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29/09/2022 | FRANCE | N°19/12485

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 29 septembre 2022, 19/12485


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

sa

N° 2022/ 385













Rôle N° RG 19/12485 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEWIY







[O] [R]-[D]

[J] [D]

[G] [D]

[P] [D]





C/



[T] [N] [C] divorcée [C]

SAS EPC FRANCE













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON



Me J

ocelyne PUVENEL



Me Elodie KHAROUBI-MATTEI













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 23 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00862.





APPELANTS



Madame [O] [R]-[D], demeurant [Adresse 5]



représentée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

sa

N° 2022/ 385

Rôle N° RG 19/12485 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEWIY

[O] [R]-[D]

[J] [D]

[G] [D]

[P] [D]

C/

[T] [N] [C] divorcée [C]

SAS EPC FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Jocelyne PUVENEL

Me Elodie KHAROUBI-MATTEI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 23 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00862.

APPELANTS

Madame [O] [R]-[D], demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Grégoire ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Monsieur [J] [D], demeurant [Adresse 9]

représenté par SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Grégoire ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

Madame [G] [D], demeurant [Adresse 12]

représentée par SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Grégoire ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

Madame [P] [D], demeurant [Adresse 8]

représentée par SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Grégoire ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

INTIMEES

Madame [T] [N] divorcée [C], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Jocelyne PUVENEL, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

SAS EPC FRANCE venant aux droits de la société ALPHAROC, dont le siège social est [Adresse 6], pris en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Elodie KHAROUBI-MATTEI, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Serge BRIAND de la SELEURL BRIAND AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Elodie KHAROUBI-MATTEI, avocat au barreau de MARSEILLE , plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Sylvaine ARFINENGO, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [T] [C] est propriétaire d'une maison à usage d'habitation située sur la parcelle cadastrale BY [Cadastre 3] -[Cadastre 4] à l'adresse lieudit [Adresse 11].

La famille [R] [D] est propriétaire indivis de la parcelle mitoyenne cadastrée BY [Cadastre 1] et [Adresse 2].

Un procès-verbal de bornage contradictoire a été établi entre les parties par Monsieur [L] [U], géomètre-expert à [Localité 10], le19 avril 2011

Sur la base de ce procès-verbal de bornage et d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 21 juin 2011, Madame [C], déplorant des empiètements sur son fonds consistant notamment en des travaux de confortement de la falaise entrepris par les consorts [R] [D], les a, suivant exploit d'huissier en date du 25 novembre 2011, fait assigner en référé expertise devant le tribunal de grande instance de Toulon.

A l'occasion de cette procédure de référé, les consorts [D] ont, à leur tour, invoqué différentes constructions qui auraient été réalisées par Madame [C] sans aucune autorisation et sollicité une ampliation de la mission d'expertise.

Par ordonnance en date du 17 février 2012, le juge des référés a désigné Monsieur [A] en qualité d'expert.

Les consorts [R] [D] ont assigné en référé la société Alpharoc, qui avait réalisé les travaux de confortement de la falaise située sur leur fonds, afin que l'expertise lui soit déclarée commune.

Selon exploit d'huissier délivré le 7 février 2014, les consorts [D] ont fait assigner Madame [T] [C] devant le tribunal de grande instance de Toulon, en vue d'obtenir sa condamnation à démolir, sous astreinte, les ouvrages et extensions édifiés de manière illicite, ainsi que sa condamnation au paiement de dommages-intérêts.

Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 17 mars 2015, il a été ordonné un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 3 juillet 2015.

Par exploit d'huissier délivré le 7 novembre 2017, les consorts [D] ont fait assigner la société EPC France, venant aux droits de la société Alpharoc, aux fins de solliciter sa condamnation à les garantir et les relever indemnes de toute éventuelle condamnation qui viendrait à être prononcée à leur encontre.

Par jugement en date du 23 mai 2019, le tribunal de grande instance de Toulon a débouté les consorts [R] [D] de l'ensemble de leurs demandes, les a condamnés in solidum à payer à Madame [T] [C] la somme de 1.500 euros en réparation de l'atteinte à son droit de propriété ainsi qu'à démolir le mur édifié en pied de falaise sur le fonds de Madame [C], sur une longueur de 3,30 mètres et d'une surface de 40 m2 , tel que constaté par le procès-verbal d'huissier du 21 juin 2011 (photos 8-9) et selon les préconisations de l'expert judiciaire.

Le 30 juillet 2019, les consorts [R] [D] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 août 2020, Madame [O] [R]-[D], Monsieur [J] [D], Madame [G] [D] et Madame [P] [D] demandent à la cour de :

-réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon le 23 mai 2019,

-rejeter l'ensemble des demandes formées par Madame [C] et notamment le versement de la somme de 30000 euros de dommages-intérêts en raison de l'empiètement,

-condamner Madame [C], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, à démolir l'ensemble de ses travaux et extensions illicites suivant les préconisations décrites dans le rapport d'expertise pages 54 et 55,

-condamner sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de l'arrêt Madame [C] à démolir son balcon, créateur de vues illicites, implanté en limite de propriété au premier étage, côté mer de sa villa suivant les préconisations décrites dans le rapport d'expertise page 55,

-condamner sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de l'arrêt Madame [C] à procéder aux travaux de confortement de la falaise sur sa propriété conformément aux travaux réalisés par la société Simeco devenue la société EPC France sur le terrain de la famille [R]-[D],

-condamner Madame [C] à verser aux appelants la somme de 30000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

A titre subsidiaire,

-condamner la société EPC France à les relever et les garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre si par extraordinaire la cour faisait droit aux demandes de Madame [C],

-si une condamnation sous astreinte à exécuter les travaux était prononcée contre les appelants, condamner la société EPC France à exécuter les mêmes travaux sous une astreinte deux fois supérieure à celle que vous pourriez prononcer éventuellement contre les appelants,

en tout état de cause

-condamner tout succombant au paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les appelants soutiennent, essentiellement, que :

-des constructions et ouvrages ont été édifiés en toute illicéité par Madame [C], qui a agrandi sa villa au rez de chaussée et au premier étage, sans autorisation : la façade du RDC a été avancée de 4,10 m sur la mer, et le premier étage a également été avancé vers la mer (surface illicitement créée de 9m²) : ces faits constituent une faute délictuelle, une faute pénale mais également un trouble anormal de voisinage,

-la démolition de ces ouvrages s'impose.

-le balcon qu'elle a fait édifier au premier étage en limite de propriété créée des vues illicites sur leur fonds, ce que confirme l'expert judiciaire dans son rapport : si la cour ne prononçait pas la démolition du balcon, la vue devra faire l'objet d'une obstruction;

-ils subissent un préjudice de jouissance en raison des constructions illicites, qui les empêchent de disposer paisiblement de leur propriété,

-les travaux confortatifs de la falaise empiètent d'1,35 mètre sur le fonds [C] par un voile de béton réalisé par l'entreprise Siméco, dont l'expert dit qu'il est indispensable à la retenue du talus; l'empiètement ne peut être démoli, Madame [C] ne démontrant pas, en outre, en quoi les travaux lui causeraient préjudice;

-l'indemnisation sollicitée par Madame [C] est excessive,

-la société EPC France devra les garantir en cas de condamnation, car il lui appartenait d'effectuer toutes les recherches préalables sur les limites de propriété avant d'engager les travaux, et car elle a manqué à son obligation de conseil,

-madame [R] [D] n'avait pas les compétences pour surveiller l'implantation des ouvrages par la société EPC France,

-sur la suppression des deux barbacanes réalisées à l'occasion des travaux confortatifs de la falaise : il n'est pas établi qu'elles aient été implantées sur le fonds [C], pas plus qu'il n'est établi qu'ils évacueraient leurs eaux pluviales sur le fonds de l'intimée;

-c'est l'entreprise anciennement Simeco qui avait en charge le placement de ces barbacanes; elle en est responsable;

-tous les propriétaires ont effectués des travaux de confortement sur les falaises dépendant de leur fonds, à l'exception de Madame [C]; or l'expert a relevé que cette falaise était fragilisée; le renforcement est indispensable pour garantir la sécurité des personnes et des biens, peu importe qu'il ait apporté cette précision dans un dire et non dans sa mission proprement dite;

-Madame [C] fait état d'autres empiètements (barbacanes et présence d'un coffret EDF) qui ne sont pas établis,

-s'agissant de l'empiètement d'un muret de clôture, le tribunal en a ordonné la destruction ayant retenu un empiètement de 40 m², alors qu'il est tout au plus de 40 cm²; la démolition de cet ouvrage est disproportionnée.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 30 mai 2022, Madame [T] [C] demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [O] [R] -[D], Monsieur [J] [D], Madame [G] [D], Madame [P] [D] de leurs demandes,

Vu l'article 1240 du code civil

S'agissant des travaux réalisés sans autorisation ou non conformes :

-débouter les consorts [R] [D] de leur demande celle-ci étant parfaitement irrecevable en l'absence de préjudice démontré et donc d'intérêt à agir,

S'agissant de la réalisation des travaux de confortement de la falaise sous astreinte :

-débouter les consorts [R] [D] de leur demande celle-ci étant parfaitement irrecevable faute d'intérêt à agir.

S'agissant de la vue oblique :

-dire et juger que son caractère illicite n'est pas caractérisé tant au regard de l'article 679 du code civil que sur le fondement de la théorie des troubles de voisinage,

en conséquence,

-débouter les consorts [R] [D] de leur demande de démolition,

A titre subsidiaire sur la vue oblique :

-ordonner le déplacement du garde-corps et l'installation de ce même garde-corps dans les limites autorisées par le code civil afin de supprimer la vue oblique irrégulière,

A titre infiniment subsidiaire:

-ordonner l'installation d'une haie végétalisée destinée à occulter toute vue oblique illicite;

-débouter les consorts [R] [D] de leur demande en dommages et intérêts,

Vu les articles 544 et 545 du code civil

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Madame [O] [R] -[D], Monsieur [J] [D], Madame [G] [D], Madame [P] [D] à la somme de 1500,00 € à titre de dommages et intérêts

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Madame [O] [R] -[D], Monsieur [J] [D], Madame [G] [D], Madame [P] [D] à démolir le mur édifié en pied de falaise empiète en partie sur le fond [C] sur une longueur de 3,30 mètres pour une surface de 40 cm2

-condamner in solidum Madame [O] [R] '[D] - Monsieur [J] [D] - Madame [G] [D] - Madame [P] [D] à démolir le mur édifié en pied de falaise empiète en partie sur son fonds sur une longueur de 3,30 mètres pour une surface de 40 cm2 sous astreinte de 100,00 € par jour de retard passé le délai de deux mois (2) après signification de la décision à intervenir

Vu l'article 681 du code civil

Vu l'article 545 du code civil

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à tendant à faire cesser tout déversement des eaux de pluie sur son fonds situé au pied de la falaise.

En conséquence,

-condamner in solidum Madame [O] [R]-[D], Monsieur [J] [D], Madame [G] [D], Madame [P] [D] à cesser tout déversement des eaux de pluie sur sa parcelle en supprimant les deux barbacanes installées sur son terrain sous astreinte de 100 € par jour passé le délai de deux mois après signification de la décision à intervenir;

-les condamner in solidum à la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC

-les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens d'expertise distraits au profit de Me Jocelyne Puvenel sur son affirmation de droit.

Madame [C] fait essentiellement valoir que :

-l'irrégularité d'une construction ne suffit pas à constituer une faute au sens de l'article 1240 du code civil,

-la preuve d'un préjudice est requise; or, le caractère irrégulier ou non conforme de la construction ne crée pas à lui seul un préjudice pour les voisins;

-l'action sur le fondement du trouble anormal de voisinage exige la démonstration d'un préjudice anormal,

-le prolongement du balcon a été autorisé et ce n'est pas la non-conformité de 0,58 m² qui est à l'origine du préjudice des appelants, mais son avancée sur la mer,

-la baie du rez-de-chaussée a été avancée mais elle reste en retrait de la propriété voisine, et ne crée aucune vue;

-les appelants ne démontrent pas de préjudice résultant de l'augmentation de surface,

-la preuve d'une vue non conforme aux dispositions du code civil n'est pas établie, l'expert n'ayant procédé à aucune mesure,

-le trouble anormal n'est pas démontré.

-l'expert n'a envisagé aucune autre solution que la démolition du balcon,

-les appelants ne démontrent pas leur préjudice au titre des travaux réalisés; quant à la vue, son caractère illicite n'est pas établi;

-sur la demande relative aux travaux confortatifs de la falaise : la réponse de l'expert à un dire ne vaut pas mission d'expertise sur ce point;

-l'empiètement sur sa propriété, réalisé lors des travaux de confortement de la falaise sur le fonds des appelants, est réel;

-les appelants ont été condamnés in solidum à démolir le mur édifié en pied de falaise sur une longueur de 3,30 mètres sur une surface de 40 m2 tel que constaté par l'huissier et analysé par l'expert judiciaire : cette condamnation doit être confirmée en appel,

-en empiétant sur sa propriété, les consorts [D] ont mis en place sur la structure en béton deux barbacanes qui permettent de déverser leurs eaux de pluie sur son fonds,

-ce système contrevient à l'article 681 du code civil,

-il ne peut lui être imposé une servitude d'écoulement des eaux pluviales sans son consentement en dehors des dispositions de l'article 640 du code civil. Or, l'article 640 est inapplicable en l'espèce.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 23 novembre 2020, la société EPC France - venant aux droits de la société Alpharoc qui vient elle-même aux droits de la société Simeco-, demande à la cour, sur le fondement des articles 1231-1 et 1240 du code civil, de :

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [R] [D] de leur demande de condamnation à garantie à son encontre

En conséquence :

-prononcer sa mise hors de cause pure et simple;

A titre subsidiaire:

-débouter Madame [C] de sa demande de condamnation et, par voie de conséquence, les consorts [R] [D] de leur appel en garantie au regard du fait que l'empiètement constaté présente un caractère utile et nécessaire pour éviter l'effondrement de la propriété de Madame [C] et de ce que Madame [C] ne souffre aucun préjudice du fait de cet empiètement ;

-débouter Madame [C] de sa demande au titre de la suppression des barbacanes ;

-débouter les consorts [R] [D] de leurs demandes de condamnation à garantie à son encontre;

A titre infiniment subsidiaire,

-condamner in solidum et à défaut solidairement les consorts [R]-[D] et Madame [C] à la garantir et la relever indemne de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre ;

En tout état de cause :

-condamner les consorts [R]-[D] ou à défaut tout succombant à lui verser la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Maître Kharoubi-Mattei, avocat au barreau de Marseille.

La société EPC France fait valoir en substance que :

-les demandes formulées à son encontre ne portent que sur la question des travaux qu'elle a réalisés et qui sont partiellement implantés en empiètement sur le terrain voisin. Dès lors, il n'y a pas lieu de solliciter sa garantie au titre de toute condamnation qui serait mise à la charge des appelants.

-elle n'a pas commis de faute : le fondement des demandes des appelants à son encontre ne peut être que contractuel;

-Madame [R]-[D], bien que profane, était tenue d'indiquer à la société Simeco les limites exactes de sa propriété, les appelants n'établissant pas qu'elle n'aurait pas respecté les limites indiquées,

-les demandes au titre de l'empiètement sont fondées sur un procès-verbal de bornage postérieur à l'intervention de la société Simeco,

-il n'est pas démontré que les limites antérieures au bornage correspondent bien aux limites actuelles;

-la société Simeco a fait établir des notes de calcul pour la détermination de l'implantation de ses ouvrages et le chantier s'est déroulé sous la surveillance de Madame [R] [D] qui n'a formulé aucune remarque sur le positionnement des grillages;

-il n'y a aucune aggravation de la servitude d'écoulement des eaux,

-l'article 681 du code civil, invoqué par Madame [C], ne s'applique pas puisqu'il porte sur l'édification des toitures et le déversement des eaux pluviales en provenance de ces toits.

-ce sont les dispositions de l'article 640 qui s'appliquent, imposant à Madame [C] de démontrer que que les travaux mis en 'uvre par les appelants emportent une aggravation de l'écoulement des eaux pluviales en provenance du fonds voisin et que cette aggravation lui causerait un préjudice certain.

-or, il n'est pas démontré que les barbacanes seraient implantées sur le fonds [C] et déverseraient des eaux pluviales sur sa propriété. Ce point n'a pas fait l'objet de constatations contradictoires en cours d'expertise judiciaire

-les demandes de Madame [C] sont uniquement fondées sur un constat non contradictoire,

-cette dernière ne démontre pas en quoi la situation actuelle constituerait une quelconque aggravation eu égard à la situation précédente, compte tenu de la configuration des lieux,

-l'empiètement était nécessaire et utile : dès lors, la faute de la société Simeco n'est pas caractérisée, pas plus que n'est prouvé un préjudice.

Pour un énoncé plus ample des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus évoquées, auxquelles il est expressément renvoyé en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

Motifs de la décision :

1- Sur les demandes de Madame [C] :

1-1 : sur l'empiètement sur le fonds [C] consécutif aux travaux de confortement de la falaise entrepris par les consorts [R]-[D] :

L'article 544 du code civil énonce que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

L'article 545 de ce code dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Le rapport d'expertise judiciaire a mis en évidence, sans contestation possible, l'existence d'un empiètement d'1,35 mètre sur le fonds de Madame [C] en conséquence des travaux de confortement de la falaise réalisés par les consorts [R] [D].

Selon le dispositif des dernières conclusions de Madame [C], qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les consorts [R] [D] à lui verser la somme de 1500 euros en réparation de l'atteinte à son droit de propriété liée aux travaux de confortement.

Il s'en déduit que si en première instance, Madame [C] avait sollicité une indemnisation à hauteur de 30000 euros de ce chef, elle ne formule plus une telle demande en cause d'appel, de sorte que la demande des consorts [R] [D] tendant au rejet de la demande de l'intimée en versement d'une somme de 30000 euros est sans objet.

Cependant, une condamnation a été prononcée contre les consorts [R] [D], à hauteur de 1500 euros, lesquels soutiennent que cet empiètement est indispensable, et que sa démolition fragiliserait la falaise, ce que confirme l'expert judiciaire dont le rapport précise : « la réalisation de l'empiètement par un voile de béton sur le fonds [C] reste un élément indispensable à la retenue du talus. La remise en état de cet édifice entraînerait irrémédiablement la fragilisation du talus ».

L'impossibilité technique de supprimer la langue de béton stabilisant la falaise, à l'origine de l'empiètement d'1,35m subi par Madame [C] sur son fonds, ne prive pas celle-ci, au regard des textes précités, du droit à être indemnisée de l'empiètement subi.

Pour fixer l'indemnisation de Madame [C] à hauteur de la somme de 1500 euros, les premiers juges ont retenu, à juste titre, le caractère résiduel de cet empiètement, situé sur une partie de falaise à la verticale de son fonds, et dont l'accès piéton est impossible, ainsi que son caractère nécessaire d'un point de vue technique.

Le jugement dont appel sera donc confirmé sur ce point.

Les consorts [R] [D] ont également relevé appel du jugement en ce qu'il les a condamnés à démolir le mur édifié en pied de falaise sur une longueur de 3,30 mètres, sur une surface de 40 cm², et non 40 m², comme retenu à tort par le tribunal.

Madame [C] sollicite la confirmation du jugement ainsi que le prononcé d'une astreinte.

Il est constant que le mur édifié en pied de falaise par les consorts [R] [D] empiète sur le fonds de Madame [C].

La preuve de cet empiètement résulte à suffisance du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [A], selon lequel « un empiètement d'environ 40 cm² a été réalisé sur le terrain de Madame [C] lors de la réalisation des travaux du muret de soutènement en pied de falaise, voir plan ci-joint coloré en bleu ».

Au chef de mission suivant : « Préconiser les travaux nécessaires pour remettre les lieux en conformité avec la limite séparative des deux propriétés », l'expert a répondu : « Pour l'empiètement d'environ 40 cm² réalisé par Madame [R] [D] sur le terrain de Madame [C] lors de la réalisation des travaux de construction d'un muret de soutènement et d'une clôture rigide de type Bekaert de couleur verte en pied de falaise, voir plan ci-joint coloré en bleu, des travaux de remise en conformité s'avèrent nécessaires (reprise du muret et clôture rigide à l'intérieur de la propriété [R] [D]) ».

Cependant, les consorts [R] [D] invoquent, en cause d'appel, le principe de proportionnalité.

En effet, il sera retenu que la mesure de démolition apparaît disproportionnée au regard du droit au respect de la propriété de Madame [C] dès lors que:

-l'empiètement est infime, comme portant, au plus, sur une superficie de 40 cm², et non de 40m² comme retenu à tort par le jugement;

-le muret empiète sur une largeur entre 1 et 2 centimètres sur toute sa longueur,

-l'ouvrage en cause n'est pas visible, comme situé au pied de la falaise, sur une partie de parcelle non utilisée.

Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné les consorts [R] [D] à la démolition de ce muret, Madame [C] ne sollicitant pas subsidiairement l'allocation de dommages-intérêts de ce chef.

Les appelants sollicitent subsidiairement, pour le cas où une condamnation aurait été prononcée à leur encontre, la condamnation de la société EPC France à les relever et les garantir au titre de la responsabilité contractuelle.

La société EPC France fait justement valoir que les demandes formulées à son encontre ne portent que sur les travaux qu'elle a réalisés, partiellement implantés sur le terrain voisin et que, dès lors, sa garantie ne peut être sollicitée par les consorts [R] [D] au titre de toute autre condamnation qui serait mise à leur charge.

L'article 1147 du code civil, applicable au présent litige, énonce que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il incombe aux consorts [R] [D] de rapporter la preuve de la faute commise par la société EPC France.

Ils reprochent à cette société de ne pas avoir effectué toutes les recherches préalables avant d'engager les travaux, afin, notamment de déterminer avec certitude les limites de propriété des fonds.

La société EPC France conteste sa responsabilité.

Il est constant que la société Simeco, aujourd'hui EPC France, a établi un devis en date du 3 mai 2010, pour un montant de travaux hors taxes de 22359 euros, en vue du confortement de la falaise située sur le fonds des consorts [R] [D], prévoyant, entre autres prestations, les études d'exécution.

Il ne ressort pas des débats qu'à l'époque où les travaux ont été engagés, il ait existé le moindre doute sur la limite séparative des fonds des parties, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la société EPC France de ne pas avoir arrêté le chantier, ni imposé à ses clients « l'intervention d'un géomètre pour localiser physiquement la limite de propriété», ni encore avoir omis d'adresser «un courrier recommandé émettant toutes réserves sur l'absence de production d'un plan de bornage».

Les études d'exécution s'entendent des études de faisabilité technique des travaux.

En outre, il est constant que le procès-verbal de bornage et le rapport d'expertise sont postérieurs à la réalisation des travaux, comme ayant respectivement été établis les 19 avril 2011 et le 30 juin 2015.

Du reste, le bornage a eu lieu à la requête de Madame [C], ainsi que le rappelle, dans son rapport Monsieur [U], le géomètre-expert qui y a procédé, preuve, s'il en était encore besoin, que les consorts [R] [D] n'avaient aucun doute sur les limites de leur fonds.

La circonstance que les consorts [R] [D] soient des profanes dans le domaine technique dont relève l'activité de la société EPC, est indifférente : leur qualité de propriétaires de leurs fonds, les dispose, mieux que quiconque, à en connaître les limites exactes et les contraint, en outre, à les indiquer précisément à l'entreprise chargée de procéder à des travaux, ou en tout cas, à prendre, au moindre doute, toutes précautions préalables voire à intervenir en cas de dépassement avéré en cours de travaux, ce qu'ils ne justifient pas avoir fait.

La société EPC France produit une attestation rédigée par Monsieur [Y] [V], conducteur de travaux, le 28 janvier 2013 selon laquelle Madame [R] [D] lui avait indiqué les limites de sa propriété, avant le démarrage des travaux.

Le contenu de cette attestation n'est pas utilement combattu.

Il n'est, en outre, pas démontré que cette entreprise aurait outrepassé les limites du fonds des appelants telles qu'elles lui ont été présentées.

La société EPC France démontre, par ailleurs, que des notes de calcul ont été établies en vue de déterminer l'ampleur des ouvrages, et ajoute que les travaux ont été effectués sous la surveillance de Madame [R] [D] qui n'a jamais émis la moindre observation ou réserve sur leur localisation.

Il apparaît, en conséquence, qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société EPC France, de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [R] [D] de leurs demandes à ce titre.

1-2 -Sur l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux :

L'article 681 du code civil prévoit que tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique'; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.'

Sur le fondement de ce texte, Madame [C] poursuit l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de condamnation des consorts [R] [D] à faire cesser tout déversement des eaux de pluie sur son fonds situé au pied de la falaise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Or, ce texte n'est pas applicable au cas d'espèce, pour ne viser que le déversement des eaux pluviales en provenance des toitures, et il n'est pas établi que les déversements incriminés en proviendraient.

Selon l'article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Ce texte paraît, en revanche, applicable au cas d'espèce.

Il appartient donc à Madame [C], qui sollicite la condamnation des consorts [R] [D] à faire cesser tout déversement des eaux de pluie sur son terrain, par suppression de deux barbacanes réalisées à l'occasion des travaux confortatifs de la falaise, de démontrer que ces ouvrages emportent une aggravation de l'écoulement des eaux pluviales sur son fonds.

Les appelants contestent d'une part, que ces barbacanes soient situées sur le fonds [C], et d'autre part, qu'elles évacueraient sur ce fonds des eaux pluviales.

Néanmoins, la circonstance que les barbacanes ne seraient pas situées sur le fonds de Madame [C], mais sur celui des appelants, n'a aucune incidence sur l'application de l'article 640 précité, alors même qu'aux termes de la demande qu'elle formule dans le dispositif de ses conclusions, Madame [C] ne poursuit pas la sanction d'un empiètement, mais la cessation du déversement d'eaux sur son fonds.

Madame [C] produit aux débats un procès-verbal de constat d'huissier établi le 21 juin 2011 dont il résulte l'existence de plusieurs barbacanes « sur la structure sécurisée de la falaise », dont deux seraient situées sur son fonds et orientées vers celui-ci, l'officier ministériel ayant, en outre, constaté que la barbacane la plus basse déverserait des eaux sur le terrain de l'intimée la présence de calcaire sur celles-ci.

En toute hypothèse, ce seul procès-verbal de constat ne suffit pas, en l'état, de surcroît, de la configuration abrupte des lieux, à établir la preuve que les barbacanes litigieuses aggraveraient l'écoulement des eaux pluviales en provenance du fonds [R] [D] sur le fonds de Madame [C], et donc la servitude naturelle qui l'oblige en application de l'article 640 du code civil, à supporter de recevoir les eaux provenant des fonds supérieurs.

Du reste, l'huissier de justice n'a pas constaté le moindre écoulement.

En outre, aucune donnée technique n'est produite sur l'incidence que pourraient avoir ces barbacanes, ou tout au moins sur la barbacane la plus basse, sur les eaux reçues par le fonds inférieur, de sorte qu'aucune aggravation de la servitude à laquelle le fonds inférieur est soumis n'est démontrée, alors, au surplus, que ce point n'a pas été abordé en cours d'expertise.

Dès lors, pour débouter Madame [C] de ce chef, le tribunal a justement retenu :

-qu'aucun élément n'était produit sur l'écoulement des eaux,

-que, dès lors, l'aggravation de celui-ci n'était pas établie,

-qu'au surplus, les pièces et photographies produites aux débats établissaient à suffisance que les fonds respectifs des parties étaient particulièrement abrupts, étant notamment composés, chacun, d'une falaise, avec une partie difficilement accessible.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2-Sur les demandes des consorts [R] [D] :

2-1 :Les demandes de démolition fondées sur les articles 1240 du code civil et L480-14 du code de l'urbanisme :

Les appelants poursuivent, sur le fondement des articles 1240 du code civil et L 480-4 du code de l'urbanisme la démolition des travaux non-conformes réalisés par Madame [C], selon ce qui a été relevé par l'expert judiciaire en pages 54 et 55 de son rapport.

Madame [C] soulève l'irrecevabilité de ces demandes faute d'intérêt à agir en l'absence de préjudice.

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Cependant :

-en premier lieu, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimée sollicite que les appelants soient déboutés de leurs demandes et non qu'ils en soient déclarés irrecevables,

-en second lieu, l'absence de préjudice, à la supposer établie, est une condition de succès de l'action et non de recevabilité de celle-ci,

-en troisième lieu, les consorts [R] [D], qui invoquent l'irrégularité des constructions édifiées, créatrices de gênes, justifient de leur intérêt à agir.

Les appelants poursuivent la démolition des ouvrages suivants, tels que figurant en pages 54 et 55 du rapport de l'expert judiciaire :

- au rez-de chaussée de la maison : la démolition de l'extension du balcon du rez de chaussée ainsi que de l'abri de balcon, l'expert judiciaire ayant constaté la fermeture de l'abri de balcon par une baie vitrée et la réalisation d'un mur agrandissant de fait la pièce à vivre d'une surface de 5,43 m2 (et non de 9m2 comme indiqué par les intimés) sans autorisation,

-au niveau -1 : la démolition de la fermeture de la terrasse.

Les appelants se prévalent des articles L480-4 du code de l'urbanisme et 1240 (1382 ancien) du code civil..

L'article L480-4 du code de l'urbanisme contient des dispositions pénales, non applicables au présent litige.

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les appelants doivent donc rapporter la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

Il ressort à suffisance du rapport d'expertise judiciaire que les constructions précitées ont été réalisées sans autorisation d'urbanisme, ou « sans conformité », précise l'expert.

En effet, des surfaces supplémentaires, non autorisées pour ne pas avoir été déclarées, ou encore non conformes aux déclarations de travaux, ont été créées par l'effet des construction litigieuses.

Ces constructions, irrégulièrement édifiées, en méconnaissance des règles d'urbanisme, constituent, ainsi que l'a retenu le tribunal, une faute imputable à Madame [T] [C], en sa qualité de maître de l'ouvrage.

Cependant, les appelants doivent, en outre, justifier d'un préjudice en lien de causalité directe avec la faute dénoncée.

Or, la seule irrégularité de la construction au regard des règles d'urbanisme ne suffit pas à caractériser le préjudice.

Les appelants se prévalent d'une gêne et d'une impossibilité de disposer et de jouir paisiblement de leur propriété, notamment de leur terrasse côté mer, en raison du caractère plongeant des vues, obliques notamment. Ils invoquent également des nuisances sonores et visuelles quotidiennes du fait de la mitoyenneté des propriétés.

Cependant, la situation de mitoyenneté était antérieure aux constructions édifiées irrégulièrement et il n'est pas démontré une aggravation par le fait que les constructions litigieuses aient créé des agrandissements et avancements de la villa de Madame [C].

Les nuisances sonores ne sont pas documentées et la preuve d'un lien direct entre les nuisances déplorées et les constructions litigieuses n'est, a fortiori, pas établie, en l'état de surcroît de la proximité immédiate de l'ensemble des propriétés, telle qu'elle ressort des clichés photographiques produits aux débats.

Les vues obliques ne sont pas caractérisées, ainsi qu'il sera démontré au point 2-2 de l'arrêt, pas plus que la perte d'intimité.

Par ailleurs, la circonstance que, selon l'expert, la démolition des éléments illicites soit le seul moyen de rendre le site conforme aux autorisations d'urbanisme, est indifférente à la caractérisation du préjudice dénoncé par les appelants.

Les photographies produites aux débats, ainsi que les procès-verbaux de constat d'huissier, sont insuffisantes à établir le préjudice allégué par les appelants.

Enfin, il sera également retenu que :

-le prolongement du balcon du rez-de-chaussée a créé une surface supplémentaire, non autorisée, de 0,58 m² dont ils n'est pas démontré qu'elle créerait un préjudice, et notamment des vues obliques ou plongeantes

-la fermeture de l'abri par une baie vitrée et par un mur qui, certes agrandit la pièce, contribue néanmoins à préserver l'intimité des fonds;

-le préjudice de jouissance n'est pas établi.

Dès lors, en l'absence de préjudice démontré, en lien direct avec les constructions litigieuses, les appelants doivent être déboutés de leur demande de démolition, par voie de confirmation du jugement entrepris.

Les appelants évoquent également le trouble anormal du voisinage, mais dans des termes tout à fait contradictoires.

En effet, on peut lire en pages 6 et 11 de leurs dernières conclusions : 

- « De plus, l'ensemble des ouvrages réalisés sans autorisation par Madame [C] peuvent être raisonnablement assimilés à un trouble anormal de voisinage »,

- « Par ailleurs, le fait de réaliser un ouvrage sans autorisation d'urbanisme, ce qui constitue une infraction pénale, constitue également une faute civile, qui engage la responsabilité notamment sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et également en tant que de besoin au titre du trouble anormal de voisinage »;

alors qu'en pages 7 et 8, les appelants indiquent, en réponse aux conclusions de Madame [C]:

« En effet, force est de constater que les demandes formées par la concluante ne sont pas fondées sur la théorie des troubles anormaux de voisinage mais sur la responsabilité délictuelle en présence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité »,

-« Les différentes jurisprudences citées par Madame [C] concernant le fait que la seule infraction à une disposition administrative ne saurait suffire à déduire l'existence de troubles anormaux sont donc sans objet et ne sauraient servir au débat juridique dans la présente affaire ».

Il doit en être conclu qu'en déclarant expressément que leurs demandes n'étaient pas fondées sur le trouble anormal de voisinage, les appelants n'ont pas entendu se prévaloir de ce fondement qui, dès lors, ne sera pas examiné.

2-2 :Sur la demande de démolition du balcon édifié par Madame [C], sur le fondement de l'article 679 du code civil:

Les consorts [R] [D] poursuivent la démolition du balcon édifié par Madame [C], sur le fondement de l'article 679 du code civil car il serait créateur de vues sur leur fonds.

Selon l'article 678 du code civil, on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions

L'article 679 du code civil énonce qu'on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance.

L'article 680 du même code dispose que la distance dont il est parlé dans les deux articles précédents se compte depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture se fait, et, s'il y a balcons ou autres semblables saillies, depuis leur ligne extérieure jusqu'à la ligne de séparation des deux propriétés.

C'est sur les consorts [R] [D] que repose la charge de la preuve.

Il est constant qu'alors que le balcon de Madame [C] se trouvait en retrait, celle-ci a effectué des travaux ayant abouti à une avancée de ce balcon vers la mer.

L'expert judiciaire a relevé :

«Lors de nos différentes réunions expertales nous avons pu constater que le prolongement du balcon crée des vues obliques de la propriété [C] sur la propriété [R] [D], voir photos 8 et 9.

De plus, suite au relevé du géomètre, nous pouvons constater que la surface du balcon qui a été réalisé, représente une surface de 0,58m² non conforme à la surface demandée.

Les travaux nécessaires pour supprimer les vues illicites sont des travaux de démolition de l'agrandissement du balcon ».

L'expert judiciaire a donc conclu à l'existence de vues obliques.

Cependant, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, aucune mesure n'a été réalisée au cours des opérations d'expertise, permettant d'une part, de démontrer que les prescriptions édictées par les textes précités auraient été méconnues, d'autre part que des vues obliques auraient été créées, au sens où l'entend l'article 679 du code civil.

Pourtant, un dire avait été adressé en ce sens à l'expert, lequel n'a pas donné lieu à des investigations complémentaires.

Selon les appelants, le balcon du premier étage serait implanté en limite de propriété et créerait « par définition » des vues obliques à moins de 60 centimètres de leur fonds.

Néanmoins, cette affirmation, pas plus que les photographies versées aux débats, ne suffit à rapporter la preuve que les distances instituées par le code civil n'auraient pas été respectées.

Enfin, alors que la preuve de l'illicéité des vues incombe aux consorts [R] [D], qui poursuivent, sur ce fondement, la démolition du balcon, il ne peut être fait grief à Madame [C] de ne pas avoir sollicité un géomètre expert pour qu'il procède à des mesures.

Dès lors, faute de rapporter la preuve que les distances prescrites par le code civil ont été enfreintes par Madame [C], les consorts [R] [D] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de ce chef, par voie de confirmation du jugement entrepris.

2-3: Sur la demande des appelants tendant à la condamnation de Madame [C] à procéder à des travaux de confortement sur la falaise située sur son fonds.

Madame [C] soulève l'irrecevabilité de ces demandes faute d'intérêt à agir en l'absence de préjudice.

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Cependant :

-en premier lieu, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimée sollicite que les appelants soient déboutés de leurs demandes et non qu'ils en soient déclarés irrecevables,

-en second lieu, Madame [C] n'indique pas en quoi les appelants seraient dépourvu d'intérêt à agir, la cour relevant, en toute hypothèse, que la circonstance selon laquelle les consorts [R] [D] se prévalent uniquement d'un dire adressé à l'expert, est une condition de succès de l'action et non de recevabilité de celle-ci,

-en troisième et dernier lieu, les consorts [R] [D], qui invoquent un risque d'affaissement, justifient de leur intérêt à agir.

Pour débouter les consorts [R] [D] de leur demande de ce chef, les premiers juges ont retenu, à juste titre, que:

-aucune mission n'avait été confiée à l'expert de ce chef,

-la constatation de l'expert judiciaire, selon laquelle « la partie de la falaise située sur le fonds [C] est fragilisée par l'absence de travaux de soutien et présente un risque d'affaissement d'autant plus que le pluvial de la terrasse n-1 se déverse à cet endroit », n'a été émise qu'en réponse à un dire,

-l'argument tiré de la sécurité publique était étranger au débat,

-la préservation du droit de propriété de Madame [C] interdisait le prononcé de toute condamnation à son encontre sur le seul fondement d'un « risque » évoqué par l'expert, en périphérie de sa mission.

La cour relève, en outre, que :

-dans le rapport d'expertise, aucune indication n'est donnée quant aux travaux à réaliser.

-il ne peut être déduit des travaux confortatifs effectués par les consorts [R] [D] sur leur propre fonds, que des travaux identiques pourraient être recommandés sur le fonds de Madame [C], ni adaptés à celui-ci.

-l'expert judiciaire évoque un risque, sans se prononcer sur son caractère d'urgence.

Il s'ensuit que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [R] [D] de leur demande à ce titre.

2-4: Sur la demande de dommages-intérêts :

La cour, se référant expressément à la motivation qu'elle a retenue aux points 2-1 et 2-2 de son arrêt, ne peut que débouter les appelants de leur demande de dommages-intérêts en l'absence de démonstration d'un préjudice de jouissance en lien causal avec les constructions litigieuses édifiées par Madame [C].

Le jugement entreprise sera également confirmé de ce chef.

Vu les articles 696 à 699 et 700 du code de procédure civile,

Par ces motifs

La cour après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 23 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Toulon en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné in solidum Madame [O] [R]-[D], [J] [D], [G] [D] et [P] [D] à démolir le mur édifié en pied de falaise sur le fonds de Madame [C], sur une longueur de 3,30 mètres et d'une surface de 40 m2.

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déboute Madame [T] [C] de sa demande de condamnation de Madame [O] [R]-[D], [J] [D], [G] [D] et [P] [D] à démolir le mur édifié en pied de falaise sur le fonds de Madame [C], sur une longueur de 3,30 mètres et d'une surface de 40 cm2 (et non de 40 m²).

Condamne Madame [O] [R]-[D], [J] [D], [G] [D] et [P] [D] à payer à la société EPC France la somme de 2200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Dit n'y avoir lieu à plus ample application de ce texte devant la cour.

Dit que les dépens d'appel seront supportés à raison de 2/3 par les appelants et d'1/3 par Madame [T] [C] et distraits au profit de Maître Kharoubi-Mattei et de Maître Jocelyne Puvenel, avocats au barreau de Marseille, qui en ont fait la demande.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/12485
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.12485 ?
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