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29/09/2022 | FRANCE | N°19/09181

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 29 septembre 2022, 19/09181


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/

FB/FP-D











Rôle N° RG 19/09181 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMRT







SARL SUD PREVENTION SECURITE





C/



[C] [H]



















Copie exécutoire délivrée

le :

29 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE






Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 16 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00238.





APPELANTE



SARL SUD ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/09181 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMRT

SARL SUD PREVENTION SECURITE

C/

[C] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

29 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 16 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00238.

APPELANTE

SARL SUD PREVENTION SECURITE prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [C] [H], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Sud Prévention Sécurité (la société), composée de quatre établissements ([Localité 5], [Localité 6] [Localité 8] et [Localité 4]) exerce une activité d'enseignement de la conduite et est adhérente à l'association ECF rassemblant un réseau d'entreprises composé d'agences et de centres de formation professionnelle.

Mme [H] (la salariée) a été engagée le 2 septembre 2013 par contrat à durée indéterminée à temps partiel par la société en qualité de responsable de centre, statut cadre, échelon 1A, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1500 euros pour 86 heures par mois.

Sans avenant au contrat de travail, son temps de travail a été porté à temps complet en décembre 2014 et elle a affectée à l'établissement de [Localité 6]. Elle percevait au dernier état de la relation contractuelle un salaire brut de base de 3500 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des services de l'automobile.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.

Le 24 février 2017 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 3 mars 2017.

Par lettre du 13 mars 2017 la société lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle en ces termes :

'Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs d'un éventuel licenciement,

à savoir votre insuffisance professionnelle au poste de responsable de centre que vous occupez depuis le 2 septembre 2013.

Vous êtes chargée de diriger le centre de [Localité 6] et remplir les missions suivantes:

-Faire appliquer la politique et la stratégie de l'entreprise (politique qualité, commerciale et exploitation, gestion financière) décidée en réunion de direction

-S'assurer de la diffusion, de l'adhésion du personnel et de la cohérence des actions par rapport à la stratégie

-Représenter l'entreprise auprès des pouvoirs publics et des principaux prescripteurs régionaux (Pôle emploi, Région...)

-Assurer le suivi et le contrôle de l'atteinte des objectifs par le biais de contrôles réguliers

-Garantir le respect de la politique et de la stratégie de l'entreprise

-Animer l'équipe administrative

-S'assurer de la réalisation des QUIZZ de l'équipe administrative

-Encadrer l'équipe pédagogique

Vos responsabilités étaient déterminées comme suit:

-Assurer la pérennité, la cohérence et l'animation du site

-Veiller à la santé financière du site

-Mettre en place la stratégie commerciale du site et en fixer les objectifs chiffrés avec le Dirigeant et le Responsable commercial

-Manager l'équipe commerciale, administrative et pédagogique

-Veiller au respect des intérêts du client, de la réglementation et des capacités internes

Nous constatons que vous ne réalisez pas de manière satisfaisante les missions qui vous sont directement confiées, non plus que vous n'avez su assurer votre rôle de contrôle et de supervision des dossiers permettant la bonne marche du centre.

L'audit de contrôle de gestion effectué sur la période de septembre 2016 à janvier 2017 révèle:

l-Contrôle de gestion

Des écarts de chiffres d'affaires réalisés sont constatés:

Mois de septembre 2016 : +295€

Mois d'octobre 2016 : -2 774€

Mois de novembre 2016: -2482€

Mois de décembre 2016: -5 677€

Mois de janvier 2017 : +3 276€

Soit un total du -7 362€ dû à une mauvaise saisie de la validation hebdomadaire des heures

de formations des stagiaires

Est également relevée l'absence de contrôle des conventions terminées depuis des mois, engendrant des régularisations faites au 31 janvier 2017, soit en + 32 847€ et en - 44 588€, soit un delta de 11 741€.

2- Relances des factures dues

Aucune relance n'a été réalisée depuis février 2016 sur certaines factures (aucune relance effectuée par le système FORMAGEST, ni de relance téléphonique).

-Factures OPCA : montant de 34 224€

Ex :

Facture 069315070309 OPCATP : 6048€

Facture 060315120364 OPCATP : 5487€

Facture 069315100400 FAFTT : 6 038,40€ (contrat de prestation signé manquant)

Facture 069315100437 FAFTT : 2 305,80€ (un retour de convention signée manquant)

-Factures entreprises diverses: montant de 18 141€

Ex :

Facture 069315120542 AUTOCARS [Localité 3]: 2070€

Facture 069315100269 LOPEZ TAVARES: 1 424€

-Factures particuliers: montant de 3 678€ pour 2015 et 2016

Ex :

Facture 060315110298 SILVE : 1850€

-Factures FONGECIF : montant de 36 655€

Ces actions de formation sont terminées certaines depuis plusieurs mois, il suffisait de relancer les entreprises afin d'être réglées par le FONGECIF.

Ex :

Facture 069316100504 11/10/2016 : 6586,99€

Facture 069316090489 30/09/2016 : 6 588€

Certains montants ne sont pas récupérables, car factures trop anciennes (Intergros : 554,88€, 574,06€) ...

Pour les factures OPCA, le délai est d'un an à compter de la fin de l'action de formation pour relancer le dossier (bien souvent il manque juste un document: contrat de prestation, convention, feuille de présence ..., pour débloquer le règlement).

Le risque de non-paiement des factures datant de l'année 2015 s'élève à un montant de 25000€.

3- Bilan pédagogique et financier

Des erreurs de contrôle de conventions saisies sont relevées.

Ce qui a pu impliquer des erreurs au niveau des factures, certaines conventions sont éditées avec TVA, d'autres non '!

Ex :

Tableau SGAMI certaines conventions 0693 sont avec TVA d'autres non

4- Erreurs de saisie

Des erreurs de saisie des actions de formation sur les volumes d'heures sont constatées, des taux horaires ne sont pas renseignés, ....

Ex :

Actions AFC TITRE PORTEUR392 heures Centre + 105 heures Entreprise, or 385 heures

Centre sont notées (qui est l'action catalogue)

Nous sommes donc contraints de régulariser, lorsque cela est possible, l'ensemble des négligences qui apparaissent, soit par votre propre inertie, soit par défaut de contrôle de l'activité des personnes placées sous votre autorité.

Votre inaptitude au poste est préjudiciable aux intérêts de l'entreprise dans la mesure où elle engendre des coûts supplémentaires, des erreurs de gestion, des situations comptables faussées et une mauvaise image de notre société.

Ces manquements empêchent de tenir une gestion saine et sécurisée du site.

Dans ces conditions, et compte tenu du poste de responsable de centre, statut cadre qui vous a été confié, nous ne pouvons nous permettre de vous conserver plus longtemps dans nos effectifs, sans porter préjudice à la pérennité du centre confié.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle'.

La salariée a saisi le 21 mars 2018 le conseil de Prud'hommes de Nice de demandes en reconnaissance d'un harcèlement sexuel et d'un harcèlement moral, de dommages et intérêts subséquents, d'une contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement, d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, d'une demande de dommages et intérêts pour préjudice de carrière et de rappel de prime annuelle 2017, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes pour les créances de nature salariales, à compter du jugement pour les créances de nature indemnitaire et leur capitalisation, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Nice a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [C] [H] par La Société Sud Prévention Sécurité ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que les éléments fournis pour démontrer le harcèlement sexuel et moral ne sont pas probants.

- En conséquence, condamne La Société Sud Prévention Sécurité à payer les sommes suivantes à Madame [C] [H]:

- 33 023€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans causes réelles et sérieuses.

- 1500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- débouté les parties de toutes les autres demandes tant principales que reconventionnelles,

- condamné La Société Sud Prévention Sécurité aux entiers dépens.

La société a interjeté appel du jugement par acte du 7 juin 2019 en énonçant :

'Objet/Portée de l'appel: L'appel tend à l'infirmation ou l'annulation du jugement entrepris en ce qu'il a partiellement fait droit aux moyens et prétentions de Madame [H], en rejetant les moyens et demandes reconventionnelles de la société Sud Prévention Sécurité, pour:

Dire et juger que le licenciement de Madame [C] [H] par la société Sud Prévention Sécurité ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, condamner la société Sud Prévention Sécurité à payer les sommes suivantes à Madame [C] [H]:

° 33.023 C à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans causes réelles et sérieuses

° 1.500 C au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouter la société Sud Prévention Sécurité de ses demandes reconventionnelles, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Condamner la société Sud Prévention Sécurité aux entiers dépens.'

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 mai 2022, la SARL Sud Prévention Sécurité, appelante, demande de :

RECEVOIR la Société Sud Prévention Sécurité en son appel.

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il :

«Dit et juge que le licenciement de Madame [C] [H] par la société Sud Prévention Sécurité ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence. condamne la société Sud Prévention Sécurité à payer les sommes suivantes à Madame [C] [H].

' 33 023 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile

Condamne la société Sud Prévention Sécurité aux entiers dépens. »

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER le licenciement pour insuffisance professionnelle justifié,

DEBOUTER Madame [C] [H] de son appel incident visant à la condamnation de la société Sud Prévention Sécurité au versement des sommes suivantes:

- 3 607,93 € à titre de rappel de salaire pour la prime annuelle 2017 non perçue,

- 360,79 € à titre de congés payés afférents,

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts spécifique pour harcèlement moral et sexuel,

- 37 150,92 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement

sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière

- 3 000 € au titre des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

DEBOUTER Madame [C] [H] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions

CONDAMNER Madame [C] [H] au versement d'une somme de 3 500 € en application des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix-En-Provence, avocats aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mai 2022 Mme [H], intimée, demande de :

1. DECLARER [C] [H] recevable en ses conclusions et bien fondée en ses demandes,

2. DEBOUTER, en conséquence, la société Sud Prévention Sécurité de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

3. FIXER le salaire moyen de [C] [H] à la somme de 4.127,88€,

4. CONFIRMER le jugement rendu le 16 mai 2019 par le Conseil de prud'hommes de Nice en ce qu'il a :

- jugé le licenciement de [C] [H] notifié le 14 cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Sud Prévention Sécurité à payer à [C] [H] les sommes suivantes:

' 33.023 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Sud Prévention Sécurité aux entiers dépens

5. INFIRMER le jugement rendu pour le surplus,

Statuant à nouveau,

6. CONSTATER l'existence de faits de harcèlements moral et sexuel,

7. CONSTATER que le licenciement notifié le 14 mars 2017 à l'encontre de [C] [H] est nul et, subsidiairement, dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

8. CONDAMNER la société Sud Prévention Sécurité à payer à [C] [H] les sommes de:

- 3.607,93€ à titre de rappel de salaire pour la prime annuelle 2017 non perçue,

- 360,79€ à titre de congés payés y afférents,

- 20.000 € à titre de dommages et intérêts spécifique pour harcèlement moral et sexuel,

- 37.150,92 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière,

- 9.200 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaires et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil,

CONDAMNER la société Sud Prévention Sécurité en tous les dépens.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2022.

SUR CE

Sur le harcèlement sexuel

Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa version applicable, aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Selon l'article L.1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4 le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte qu'il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement.

En application de l'article L.1153-5 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner.

En l'espèce la salariée impute au dirigeant de la société, M. [S], des agissements répétés en vue de rapprochements intimes et sexuels et ce, à compter de 2016. Elle précise qu'ils avaient une relation amicale pour avoir entretenu des liens professionnels dès 2008 lorsqu'elle était encore elle-même exploitante d'une auto-école affiliée au même réseau ECF et que ce dernier était à l'origine de son engagement dans la société intimée.

A l'appui du harcèlement sexuel allégué, elle invoque les faits suivants:

- il lui adressait des SMS équivoques, suggérant de dépasser le cadre des seuls rapports professionnels;

- il multipliait les appels téléphoniques y compris sur les temps de repos;

- il lui promettait ou offrait des cadeaux dans le but d'une relation intime;

- il lui demandait de partager une chambre lors des déplacements professionnels;

- il l'a menacée avec des clichés photographiques d'elle trouvés dans la boîte mail d'un autre collaborateur M. [N].

Après analyse des pièces du dossier la cour relève que les faits reposant sur des menaces au moyen de clichés photographiques ne sont établis par aucun des éléments produits.

La cour relève ensuite que sur les faits reposant sur la multiplication des appels téléphoniques et les offres ou promesses de cadeaux, la salariée produit certes des attestations de proches mais qui n'apportent aucune indication précise sur les faits invoqués, dès lors que celles-ci se limitent soit à rapporter les doléances de la salariée sans en être directement témoin (M.[M], Mme [SE], M. [I], M. [G], Mme [F]), soit à procéder par affirmation générale sans énoncer aucun élément circonstancié précis corroboré par des éléments objectifs (sa fille Mme [R] dont l'attestation est par ailleurs pour l'essentiel illisible, ou M. [Z] qui se borne à indiquer avoir pu constater que [O] [S] l'appelait 'très souvent, y compris les week-ends et en soirée'). Toutefois l'ensemble de ces témoignages rapporte la gêne et le mal-être constaté chez la salariée, y compris au regard des éventuelles répercussions sur son emploi, par le comportement de M. [S].

En revanche la cour relève que les faits reposant sur l'envoi de messages équivoques et suggestifs sont établis par la production des SMS suivants:

- 'Tu es très gentille ! Sauf avec moi !'

-'Je te souhaite une très belle journée. Je t'embrasse tendrement ''

-'Je commence à vieillir! Je pers la tête, à moins une ce soit toi qui me....' 'Et peut-être aussi un peu des 2!'

- 'Tu vois tu ne me parles que de boulot!' 'Ca n'empêche que l'on puisse se parler d'autre chose'

- 'J'ai envie de te voir, on s'organise comment' J'étais sûr que tu ne répondrais pas mais bon!'

-'Je te confirme que je conçois mal que tu puisses envisager de ne plus travailler avec moi! Je ne peux même pas l'imaginer!'

- 'J'aurais aimé être là pour fêter avec toi ton anniversaire mais c'est partie remise. Je t'embrasse très fort'

- 'Je t'ai vue descendre de la voiture et je t'ai suivie du regard. Je te trouve en beauté et très désirable ! J'avais envie de t'embrasser' puis ensuite de la réponse de la salariée ('tu n'es pas objectif mais merci') 'J'aurais préféré que tu répondes moi aussi'

- 'Je manque tout et de plus tu me dis toujours non. Je n'arrive plus à convaincre!'

- à propos d'échanges sur un déplacement à Aix 'Ca me va mais on y fait quoi ' (restaurant) 'C'est tout '' 'Tu ne réponds pas '' 'Ah, moi je pensais à d'autres occupations',

- Au delà des élections, je n'arrive pas à te faire dire oui!Tu vois que je n'arrive plus à rien!'

outre des SMS réguliers de type 'Tu fais la tête'' 'Tout va bien'', 'Bonjour, bien dormi'' 'Toujours pas répondu à mes SMS!' 'Décidément tu ne veux pas me répondre!' 'Tu roules toujours '' 'Alors pourquoi du ne me réponds pas '' 'Réponds !!!'

De la même façon les faits reposant sur l'incitation à partager une seule chambre lors de déplacements professionnels sont établis par le SMS qu'elle produit du mois de septembre à propos de réservations lors d'un déplacement :'1 ou 2 chambres '' 'Communicantes alors '', venant corroborer l'attestation de M. [Z] indiquant 'Début octobre elle devait se rendre à un séminaire à [Localité 7] et son employeur voulait qu'ils prennent une seule et même chambre, j'ai pu écouter leurs échanges au téléphone, [O] [S] était pour le moins explicite et lui proposait non seulement de partager la chambre mais aussi un week-end de rêve à [Localité 7]... J'étais stupéfait à quel point il insistait, non seulement par téléphone mais ensuite par messages' et celle de M. [V] selon lequel début octobre écoutant une conversation '[O] [S] lui proposait de prendre une chambre pour 2 ou de changer d'hôtel si la présence des autres conférenciers la gênaient, il lui laissait le soin de trouver un hôtel très chic, même un palace parisien si elle le souhaitait'.

Il s'ensuit que la salariée établit la matérialité de faits, qui pris dans leur ensemble, font présumer des agissements de harcèlement sexuel par les sollicitations répétées, insistantes à connotation sexuelle du dirigeant de la société créant à son encontre une situation intimidante et offensante.

A ces éléments la société qui réfute tout harcèlement sexuel de M. [S], oppose d'une part les relations de grande proximité qu'ils entretenaient depuis de nombreuses années, alimentées par la salariée qui s'est appuyée sur M. [S] pour l'aider à sortir de ses difficultés professionnelles et financières antérieures, d'autre part l'attitude elle-même 'excentrique', 'inappropriée' de la salariée en milieu de travail à l'égard des collaborateurs et en particulier à l'égard de la gent masculine.

La société verse ainsi aux débats :

- des pièces relatives à la cession du fonds de commerce de la salariée assorties d'échanges de mails entre la salariée et M [S] dont il résulte qu'elle sollicitait ses conseils;

- un mail du 30 avril 2014 adressé par la salariée durant ses vacances à New-York à M. [S] dont il ne résulte que des nouvelles brèves et banales ;

- des échanges de mails professionnels avec M. [S] courant 2015 et 2016 dont il ressort que la salariée sollicitait fréquemment M. [S] pour avis et concluait ses messages par 'Bizzzz', 'Je t'embrasse', 'Merciiiiiiii', 'Très belle journée','Bisousss' ajoutant en janvier 2015 'Ps : tu te fais rare' ou 'Bisous et bon courage', 'Merci grand chef', 'Tu es mon maître' (à la suite de l'envoi à M. [S] de son message adressé à son supérieur hiérarchique pour lui rappeler qu'en sa qualité de chef de centre, les relances concernant [Localité 6] devaient lui être adressées personnellement, ce à quoi ce dernier répondait 'C'est très bien, le métier rentre de plus en plus'), 'Ciao bello';

- les attestations de salariés affirmant que la salariée ne s'était jamais plainte de harcèlement (M. [T], inspecteur du permis) et n'avoir jamais constaté ou été l'objet de gestes ou propos déplacés de M. [S] (Mme. [B], attachée de direction, Mme [W], conseillère formation, Mme [D], assistante de direction) ;

- les attestations de salariés selon lesquelles la salariée intimée a cherché à entretenir ou a entretenu des relations sexuelles dans le cadre professionnel et usait de comportements inappropriés :

-M. [N], directeur d'exploitation, affirmant que la salariée n'était 'pas insensible à sa personne', qu'elle lui faisait des'avances, parfois avances insistantes (attitudes lors de réunions très provocantes)', qu'elle 'a toujours souhaité avoir une relation avec moi...lors des dernières années son attitude fut plus pressante lors de réunion (tenue plus que légère, voir sans sous-vêtement), d'envoi de mail sur ma boîte de travail (photo en tenue légère)' ;

- M. [A], formateur indiquant avoir reçu les confidences de M. [L] sur des relations intimes avec la salariée qui n'était pas 'farouche';

- M. [Y], moniteur auto-école, selon lequel elle était 'provocante et aguicheuse avec les élèves de l'auto-école', évoquant notamment une liaison avec un élève de 17,5 ans pour lequel elle aurait quitté son mari ;

- Mme [D], assistante de direction qui déclare qu'elle tenait des propos 'incorrects' de type 'alors les filles vous avez bien baisé ce week-end '', 'oh moi j'aurai préféré que ce soit M. [S] qui me prépare mon thé', 'Tu as vu cette petite jupe, j'espère qu'elle va plaire à [S]', le témoin ajoutant que ce dernier restait distant à ces sollicitations;

- M. [E], directeur de centre, qui indique avoir 'observé des comportements complètement inadaptés au milieu professionnel' en ce qu'elle 'était venu en réunion de chef de centre (sans sous-vêtement) elle le faisait bien apparaître en direction d'un autre collaborateur pour que celui-ci le remarque, faisant des mouvements très étendus des jambes' et en ce que 'à de nombreuses reprises, elle a employé des termes avec ses collaborateurs très en dessous de la 'ceinture'' et elle 'laissait souvent sous-entendre des relations intimes avec les uns ou les autres pour qu'elle puisse être intouchable'; - M. [K], directeur centre de formation, selon lequel la salariée lui confiait qu'elle aimait fréquenter des hommes plus jeunes qu'elle et évoquait elle-même des relations privilégiées avec M. [S].

A l'analyse de l'ensemble de ces pièces, la cour relève d'abord qu'aucun des messages de la salariée à l'attention de M. [S] ne comporte d'élément excédant la nature d'une relation amicale, admise par la salariée elle-même.

Il résulte même de certains mails produits par l'employeur que M. [S] était celui qui dépassait ce cadre et auquel la salariée opposait une limite.

Ainsi au mail du 21 octobre 2014 qu'elle lui adressait pour lui transmettre le compromis de vente de son fonds de commerce en ajoutant 'Merci pour tout ce que tu fais pour moi .....' celui-ci répondait 'Et oui. Maintenant j'attends ma récompense ! On peut toujours espérer';

Dans l'échange de mails du 7 janvier 2015 M. [S] se plaignant de caprices de salariés, concluait qu'il allait commencer à en faire également, ce à quoi la salariée répondait 'ça c'est sûr et puis il paraît que les patrons ont tous les droits', donnant lieu au message en réponse suivant de M. [S] 'A oui je retiens ! Jusqu'où ''', auquel la salariée répondait 'Attention !! Tu files un mauvais coton. Allez je m'en vais. Bonne soirée !'.

La cour relève ensuite que les attestations ainsi produites ne font pas état d'un comportement de la salariée à l'égard de M. [S], excepté celle de Mme [D] qui n'est confirmée par aucun autre élément et dont il convient de relever que l'identité de son auteur n'est pas justifiée de sorte qu'elle est contestable dans la forme.

Et en tout état de cause, ces attestations qui décrivent la salariée comme ayant eu un comportement séducteur en milieu professionnel, ce que celle-ci dément formellement en ce compris les relations sexuelles qui lui sont prêtées avec un élève et un formateur, ne sont pas de nature à constituer un élément justificatif des agissements de M. [S] établis par les SMS qu'il a rédigés et qui sont ci-dessus retranscrits.

Il s'ensuit que la société n'apporte aucun élément objectif démontrant que les faits matériellement établis par la salariée et faisant présumer un harcèlement sexuel, ne sont pas constitutif d'un tel harcèlement.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour dit que le harcèlement sexuel est constitué.

Sur le harcèlement moral

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment; en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement; il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme alors sa conviction.

En l'espèce la salariée expose avoir subi un harcèlement moral à compter de novembre 2016 consécutivement au refus qu'elle a opposé aux sollicitations sexuelles de M. [S].

Elle invoque au soutien de sa prétention à la reconnaissance d'un harcèlement moral des faits qui se présentent comme suit :

- l'envoi par M. [S] d'un mail aux responsables de centre le 20 décembre 2016 critiquant et dénigrant les pratiques et l'encadrement du centre de [Localité 6];

- l'organisation le 16 février 2016 d'un audit du centre de [Localité 6] durant son absence pour congés payés ;

- l'annonce dès le 10 février 2017 d'une volonté de rompre son contrat de travail avec option soit de rupture conventionnelle, soit de licenciement;

- sa mise à l'écart à son retour de congés le 22 février 2017 par la décision prise, sans consultation préalable et durant son absence, d'une réorganisation du centre ayant pour effet de lui retirer les domaines d'intervention les plus importants de ses fonctions de directeur de centre.

Elle conclut en indiquant que ces faits sont à l'origine de la dégradation de son état de santé et produit la facture d'un psychothérapeute-sophrologue pour trois séances du 7 au 20 avril 2017, et l'attestation de ce dernier certifiant que la salariée a bénéficié d'un suivi psychothérapeutique du 7 avril au 24 mai 2017, justifié par 'un bouleversement physique, mental et émotionnel consécutif à un contexte professionnel difficile'.

A l'analyse des pièces du dossier, la cour dit d'abord que la matérialité du fait reposant sur l'envoi le 20 décembre 2016 d'un mail circulaire critique et dénigrant est établie par la production du mail de M. [S] adressé à la salariée, à M. [E], à M. [K], à M. [N], et énonçant :

'Je vous joins la 'prose' de notre ami [X] qui m'a fait parvenir sa démission.

Vous remarquerez, une fois de plus, que les salariés de [Localité 6] ne vivent pas en France et pensent avoir tous les droits.

En voilà un, qui pense que sans lui rien n'est possible et qui me propose (en toute illégalité !) de me louer son autorisation d'enseigner pour maintenir d'après lui notre agrément!

Ça devient la mode (à [Localité 6] Uniquement l) de demander des choses d'un autre monde!

Je ne peux, une fois de plus, que constater l'inefficacité de notre encadrement et comprends mieux pourquoi tout devient ingérable dans les Alpes Maritimes.

Ce n'est pas eux qui décident, cela devrait être nous!

Mais le constat est affligeant et faut que ça change, de grès ou de force!' ,

dès lors que ce mail adressé à plusieurs destinataires de la société vise explicitement l'inefficacité de l'encadrement du centre de [Localité 6] dirigé par la salariée et distingue négativement ce secteur.

La cour relève ensuite qu'est établie, comme n'étant pas contesté et résultant des mails de M. [E] des 10 et 11 février 2017 la matérialité du fait reposant sur l'organisation d'un audit du centre durant son absence et ce, d'ailleurs en toute connaissance de cause puisqu'en réponse à son mail du 10 février annonçant sa venue en compagnie de Mme [J] en précisant que chaque salarié devait se rendre disponible et serait reçu individuellement en entretien et à la demande de la salariée demandant si sa présence est requise, ce dernier lui répondait par la négative le 11 février en précisant qu'elle était en congés comme il lui avait demandé la veille.

La cour dit également que la salarié établit le fait que la société a manifesté dès le 10 février 2017, soit concomitamment à la décision d'audit, la volonté de rompre son contrat de travail par la production de son mail à M. [E] énonçant:

'Suite à notre conversation concernant mon départ, vous serait-il possible de me faire une simulation sur les indemnités en cas de rupture conventionnelle ou de licenciement.', auquel celui-ci répondait : 'Bonsoir

Pour infos :

En cas de rupture nous sommes à 3800

En cas de licenciement pour faute: 0".

Sur sa mise à l'écart par une réorganisation décidée en son absence ayant pour effet de lui retirer des attributions essentielles et par voie de conséquence ses responsabilités en matière de santé financière, de stratégie commerciale, d'atteinte d'objectifs chiffrés, de gestion des clients, de respect de la réglementation, la salariée produit :

- un document interne intitulé 'Définition d'une première réorganisation Centre de [Localité 6]' présentant une redistribution des tâches impactant trois salariées dont il liste les nouvelles attributions et concluant par ' Mme (la salariée) garde ses attributions sauf la gestion des heures et de la facturation qu'elle supervise', les dites tâches étant désormais pour l'essentiel dévolues à une autre salariée Mme [P] dont les fonctions font l'objet d'un 'recentrage sur la gestion des dossiers' comprenant notamment la 'reprise immédiate de toute la facturation' et la 'validation et saisie des heures stagiaires' ;

- la fiche descriptive de fonction du directeur de centre définissant ses responsabilités comme étant celles d' 'Assurer la pérennité, la cohérence et l'animation d'un site. Veillez à la santé financière d'un site. Mettre en place la stratégie commerciale du site et en fixer les objectifs chiffrés avec le Dirigeant et le Responsable Commercial. Manager l'équipe commerciale, administrative et pédagogique. Veiller au respect des intérêts du client, de la réglementation et des capacités internes', et les missions suivantes attachées à la fonction :

'' Faire appliquer la politique et la stratégie de l'entreprise (politique qualité, commerciale et exploitation, gestion financière) décidée en réunion de direction

' S'assurer de la diffusion, de l'adhésion du personnel et de la cohérence de action par rapport à la stratégie.

' Représenter I'entreprise auprès des pouvoirs publics et des principaux prescripteurs régionaux (Pôle Emploi, Région, etc)

' Assurer le suivi et le contrôle de l'atteinte des objectifs par le biais de contrôles réguliers

' Garantir le respect de la politique et de la stratégie de l'entreprise.

' Animer l'équipe administrative

' S'assurer de la réalisation des QUIZZ de l'équipe administrative

' Encadrer l'équipe pédagogique'.

A l'examen comparé de ces éléments, la cour relève que s'il ne permet pas d'apprécier les répercussions quantitatives et qualitatives de cette redistribution des tâches de facturation et de gestion des heures de conduite au regard de la définition générale du poste de directeur de centre, pour autant ces pièces établissent un rétrécissement de son périmètre d'action décidé unilatéralement dès lors que la réorganisation n'énonce que le retrait de certaines attributions sans être accompagné de nouvelles missions ou d'un recentrage sur d'autres missions. Par ailleurs est établi comme résultant des pièces du dossier et n'étant pas contesté que cette réorganisation a été décidée en son absence et sans consultation préalable.

Il s'ensuit que la salariée établit partiellement le fait, en ce que la société lui a retiré des attributions par la réorganisation décidée unilatéralement et sans information préalable durant ses congés payés.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la salariée établit ainsi la matérialité de quatre faits précis et concordants, reposant sur :

- l'envoi le 20 décembre 2016 par le dirigeant d'un mail adressé à plusieurs collaborateurs portant critique et dénigrement du centre de [Localité 6] et de sa direction;

- l'organisation le 16 février 2016 d'un audit du centre de [Localité 6] durant son absence pour congés payés;

- la manifestation dès le 10 février 2017, soit concomitamment à la décision d'audit, de la volonté de l'employeur de rompre son contrat de travail;

- le retrait de certaines attributions par une réorganisation du centre de [Localité 6] décidée unilatéralement et sans information préalable durant ses congés payés;

La cour dit que ces faits, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils aurait eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.

Sur l'envoi du mail du 20 décembre 2016 la société se limite à relativiser la portée du mail en ce qu'il traduisait seulement l'agacement de M. [S] à l'encontre d'un salarié démissionnaire et n'était adressé qu'aux directeurs de centre, constituant le comité de direction et pour certains d'entre eux également actionnaires du groupe, ce qui ne correspondait donc qu'une transmission d'information entre actionnaires. Ce faisant il ne démontre par aucun élément objectif que le fait précis établi est étranger à tout harcèlement.

Sur l'organisation d'un audit en l'absence de la salariée, la société se contente d'affirmer que cette procédure de contrôle habituelle peut légitimement se dérouler hors la présence de son directeur dont la présence ne conditionne pas la validité de l'audit et elle ne produit aucun élément de nature à justifier que sa décision de procéder à un audit en son absence le 16 février 2016 est étrangère à tout harcèlement.

Sur la manifestation dès le 10 février 2017 d'une volonté de rompre le contrat de travail, la société qui ne dément pas avoir proposé une rupture conventionnelle, ne démontre par aucun élément objectif que son attitude est étrangère à tout harcèlement.

Sur le retrait d'attributions par la réorganisation du centre de [Localité 6], la société soutient que les résultats de l'audit ayant montré la nécessité de ne pas conserver la salariée à la direction de l'agence et la procédure de licenciement étant engagée dès le 24 février 2017 à la suite de son refus d'accepter une rupture conventionnelle, celle-ci ne peut dénoncer de manière opérante une mise au placard.

Il s'ensuit que la société indique en réalité avoir anticipé la rupture ce qui ne peut valoir justification et la société ne produit aucun élément objectif de nature à démontrer que son attitude est étrangère à tout harcèlement.

Il s'ensuit que faute pour la société de justifier par des éléments objectifs que tous les faits précis invoqués sont étrangers à un harcèlement moral, le harcèlement moral est constitué.

En conséquence, le jugement déféré est infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et harcèlement moral

En l'espèce la salariée réclame la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement sexuel et moral subi.

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement sexuel et le harcèlement moral sont établis.

Au vu des pièces et explications fournies sur le préjudice effectivement subi par la salariée, caractérisé par les répercussions personnelles et professionnelles de la dégradation de ses conditions de travail, la cour fixe le montant des dommages et intérêts à la somme de 8 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 8 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement sexuel et du harcèlement moral.

Sur le licenciement

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et

durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation.

Si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs, matériellement vérifiables et directement imputables au salariés. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

Par ailleurs il résulte des articles L. 1153-2 et L. 1153-3 et L. 1153-4 du code du travail que le licenciement d'un salarié victime de harcèlement sexuel est nul si ce licenciement trouve directement son origine dans ces faits de harcèlement ou leur dénonciation.

En l'espèce la salariée demande à titre principal de dire le licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse.

1° sur le licenciement nul

A l'appui de sa demande en licenciement nul, la salariée soutient que la cause réelle de son licenciement est la volonté de son dirigeant de se séparer d'elle ensuite de son refus de céder à ses avances, ce faisant du harcèlement sexuel subi.

A l'appui elle fait valoir que :

- jusqu'au licenciement, non seulement elle n'avait jamais fait l'objet de critiques sur son exercice professionnel ni de sanction, mais au contraire ses performances avaient été soulignées et valorisées à plusieurs reprises notamment par le versement de primes;

- la volonté de rupture, concrétisée en recourant à un audit qui n'avait d'autre but que de justifier une cause réelle et sérieuse dès lors qu'elle avait refusé une rupture conventionnelle , est la conséquence immédiate de son refus de céder aux avances du dirigeant.

A l'analyse des pièces du dossier la cour relève que si la salariée justifie d'un parcours professionnel valorisé par l'employeur et de l'octroi de primes exceptionnelles dont pour la dernière fois en janvier 2017 pour un montant de 5 500 euros, elle ne produit aucun élément de nature à démontrer que son licenciement pour insuffisance professionnelle, bien qu'injustifié, trouve directement son origine dans les faits de harcèlement sexuel ci-dessus établis ou leur dénonciation de sorte que sa prétention repose sur une conjecture fondée sur une relation de temporalité mais pas de causalité.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

2° sur l'insuffisance professionnelle

En l'espèce il ressort de la lettre de licenciement ci-dessus retranscrite que la société expose à l'appui du licenciement pour insuffisance professionnelle, des négligences de la salariée soit par son inertie propre, soit par défaut de contrôle des personnes placées sous son autorité, ressortant de l'audit de contrôle de gestion effectué sur la période de septembre 2016 à janvier 2017 ayant révélé :

- des anomalies dans le contrôle de gestion par des écarts de chiffres affaires réalisés dus à une mauvaise saisie de la validation hebdomadaire des heures de formation stagiaire et une absence de contrôle des conventions terminées;

- une absence depuis février 2016 de relance du paiement des facturations;

- des erreurs de contrôle des conventions saisies en ce que certaines conventions sont éditées avec TVA contrairement à d'autres ce qui a pu engendrer des erreurs de facturation;

- des erreurs de saisie sur les actions de formation.

Sur les négligences portant sur les écarts de chiffres d'affaires, la société se rapporte au rapport d'audit de contrôle de gestion du 28 février 2017 et fait valoir que leur matérialité n'est pas contestée par la salariée qui se place vainement sur le seul terrain de l'imputabilité dès lors qu'il lui appartenait de par ses fonctions de directeur de centre de veiller à la fiabilité des saisies effectuées dans son agence.

La salariée conteste la caractérisation par des éléments objectifs d'une insuffisance dans son exercice professionnel en faisant valoir que :

- les erreurs de saisie informatiques des facturations sont inhérentes au fonctionnement normal de l'ensemble des agences du groupe, connues de l'employeur et identifiées mensuellement au moyen d'un contrôle effectué au niveau de la DRH du siège qui renvoyait à chaque directeur de centre un tableau des anomalies pour rectification, le système ayant fonctionné jusqu'au licenciement de la collaboratrice affectée à ces opérations Mme [U] en septembre 2016 de sorte que de tels écarts de chiffres d'affaires concernaient l'ensemble des directeurs d'agence sans que l'employeur ne justifie justement d'un comparaison objective des écarts touchant les autres agences et dont les directeurs n'ont pas été licenciés;

- l'employeur ne justifie pas de la mise en oeuvre de son obligation d'assurer son adaptation à son poste de travail par des actions de formation ainsi que par des entretiens d'évaluation annuelle et des entretiens professionnels.

Après analyse des pièces du dossier, la cour constate d'abord que même si n'est pas sérieusement discutée l'existence d'écarts de chiffres d'affaires, la lettre de licenciement est l'exacte réplique des données chiffrées et des conclusions émises par l'employeur sur leur origine dans le rapport d'audit, au demeurant non explicitées ni étayées de sorte que celui-ci n'apporte aucun élément justifiant la matérialité des éléments énoncés dans la lettre de licenciement. Ce seul document interne n'est donc pas de nature à permettre une quelconque vérification des données y figurant ni de l'origine des écarts qu'elle avance.

La société produit une attestation de l'expert comptable du 30 juin 2017 dont il ressort qu'ayant demandé à chaque responsable de site de contrôler la facturation clients, notamment les différences relevées entre le nombre d'heures effectuées et facturées non clôturées, la salariée 'a été incapable de répondre aux questions relatives aux anomalies relevées au centre de [Localité 5]' ce qui l'a obligé 'devant l'incompétence et le manque de professionnalisme' de la salariée, à effectuer personnellement la comparaison entre les conventions, les heures effectuées par les stagiaires et la facturation, puis de procéder aux rectifications pour clôturer le bilan, ce qui ne relevait pas de ses attributions .

Toutefois cette pièce se rapporte à d'autres faits relatifs à la gestion de dossiers du centre de [Localité 5], quitté en décembre 2014 et sur une période antérieure à ceux visés dans la lettre de licenciement, de sorte qu'elle n'est pas de nature à objectiver le manquement énoncé, y compris l'appréciation subjective portée par l'attestant.

La cour relève ensuite que l'employeur reste taisant sur l'exercice et la suppression à compter de septembre 2016 d'un contrôle du service DRH du siège et ne produit aucun élément de nature à objectiver la pertinence d'une exécution particulièrement défaillante de ses attributions par rapport aux autres directeurs du groupe alors que la salariée justifie d'une part du degré de contrôle de l'adéquation conventions/facturations par Mme [U] comme du procédé de rectification en retour par la production des mails versés en pièce 23 (envois de 'la liste (des anomalies) pour [Localité 6]' par Mme [U] en 2015-2016, échanges aux fins de régularisation des dossiers identifiés), d'autre part de la réalité partagée avec les autres directeurs de centre par la production du mail circulaire de M. [S] du 22 avril 2015 commentant le tableau de productivité des centres d'[Localité 4], [Localité 8], [Localité 5] et [Localité 6] en faisant état de beaucoup d'erreurs de saisies.

La cour relève encore que la société ne produit aucun élément de nature à justifier de l'effectivité d'actions concrètes aux fins d'adaptation de la salariée à son poste de travail en l'absence de tout justificatif de formation, d'entretien professionnel ou d'évaluation, la seule attestation de Mme [Z], responsable de centre/ responsable qualité, par la généralité et l'imprécision de ses déclarations dépourvues d'élément concret (' Dans le cadre de l'intégration de Mme (la salariée), au poste de responsable de centre sur [Localité 6], j'ai été amenée à 2 reprises à former Mme (la salariée) aux contrôles mensuels faits par les responsables de centre. Notamment en date du 23/06/2015 lors d'un audit interne que j'ai effectué sur le site de [Localité 6]'), ne satisfaisant pas à cette obligation.

Le motif tiré des écarts de chiffres d'affaires invoqué dans la lettre de licenciement n'est donc pas justifié.

Sur l'absence de relances de paiement des facturations depuis février 2016, la société se réfère au rapport d'audit interne et fait valoir que sa matérialité n'est pas non plus contestée par la salariée qui en reporte à tort la responsabilité sur le siège alors que d'une part elle est responsable de l'absence d'encaissement en raison de la constitution de dossiers incomplets qui en bloque le paiement, d'autre part que les opérations de relances des clients relèvent bien de sa mission de directeur de centre.

La salariée, qui n'exclut pas la possibilité ponctuelle d'insuffisance de relances, conteste la généralité de l'absence de relances depuis février 2016 et fait valoir que :

- l'activité de relance s'effectuait en coordination avec le service comptabilité du siège, chargé de procéder aux encaissements, donc seul à avoir une visibilité sur les défauts de paiements qui relevaient de son contrôle et qui était donc chargé d'aviser les centres pour permettre de déclencher voire de réitérer les relances, or le collaborateur dédié M. [KW] a été licencié en janvier 2017 de sorte qu'elle n'a plus été destinataire d'alertes;

- la lettre de licenciement ne vise que l'absence de relances depuis février 2016 dont relative à des facturations de 2015, faits dont l'ancienneté et la contradiction avec les félicitations comme les primes sur CA et primes exceptionnelles qui lui étaient octroyées, privent le grief de tout caractère sérieux ;

- le phénomène ne lui est pas propre mais partagé avec les autres directeurs de centre alors qu'elle enregistrait parallèlement l'un des meilleurs chiffres d'affaires de la société;

- l'employeur ne justifie pas de la perte alléguée pour des factures non récupérables, d'ailleurs énoncée de manière hypothétique, ni du délai d'un an avancé pour la facturation OPCA alors qu'il résulte de la combinaison des articles L.218-2 du code de la consommation et L.110-4 du code de commerce que la prescription de deux ans est portée à cinq ans lorsque le débiteur est un professionnel, une société commerciale ou un commerçant.

A l'analyse des pièces versées de part et d'autre puisque la salariée produit elle-même des mails de relance, la cour relève d'abord qu'il entrait bien dans les missions de la salariée de procéder à des relances de paiement auprès des clients de son agence et que le règlement par les clients financeurs institutionnels était conditionné à l'envoi par la société de pièces justificatives conformes (contrat, feuilles de présence...).

La cour ne peut en revanche déterminer la responsabilité de l'identification des impayés ni l'existence ou non d'une procédure interne encadrant le recours aux relances auprès des clients facturés et la salariée produit pour sa part un mail circulaire du 8 décembre 2016 de M. [KW], invitant les directeurs de centre à procéder à des relances au regard de l'état de la trésorerie de la société sur le mois en précisant qu'elles étaient déjà faites auprès de Pôle Emploi, ce qui fait apparaître un processus d'initiative partagée .

En tout état de cause la cour relève que les faits énoncés dans la lettre de licenciement reposent sur le rapport d'audit de février 2017 dont elle ne reprend que partiellement le contenu, les quarante trois factures non relancées y figurant (2015 et jusqu'au 12 décembre 2016) n'étant pas reprises dans leur intégralité.

Or comme il a été précédemment dit la matérialité des éléments figurant dans ce rapport ne sont pas vérifiables et ce, d'autant que la cour observe une absence de correspondance avec les numéros des dossiers figurant dans la seule autre pièce produite par la société, la pièce 24 (échanges de mails en interne et avec les clients afférents aux relances effectuées postérieurement à l'audit par la direction) de sorte que la carence de la salariée n'est pas objectivée.

Le motif tiré de l'absence de relance des factures invoqué dans la lettre de licenciement n'est donc pas justifié.

Sur les erreurs de contrôle des conventions, la société fait valoir que le bilan financier qu'elle produit établit que la salariée a multiplié les erreurs dans l'établissement des conventions de formation qui ne se limitent pas aux seuls dossiers SGAMI, en ce que certaines incluaient la TVA, d'autre non, et que cette carence est à l'origine de distorsions entre les conventions et la facturation, entraînant le rejet de celle-ci.

Elle verse ainsi aux débats :

- le rapport d'audit énonçant :

'Des erreurs de contrôle de conventions saisies par les assistantes 0603/0693

Cf bilan pédagogique du 01/09/2016 au 31/01/2017 erreurs surlignées en rose

Impliquant des erreurs au niveau des factures TVA ou non

Ex : Tableau SGAMI certaines conventions 0693 sont avec TVA, d'autre non '';

- le bilan financier du 1er septembre 2016 au 31 janvier 2017 pour l'agence 0693 présentant les chiffres d'affaires correspondants à chaque typologie de clients (entreprises, pouvoirs publics, particuliers, autres organismes de formation, organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle), suivi d'un compte détaillé de dossiers clients faisant figurer des sommes, y compris en négatif, dont il ressort pour le SGAMI douze mentions de type '693ET16060004 SGAMI 921,95 " , ' 0693ET16060004 SGAMI 653,04 ', '30693ET16090015 SGAMI 280,00".

La salariée conteste toute carence dans le contrôle des conventions et souligne que le SGAMI était à l'origine du différentiel initial entre le montant figurant sur les bons de commande et la facturation, pour avoir établi des bons de commande avec TVA, ce qu'elle avait signalé à la comptabilité avant de faire procéder à l'établissement de bons de commandes rectifiés. Par ailleurs elle souligne que le seul exemple figurant dans la lettre de licenciement atteste de la pauvreté du grief et que le bilan financier est incompréhensible.

A l'analyse des pièces du dossier la cour relève que la société n'explicite ni n'établit en quoi les informations figurant sur le bilan financier dont elle se prévaut caractérisent les erreurs invoquées puisqu'aucune des mentions, y compris pour le SGAMI, ne fait apparaître de sommes TTC ou HT, de TVA, de comparatif entre le montant de la commande et celui de la facturation.

Quant au rapport d'audit, il se limite à une affirmation non étayée et renvoie à un bilan pédagogique révélant des erreurs surlignées en rose, qui n'est pas produit et à d'hypothétiques incidences sur la facturation.

Le motif tiré de l'absence de contrôle des convention de formation invoqué dans la lettre de licenciement n'est donc pas justifié.

Sur les erreurs de saisie des actions de formation en ce que celles-ci ne comportent pas les volumes d'heures ou les taux horaires, la société fait valoir que la salariée ne discute pas la matérialité d'erreurs de saisie ou de saisies incomplètes, dont l'existence est démontrée par le résultat financier annoté qu'elle produit.

La salariée se prévaut d'une pratique courante de régularisation en cas d'inexactitude ou de mention omise avant la facturation ou en établissant une facturation finale et ce, sans que cela ne suscite de difficultés.

A l'analyse du document intitulé 'Résultats financiers' du 1er au 31 octobre 2016 et du 1er au 30 novembre 2016 présentant un tableau listant les noms des stagiaires, l'identité de souscripteur de la convention, les heures effectuées ventilées selon leur nature (centre, atelier, entreprise) et le chiffre d'affaires correspondant et portant des annotations manuscrites signalant 'erreur impossible', 'normal '', 'pas de taux' 'manque taux', 'pas de CA normal'' 'Il y a 14 h ds le mois manque une journée en moins' 'convention 35h (21+14)' 'il n'y a pas d'entreprise et ils ont fait 147 h dans le mois' 'l'action est notée 14h', la cour relève que :

- l'erreur précisément énoncée dans la lettre de licenciement portant sur le nombre d'heures concernant les actions AFC Titre Porteur n'est pas objectivée par le document en ce que d'une part ne s'y retrouve pas le reproche portant sur 385 heures notées en centre, d'autre part aucun élément ne vérifie l'affirmation d'une discordance avec le nombre et les modalités d'heures de formation souscrits par le client;

- en revanche de nombreuses lignes clients ne mentionnent pas de taux horaire, de chiffre d'affaires, certaines ne sont pas du tout renseignées y compris sur le nombre d'heures, des chiffres d'affaires importants rapportés au nombre d'heures, sans indication du taux horaire font apparaître un décalage total avec les taux habituellement renseignés.

Il en résulte que sont objectivées des erreurs de saisie sur les actions de formation dispensées au centre de [Localité 6], impactant la fiabilité des données nécessaires à la facturation, lesquelles sont imputables à la salariée en sa qualité de directeur de centre, notamment chargée de 'manager les équipes' et d' 'assurer le suivi et le contrôle des objectifs par le biais de contrôles réguliers' (fiche de poste).

Toutefois la cour dit que l'identification d'inexactitudes et d'omissions sur deux mois dans la saisie des données de conventions de formation, sans que ne soit précisément rapporté d'impact sur la facturation, les résultats ou le fonctionnement de la société et alors qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'il s'agissait d'un phénomène durable, ou ayant déjà fait l'objet d'observations et que les attestations de collaborateurs se limitent à porter une appréciation personnelle des aptitudes de la salariée, ne démontre pas à elle seule l'inaptitude de la salariée à exercer ses fonction de façon conforme aux attentes de l'employeur et engagements du contrat.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits d'insuffisance professionnelle de la salariée ne sont pas établis de sorte que licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré de ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

1° sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée qui disposait d'une ancienneté de plus de deux ans et était employée dans une société occupant au moins onze salariés, peut prétendre en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable, antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Eu égard à la rémunération mensuelle brute versée à la salariée, comprenant tous les éléments de rémunération (4 127,88 euros), de son ancienneté, de son âge au moment du licenciement, des explications et pièces fournies sur son préjudice financier et moral, caractérisé par les justificatifs de suivi psychothérapique et les pièces justifiant des ressources résultant de sa réorientation professionnelle par la création d'une société de services, la cour dit que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la réparation du préjudice subi par la salariée du fait de la perte injustifiée de son emploi en lui allouant la somme de 33 023 euros.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à verser à la salariée la somme de 33 023 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2° sur les dommages et intérêts pour préjudice de carrière

En l'espèce la salariée réclame la somme de 10 000 euros au titre d'un préjudice de carrière et fait valoir à l'appui de sa prétention qu'elle était fondée à espérer une évolution professionnelle, compte tenu de son parcours exemplaire au sein de la société, dont par son comportement, l'employeur l'a privée, la laissant à 57 ans aux prises avec des perspectives et une réalité professionnelles altérées.

Toutefois la demande de la salariée qui s'analyse en réalité en une demande d'indemnisation d'une perte de chance n'est pas fondée dès lors que non seulement la salariée n'en établit pas les conditions par la caractérisation de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable mais elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé ci-dessus au titre de la perte de l'emploi.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur le rappel de prime annuelle 2017

Le caractère obligatoire d'une prime découle de la nature de sa source, légale, conventionnelle, contractuelle, résultant d'un usage, d'un engagement unilatéral de l'employeur, liant dès lors l'employeur dans les conditions de son instauration ou de son engagement ou au contraire ne constituant qu'une libéralité ne présentant alors aucun caractère contraignant.

Une gratification cesse d'être une libéralité dès lors que son usage est constant, fixe et général. La preuve de l'existence d'un usage, par la réunion des trois conditions cumulatives de constance, de fixité et de généralité, incombe à celui qui l'invoque.

Par ailleurs les dispositifs d'intéressement et de participation associant les salariés aux performances économiques de l'entreprise, aux sont assujettis les entreprises au delà d'un seuil d'effectifs et résultent d'accords collectifs.

En application des articles L.3312-1 et L.3312-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, tout entreprise qui satisfait aux obligations incombant à l'employeur en matière de représentation du personnel, peut instituer par voie d'accord, un intéressement collectif des salariés, cet intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise. Il présente un caractère aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances.

En application des articles L.3322-1 et L.3322-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent collectivement le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise. La participation prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant une réserve spéciale de participation.

En l'espèce la salariée réclame la somme de 3 607,93 euros et celle de 360,79 euros de congés payés afférents à titre de rappel de prime pour l'année 2017.

A l'appui de sa prétention elle fait valoir qu'elle a reçu en 2015 une prime de 4 300 euros au titre de l'intéressement et de la participation, pour l'année 2016 une prime annuelle de 5500 euros versée en janvier 2017, mais qu'elle n'a perçu que la somme de 1 892,07 euros pour l'année 2017 alors que la prime est calculée sur la base du chiffre d'affaires sur l'exercice arrêté au 30 juin et que chiffre d'affaires réalisé par le centre de [Localité 6] était en augmentation.

La société conteste devoir un rappel de prime et fait valoir que la salariée ne justifie pas du fondement juridique de sa demande, qu'elle ne peut se prévaloir ni d'une prime contractuelle, ni conventionnelle ou d'un usage en l'absence de démonstration de conditions de fixité, de généralité et de constance et au surplus qu'en l'absence de stipulation contractuelle elle ne peut revendiquer un paiement au prorata, l'intéressée ayant été licenciée le 13 mars 2017.

A l'analyse des pièces du dossier la cour relève que:

- le contrat de travail ne stipule aucune prime;

- le bulletin de salaire de février 2015 mentionne le versement d'une prime exceptionnelle de 1 500 euros et celui de décembre 2015 d'une somme de 963,66 euros au titre de l'intéressement;

- le bulletin de salaire de janvier 2017 mentionne une prime exceptionnelle de 5 500 euros;

- un bulletin de salaire a été édité pour le mois de décembre 2017 pour le versement d'une somme de 2 138 euros bruts (correspondant à 1892,07 euros nets versés) au titre de la participation.

Il résulte de ces éléments que les compléments de salaire versés à la salariée ont des natures distinctes en ce que d'une part elle a perçu par deux fois une prime exceptionnelle, l'une en février 2015, l'autre en janvier 2017, d'autre part elle a perçu une prime d'intéressement en décembre 2015 et une prime de participation en décembre 2017.

Or à l'analyse de la demande de la salariée qui ne qualifie pas la nature de la prime dont elle réclame rappel, la cour relève qu'elle repose à la fois sur le fondement de la participation ou de l'intéressement puisqu'elle invoque les résultats de son agence et sur le fondement de l'usage s'agissant du montant réclamé qu'elle le détermine par comparaison avec la prime exceptionnelle de 2017.

Mais la cour dit que la salariée qui ne se prévaut d'aucun accord ni condition obligatoire de mise en place des dispositifs d'intéressement et de participation, d'aucune instauration d'un mécanisme de rémunération variable sur objectifs et qui ne démontre pas l'existence d'un usage est mal fondée en sa demande de rappel de prime.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur les intérêts et leur capitalisation

En infirmant le jugement déféré la cour dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêt au taux légal à compter du jugement déféré qui a été confirmé et que l'autre créance de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

En infirmant le jugement déféré, la cour ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dont les conditions sont réunies.

Sur les dispositions accessoires

La cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à supporter les dépens de première instance et lui a alloué une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint la salariée à exposer en cause d'appel. La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 3000 euros et sera déboutée de sa demande à ce titre.

En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les dépens d'appel à la charge de l'employeur qui succombe.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement sexuel et d'un harcèlement moral et de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et moral,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [H] au titre des intérêts et de leur capitalisation,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la SARL Sud Prévention Sécurité à verser à Mme [H] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et harcèlement moral,

Dit que la somme allouée est exprimée en brut,

Dit que la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêt au taux légal à compter du jugement déféré qui a été confirmé et que l'autre créance de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Sud Prévention Sécurité à verser à Mme [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,

Condamne la SARL Sud Prévention Sécurité à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 19/09181
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.09181 ?
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