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23/09/2022 | FRANCE | N°21/06019

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 23 septembre 2022, 21/06019


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 23 SEPTEMBRE 2022



N°2022/













Rôle N° RG 21/06019 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHKRF







S.A.R.L. [3]





C/



Organisme URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Caroline MACHAUX, barreau de Nice



- URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 23 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00220.





APPELANTE



S.A.R.L. [3]

demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 23 SEPTEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 21/06019 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHKRF

S.A.R.L. [3]

C/

Organisme URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Caroline MACHAUX, barreau de Nice

- URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 23 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00220.

APPELANTE

S.A.R.L. [3]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Caroline MACHAUX de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Eulalie TIMSIT, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR,

demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [E] [P] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l'issue d'un contrôle de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (ci-après URSSAF ) portant sur la période du 1er février 2015 au 31 janvier 2017, la société à responsabilité limitée (SARL) [3] ayant une activité de fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire, a été destinataire d'une lettre d'observations en date du 20 mars 2019 suivie d'une mise en demeure du 22 août 2019 lui enjoignant de régler la somme de 15.432,00 euros, soit 11.337,00 euros de cotisations sociales et 2.834,00 euros de majorations de retard.

Contestant cette mise en demeure, la SARL [3] a saisi la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale, laquelle a maintenu le redressement par décision du 4 décembre 2019, notifiée le 12 décembre suivant.

Par requête du 11 février 2019, la société a porté son recours devant le tribunal de grande instance de Nice.

Par jugement du 23 mars 2021, notifié le 29 mars suivant, le tribunal judiciaire de Nice ayant repris l'instance, a jugé la contestation recevable mais mal fondée, rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription, jugé irrecevable la demande de remise de majorations de retard, rejeté la contestation et débouté la société de l'ensemble de ses demandes, confirmé la décision de la commission de recours amiable du 4 décembre 2019, condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 15.432,00 euros, l'a déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour du 22 avril 2021, la société a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2022, la société [3] demande à la cour de réformer le jugement et de :

- annuler la lettre d'observations du 3 mars 2019 et la mise en demeure du 22 août 2019 ainsi que le redressement qui en résulte,

- en conséquence, annuler la décision de rejet de la commission de recours amiable,

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- au cours de l'année 2013, son salarié occupant le poste de coursier ayant subi un accident du travail, il a été nécessaire de pourvoir à son remplacement temporaire pour la bonne continuité de l'activité de l'entreprise, ce qui explique le recours aux services de M. [W] [O], coursier indépendant soumis au régime de l'auto-entrepreneur,

- par courrier du 20 mars 2019, soit plus de deux ans plus tard, l'URSSAF a adressé une lettre d'information afin de l'informer que sa solidarité financière allait être mise en 'uvre pour un montant de 14.171,00 euros, puisque selon l'article L. 8222-2 du code du travail ' Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie »,

- l'engagement de la solidarité financière du donneur d'ordre est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives : l'existence d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre du cocontractant, l'existence de relations contractuelles entre le donneur d'ordre et l'auteur du travail dissimulé et un montant de la prestation égal ou supérieur au seuil prévu par l'article R. 8222-1 du code du travail,

- la procédure de redressement se trouve entachée de plusieurs irrégularités qui entraînent sa nullité, le principe du contradictoire et des droits de la défense, tel que consacré par l'article 16 du code de procédure civile et par une jurisprudence constante, n'ayant pas été respecté,

- conformément aux dispositions de l'article 1315 du code civil, le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs, telles que la nullité ou la résolution, et celles qui lui sont personnelles,

- il peut donc en tant que codébiteur se défendre face au créancier, en particulier, s'il n'a pas été appelé à la procédure qui a conduit à l'établissement de la créance à l'égard du débiteur principal et, ce, dans le respect du contradictoire, de la garantie des droits et du principe d'égalité devant la justice,

- en matière de solidarité financière fiscale, la jurisprudence est particulièrement attentive sur ce point et rappelle régulièrement que le débiteur solidaire de l'impôt bénéficie des mêmes droits que le débiteur principal,

- sur la non-communication du procès-verbal de travail dissimulé, la Cour de cassation a eu l'opportunité de juger aux termes de deux arrêts récents en date du 8 avril 2021, que faute pour l'URSSAF de produire devant le pôle social du tribunal judiciaire, le procès-verbal de constat d'une infraction de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, elle n'est pas fondée à mettre en 'uvre la solidarité financière,

- en l'espèce, l'URSSAF n'a ainsi produit le procès-verbal de constat du travail dissimulé, ni dans le cadre de la procédure de redressement, ni à l'occasion de la contestation devant la commission de recours amiable, ni devant le pôle social du tribunal judiciaire,

- sur la seule circonstance de l'absence de communication du procès-verbal au débat judiciaire par l'URSSAF, le redressement ne pouvait qu'être annulé,

- conformément aux dispositions des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure doit être précise et motivée et doit indiquer la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent,

- la jurisprudence constante énonce que la mise en demeure ne peut être tenue pour régulière que si elle comporte toutes précisions de nature à permettre à son destinataire de déterminer la nature, la cause et l'étendue de l'obligation mise à sa charge,

- en l'espèce, la mise en demeure adressée ne comporte pas les modalités de calcul, l'URSSAF réclamant la somme de 15.432,00 euros contre 14.171,00 euros précédemment mentionnés dans la lettre d'observations,

- ce faisant, elle n'a pas été en mesure de connaître les cotisations exactes visées par le redressement, les factures ayant servi de base pour déterminer sa quote-part dans le chiffre d'affaires de M. [O], le calcul effectué pour déterminer le montant des cotisations,

- l'action de l'URSSAF au titre de la solidarité financière se heurte en outre à la prescription triennale de l'article L. 244-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale,

- la prescription de cinq années civiles, prévue par l'article L. 244-11, ne peut lui être appliquée dans la mesure où elle ne s'est pas rendue coupable elle-même de travail dissimulé, mais qu'a priori, cette infraction aurait été commise par un sous-traitant, ce qu'elle ignorait totalement,

- aucune cotisation ne peut être réclamée au titre de l'année 2015 ainsi qu'une majeure partie de l'année 2016 d'un strict point de vue procédural,

- concernant l'obligation de vigilance, le donneur d'ordre ne peut s'assurer, par la seule présentation de documents, que les déclarations auxquelles il est procédé par un prestataire sont précises et justes,

- l'URSSAF est d'ailleurs bien malvenue de lui reprocher son manque de vigilance alors qu'elle a elle-même fait preuve d'un manque manifeste de diligence à l'égard de M. [O], puisque presque six années se sont écoulées entre l'absence de déclaration de ce dernier auprès de l'URSSAF et l'engagement d'une procédure tendant au recouvrement des créances,

- en l'espèce, l'URSSAF a manifestement failli à tout devoir d'information légitimement dû au donneur d'ordre rendu solidairement responsable des sommes induites par la défaillance du débiteur principal,

- l'URSSAF a engagé la responsabilité solidaire du donneur d'ordre plus de deux ans après l'engagement de la responsabilité du débiteur principal et alors même qu'aucune information ou pièce ne lui ont été jamais communiquées entre-temps,

- le manquement de l'URSSAF à son obligation fondamentale d'information a pour effet de la délier de sa responsabilité en tant que donneur d'ordre,

- sur l'absence de preuve du travail dissimulé commis par le sous-traitant, l'URSSAF se garde bien de produire le procès-verbal d'infraction, les factures sur lesquelles elle base ses calculs, d'une manière générale, les pièces du dossier utiles à sa défense,

- la seule base du redressement à son encontre est l'infraction de travail dissimulé alléguée commise par le sous-traitant,

- en matière de solidarité financière fiscale, l'administration doit prouver qu'elle a adressé des mises en demeure au débiteur principal avant d'engager la responsabilité solidaire du donneur d'ordre,

- selon la jurisprudence, la mise en 'uvre de la solidarité financière du donneur d'ordre, bien que constituant une garantie, doit être considérée comme subsidiaire,

- s'agissant d'une garantie et donc d'une procédure qui doit s'entendre comme étant subsidiaire, l'URSSAF doit tenter d'obtenir au préalable le paiement de sa créance auprès de M. [O], lequel n'est pas défaillant au redressement initial, puisqu'il a proposé dans un courrier de son conseil du 13 juin 2019 d'apurer sa dette via l'établissement d'un échéancier,

- l'engagement de sa responsabilité n'est pas fondé dès lors que le débiteur principal propose spontanément d'apurer sa dette,

- sur le quantum du redressement, dans son courrier de mise en demeure l'URSSAF indique que le redressement s'étend sur les années 2015 à 2017, de sorte qu'il est surprenant de voir que des cotisations au titre de l'année 2017 ont été comptabilisées alors même que M. [O] a arrêté son activité d'auto-entrepreneur en 2016, son compte ayant été radié le 31 décembre 2016,

- M. [O] n'ayant pas déclaré ses revenus au titre des 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2014, 2015 et 2016, on comprend donc que le redressement procède d'une taxation d'office sans prendre en considération le chiffre d'affaires réel du cotisant au cours des années 2014 à 2016 renforçant l'incertitude sur le montant dont elle serait réellement redevable,

- en raison de sa bonne foi, elle sollicite la remise gracieuse des majorations appliquée en vertu des articles L. 243-7-7 et R. 243-18 du code de la sécurité sociale.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2022, l'URSSAF demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la société [3] au paiement de la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- un procès-verbal de travail dissimulé n°06-05-2018 a bien été établi à l'encontre de M. [O], sous-traitant de l'appelante et ce document visé dans la lettre d'observations n'a pas à être communiqué au donneur d'ordre qui est tiers dans la procédure concernée,

- elle est tenue au secret de l'enquête,

- selon une jurisprudence constante, il résulte des dispositions applicables des articles L. 324-14 du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, que pour la mise en 'uvre de la solidarité financière consécutive au constat de travail dissimulé, elle a pour seule obligation d'exécuter les formalités assurant le principe du contradictoire par l'envoi de la lettre d'observations sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit,

- l'absence de communication au donneur d'ordre du procès-verbal de travail dissimulé n'entraîne pas la nullité de la procédure à l'encontre de ce dernier,

- la procédure pénale est en cours et il appartient au Parquet de décider de l'opportunité des poursuites,

- selon la jurisprudence applicable, les mentions obligatoires dans une mise en demeure sont la nature de la dette, le montant de celle-ci, son origine et la période à laquelle elle se rapporte, la date du redressement n'étant pas imposée,

- en l'espèce, à la suite du contrôle portant sur l'engagement de la solidarité financière du donneur d'ordre à l'égard de son sous-traitant, une lettre d'observations a été notifiée à la société par ses soins, le 20 mars 2019, rappelant les règles applicables et reprenant le montant du redressement envisagé de 14.171,00 euros, soit 11.337,00 euros de cotisations sociales et 2.834,00 euros de majorations de redressement, conformément aux dispositions de l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale,

- la mise en demeure est conforme aux montants précités et précise, en outre, la nature des cotisations, le motif de la mise en recouvrement, soit la solidarité financière prévue à l'article L. 8222-1 du code du travail, les périodes concernées de 2015, 2016 et 2017, et enfin, les informations relatives au débiteur et au créancier,

- quant à la différence alléguée entre la lettre d'observations et la mise en demeure, l'inspectrice du recouvrement mentionne bien en fin de lettre d'observations que les majorations de retard seront calculées à l'envoi de la mise en demeure en application des dispositions du code de la sécurité sociale,

- quant à la prescription alléguée des sommes, celle-ci n'est pas acquise, l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 disposant qu'en cas de constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal, les délais mentionnés aux articles L. 244-3, L. 244-8-1 et L. 244-9 sont portés à cinq ans,

- le texte prévu par le législateur ne distingue pas dans les cas où le travail dissimulé a été constaté

directement contre le donneur ou lorsque la procédure est directement engagée contre l'auteur du

travail dissimulé,

- sur la preuve du travail dissimulé, l'infraction a été reconnue par son auteur dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et les faits repris de manière circonstanciée sont simples et manifestes, soit une immatriculation en tant que travailleur indépendant sous le régime de l'auto-entreprise mais sans déclaration sociale jusqu'au contrôle du cotisant, de sorte que l'infraction, condition de la solidarité financière ne fait aucun doute,

- le critère de la bonne foi n'est pas un critère pris en compte dans les textes relatifs à la solidarité financière, seule important l'exigence de production des attestations de vigilance régulières,

- la société aurait dû vérifier la situation de son cocontractant et a donc manifestement manqué à son devoir de vigilance et à son obligation de diligence,

- sur l'analogie avec le droit de la consommation, ce dernier ne peut trouver à s'appliquer dans les relations entre donneur d'ordre et cocontractant organisées spécifiquement par le code du travail et le code de la sécurité sociale,

- la solidarité financière qui est prévue par le législateur n'est pas contractuelle et ne suppose pas

l'information du débiteur de cette solidarité,

- contrairement aux allégations de la partie adverse, les conditions de la solidarité financière sont réunies et l'engagement de la responsabilité de la société est conforme au droit en vigueur,

- si la société justifie d'un engagement de M. [O] de payer les sommes qui lui sont réclamées, il n'a pas effectué le paiement intégral des sommes dues,

- sur le chiffrage, les sommes réclamées à la société ont été calculées à due proportion de la valeur des travaux réalisés par son cocontractant à son bénéfice, et l'inspectrice a bien précisé dans la lettre d'observations du 20 mars 2019, les éléments factuels et les montants pris en compte pour ce chiffrage,

- pour chacune des trois années de la relation contractuelle, l'inspectrice a donc précisé le montant du redressement du sous-traitant, le chiffre d'affaires du sous-traitant auprès du donneur d'ordre et le chiffre d'affaires total,

- l'inspectrice a donc valablement appliqué les dispositions du code du travail et du code la sécurité sociale en l'état des informations dont elle a pu disposer alors que la société n'a fourni aucun élément factuel permettant de réviser ce chiffrage,

- sur la demande de remise des majorations de retard, conformément aux dispositions de l'article R. 243-20 II du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable issue du décret n°2019-718 du 5 juillet 2019, en présence de faits de travail dissimulé constatés par procès-verbal transmis au procureur de la République, la remise de majorations de retard ne peut intervenir.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

MOTIFS

Sur la non-communication du procès-verbal de travail dissimulé

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Conformément aux dispositions de l'article L. 8222-2 du code du travail alinéa 2, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées à l'article L. 8222-1 du même code, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

Par une décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

En l'espèce, la société contrôlée a fait valoir que selon elle la situation de travail ne pouvait recouvrir une situation de travail dissimulé, puisque son sous-traitant avait la qualité d'auto entrepreneur. Elle a expressément dans ses écritures contesté le constat de travail dissimulé, soutenant que l'auto entrepreneur se trouvait en simple situation de régularisation de paiement de ses propres cotisation. Dès lors elle était fondée, ainsi qu'elle l'a réitéré à plusieurs reprises, y compris en appel, a sollicité la communication du procès-verbal de constat de travail dissimulé aux fins de vérifier son existence et son contenu..

Or il est constant que le procès-verbal de travail dissimulé n'a pas été produit aux débats ni en première instance, ni en cause d'appel.

Faute pour l'URSSAF d'avoir produit contradictoirement devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé, en l'espèce contesté, établi à l'encontre du coursier indépendant auquel l'appelante a eu recours, elle n'est pas fondée à mettre en oeuvre la solidarité financière de cette dernière.

Par conséquent, la cour ne peut que réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL [3] de sa demande et prononcer l'annulation du redressement subséquent sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres moyens soutenus par l'appelante.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au vu des circonstances, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL [3], à concurrence de la somme de 1.500,00 euros.

L'URSSAF verra sa propre demande à ce titre rejetée.

Par application combinée du décret n°2018-928 et de l'article 696 du code de procédure civile, l'URSSAF, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après rapport et débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement rendu le 23 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nice en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

- Annule le redressement opéré par la lettre d'observations du 20 mars 2019, ainis que la mise en demeure subséquente du 22 août 2019.

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes- Côte d'azur à payer à la SARL [3] la somme de MILLE CINQ EUROS (1.500,00 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Déboute l'URSSAF Provence-Alpes- Côte d'azur de sa demande à ce même titre.

- Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens.

Et la présente décision a été signée par le Président et le Greffier.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06019
Date de la décision : 23/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-23;21.06019 ?
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