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27/09/2022 | FRANCE | N°22/00438

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 27 septembre 2022, 22/00438


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 27 SEPTEMBRE 2022



N°2022/













Rôle N° RG 22/00438 N° Portalis DBVB-V-B7G-BIVHI







[Y] [L]



C/



PROCUREUR GENERAL





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Isabelle FICI



MIN

ISTÈRE PUBLIC





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 29 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/08821







APPELANT



Monsieur [Y] [L]

né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (SENEGAL),

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Isabelle FICI de la SELA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 27 SEPTEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 22/00438 N° Portalis DBVB-V-B7G-BIVHI

[Y] [L]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle FICI

MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 29 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/08821

APPELANT

Monsieur [Y] [L]

né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (SENEGAL),

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

MINISTÈRE PUBLIC

Comparant en la personne de Madame [X] [N]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 juin 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, et Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Monique RICHARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Anaïs DOMINGUEZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022, à cette date le délibéré a été prorogé au 27 septembre 2022.

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 février 2013, Monsieur [Y] [L] s'est vu délivrer un certificat de nationalité française par le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice.

Par exploit signifié le 6 juillet 2015, le Procureur de la République a fait assigner l'intéressé devant le tribunal de grande instance de Marseille afin d'obtenir l'annulation de l'enregistrement de cette déclaration et de faire constater son extranéité.

Par jugement rendu le 29 juin 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- dit que le certificat de nationalité française délivré le 26 février 2013 à M. [L] l'a été à tort,

- constaté l'extranéité de M. [L],

- ordonné la mention du présent jugement en marge des actes de naissance des intéressés en applications de l'article 28 du code civil,

- condamné M. [L] aux dépens.

M. [L] a interjeté appel de cette décision le 23 août 2016.

Par un arrêt rendu le 04 décembre 2019, la cour d'appel d'Aix en Provence a:

- confirmé en toutes ses dispositions la décision entreprise,

- condamné M. [L] aux dépens.

M. [L] a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt rendu le 01 décembre 2021, la première chambre civile de la cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée,

- laissé les dépens à la charge du Trésor public,

- rejeté la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit, que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

M. [L] a notifié une déclaration de saisine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence après renvoi de cassation le 11 janvier 2022.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 07 juin 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [L] demande à la cour de:

- réformer dans son intégralité le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille en date du 29 juin 2016 ;

Statuant de nouveau,

- juger que l'acte de naissance de Monsieur [L] [Y] porte bien le numéro 1595 et non le 1594 ;

- juger que Monsieur [L] [Y] est bien le fils d'[G] [V] [L], ayant la nationalité française ;

En conséquence,

- accorder à Monsieur [L] [Y] la délivrance de son certificat de nationalité française par les juridictions compétentes ;

- ordonner la mention de la décision à venir en marge de l'acte de naissance de l'intéressé,

conformément aux dispositions de l'article 28 du Code civil ;

- condamner le Ministère Public au versement de la somme de 3.000 euros au titre des dommages et intérêts dus à Monsieur [L] [Y] pour le préjudice subi ;

- condamner le Ministère Public au versement d'une indemnité d'un montant de 3.00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réserver les dépens.

M. [L] fait en effet notamment valoir :

- qu'on lui reproche à tort d'avoir voulu usurper l'identité d'un tiers pour obtenir la nationalité française ; que l'acte de naissance n°1594 de l'année 1982 correspond à une personne totalement différente ; qu'aucune confusion entre les deux personnes ne pouvait être faite ; que l'autre personne est de nationalité sénégalaise ; que cela serait inutile pour mener à bien une usurpation visant à obtenir la nationalité française ; qu'il ne s'agit que d'une erreur de numérotation de l'acte de naissance ;

- que l'officier qui a procédé à la rédaction de la copie littérale d'acte de naissance a réalisé plusieurs erreurs de plume ; qu'une erreur de numéro sur l'acte de naissance entrainera nécessairement des erreurs sur le reste des documents administratifs ; que les actes d'état civil au Sénégal ne sont pas informatisés mais recopiés de manière littérale par des agents de l'état civil ; qu'il n'est alors pas possible d'affirmer ici qu'ils sont par essence un acte unique dont le contenu ne peut varier selon les copies délivrées ; que les erreurs de retranscriptions sont fréquentes ;

- qu'il a communiqué de bonne foi les documents transmis par les services sénégalais; qu'il a saisi le tribunal d'instance de Rufisque afin de faire rectifier l'erreur de numérotation ; que par jugement du 21 février 2019 ledit tribunal a constaté l'inexistence juridique de l'acte de naissance de M. [L] établi sous le n°1594 de l'année 1982, a annulé les copies de cet acte et dit que M. [L] est régulièrement inscrit dans les registres de l'état civil de la commune de [Localité 3] ;

- que ledit jugement répond aux exigences de la Convention Franco-Sénégalaise de coopération judiciaire ; qu'il doit donc être reconnu de plein droit et à l'autorité de chose jugée en France ;

- que le procureur général a fait une mauvaise interprétation du jugement suscité ; que le jugement a bien attribué un caractère probant aux copies de l'acte de naissance et de l'acte de reconnaissance communiquées par M. [L] ;

- que le constat de son extranéité engendre un préjudice important et fonde sa demande de dommages et intérêts ; qu'il risque de perdre son emploi ; qu'il ne pourrait plus subvenir aux besoins de sa famille ; qu'il serait contraint de quitter la France où il a construit sa vie depuis 12 ans ; qu'il serait entièrement privé de son fils ;

- qu'il a été contraint d'avancer des frais pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente procédure.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 24 avril 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le ministère public demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 29 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Marseille, qui a dit que M. [L] se disant né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (Sénégal) n'est pas de nationalité française,

- débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes, y compris de ses demandes indemnitaires,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le ministère public fait en effet notamment valoir que:

- l'acte de naissance dont s'est prévalu M. [L] a fait l'objet d'une levée d'acte par les autorités sénégalaises ; que ledit acte concerne en réalité un tiers ; que cela fait tomber la force probante du certificat de nationalité française délivré et renverse la charge de la preuve qui appartient alors à M. [L] ;

- le jugement versé par M. [L] ne se prononce pas sur son état civil ; qu'il se contente de statuer sur la validité juridique des copies de l'acte de naissance et l'existence dudit acte ; qu'il n'écarte pas la possibilité d'une fraude et ne préjuge pas le caractère probant des copies de l'acte de naissance et de l'acte de reconnaissance communiqués ;

- le principe ' fraus omni corrumpit ' s'applique ; que M. [L] a présenté un faux acte de l'état civil aux autorités françaises ; que cette fraude fait obstacle à la possibilité d'invoquer l'effet déclaratif attaché au jugement pour justifier d'un état civil fiable au jour de la déclaration ;

- le fait de présenter plusieurs actes de naissance différents ôte toute force probante à l'un quelconque d'entre eux ; que le contenu des pièces versées pour justifier de son acte de naissance est directement contredit par d'autres éléments versés aux débats ; que lesdites pièces sont aussi affectées de plusieurs irrégularités ; que l'acte de naissance ne remplit pas les exigences de la loi sénégalaise et des mentions obligatoires ; qu'il faut dès lors considérer l'acte de naissance de M. [L] comme étant dépourvu de force probante et l'intéressé comme étant dépourvue d'un état civil certain ;

- l'acte de reconnaissance produit pour justifier de sa filiation ne comporte pas mention du nom de l'officier d'état civil ; que ledit acte porte le même numéro que l'acte de naissance ; que sa validité n'a pas été examiné par le jugement suscité ; qu'il a produit deux copies de cet acte portant des numéros différents; que cela atteste de l'existence d'une fraude ; que ces actes sont dépourvus de valeur probante ; que M. [L] ne rapporte pas la preuve d'un lien de filiation à l'égard de M. [G] [V] [L] ; qu'il ne prouve pas que ce dernier était français et a conservé cette nationalité à l'indépendance du Sénégal ;

- M. [L] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice certain et l'existence d'une faute commise par le ministère public.

L'affaire est venue à l'audience du jeudi 16 juin 2022.

MOTIFS

M. [L], se disant né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (Sénégal), revendique la nationalité francaise par filiation paternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil, pour être le fils de M. [G] [L], né le 17 juillet 1939 à [Localité 2] (Sénégal), lui-même français en qualité d'originaire du Sénégal ayant fixé son domicile de nationalité en France au moment de l'accession du Sénégal à l'independance le 20 juin 1960.

Le 26 février 2013, M. [L] a obtenu un certificat de nationalité française, délivré par le greffier du tribunal d'instance de Nice.

Le ministère public conteste la nationalité française ainsi reconnue à M. [L]. Il démontre que le certificat de nationalité précité a été délivré sur la base, notamment, d'une copie certifiée conforme d'un acte de naissance n° 1594/1982 dressé le 31 décembre 1982. Or, il résulte de vérifications opérées auprès des autorités sénégalaises que l'acte de naissance en question ne concerne pas M. [L], mais un tiers. Ce point n'est pas contesté par l'appelant. Par voie de conséquence, c'est à tort qu'a été délivré le certificat de nationalité du 26 février 2013, puisqu'il est fondé sur un acte de naissance qui n'est pas celui de M. [L].

Il incombe dès lors à M. [L], par application des dispositions de l'article 30 du code de procédure civile, de faire la preuve d'une part d'un état civil certain, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de filiation établi durant sa minorité avec un parent lui même de nationalité française, au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil.

Aux termes de ce dernier texte, tout acte de 1'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de1'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégu1ier,falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

La totalité des actes d'état civil versés aux débats sont produits en simple photocopie, ce qui ne permet donc pas de s'assurer que les documents versés présentent toutes les garanties d'integrité et d'authenticité.

M. [L] soutient qu'il a été victime d'une erreur de transcription imputable à l'officier d'état civil qui a établi le 22 décembre 2012 la copie certifiée conforme de son acte de naissance. Il produit aux débats un jugement définitif, rendu à sa requête le 21 février 2019, par le tribunal d'instance de RUFISQUE et qui a constaté l'inexistence juridique de l'acte de naissance établi à son nom sous le numéro 1594 de l'année 1982 délivré par l'officier d'état civil du centre secondaire Arafat de la commune de [Localité 3] EST, annulé les copies de l'acte n° 1594 de l'année 1982, ainsi que les documents établis sur la base de ces copies, et jugé que le requérant est régulièrement inscrit dans les registres du centre secondaire de l'état civil de la commune de [Localité 3]-EST sous le numéro 1595 de l'année 1982.

Ces éléments permettent à eux seuls d'écarter l'allégation de fraude, l'intention délictueuse étant contredite par le fait que le jugement précité reconnaît explicitement une erreur de numérotation en ce que, sur communication du registre de l'année 1982, le tribunal a pu vérifier que la naissance de Monsieur y est enregistrée sous le n° 1595, et non 1594.

Il convient de rechercher les conditions de la régularité internationale du jugement précité du 21 février 2019.

L'article 47 de la convention franco-sénégalaise sur la coopération judiciaire du 29 mars 1974 dispose:

'En matière civile, sociale ou commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par toutes les juridictions siégeant sur le territoire de la République française et sur le territoire du Sénégal, sont reconnues de plein droit et ont l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat.

A cet effet, elles doivent réunir les conditions suivantes :

a) La décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision est exécutée;

b) La décision a fait application de la loi applicable au litige en vertu des règles de solution des conflits de loi admises dans l'Etat où la décision est exécutée ;

c) La décision ne peut plus, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, faire l'objet d'un recours ordinaire ou d'un pourvoi en cassation ;

d) Les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;

e) La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ;

f) Un litige entre les mêmes parties fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet :

- n'est pas pendant devant une juridiction de l'Etat requis, première saisie, ou

- n'a pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée rendue dans

l'Etat requis, ou

- n'a pas donné lieu à une décision rendue dans un autre Etat et qui, dans l'Etat

requis, réunit les conditions nécessaires pour être reconnue de plein droit et

revêtue de l'autorité de la chose jugée'.

Ce jugement satisfait aux conditions fixées par cet article 47 de la convention franco-sénégalaise, la preuve étant notamment apportée de son caractère définitif, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le ministère public.

En revanche ce dernier fait valoir que le jugement en question ne se prononce pas sur l'état civil de M. [L], mais se contente de statuer sur la validité juridique de l'acte de naissance n° 1594/1982 et de ses copies.

Néanmoins, le jugement du 21 février 2019 précise également que M. [L] est régulièrement inscrit dans les registres du centre secondaire de l'état civil de la commune de [Localité 3]-EST sous le numéro 1595 de l'année 1982. Dès lors, la question de l'existence d'un état civil certain se reporte sur l'acte de naissance 1595 de l'année 1982.

L'article 40 alinéa 8 du code de la famille senégalais issu de la loi n°72-61 du 12 juin 1972 prévoit que les actes de l'état civil énonceront l'année, le jour et l'heure où ils seront reçus, les prénoms et noms de l'officier de l'état civil, les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénominés.

Selon l'article 52 du même code, independamment des mentions prévues par l'article 40 alinéa 8, 1'acte de naissance énonce l'année, le mois, le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de1'enfant et1es prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, nom, âge, profession et domicile des

père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant ou des temoins.

A cet égard M. [L] produit:

- la photocopie d'une copie littérale de son acte de reconnaissance n° 1595/1982, délivrée le 22 août 2016,

- la photocopie d'une copie littérale de son acte de naissance n° 1595/1982, délivrée le 22 août 2016,

- la photocopie d'une copie littérale de son acte de naissance n° 1595/1982, délivrée le 20 janvier 2022,

- la photocopie d'un extrait du registre des naissances (acte 1595/1982), délivré le 20 janvier 1982.

Sous réserve de l'intégrité de ces photocopies, force est de constater les difficultés suivantes:

- l'année de naissance de M. [G] [L] est 1929 selon les deux premiers documents, et 1939 selon le quatrième,

- la profession de M. [G] [L] est celle d' 'Orthograh' ou 'Ortograph', selon les deux premiers documents, et celle de photographe selon le quatrième

- les deux premières pièces portent le cachet '[T] [Z] [O] officier de l'état civil adjoint Commune [Localité 3] Est' et les deux dernières le cachet '[T] [Z] [O] officier de l'état civil principal Commune [Localité 3] Est', dont l'homonymie est troublante, tandis que les signatures sont différentes.

Par ailleurs, l'article 51 du code de la famille sénégalais prévoit la possibilité de faire inscrire une déclaration tardive de naissance, lorsque plus d'un mois et quinze jours se sont écoulés depuis la naissance, sous réserve que cette déclaration tardive soit faite dans l'année de la naissance et porte la mention explicite de cette déclaration tardive, et soit appuyée soit d'un certificat médical soit de l'attestation de deux témoins majeurs.

En l'occurrence l'ensemble des pièces produites mentionnent que la déclaration de naissance de M. [L] est intervenue le 31 décembre 1982 pour une naissance du 10 mars 1982, mais sans indication des mentions complémentaires pourtant prévues par l'article 51 précité. M. [L] produit certes une attestation administrative - non datée - soulignant que quelques agents municipaux omettent parfois les mentions en question, mais ceci ne suffit pas à régulariser les irrégularités constatées.

Le ministère public souligne encore à juste titre que les copies d'acte de naissance ne mentionnent pas le domicile des parents, contrairement aux dispositions de l'article 52 du code de la famille sénégalais, ni l'heure à laquelle l'acte a été reçu, contrairement aux dispositions de l'article 40 du même code, tandis que la copie littérale de l'acte de naissance délivrée le 20 janvier 2022, ne comporte pas la mention du prénom et du nom de l'officier d'état civil ayant dressé l'acte, toujours en violation des dispositions de l'article 40 du code de la famille sénégalais.

En l'état du défaut de conformité à la loi sénégalaise des copies d'actes de naissance versées aux débats, comme en raison des discrépances entre les différentes copies, l'acte de naissance de M. [L] doit être considéré comme dépourvu de force probante, au sens des dispositions de l'article 47 du code civil.

M. [L] ne justifie donc pas d'un etat civil fiable et certain, et ne peut donc revendiquer la nationalite française à aucun titre.

A titre surabondant, s'agissant de son père, dont il revendique tenir la nationalité française, la cour relève qu'il ne produit pas l'acte de naissance de ce dernier. La copie de l'acte de reconnaissance daté du 22 août 2016 ne comporte pas mention du nom et du prénom de l'officier d'état civil ayant dressé cet acte. Qui plus est, tant la copie de l'acte de reconnaissance daté du 22 décembre 2012, présenté par le ministère public, que celle de l'acte de reconnaissance du 22 août 2016, comportent le même numéro d'ordre que l'acte de naissance lui-même. Or, ceci est peu vraisemblable sauf à penser que l'ensemble des actes de naissance sont appuyés d'actes de reconnaissance. Enfin, la copie du même acte de reconnaissance porte le numéro 1594 dans le premier cas et le n° 1595 dans le second, ce qui supposerait soit une multiplication des erreurs de retranscription, soit une fiabilité douteuse du document.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de débouter M. [L] de 1'ensemble de ses demandes et de juger qu'il n'est pas français.

Sur la mention prévue par l'article 28 du code civil

Aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintegration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

En conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'artic1e 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par decision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. M. [L], qui succombe, supportera la charge des dépens.

Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe

DIT la procédure regulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procedure civile,

DEBOUTE M. [Y] [L] de l'ensemble de ses demandes,

CONFIRME la décision frappée d'appel et juge que M. [Y] [L], se disant né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (Sénégal) n'est pas de nationalité française,

ORDONNE la mention prévue par l'article 28 du code civil,

CONDAMNE M. [Y] [L] aux depens,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 22/00438
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;22.00438 ?
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