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23/09/2022 | FRANCE | N°21/06313

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 23 septembre 2022, 21/06313


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 23 SEPTEMBRE 2022



N°2022/













Rôle N° RG 21/06313 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLQM







URSSAF [Localité 5]





C/



Société [3]











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :




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- URSSAF [Localité 5]



- Me CAUSSANEL HAJI, avocat au barreau de Paris













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 25 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 15/05243.





APPELANTE



URSSAF [Localité 5], demeurant [Adresse 1]



représentée par M. [B] [X] en vertu d'un pouv...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 23 SEPTEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 21/06313 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLQM

URSSAF [Localité 5]

C/

Société [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- URSSAF [Localité 5]

- Me CAUSSANEL HAJI, avocat au barreau de Paris

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 25 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 15/05243.

APPELANTE

URSSAF [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [B] [X] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mehdi CAUSSANEL HAJI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Olivia HOUY-BOUSSARD, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

A l'issue d'un contrôle de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 5] (ci-après URSSAF) portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, la [6] (dite [6]) ayant une activité de transport aérien de passagers, a été destinataire d'une lettre d'observations en date du 8 novembre 2012, suivie de deux mises en demeure des 28 décembre 2012 et 9 janvier 2013 lui enjoignant de régler respectivement les sommes de 40.489,00 euros, soit 34.025,00 euros de cotisations sociales et 6.464,00 euros de majorations de retard et de 75.579,00 euros de cotisations sociales et 8.104,00 euros de majorations de retard.

Contestant les mises en demeure, la SAEM [3] a saisi le 30 janvier 2013la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale, laquelle a maintenu l'entier redressement par décision du 23 avril 2015, notifiée le 15 juillet suivant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 août 2015, la société cotisante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en contestation de la décision de rejet de la commission.

Par jugement du 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l'instance, a:

- rejeté l'exception d'irrégularité des deux mises en demeure des 28 décembre 2012 et 9 janvier 2013,

- partiellement accueilli le recours de la société [3], pour les chefs de redressement n°6 et 7 de la lettre d'observations du 8 novembre 2012 portant respectivement sur la couverture du risque de perte de licence et sur le non respect du caractère collectif de la prévoyance complémentaire,

- débouté la société de sa contestation portant sur le chef de redressement n°8 relatif à la taxe de prévoyance par perte de licence,

- invité les parties à se rapprocher afin de déterminer le montant des sommes maintenues en brut initial à recouvrer par l'URSSAF,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration au greffe de la cour du 23 avril 2021, l'organisme de sécurité sociale a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées. Cet appel principal porte sur toutes les dispositions du jugement à l'exception de celle qui a rejeté l'exception d'irrégularité des mises en demeure, et de celle qui a débouté la société de sa contestation portant sur le chef de redressement n°8 de la lettre d'observation.

Par conclusions transmises par RPVA le 24 mai 2022, la société a elle-même régularisé un appel incident portant sur le rejet de l'exception d'irrégularité des mises en demeure, et le rejet du surplus de ces demandes.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'URSSAF demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé les points 6 et 7 du redressement et de :

- dire que les mises en demeure du 28 décembre 2012 notifiée pour 40.489,00 euros (34.025 ,00 euros de cotisations et 6.464,00 euros de majorations de retard) et du 9 janvier 2013 notifiée pour 75.579,00 euros (67.475,00 euros de cotisations et 8.104,00 euros de majorations de retard) sont parfaitement valides,

- condamner la société [3] au paiement en denier ou quittance de ces deux mises en demeure,

- condamner la société [3] à lui payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir essentiellement que :

- les deux mises en demeure respectent l'exigence de motivation posée par la Cour de cassation,

- aucun accord tacite ne peut être retenu d'autant que la procédure de contrôle portant sur la période des années 2006 et 2007 avaient conduit à des observations chiffrées portant sur le financement par l'employeur des prestations de prévoyance complémentaire,

s'agissant du point 6 ( prévoyance complémentaire : garantie de perte de licence ) :

- la lettre d'observation fait référence à la circulaire du 30 janvier 2009 relative aux modalités d'assujettissement cotisations et contributions de sécurité sociale des contributions des employeurs destinés au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire, et cette circulaire est bien opposable car publiée sur le site Internet dédié,

- l'exonération de cotisations dont bénéficie les contributions destinées à de tels financements est exclue lorsque les bénéficiaires ont été définis selon des critères discriminatoires, par exemple la durée du travail, la nature du contrat de travail, l'âge du salarié ou bien l'ancienneté,

- en l'espèce la garantie 'perte de licence' joue en fonction de l'âge du salarié de sorte que le caractère collectif obligatoire n'est pas respecté,

- il est précisé qu'il n'a pas été effectué de remontée en brut,

S'agissant du point 7 ( prévoyance complémentaire : non respect du caractère collectif) :

- la preuve d'une décision non équivoque de l'organisme sur ce point n'est nullement rapportée,

- le caractère collectif des contrats de prévoyance souscrits au profit de la [4] au profit du personnel au sol et du personnel navigant commercial et de celui souscrit auprès de l'IPECA au profit du personnel navigant technique n'est pas établi au regard de la circulaire n°DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009 qui interdit d'exclure des salariés sur le seul fondement d'un critère d'âge ni, pour un régime de prévoyance de moduler le niveau des prestations des garanties en fonction de l'âge (par exemple prévoir des prestations réduites pour les salariés ayant atteint un certain âge),

- la société disposait d'une période transitoire jusqu'au 31 décembre 2008 pour mettre ces contrats de prévoyance en conformité avec les textes : aucune tolérance n'a été prévue pour une mise en conformité tardive.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, la société [3] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrégularité des mises en demeure, écarté tout accord tacite de l'URSSAF lié à un précédent contrôle, et en ce qu'il l'a déboutée de ses plus amples prétentions y comprises au titre des frais irrépétibles, et de :

à titre principal,

- dire que les mises en demeure des 28 décembre 2012 et 9 janvier 2013 sont irrégulières,

- dire qu'il existe un accord tacite de l'URSSAF,

- en conséquence, prononcer la nullité des mises en demeure des 28 décembre 2012 et 9 janvier 2013,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli sa contestation sur les chefs de redressement portant les n°6 et 7 de la lettre d'observations, en ce qu'il a dit que la décision judiciaire avait pour effet de ne pas confirmer la position adoptée le 23 avril 2015 par la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement, et privait de tout effet utile les mises en demeure des 28 décembre 2012 et 9 janvier 2013, en ce qu'il a renvoyé les parties en phase d'exécution de la décision judiciaire à se rapprocher afin de déterminer le montant des sommes maintenues en brut initial à recouvrer par l'URSSAF auprès de la société [3] des suites de la procédure de contrôle en litige,

à titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la rectification par l'URSSAF des montants objets du redressement en application de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 septembre 2020,

- réduire le montant du redressement aux régularisations qui auront été déterminées en application de cette jurisprudence.

Elle soutient en substance que :

- concernant l'exception d'irrégularité des mises en demeure, la seule référence au contrôle et aux chefs de redressement notifiés le 25 octobre 2016 ainsi qu'à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ne saurait être considérée comme suffisante à lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, alors que l'ACOSS a invité les URSSAF à indiquer dans les mises en demeure, la date de son établissement ; le numéro d'identification du débiteur ; le motif de son envoi ; la période de dette mise en recouvrement ; le numéro de créance attribué par l'informatique; le nombre de salariés occupés au cours de cette période ; si la mise en demeure concerne plusieurs périodes, le nombre de salariés doit être précisé pour chacune d'elles : aucune indication n'existe à ce jour encore sur ce point ; le montant de la dette (montant respectif des cotisations, des majorations); éventuellement, le montant et la date des versements effectués par le débiteur avant l'établissement de la mise en demeure ; la signature, le nom, le prénom, la qualité, l'adresse administrative de l'agent qui traite l'affaire, et qu'en l'espèce, les deux mises en demeure ne mentionnent pas le nombre de salariés pour chacune des périodes contrôlées de sorte que de ce seul chef, elle n'est pas en mesure de connaître l'étendue de ses obligations, et que les montants indiqués ne sont jamais explicités, aucun tableau n'étant joint aux mises en demeure, ce qui est en contradiction avec la jurisprudence selon laquelle l'URSSAF doit fournir le détail de calcul de chacune des cotisations,

à titre subsidiaire,

- le contrat de prévoyance conclu auprès d'IPÉCA porte sur une couverture collective et obligatoire au bénéfice du personnel navigant technique et cette garantie a pour objet le versement au salarié d'un capital en cas de perte de licence de vol pour raison médicale, l'inaptitude pouvant être d'origine professionnelle ou non,

- un accord tacite peut être cependant retenu dans la mesure où lors d'un précédent contrôle portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, les mêmes documents avaient été présentés aux contrôleurs de l'organisme de sécurité sociale et aucun redressement n'avait été prononcé, or la circulaire du 13 septembre 2005 prévoyait une disposition similaire à la circulaire du 30 janvier 2009, à savoir, 'sauf à remettre en cause son caractère collectif, l'accès au bénéfice de ce régime ne peut reposer sur des critères relatifs à l'âge du salarié',

- ce n'est que dans le cadre de la réponse faite en décembre 2012 concernant le redressement contesté qu'il a été fait référence à une période transitoire, alors que les contrôleurs de l'URSSAF auraient pu dans le cadre de leur obligation de conseil, l'alerter de ce que l'interprétation extensive apportée par la circulaire du 30 janvier 2009 pourrait éventuellement conduire selon eux, pour les exercices à venir, à un redressement compte tenu de ses pratiques,

- sous couvert d'interprétation de la loi, la circulaire du 30 janvier 2009 pose une condition supplémentaire qui n'y figure pas, puisqu'elle seule prévoit pour la période contrôlée que le recours à un critère d'âge remettrait en cause le caractère collectif du régime, et ce, en se fondant sur un texte externe au droit de la sécurité sociale, en l'occurrence l'article L. 1132-1 du code du travail,

- aux termes de l'article 1 du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires : « Les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont tenues à la disposition du public sur un site internet relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation. Une circulaire ou une instruction qui ne figure pas sur le site mentionné au précédent alinéa n'est pas applicable. »,

- il est justifié que la circulaire du 30 janvier 2009 n'apparaît pas sur ledit site, de sorte que les dispositions ne lui sont pas applicables,

- une circulaire ministérielle, constituant seulement la doctrine des organismes de sécurité sociale, n'est surtout pas une source de droit susceptible de lier une juridiction,

- si l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale rend les circulaires ministérielles publiées opposables aux organismes de recouvrement, ces dernières ne sont pas, a contrario, opposables aux cotisants, comme l'a jugé la Cour de cassation à de nombreuses reprises,

- la cour d'appel d'Aix-en-Provence a reconnu également qu'une circulaire ministérielle n'était opposable qu'à l'URSSAF et non, aux cotisants,

- il convient de souligner que l'interprétation extensive de la circulaire de 2009 a été condamnée par le décret d'application n°2012-25 du 9 janvier 2012,

- l'article R. 242-1-1du code de la sécurité sociale issu dudit décret replace dans son contexte la notion de différenciation par l'âge en indiquant qu'aucun critère discriminant ne peut servir à définir la ou les catégories de salariés bénéficiaires de la couverture prévoyance : 'Ces catégories ne peuvent en aucun cas être définies en fonction du temps de travail, de la nature du contrat, de l'âge ou, sous réserve du dernier alinéa de l'article R. 242-1-2, de l'ancienneté des salariés.',

- en tout état de cause, en aucun cas, le décret du 9 janvier 2012 n'exige que les prestations servies soient strictement identiques d'un salarié à l'autre et au jour du contrôle, les contrôleurs auraient ainsi dû se référer non pas à l'interprétation extensive de la circulaire du 30 janvier 2009 mais au décret d'application du 9 janvier 2012,

- l'article L. 1132-1 du code du travail ne peut trouver à s'appliquer dans le domaine de la protection sociale complémentaire, d'autant que les dispositions du code de la sécurité sociale régissant la mise en place des régimes de protection sociale d'entreprise n'interdisent nullement le recours aux critères d'âge alors même qu'un chapitre entier est consacré aux clauses prohibées, conformément aux dispositions de l'article L. 913-1 du code de la sécurité sociale,

- en outre, l'application qui en est faite par l'administration est contraire à la loi, dans la mesure où le principe de non-discrimination n'interdit pas de réserver un traitement différencié entre salariés, dès lors que certaines conditions sont réunies,

- il convient tout d'abord de rappeler que l'utilisation du critère d'âge est inhérente à l'assurance collective, puisqu'il constitue l'expression d'une sélection fondée sur des statistiques actuarielles objectives,

- le législateur a validé une telle pratique puisque le code de la mutualité, dont relève l'organisme assureur auprès duquel le contrat collectif a été souscrit, prévoit en son article L. 112-1 : « Les mutuelles (...) ne peuvent moduler le montant des cotisations qu'en fonction du revenu ou de la durée d'appartenance à la mutuelle ou du régime de sécurité sociale d'affiliation ou du lieu de résidence ou du nombre d'ayants droit ou de l'âge des membres participants »,

- la référence à l'article L. 1132-1 du code du travail est en tout état de cause erronée puisque la position des inspecteurs ne tient pas compte de l'article L. 1133-2 du même code qui précise que les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime,

- enfin, la modulation du montant du capital selon l'âge où survient la perte de licence découle directement de l'application des dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile,

- or, le droit du transport aérien est dérogatoire au droit du travail sur plusieurs points, puisqu'il instaure des limites d'âge au-delà desquelles le personnel navigant ne peut plus exercer (60 ans pour le PNT) et il dispose que si l'inaptitude d'origine professionnelle, impliquant la perte de la licence, met fin à la carrière professionnelle du PNT, le salarié perçoit alors une rente servie par le régime de base, cette rente étant prévue par la loi,

- la couverture du risque d'inaptitude professionnelle consécutive à la perte de licence des pilotes, s'analyse comme une prestation de prévoyance complémentaire poursuivant un objectif légitime et raisonnablement justifié en raison de l'activité exercée,

- en l'espèce, la garantie contre la perte de la licence bénéficie à l'ensemble du personnel,

- la mise en place d'une dégressivité liée à l'âge se justifie pleinement par l'accroissement du risque de la perte de licence,

- s'il l'on devait considérer comme discriminantes les clauses des contrats d'assurance conditionnant l'admission à l'assurance à un critère fondé sur l'âge et modulant la prestation décès en fonction de l'âge des salariés, force est de constater que la sanction prévue par le législateur est la nullité de la clause (mais pas du contrat),

- le législateur ayant prévu une sanction spécifique, la nullité de la disposition, les contrôleurs ne peuvent substituer à cette sanction légale une autre sanction (le redressement du régime),

- selon la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, il a été mis fin à la méthode de rebrutalisation des sommes redressées, appliquant une méthode invérifiable par le cotisant, en indiquant que les sommes objets du redressement sont, par nature, exprimées en brut de sorte qu'elles n'ont pas à être recalculées en montants bruts préalablement au calcul du redressement,

- il convient donc, en cas d'infirmation du jugement rendu sur le chef de redressement n°6 de la lettre d'observations, d'enjoindre à l'URSSAF d'appliquer cette jurisprudence et de rectifier en conséquence le montant du redressement opéré,

- pour le point de redressement n°7, l'URSSAF a déjà effectué des contrôles sans émettre d'avis ou d'observations sur ce point, les contrats souscrits auprès de [4] au profit du personnel au sol et du personnel navigant commercial prévoyaient à l'époque les mêmes dispositions relatives aux limites d'âge et la même modulation des garanties décès pour les salariés âgés de plus de 65 ans,

- en ne formulant aucune observation lors du précédent contrôle en dépit de la parfaite connaissance de la circulaire du 30 janvier 2009 ainsi que de la circulaire du 13 septembre 2005 (dont les dispositions sur ce point sont similaires) et de la mise à disposition des contrats de prévoyance, l'URSSAF a donc implicitement validé l'utilisation de limites d'âge et la modulation des garanties de prévoyance,

- le régime de sécurité sociale, lui-même, a introduit, des critères d'âge pour le paiement de certaines prestations, puisque par exemple, la rente d'invalidité prend automatiquement fin à l'âge légal de départ à la retraite,

- il est par conséquent parfaitement logique que les régimes de prévoyance d'entreprise obéissent aux mêmes règles que celles du régime de base de sécurité sociale, puisqu'ils ont pour objet de compléter les prestations servies par ce régime de base,

- la position des inspecteurs, en ce qu'elle proscrit par principe le critère d'âge pour remettre en cause le caractère collectif du régime, est donc non seulement contraire au droit du travail (article L. 1133-2 du code du travail) qui autorise à réserver un traitement différencié entre salariés, mais également aux règles prudentielles applicables aux organismes assureurs,

- en organisant une modulation du capital décès à partir du 65ème anniversaire, elle poursuit bien un objectif légitime, celui d'assurer un régime de prévoyance à tous les salariés à un prix raisonnable, par l'utilisation de moyens nécessaires et proportionnés au but poursuivi,

- en outre, les dispositions litigieuses n'ont en principe jamais été appliquées, des contrats d'assurance relatifs au régime de prévoyance ont été modifiés en considération de la doctrine administrative précitée, par avenant en date du 1er juillet 2011, lequel a supprimé la condition d'âge et la modulation du capital décès en fonction de l'âge,

- il est étonnant que l'URSSAF ne modifie pas le montant du redressement envisagé alors qu'elle ne conteste pas ce point,

- il est produit une attestation de [4], organisme assureur des contrats litigieux, aux termes de laquelle les références à l'âge prévues à l'article 3 des contrats de prévoyance ou encore celles modulant les prestations décès toute cause ou accidentel à partir de 65 ans n'ont jamais été appliquées,

- il est également produit un avenant daté du 1er juillet 2011, pour les deux contrats de prévoyance souscrits auprès de [4] concernant le personnel au sol et le personnel naviguant commercial aux termes duquel la limite d'âge et la modulation du capital décès en fonction d'un critère tiré de l'âge du salarié ont été supprimées, l'article 3 prévoyant que 'pourront prétendre au bénéfice des prestations, les salariés pouvant justifier d'un contrat de travail en vigueur au jour de la survenance du sinistre donnant lieu à garantie,'

- dans ces conditions, les sommes versées au titre du financement patronal du régime de prévoyance ne peuvent de toute façon plus faire l'objet d'un redressement après le 1er juillet 2011 et ce, au-delà même de l'absence d'observations.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1- Sur le moyen tiré de la nullité des mises en demeure du 28 décembre 2012 et du 9 janvier 2013

Aux termes de l'alinéa 1er de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2017 :

'L'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de

l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre

recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se

rapportent.'

En l'espèce, il ressort de la mise en demeure datée du 28 décembre 2012, adressée par l'URSSAF à la société [3] par courrier recommandé avec accusé de réception, qu'elle mentionne le montant réclamé à hauteur de 40.489,00 euros en précisant qu'il est ventilé comme suit :

- sur la période du 01 01 09 au 31 12 09, 34.025,00 euros de cotisations et 6.464,00 euros de majorations,

Elle mentionne également la nature des cotisations sous le terme 'régime général' et le motif du recouvrement en visant le contrôle et les chefs de redressement notifiés le 8 novembre 2012, ainsi que l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la mise en demeure datée du 9 janvier 2013, également adressée par l'URSSAF à la société [3] par courrier recommandé avec accusé de réception, mentionne le montant réclamé à hauteur de 75.579,00 euros en précisant qu'il est ventilé comme suit :

- sur la période du 01 01 10 au 31 12 10, 31.085,00 euros de cotisations et 4.538,00 euros de majorations,

- sur la période du 01 01 11 au 31 12 11, 36.390,00 euros de cotisations et 3.566,00 euros de majorations

Elle mentionne également la nature des cotisations sous le terme 'régime général' et le motif du recouvrement en visant le contrôle et les chefs de redressement notifiés le 8 novembre 2012, ainsi que l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale.

Il n'est pas discuté par l'appelante qu'elle a bien reçu la lettre d'observations du 8 novembre 2012 détaillant les chefs de redressement, le montant de chacun d'eux et le mode de calcul de ces derniers.

Il s'en suit que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les deux lettres de mise en demeure permettaient à la société débitrice d'avoir connaissance de la nature, la cause, le montant des sommes réclamées et la période à laquelle elles se rapportent.

La décision de première instance sera donc confirmée sur ce point.

2 - Sur le bien fondé du redressement

* point n° 6 de la lettre d'observations : prévoyance complémentaire : perte de licence

Aux termes de la lettre d'observations, les inspecteurs de recouvrement ont constaté que le contrat de prévoyance souscrit auprès de l'IPECA concernant le personnel navigant, couvre le risque « perte de licence ». Ainsi le versement d'un capital est prévu avec une modulation en fonction de l'âge de l'adhérent. Le montant de la prestation varie en effet de 300 % des tranches A, B, C à 100 % si l'adhérent est âgé de plus de 58 ans.

Au visa des dispositions des articles L.136-, L.136-2, L242-1, D.2421 du code de la sécurité sociale, de l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, et de la circulaire n°DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, les inspecteurs de recouvrement ont rappelé que tout contrat permettant la modulation d'un capital en fonction de l'âge ne remplissait pas la condition liée au caractère collectif et ne pouvait donc pas ouvrir droit aux exonérations de cotisations.

La société évoque en premier lieu l'accord tacite de l'URSSAF, par référence à un précédent contrôle qui concernait la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 au cours duquel, selon elle, le point redressé n'aurait pas donné lieu à observations.

Selon l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, et le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

L'accord tacite suppose ainsi la réunion de plusieurs conditions. En premier lieu, les pratiques

concernées doivent avoir été suivies par le cotisant dans des conditions identiques lors des deux

contrôles successifs, sans qu'aucune modification de la législation ne soit intervenue dans l'intervalle. En deuxième lieu, ces pratiques doivent avoir été vérifiées par l'inspecteur et n'avoir fait l'objet d'aucune observation de sa part ou de celle de l'organisme. En troisième lieu, l'inspecteur doit avoir reçu toutes les informations nécessaires pour sa vérification.

Néanmoins il ressort des pièces versées contradictoirement que dans leur réponse à contestation en date du 17 décembre 2012 les inspecteurs ont précisé que les textes législatifs applicables sur les deux périodes de contrôle étaient différents dans leur analyse et que le cotisant avait bénéficié d'une période transitoire prévue par l'article 113-IV de la loi du 21 août 2003, soit jusqu'au 31 décembre 2008 pour mettre des clauses de son contrat en conformité avec les textes.

Ce point n'est pas discuté par la société. Dès lors la société échoue dans son administration de la charge de la preuve d'une identité de situation en fait et en droit entre les deux contrôles.

S'agissant de l'application de la circulaire n°DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, il résulte de la décision de la commission de recours amiable que la société, qui avait déjà fait l'objet d'un contrôle pour ce même motif et avait déjà à l'époque saisie ladite commission, déclarait alors être en mesure de se prévaloir de la circulaire du 30 janvier 2009 celle-ci ayant été publié au bulletin officiel en application de l'article L.243-6-2 du code de la sécurité sociale.

Cette circulaire rappelle qu'aux termes des articles L. 242-1, sixième à huitième alinéas, et D. 242-1 du code de la sécurité sociale, seules les contributions des employeurs destinées au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

La circulaire entend ainsi préciser que les garanties de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire instituées par l'entreprise doivent revêtir un caractère collectif, c'est-à-dire bénéficier de façon générale et impersonnelle à l'ensemble du personnel salarié ou à une ou des catégories objectives de salariés. Ainsi, le caractère collectif des garanties est remis en cause lorsque les critères retenus pour déterminer les bénéficiaires ont été définis dans l'objectif d'accorder un avantage personnel. Le régime doit avoir vocation à s'appliquer de manière générale et impersonnelle même si, en pratique, il ne bénéficie qu'à un nombre restreint de personnes. Par ailleurs, les garanties doivent bénéficier à une ou des catégories objectives de salariés et ne peuvent reposer sur des critères relatifs à la durée du travail, à la nature du contrat, à l'âge ou à l'ancienneté.

La circulaire précitée pose alors l'affirmation selon laquelle, à ce dernier égard, la garantie souscrite ou le régime de prévoyance ne peut moduler le niveau des prestations ou des garanties en fonction de l'âge.

Or il s'agit là d'une condition supplémentaire qui ne découle pas de la loi mais de son interprétation. En effet les termes de la loi conduisent à exiger que soit respecté le caractère collectif de l'accès à la garantie sans exclusion liée aux critères d'âge, mais n'implique pas que ce dernier critère soit exclusif de toute modulation du niveau des prestations en fonction de l'âge des bénéficiaires. Il est acquis et non discuté en l'espèce que la garantie « perte de licence » couvre bien l'ensemble des salariés concernés par ce risque. Le caractère collectif est ainsi respecté.

Dès lors le redressement doit être annulé et le jugement confirmé de ce chef.

* point n° 7 de la lettre d'observations : prévoyance complémentaire : non-respect du caractère collectif

Aux termes de la lettre d'observations du 8 novembre 2012, les inspecteurs du recouvrement ont constaté la souscription de contrats de prévoyance spécifiques à chaque catégorie de personnel à savoir le personnel au sol, le personnel navigant commercial, le personnel navigant technique. Ces contrats sont souscrits auprès de la [4] pour les deux premières catégories, et auprès de l'IPECA pour la dernière catégorie.

Ils ont relevé lors de l'examen de ces contrats que:

- l'article 3 du titre I des deux types de contrats dispose que : « le droit à garantie cesse à la date de la liquidation de la pension vieillesse et au plus tard à la 60e année de l'adhérent », privant ainsi contractuellement les salariés de plus de 60 ans des garanties offertes, et par voie de conséquence, contrevenant au caractère collectif ;

- l'article 1 concernant la garantie décès toutes causes ainsi que l'article 1 concernant la garantie décès accidentel stipulent que : « pour les adhérents poursuivant leur activité après leur 60e anniversaire, il est procédé à une réduction de capital dû à raison de 8 % par année. »

nération prévues aux textes en vigueur.

Au visa des dispositions des articles L.136-, L.136-2, L242-1, D.2421 du code de la sécurité sociale, de l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, et de la circulaire n°DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, les inspecteurs de recouvrement ont considéré que les prestations ainsi financées ne remplissaient pas la condition liée au caractère collectif et ne pouvaient donc pas ouvrir droit aux exonérations de cotisations.

La société évoque en premier lieu et comme précédemment l'accord tacite de l'URSSAF, par référence à un précédent contrôle qui concernait la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 au cours duquel, selon elle, le point redressé n'aurait pas donné lieu à observations.

Au bénéfice des motifs ci-dessus développés et auquel il est renvoyé, la cour confirmera le jugement qui a considéré que la preuve de cet accord tacite n'était pas rapportée par la société.

De même, pour les motifs ci-dessus développés dont il résulte qu'affirmer, ainsi que le fait l'organisme de sécurité sociale, que la garantie souscrite ou le régime de prévoyance ne peut moduler le niveau des prestations ou des garanties en fonction de l'âge, conduit à imposer une condition supplémentaire qui ne découle pas de la loi mais de son interprétation, dès lors que les termes de la loi conduisent à exiger que soit respecté le caractère collectif de l'accès à la garantie sans exclusion liée aux critères d'âge, mais n'implique pas que ce dernier critère soit exclusif de toute modulation du niveau des prestations, le redressement opéré sur ce fondement doit être annulé et le jugement confirmé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens.

Il n'est présenté par la société aucune prétention, ni développé aucun moyen quant au chef de jugement ayant rejeté sa contestation portant sur le point n° 8 de la lettre d'observation du 8 novembre 2012. Le jugement est ainsi confirmé de ce chef.

La décision déférée donc confirmée en toutes ses dispositions.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF qui échoue en son appel conservera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

- Confirme le jugement du 25 mars 2021 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Met les dépens à la charge de l'union de recouvrement des allocations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 5].

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06313
Date de la décision : 23/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-23;21.06313 ?
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