La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2022 | FRANCE | N°21/06518

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 23 septembre 2022, 21/06518


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 23 SEPTEMBRE 2022



N°2022/













Rôle N° RG 21/06518 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHL5X







[V] [W]





C/



URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :


>- Me Ana Cristina COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX



- URSSAF PACA





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de NICE en date du 23 Avril 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/973.





APPELANT



Monsieur [V] [W], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Ana ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 23 SEPTEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 21/06518 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHL5X

[V] [W]

C/

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Ana Cristina COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de NICE en date du 23 Avril 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/973.

APPELANT

Monsieur [V] [W], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Ana Cristina COIMBRA de la SELARL DE MAITRE COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Jean-Baptiste LE MORVAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [F] [P] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022.

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juin 2019, M. [W], anesthésiste réanimateur, a formé opposition devant le tribunal de grande instance de Nice à une contrainte signifiée le 27 mai 2019 par l'union de recouvrement des cotisations sociales et d'allocations familiales de Provence Alpes Côte d'Azur (ci-après URSSAF PACA), pour des cotisations sociales impayées s'élevant à la somme de 15.689 euros au titre du 4ème trimestre 2018. Ce recours a été enregistré sous le RG 19/00973.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juillet 2019, le cotisant a saisi le tribunal de grande instance en l'absence de décision de la commission de recours amiable saisie d'une contestation d'une mise en demeure datée du 18 mars 2019 et portant sur le 4ème trimestre 2018 pour un montant de 15.689 euros. Ce recours a été enregistré sous le RG 19/01467.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juillet 2019, il a également saisi le tribunal en l'absence de décision de la commission de recours amiable saisie d'une contestation d'une mise en demeure datée du 8 mars 2019 portant sur le 1er trimestre 2019 pour un montant de 9.201 euros. Ce recours a été enregistré sous le RG 19/01468.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2019, il a saisi le même tribunal en l'absence de décision de la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale saisie d'une contestation à l'encontre d'une mise en demeure datée du 16 mai 2019 et portant sur le 2ème trimestre 2019 pour un montant de 9.201 euros. Ce recours a été enregistré sous le RG 19/02093.

Par jugement du 23 avril 2021, après jonction des recours sous le RG 19/00973, le tribunal judiciaire de Nice ayant repris l'instance, a déclaré l'opposition de M. [W] recevable mais mal fondée, rejeté toutes les exceptions de nullité formulées contre les mises en demeure et la contrainte, condamné M. [W] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 26.398 euros, dont 1.353 euros de majorations de retard à parfaire jusqu'au paiement de la somme due en principal de 25.045 euros, rappelé que le jugement statuant sur opposition à contrainte est de plein droit exécutoire à titre provisoire et condamné M. [W] à la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par courrier recommandé expédié le 28 avril 2021, M. [W] a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Al'audience du 16 juin 2022, M. [W] reprend oralement les conclusions déposées le jour même et visées par le greffe. Il demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 23 avril 2021 en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau, ordonner le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure avec injonction à l'intimée d'avoir à verser aux débats la preuve de la date de son immatriculation au répertoire SIREN, tout document permettant de justifier de sa forme juridique précise et de sa personnalité morale, un décompte permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de la créance invoquée par l'URSSAF (avec base de calcul, mode de calcul, détail de principal, intérêts et autres montants) et surseoir à statuer sur le surplus,

- subsidiairement, juger qu'il n'y a pas lieu de valider les mises en demeure litigieuses, juger qu'il n'y a pas lieu de valider la contrainte litigieuse et débouter l'URSSAF de toutes ses prétentions,

- condamner l'intimée à lui payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il reproche au premier juge d'avoir statué en l'absence d'éléments nécessaires pour justifier des montants dont le paiement lui est réclamé dans la mesure où l'URSSAF indique ne pas être destinataire du montant de ses revenus.Il précise qu'en vertu des dispositions de l'article L.152 du livre des procédures fiscales, l'organisme de recouvrement des cotisations ne peut pas valablement soutenir ne pas avoir connaissance de ses revenus qui lui sont communiqués par l'administration fiscale.Il reproche en outre au premier juge de n'avoir pas tenu compte des rectificaions apportées par l'URSSAF dans le montant des sommes réclamées.

Il fait également valoir que pour avoir accès à un procès équitable l'URSSAF doit verser aux débats la preuve de son immatriculation et tout document permettant de justifier de sa personnalité juridique, outre des documents permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

Il se fonde sur la loi du 1er avril 1898, l'ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 et l'article 14 de la loi de finance n° 52-401 du 14 avril 1952 pour faire établir que l'URSSAF est une mutuelle

qui doit avoir été immatriculée au SIREN avant le 31 décembre 2002, à défaut de quoi, elle est dissoute.

Il rappelle la jurisprudence selon laquelle le débiteur doit avoir connaissance de la nature, la cause et l'étendue de son obligation pour justifier qu'à défaut de décompte, les mises en demeure et la contrainte ne peuvent être déclarées valables.

En outre, il soulève l'illégalité de la composition de la commission de recours amiable tirée de la décision n°398443 du Conseil d'Etat en date du 4 novembre 2016, pour démontrer que les mises en demeure qui indique une voie de recours illégale doivent être annulées. Il ajoute que le silence de la commission de recours amiable saisie de ses contestations, vaut acceptation de ses recours en vertu de l'artile L.231-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Par ailleurs, il reproche à l'URSSAF d'avoir émis une contrainte alors que la mise en demeure à la suite de laquelle elle a été émise, faisait l'objet d'un recours, de sorte que la procédure est irrégulière.

Il ajoute que la signification de la contrainte ne comportant pas la forme juridique de l'URSSAF doit être frappée de nullité en vertu des dispositions de l'article 648 du code de procédure civile, et que cette nullité de fond entraîne la nullité de la contrainte émise par un organisme dépourvu de qualité pour ester en justice. Il en conclut que toute demande de validation de contrainte par l'URSSAF doit être déclarée irrecevable.

Enfin, il conteste le montant réclamé aux motifs que le tiers pour le compte duquel l'URSSAF assure le recouvrement n'est pas identifié sur les mises en demeure ou la contrainte et que le quantum de la créance réclamée n'est pas justifié.

L'URSSAF PACA, reprend oralement les conclusions déposées le jour de l'audience et visées par le greffe. Elle demande à la cour de céans de confirmer le jugement en toutes ses dispostions et de condamner M. [W] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les formalités de constitution et les règles de fonctionnement des URSSAF sont régies par les dispositions des articles L.213-1 et L.216-1 du code de la sécurité sociale et leurs textes d'application, de sorte qu'elle est une personnalité morale de droit privée qui ne relève pas du régime des mutuelles. Elle précise que l'URSSAF PACA a été créée par arrêté du 13 juin 2013, postérieurement à la suppression de la référence au code des mutualités par l'article L.216-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que sa légitimité à recouvrer les cotisations n'est pas valablement contestée.

En outre, elle explicite la décision du Conseil d'Etat dont se prévaut la partie appelante pour en déduire que l'arrêté du 19 juin 1969, relatif aux modalités de désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale, n'a fait l'objet d'aucune appréciation de la part de la haute Cour. En revanche, elle indique que la seconde chambre civile de la Cour de cassation a rendu trois arrêts le 21 juin 2018 affirmant qu'un requérant ne saurait se prévaloir d'un grief lié à la composition de la commission de recours amiable dès lors qu'il appartient à la juridiction du contentieux général de se prononcer sur le fond du litige. Elle en conclut que la contestation de la composition de la commission de recours amiable est inopérante pour contester les mises en demeure et la contrainte.

Elle explique encore qu'en application des articles L.111-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l'affiliation au régime de sécurité social revêt un caractère obligatoire nonobstant la faculté pour les assurés de souscrire des couvertures complémentaires professionnelles ou individuelles, lesquelles n'ont pas vocation à se substituer au régime de base et que le système de sécurité sociale français a été jugé conforme à la législation européenne et notamment à l'article 137 du traité CE ainsi qu'aux règles européennes de concurrence et sur l'assurance.

Elle fait valoir que la procédure préalable à l'action contentieuse devant la commission de recours amiable constitue un recours gracieux de type administratif et que la commission de recours amiable est chargée d'émettre un simple avis sur le litige porté à sa connaissance par le conseil d'administration de l'organisme, de sorte que les règles de détermination de la composition de la commission de recours amiable ne sauraient constituer une formalité substantielle de la procédure amiable dont l'irrégularité serait suceptible de faire annuler les décisions de la commission, d'autant que le requérant n'étant pas empêché de porter sa contestation devant une juridiction, aucun grief ne saurait être valablement invoqué.

Elle se prévaut de l'article R.142-6 du code de la sécurité sociale pour faire valoir que le silence de la commission de recours amiable vaut rejet du recours porté devant elle et fait remarquer que les dispositions de l'article L.231-1 du code des relations entre le public et l'administration, dont se prévaut l'appelant, n'ont pas de valeur juridique supérieure. Elle ajoute que la commission de recours amiable ne saurait être assimilée à une administration soumise au principe selon lequel le silence vaut acceptation.

L'URSSAF fait encore valoir que les mises en demeure litigieuses portent mention de la nature, la cause, le montant des sommes réclamées ainsi que les périodes auxquelles elles se rapportent conformément à la jurisprusdence constante de la Cour de cassation.

Elle précise que depuis la saisine du tribunal la justification de ses revenus par M. [W] a permis de ramener le montant des cotisations dues au titre de la mise en demeure du 8 mars 2019 à la somme de 1.384 euros de cotisations et 124 euros de majorations.

Elle ajoute qu'en vertu des articles R.133-3 et R.142-1 du code de la sécurité sociale, les organismes de recouvrement du régime général conservent la possibilité de décerner une contrainte nonobstant la saisine de la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure, de sorte qu'elle était bien fondée à émettre la contrainte litigieuse malgré la saisine pendante de la commission.

Elle indique encore que l'appelant se borne à affirmer que la contrainte serait irrégulière sans apporter d'argument au soutien de son allégation, et que dès lors qu'elle permet au débiteur, par renvoi à la mise en demeure, de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation, la contrainte n'encourt pas de nullité.

Conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties présentes ou représentées, il convient de se reporter à leurs observations orales ou à celles qu'elles auraient formulées par écrit et auxquelles elles ont invité à se reporter.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer pour communication de documents par l'URSSAF

Les URSSAF, instituées par l'article L 213-1 du code de la sécurité sociale, tiennent de ce texte de nature législative leur capacité juridique et leur qualité pour agir dans l'exécution des missions qui leur sont confiées par la loi.

Or, l'article L.213-1 du code de la sécurité sociale précise que les URSSAF sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L.216-1 du même code, dont la version ne renvoie plus au code de la mutualité depuis l'ordonnance n°2005-804 du 18 juillet 2005.

L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que l'URSSAF PACA relèverait du code de la mutualité.

Dès lors, tous les développements de l'appelant tenant à l'application des dispositions du code de la mutualité sont, en l'espèce, inopérants.

Pour ces mêmes raisons, l'URSSAF PACA n'a pas à produire les documents utiles à établir sa personnalité juridique.

En outre, les premiers juges ont pertinemment relevé qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire au motif que la caisse doit communiquer un décompte de la somme réclamée permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de la créance invoquée, dans la mesure où cette question doit être traitée dans le cadre de l'examen au fond de l'affaire.

En conséquence, M. [W] sera débouté de ses demandes tendant au renvoi de l'affaire, au sursis à statuer et à l'injonction faîte à l'URSSAF de communiquer de nouveaux documents.

Sur la nullité des mises en demeure tirée de l'indication d'une voie de recours illégale

Il résulte des dispositions des articles R.142-1 et suivants du code de la sécurité sociale, que la saisine du tribunal judiciaire spécialement désigné par l'article L.211-16 du code de l'organisation judiciaire, est subordonnée, sous peine d'irrecevabilité, à la saisine préalable de la commission de recours amiable de l'organismes dont la décision est contestée.

Il s'en suit que les mises en demeure adressées au cotisant par l'URSSAF ont régulièrement précisé cette voie de recours et n'encourent pas la nullité de ce chef.

La décision n° 398443 du Conseil d'Etat en date du 4 novembre 2016 relativement aux modalités de désignation des membres des commissions de recours amiable des organismes de sécurité sociale et à la légalité des décisions du conseil d'administration de l'URSSAF Paris sur la désignation des membres de la commission de recours amiable, comme la décision du tribunal des conflits en date du 24 avril 2017 relative à la légalité de la décision du conseil d'administration désignant les membres de la commission de recours amiable de l'URSSAF Paris pour l'année 2012, sont sans emport sur la régularité des mises en demeure litigieuses.

En effet, la recevabilité de la saisine de la juridiction de sécurité sociale est subordonnée à la saisine préalable de la commission de recours amiable, en revanche, elle n'est en rien conditionnée par la validité de la décision de cette commission.

Les mises en demeure ne sauraient donc être annulées de ce chef.

Sur la nullité des mises en demeure tirée du silence de la commission de recours amiable

Aux termes de l'article R.142-6 du code de la sécurité sociale : 'Lorsque la décision du conseil d'administration ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale prévu à l'article L.142-2.

Le délai d'un mois prévu à l'alinéa précédent court à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale.(...)'

Il résulte de ces dispositions que si dans le délai d'un mois suivant la réception de la contestation par la commission de recours amiable, celle-ci n'a pas rendu sa décision, son silence vaut rejet du recours et le requérant peut saisir la juridiction de sécurité sociale.

Très justement, les premiers juges ont rappelé que les dispositions spéciales du code de la sécurité sociale dérogent au principe posé par le code des relations entre le public et l'administration selon lequel 'le silence vaut acceptation'.

Aucune nullité ne sera donc retenue de cechef à l'encontre des mises en demeure litigieuses.

Sur la nullité de la contrainte tirée de l'irrégularité de la procédure

Aux termes de l'article R.133-3 du Code de la sécurité sociale : 'Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. (...)'.

Il résulte de ces dispositions combinées avec celle de l'article R.142-1 du même code, que les organismes de recouvrement des cotisations conservent la possibilité de décerner une contrainte nonobstant la saisine de la commission de recours amiable sur la régularité ou le bien-fondé de la mise en demeure à laquelle la contrainte se rapporte.

Il s'en suit que la contrainte émise par l'URSSAF à l'encontre de M. [W] le 27 mai 2019, n'encourt pas la nullité du seul fait incontesté, que M. [W] a formé un recours à l'encontre de la mise en demeure du 18 mars 2019 à laquelle elle se réfère, encore pendant devant la commission de recours amiable au jour de l'émision de la contrainte.

Sur la nullité de la contrainte tirée de l'irrégularité de sa signification

Contrairement à ce qui est indiqué par l'appelant, conformément à l'article 648 du code de procédure civile en son points 2 b/, l'acte de signification de la contrainte en date du 29 mai 2019, comprend bien la dénomination de l'URSSAF sur la demande de laquelle l'huissier agit, son siège social au [Adresse 2], avec la mention de son directeur qui la représente.

Le statut de l'URSSAF étant légal, il n'est en rien démontré que l'absence de mention relative à la forme de la personne morale cause un grief à M. [W].

L'acte de signification n'encourt aucune nullité de ce chef.

En outre, il a été vu plus haut que l'URSSAF a pleine capacité d'ester en justice de sorte qu'aucune irrégularité de fond susceptible d'affecter la validité de l'acte de signification de la contrainte ne saurait être retenu sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile.

Sur l'irrecevabilité de la demande en paiement présentée par l'URSSAF

L'URSSAF ayant qualité pour calculer et recouvrer les cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, en vertu de l'article L.213-1 du code de la sécurité sociale, aucune fin de non recevoir tiré du défaut de qualité pour agir n'est valablement opposée par l'appelant à l'encontre de l'URSSAF PACA qui réclame le paiement de cotisations maladie-maternité, allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la FP et le cas échéant contribuion additionnelle maladie et curps.

Sur la motivation des mises en demeure et contrainte

Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations du régime social des indépendants par les anciens articles L. 133-6-4, I, et L. 612-12 du même code, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

En l'espèce, la contrainte établie le 27 mai 2019 par l'URSSAF PACA à l'encontre de M. [W] est suffisamment motivée dés lors qu'elle vise la nature, le montant des cotisations réclamées et les périodes auxquelles elles se rattachent en ces termes :

- 15.689 euros dont 14.914 euros de cotisations, et 775 euros de majorations au titre du 4ème trimestre 2018,

- en renvoyant pour le détail à la mise en demeure du 18 mars 2019 qui, elle-même, précise le montant pour chaque nature de cotisations différentes (cotisations provisionnelles ou régularisation de cotisations maladie-maternité, allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la FP et le cas échéant contribuion additionnelle maladie et curps) et pour les majorations arrêtées au 14 mars 2019.

De même, les mises en demeure des 8 mars 2019 et 16 mai 2019 contestées, précisent :

- la cause des sommes réclamées : cotisations et contribution travailleur indépendant,

- la nature des sommes réclamées : cotisations provisionnelles ou régularisation de cotisations maladie-maternité, allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la FP et le cas échéant contribution additionnelle maladie et curps et majorations de retard,

- le montant des sommes réclamées et la période à laquelle elles se rapportent : 9.201 euros au titre des cotisations et majorations de retard dues pour le 1er trimestre 2019 et 9.201 euros au titre des cotisations et majorations de retard dues pour le 2ème trimestre 2019.

Sur la contestation des montants réclamés

L'article L.313-6-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2015 au 14 juin 2018 prévoit que les cotisations des travailleurs indépendants 'sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu.

Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l'année en cours. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d'application de cette majoration sont fixés par décret.

Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n'ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l'article L. 242-12-1.'

Ce dernier article prévoit que : 'Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n'ont pas été transmises, celles-ci sont calculées à titre provisoire par les organismes chargés du recouvrement sur une base majorée déterminée par référence aux dernières données connues ou sur une base forfaitaire. (...)'

En outre, l'article R.243-16 du même code précise les modalités de calcul des majorations de retard en ces termes :

'I.-Il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions recouvrées par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 et L. 752-4 qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité.

II.-A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.'

En l'espèce, l'URSSAF demanderesse à l'action en paiement dans le cadre d'une opposition à contrainte, a la charge de la preuve du bien-fondé de sa créance.

Or, elle ne justifie aucunement les calculs opérés en fonction des règles susvisées. En effet, rien dans ses conclusions, ne permet de vérifier la base de calcul ni les taux appliqués.

Il s'en suit que bien que M. [W] ne justifie pas d'élément contraire au calcul opéré par l'URSSAF, celle-ci n'en justifie pas et la contrainte, comme les mises en demeure litigieuses seront annulées.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [W] à payer la somme de 26.398 euros et l'URSSAF déboutée de sa demande en paiement.

Sur les frais et dépens

L'URSSAF, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du Code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'URSSAF sera déboutée de sa demande en frais irrépétibles et sera condamnée à payer à [W] la somme de 2.000 euros à ce même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 23 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Nice, en en ce qu'il a condamné M. [W] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 26.398 euros,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute l'URSSAF de sa demande en condamnation de M. [W] à lui payer des cotisations et contributions sociales sur le fondement de la contrainte émise le 27 mai 2019 pour un montant de 15.689 euros au titre du 4ème trimestre 2018, de la mise en demeure du 18 mars 2019 à laquelle la contrainte se rapportait, de la mise en demeure établie le 8 mars 2019 pour un montant de 9.201 euros au titre du 1er trimestre 2019 et de la mise en demeure établie le 16 mai 2019 pour le montant de 9.201 euros au titre du 2ème trimestre 2018,

Condamne l'URSSAF PACA à payer à M. [W] la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,

Condamne l'URSSAF PACA à payer les dépens de l'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06518
Date de la décision : 23/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-23;21.06518 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award