a proposé aux consorts [NW] et [M], le déplacement de la servitude à une quinzaine de mètres à l'ouest, avec un agrandissement de l'assiette à 6m de largeur.

Les consorts [NW] se sont opposés au projet en souhaitant obtenir l'élargissement de l'assiette de la servitude actuelle.

La commune a diligenté une expertise amiable contradictoire puis, par délibération du 24 juin 2016, le conseil municipal a décidé de déposer un permis de construire portant sur l'extension du cimetière.

Par assignation du 17 novembre 2016, les consorts [NW] ont demandé une mesure d'expertise judiciaire afin d'étudier les différentes possibilités de désenclavement, et la suspension des travaux de construction du cimetière tant qu'une solution de désenclavement n'aura pas été trouvée.

Par ordonnance du 16 février 2017, [Y] [J] a été désigné en qualité d'expert, après qu'il a été constaté lors de l'audience que la commune avait suspendu les travaux de construction du cimetière.

[Y] [J] a déposé son rapport d'expertise le 1er décembre 2017 en proposant deux solutions, la seconde étant privilégiée par l'expert:

- la première, maintenant la servitude actuelle, avec une assiette de 4m de large, ne permettant pas le passage aisé d'engins agricoles et ne permettant pas d'agrandir le cimetière dans les conditions du permis de construire déposé par la mairie,

- la seconde, déplaçant la servitude entre la grille A et la grille B et l'élargissant à 6 m, mais nécessitant des aménagements intérieurs, dans le fonds dominant.

Les consorts [NW], soutenant avoir acquis par prescription l'assiette de 6 m de large, ont assigné la commune devant le tribunal de grande instance de Digne les bains en demandant que le passage permettant l'accès à leurs parcelles soit établi selon le tracé n°1 proposé par l'expert.

En défense, la commune a notamment fait valoir que la servitude actuelle l'empêchait de

faire des réparations avantageuses sur le fonds servant D 618, et a sollicité le déplacement de la servitude suivant le tracé n°2 du rapport d'expertise.

Les consorts [M] ont exprimé leur accord sur la solution n°2, à charge pour la commune d'effectuer les travaux d'aménagement.

Par jugement contradictoire du 12 juin 2019, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a :

-constaté la réunion de la double condition de l'article 701 du code civil pour organiser le transport de la servitude consacrée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 juin 1965 qui s'exerce actuellement sur la parcelle [Cadastre 14] appartenant à la commune le long du mur du cimetière sur une longueur de 15 m et une largeur de 4 m et une superficie de 60 m² au profit des parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 2] et [Cadastre 4] ;

-jugé que l'assiette de la servitude est désormais fixée sur un tracé de 6 m de largeur depuis la grille A jusqu'à la grille B selon la solution n°2 figurant sur le plan annexe Y du rapport de l'expert judiciaire ;

-dit que la commune de [Localité 21] supportera la charge des frais qu'emporte cette modification en procédant à l'aménagement de la zone selon les préconisations du rapport de l'expert judiciaire qui matérialise deux accès dans la propriété [NW] sur son plan annexe Y ;

- condamné les consorts [NW] à payer à la commune de [Localité 21] la somme de 1 000 € en

application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les consorts [NW] à payer au consorts [M] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes des parties ;

- laissé les dépens de l'instance, ainsi que ceux de l'instance en référé expertise et le coût de la mesure d'instruction, à la charge des consorts [NW].

Il a été considéré que les conditions de l'article 701 du code civil étaient réunies et permettaient de déplacer et d'élargir l'assiette de la servitude de passage due aux fonds dominants.

Par déclaration reçue au greffe le 5 août 2019, les consorts [NW] ont interjeté appel dudit

jugement en intimant les consorts [M] et la commune de [Localité 21].

Par ordonnance d'incident du 13 octobre 2020, les consorts [NW] ont été déboutés de leurs demandes tendant à voir, au visa des articles 682 et suivants et 544 du code civil et des articles 771 et 907 du code de procédure civile:

- ordonner la suspension des travaux entrepris par la commune pour la construction du nouveau cimetière afin de faire cesser la violation de la servitude et de prévenir l'enclavement du fonds agricole exploité par l'indivision [NW] sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée dans l'attente de l'arrêt de fond à intervenir ;

- en tant que de besoin, ordonner à la commune de remettre en état non seulement l'assiette de la servitude de passage fixée par la cour d'appel d'Aix en Provence mais également le surplus d'assiette prescrite par 30 ans d'usage continu nécessaire pour permettre aux engins agricoles de l'indivision [NW] de sortir et/ou accéder à leur fonds compte tenu de leur porte à faux et ce afin de permettre aux appelants d'accéder à leur fond dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'Appel à intervenir ;

-condamner la commune à leur verser une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et réserver les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 30 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [UD] [NW], [OY] [NW] épouse [Z], [I] [NW], [DZ] [NW] épouse [F], [N] [NW] et [VF] [NW] épouse [W] (ensuite dénommés les consorts [NW]) demandent à la cour:

vu les articles 682 et suivants du code civil, et le rapport d'expertise judiciaire:

-réformer en toutes ses dispositions le jugement;

en conséquence,

-donner acte à Madame [VF] [NW] de son intervention, et la déclarer recevable ;

-fixer le passage permettant l'accès aux parcelles cadastrées section [Cadastre 12], [Cadastre 2], et [Cadastre 4] selon le tracé de la solution n°1 du rapport d'expertise judiciaire, tel que reproduit sur le plan établi par l'expert judiciaire en annexe Y du rapport d'expertise judiciaire,

-condamner la commune de [Localité 21] à leur payer une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, ce y compris les frais d'expertise judiciaire.

Pour eux:

-la commune a entrepris les travaux le 20 mars 2018, sans même attendre une décision définitive, en utilisant l'assiette de la servitude de passage, et en leur rendant l'accès impossible pour l'exploitation du fonds,

-ils ont prescrit l'assiette de la servitude de passage sur 6 m de large, sans avoir jamais utilisé un autre accès plus à l'ouest,

-cela correspond à la solution n°1 du rapport d'expertise,

-la solution n°2 proposée par la commune n'est pas aussi commode pour eux car:

il existe une pente de 10%,

il est nécessaire d'emprunter un parking public qui est souvent bloqué par des véhicules garés sauvagement ou par des manifestations organisées par la commune,

elle les oblige à créer sur leur fonds deux chemins à empierrer et à installer un tuyau d'évacuation des eaux pluviales pour un coût de 12 621,60 €,

les bâtiments agricoles construits depuis 1965 l'ont été en fonction de l'accès historique permettant des man'uvres faciles aux engins agricoles (remorques de foin et de paille pendant trois mois), le coût de reconstruction d'une grange adaptée s'élevant à 9 960 €.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 6 janvier 2020, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la commune de [Localité 21] demande à la cour, au visa des articles 683 et 701 du code civil et du rapport d'expertise de :

-confirmer le jugement en toutes ses dépositions,

-dire et juger que la servitude actuelle bénéficiant aux fonds cadastrés [Cadastre 12], [Cadastre 2], [Cadastre 4], propriété indivise des consorts [NW]/[M], empêche le fonds servant de la commune cadastré [Cadastre 13], d'y faire des réparations avantageuses en ne lui permettant pas l'agrandissement le moins onéreux du cimetière actuel, par l'édification d'une annexe le jouxtant,

-dire et juger le nouveau passage retenu par la commune de [Localité 21], correspondant à la solution numéro 2 proposée par les experts judiciaire et amiable, situé au droit de la grille B, d'une assiette- de 6 mètres, jouxtant à l'est le mur de la future annexe, plus commode que l'ancien, pour les fonds dominante [NW]/[M], cadastrés [Cadastre 11], [Cadastre 2], [Cadastre 4],

en conséquence:

-dire et juger les deux conditions de l'article 701 alinéa 3 du code civil, réunies,

-dire et juger l'assiette de la servitude désenclavant les parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 2] et [Cadastre 4], désormais fixée sur un tracé de 6 mètres de largeur depuis la grille A jusqu'à la grille B, selon la solution numéro 2 figurant sur le plan annexe Y du rapport de l'expert judiciaire,

-débouter les consorts [NW] de toutes leurs demandes,

y rajoutant:

-les condamner en cause d'appel à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant te coût de l'expertise judiciaire.

Pour elle:

-les consorts [NW] n'ont pas prescrit l'assiette de la servitude de passage antérieure sur 6 m de large, alors qu'ils ont utilisé un autre accès plus à l'ouest,

-en toute hypothèse, cela n'empêcherait pas la mise en 'uvre de l'article 701 alinéa 3 du code civil,

-la servitude de passage d'origine est devenue pour elle incompatible avec l'agrandissement du cimetière,

-la solution alternative proposée est plus commode que l'ancienne, car l'assiette est élargie de 4 à 6 m, et le tracé est moins sinueux.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 janvier 2020, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [H] [M] épouse [D], [P] [M] veuve [V], [A] [M] épouse [CF] et [L] [M] (ensuite dénommés les consorts [M] ) demandent à la cour de :

Vu les articles 701 et suivants du code civil,

-confirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions,

-leur donner acte de leur accord sur la solution n°2 prévue par l'expert judiciaire, à charge pour la commune d'effectuer les travaux d'aménagement prévus par l'expert dans son rapport.

ajoutant à la décision déférée :

-condamner [UD], [OY], [I] [X] [N] et [DZ] [NW] ou si besoin était, la commune de [Localité 21], à leur payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Pour eux:

-la position des consorts [NW] n'est pas justifiée,

-la servitude actuelle est de 4 m de large,

-la proposition de la commune permet un passage plus commode, sur 6 m de large.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

Par conclusions remises au greffe et notifiées le 6 juin 2022, la commune de [Localité 21] demande à la cour, au visa des articles 803, 15, 16 et 136 du code de procédure civile, de:

à titre principal,

- rejeter les conclusions des consorts [NW] signifiées le 30 mai 2022 et le constat de Maître [MC], huissier, daté du 11 février 2021, communiqué le 30 mai 2022, (pièce adverse n° 22)

à titre subsidiaire,

-reporter l'ordonnance de clôture à une date ultérieure.

Par conclusions remises au greffe et notifiées le 7 juin 2022, les consorts [NW] demandent à la cour, au visa de l'article 15 du code de procédure civile, de:

-rejeter toutes conclusions contraires,

-déclarer recevables leurs conclusions du 30 mai et leur pièce n°22,

-reporter l'ordonnance de clôture, voire l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la demande de rejet des conclusions des consorts [NW] signifiées le 30 mai 2022, avec une pièce n°22:

Il est exact que la clôture était annoncée pour le 7 juin 2022 depuis le 6 décembre 2021 et que les consorts [NW] ont déposé des conclusions le 30 mai 2022, en y joignant une pièce nouvelle, à savoir un constat de Maître [MC], huissier, daté du 11 février 2021.

Pour autant, la commune n'explique pas ce qui l'a empêchée de répliquer au fond entre le 30 mai et l'audience du 21 juin 2022 à ces dernières conclusions ou pièce des consorts [NW], malgré sa demande subsidiaire de rabat de l'ordonnance de clôture.

En effet elle ne précise pas quels seraient les moyens nouveaux développés dans les conclusions [NW] qui nécessiteraient une réponse, en sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter les dernières écritures et la pièce déposée par eux le 30 mai 2022, l'atteinte alléguée au principe de la contradiction n'étant pas caractérisée.

Sur l'intervention volontaire de [VF] [NW]:

[VF] [NW] était présente en première instance, mais ne figure pas parmi les appelants du jugement.

Elle est intervenue volontairement en cours d'instance aux côtés des appelants, sans que nul ne conteste sa recevabilité, qui sera admise sur le fondement des dispositions de l'article 552 du code civil.

Sur la réunion de la double condition de l'article 701 du code civil pour organiser le transport de la servitude:

Aux termes de cet article, il est prévu que:

«Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.

Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.»

Les consorts [NW] prétendent en premier lieu avoir prescrit une assiette de 6 mètres de large sur la servitude de passage dont ils bénéficient en vertu de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 juin 1965, qui avait reconnu l'état d'enclave relative de leurs parcelles, et avait fixé la servitude de passage «le long du mur du cimetière sur une longueur de 15 mètres et une largeur de 4 mètres, soit une superficie de 60 m²».

Or, aucun élément probant ne permet d'établir la réalité de cette utilisation trentenaire du chemin sur une largeur de 6 mètres au lieu des 4 mètres accordés dans la décision de désenclavement du 15 juin 1965.

De plus, l'expert a relevé qu'au niveau de la grille C, la largeur du chemin se limitait à 4,50 mètres.

Enfin, les consorts [M], propriétaires indivis du fonds dominant ne confirment pas cette utilisation trentenaire d'une assiette de 6 mètres de large.

En toute hypothèse, cela n'empêcherait pas la commune, propriétaire du fonds servant de se prévaloir des dispositions de l'article 701 alinéa 3 du code civil, car même en cas de prescription de l'assiette, il est possible d'en demander le déplacement.

A cet égard, la commune établit, par la production des rapports d'expertise Saretec dressé contradictoirement et amiablement le 8 janvier 2016, et judiciaire d'[Y] [J], que les travaux d'agrandissement du cimetière, nécessaires depuis 1997, seraient moins onéreux (25 000 € au lieu de 100 000 €) et plus cohérents que la création d'un nouveau cimetière, détaché de l'existant, et que le conseil municipal ayant notamment voté dans sa séance du 18 mai 2015 un projet d'agrandissement, puis ayant décidé d'y renoncer dans sa séance du 6 janvier 2017.

Elle remplit ainsi la première condition requise par l'article 701 alinéa 3 en établissant que « l'assignation primitive est devenue plus onéreuse, ou l'empêche d'y faire des réparations avantageuses » dès lors que le projet d'extension du cimetière existant sur l'assiette de la servitude qui jouxte son mur ouest, est le plus simple et le moins onéreux.

Il lui appartient de proposer une alternative en offrant aux propriétaires du fonds dominant « un endroit aussi commode pour l'exercice de leurs droits. »

Seuls les consorts [NW], exploitants agricoles, contestent l'égale commodité de la nouvelle assiette proposée tandis que les consorts [M], propriétaires indivis pour moitié du fonds dominant, la considèrent plus commode.

A cet égard, les consorts [NW] invoquent, à propos de l'alternative proposée :

-une pente de 10%,

-la nécessité d'emprunter un parking public qui est souvent bloqué par des véhicules garés sauvagement ou par des manifestations organisées par la commune,

-la nécessité de créer sur leur fonds deux chemins à empierrer et d'installer un tuyau d'évacuation des eaux pluviales pour un coût de 12 621,60 €,

-la construction depuis 1965 des bâtiments agricoles en fonction de l'accès historique permettant des man'uvres faciles aux engins agricoles (remorques de foin et de paille pendant trois mois), le coût de reconstruction d'une grange adaptée s'élevant à 9 960 €.

Il convient d'examiner et de comparer les deux accès, celui existant, conforme à la servitude de passage consacrée par l'arrêt de cette cour du 15 juin 1965 sur « une longueur de 15 mètres et une largeur de 4 mètres, soit une superficie de 60 m² » et celui proposé par la solution 2.

La première solution ne permet un passage que sur 4 mètres de large, le long du mur ouest du cimetière, et les consorts [NW] admettent eux-mêmes que cette largeur est insuffisante pour le passage de leurs engins agricoles, puisqu'ils prétendent, à tort, avoir prescrit le passage sur 6 m de large, et en sollicitent le bénéfice.

Le constat de Maître [MC], huissier, daté du 11 février 2021 qu'ils produisent confirme l'impossibilité pour un camion de 2,5 m de large et 9 m de long d'emprunter le chemin existant, et à fortiori pour une moissonneuse batteuse, de dimension plus importante.

L'expertise met en évidence que ce chemin est plat, permet d'accéder directement à la grange et à l'habitation, mais que le cheminement est ensuite sinueux pour accéder au hangar.

La solution 2 déplace l'assiette du passage qui se ferait désormais au centre d'une placette servant à ce jour de parking public entre les grilles A et B, sur une largeur de 6 m, avec une pente de 10% entre la route départementale et la grille, et nécessiterait des travaux d'aménagement à l'intérieur du fonds dominant, en particulier, l'arrachage d'un arbre, la création d'un chemin empierré pour relier la grange et l'habitation, (page 9 du rapport) suivant le tracé figurant en pointillés rouge, dans l'annexe Y du rapport d'expertise, tandis que le hangar serait directement desservi.

Le seul fait que le changement d'assiette proposé nécessite des aménagements intérieurs tels que la création de chemins internes dans le fonds dominant, avec deux tournants à angle droit pour rejoindre la grange, et de repenser l'organisation actuelle au sein de la propriété, suffit à considérer que la solution 2 n'est pas aussi commode que la solution 1, et qu'elle est de nature à rendre plus difficile l'exploitation agricole des consorts [NW].

Les consorts [M] eux-mêmes, tout en déclarant accepter la solution n°2, comme plus commode entendent voir condamner la commune à effectuer « les travaux d'aménagement prévus par l'expert dans son rapport », qui sont en partie des travaux dans le fonds dominant.

Les consorts [NW] établissent également la difficulté à circuler sur une pente à 10% avec leurs engins agricoles, et plus particulièrement avec un tracteur alors qu'il y a de la boue par le constat d'huissier du 11 février 2021 de Maître [MC].

Le principe étant la fixité de l'assiette de la servitude, et son déplacement étant l'exception, il y a lieu de considérer en l'espèce que la preuve n'est pas rapportée de l'égalité de commodité entre les deux solutions, et par conséquent, de rejeter les prétentions de la commune tendant à voir modifier l'assiette de la servitude de passage, selon la solution n°2 de l'expertise et de rejeter la demande des consorts [NW] tendant à se voir reconnaître une servitude de passage autre que celle consacrée par arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 juin 1965 «le long du mur du cimetière sur une longueur de 15 mètres et une largeur de 4 mètres, soit une superficie de 60 m²».

Leur demande tendant à obtenir une servitude de passage « selon le tracé de la solution n°1 du rapport d'expertise judiciaire, tel que reproduit sur le plan établi par l'expert judiciaire en annexe Y du rapport d'expertise judiciaire » sera rejetée, eu égard à la confusion pouvant en résulter quant à la largeur du passage maintenu à 4 mètres et non élargi à 6 mètres.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande de la commune de [Localité 21] tendant au rejet des conclusions des consorts [NW] signifiées le 30 mai 2022, avec une pièce n°22,

Déclare [VF] [NW] recevable en son intervention volontaire,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande des consorts [NW] tendant à se voir reconnaître une servitude de passage sur 6 mètres de large au lieu des 4 mètres consacrés « le long du mur du cimetière sur une longueur de 15 mètres et une largeur de 4 mètres, soit une superficie de 60 m²» par arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 juin 1965,

Rejette leur demande tendant à se voir reconnaître une servitude de passage « selon le tracé de la solution n°1 du rapport d'expertise judiciaire, tel que reproduit sur le plan établi par l'expert judiciaire en annexe Y du rapport d'expertise judiciaire »,

Rejette la demande de la commune de [Localité 21] tendant à voir déplacer ladite servitude de passage selon la solution n°2 du rapport d'expertise d'[Y] [J] déposé le 1er décembre 2017,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile de chacune des parties,

Condamne les consorts [NW] aux dépens de l'instance, y compris le coût de l'expertise, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/12872
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.12872 ?
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