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22/09/2022 | FRANCE | N°19/10900

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 22 septembre 2022, 19/10900


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 364













N° RG 19/10900 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BERX7







Association ASL LE JAS ROUGE





C/



[Y] [B]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Olivier SUARES



Me Alain BERDAH























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00344.



APPELANTE



Association Syndicale Libre (ASL) LE JAS ROUGE représentée par son Président Monsieur [F] [T], dont le siège social est [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 364

N° RG 19/10900 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BERX7

Association ASL LE JAS ROUGE

C/

[Y] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivier SUARES

Me Alain BERDAH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 14 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00344.

APPELANTE

Association Syndicale Libre (ASL) LE JAS ROUGE représentée par son Président Monsieur [F] [T], dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Olivier SUARES de la SELARL PLENOT-SUARES-ORLANDINI, avocat au barreau de NICE substituée par Me Delphine GEAY, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [Y] [B]

né le 30 Mars 1948 à [Localité 12], demeurant [Adresse 1] - BURKINA FASO

représenté par Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

[U] [B], aujourd'hui décédé, a créé en 1982 le lotissement du Jas Rouge à [Localité 14] ; les 5 et 7 juin 2012, l'ASL a fait assigner ses héritiers, Mme [O] [N] et M. [Y] [B], en vente forcée à son profit de parties communes du lotissement ; selon jugement contradictoire du 15 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Grasse a constaté l'extinction de l'action de l'ASL du Jas Rouge à l'encontre de Mme [O] [N] elle-même décédée le 31 décembre 2003 et a déclaré l'action irrecevable à l'encontre de M. [Y] [B] pour défaut de qualité à agir de l'association.

Sur nouvelle assignation du 28 décembre 2016, l'ASL du Jas Rouge a fait citer aux mêmes fins M. [Y] [B] devant le tribunal de grande instance de Grasse ; ce dernier s'est opposé à la demande en invoquant le défaut de qualité de l'ASL.

Selon jugement contradictoire du 14 mai 2019, le tribunal judiciaire de Grasse a :

'rejeté les moyens de nullité de fond tirés de l'absence de capacité de l'ASL du Jas Rouge d'agir en justice et de défaut de pouvoir de son président ;

'déclaré la demande irrecevable en application de la théorie de l'estoppel ;

'débouté M. [Y] [B] de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

'condamné l'ASL du Jas Rouge à lui payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la même aux dépens avec faculté de recouvrement direct.

L'ASL du Jas Rouge a régulièrement relevé appel de cette décision le 5 juillet 2019 et demande à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 mars 2020 de:

'réformer le jugement déféré en ce qu'il fait application de la théorie de l'estoppel, de l'article 700 du code de procédure civile et condamne l'ASL du Jas Rouge aux dépens ;

'en conséquence, débouter M. [Y] [B] de son appel incident ;

'ordonner la vente forcée par ce dernier à l'ASL du Jas Rouge des parcelles BK n° [Cadastre 3], [Cadastre 4] à [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] à [Cadastre 11] au prix symbolique d'un euro ;

' condamner M. [Y] [B] au paiement d'une indemnité de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner le même aux dépens avec bénéfice de recouvrement direct.

Au soutien de son appel, l'ASL du Jas Rouge fait valoir principalement qu'à l'achèvement des travaux, la cession des parties communes à l'ASL du Jas Rouge nouvellement constituée n'est jamais intervenue, qu'un notaire a été saisi en vain de cette difficulté, que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'ASL avait fait preuve d'un comportement procédural déloyal, que sa demande de transfert de propriété est constante, que l'article 17 du chapitre III du cahier des charges du lotissement prévoit un transfert de propriété des terrains et équipements communs à l'ASL du Jas Rouge dès l'achèvement des travaux, que M. [Y] [B] n'a aucune vocation à en être membre, que le président de l'ASL peut agir en justice sans autorisation préalable et qu'enfin l'action n'est pas prescrite.

Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 5 décembre 2019, M. [Y] [B] demande à la cour de :

'confirmer la décision entreprise en ce qu'elle déclare irrecevables les demandes de l'ASL du Jas Rouge ;

'subsidiairement, si ces demandes étaient déclarées irrecevables,

'juger nuls les statuts de l'association du 28 juin 2014 ;

'juger en conséquence le défaut de capacité à agir en justice de l'association ;

'subsidiairement, juger irrecevable comme prescrite l'action de l'ASL du Jas Rouge ;

'plus subsidiairement, débouter l'ASL du Jas Rouge de ses demandes ;

'en tous les cas, la condamner à payer les sommes de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner l'association aux dépens d'appel.

M. [Y] [B] soutient principalement que pour faire échec au jugement du 15 décembre 2015, six propriétaires de lots se sont réunis le 28 juin 2014 pour créer l'ASL du Jas Rouge, que cette création requiert l'unanimité des propriétaires intéressés, qu'il en fait partie nécessairement en sa qualité de propriétaire de parcelles incluses dans le lotissement et qu'il s'agit d'une nullité de fond prévu à l'article 117 du code de procédure civile.

L'intimé ajoute que la demande de vente forcée est prescrite en ce qu'elle a été contractée en 1982 et transmise aux héritiers de [U] [B] le 18 juin 1994, qu'elle est par ailleurs infondée en ce que la législation alors applicable aux lotissements ne prévoyait aucun transfert automatique des terrains et équipements communs et qu'enfin l'appelante ne fonde en rien sa demande au prix unilatéral d'un euro.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 31 mai 2022.

MOTIFS de la DECISION

Il est constant que depuis 1988, une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 composée de copropriétaires de lots privatifs du lotissement du Jas Rouge a géré et entretenu ses équipements, aires et parties communes, que n'ayant pas le statut d'association syndicale libre prévu à la loi du 21 juin 1865 (aujourd'hui abrogée par l'ordonnance du 1er juillet 2004), elle a été déclarée irrecevable dans une action similaire par le jugement précédent du 15 décembre 2015 du tribunal judiciaire de Grasse.

M. [Y] [B] ne peut sérieusement reprocher à l'appelante d'avoir régularisé sa situation juridique par la création de l'ASL du Jas Rouge « en substitution de l'association loi 1901 créée en 1988 » (cf pièce n°2 de son dossier), la modification de ses statuts et leur dépôt le 30 juillet 2015 auprès de la sous-préfecture de [Localité 13], le tout en application de l'ordonnance du 1er juillet 2004 précitée organisant le nouveau régime des associations syndicales de propriétaires.

C'est en vain également qu'il reproche à l'appelante une attitude déloyale de nature à l'induire en erreur sur ses intentions selon le principe dit de l'estoppel issu du droit anglo-saxon et transposé dans le droit positif selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; l'ASL du Jas Rouge plaide à bon droit que la contradiction doit être dommageable.

Or, contrairement à l'appréciation du tribunal, il n'existe aucune contradiction dans les demandes puisque la lecture du jugement précédent de 2015 qui n'a fait l'objet d'aucun recours comme celle du jugement déféré enseigne que l'ASL du Jas Rouge poursuit la vente forcée des parcelles communes demeurées propriété du lotisseur en exécution de l'article XVII du cahier des charges du lotissement du 12 février 1982 ainsi libellé : « Propriété des terrains et équipements communs : Le lotisseur vendant des parcelles divises, la vente des lots ne porte pas sur les terrains et équipements communs. Dès l'achèvement des travaux, il transfère la propriété, la gestion et l'entretien des terrains et équipements communs à l'association syndicale jusqu'à leur intégration éventuelle dans le domaine d'une personne morale de droit public ».

De même, il n'existe aucun dommage pour l'intimé consistant en une erreur et/ou une méprise quelconques sur la nature de l'action dirigée à son encontre dès lors que celle-ci a pour finalité constante de faire déclarer l'ASL propriétaire desdites parcelle soit par le constat judiciaire de son transfert dans les termes du cahier des charges, soit par la réalisation forcée de ce transfert.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Il doit être confirmé pour le surplus, M. [Y] [B] reprenant à titre subsidiaire dans son appel incident les nullités de fond écartées par le tribunal. En effet, le premier juge a exactement considéré que les statuts de l'ASL ne pouvaient mentionner l'intimé en qualité de membre en l'état de l'action en revendication de propriété soutenue à son encontre et que l'unanimité s'entend des propriétaires participant à sa création et non pas de l'ensemble des personnes ayant vocation à y adhérer ; aucune cause de nullité n'affecte ainsi les statuts.

Leur article 20.1 conférant à son président les pouvoirs les plus étendus pour la réalisation de l'objet de l'association et notamment sa représentation en justice tant en demande qu'en défense, aucune irrecevabilité n'affecte la demande pour défaut de pouvoir.

S'agissant de la prescription de l'action, celle-ci court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; l'ASL du Jas Rouge explique que c'est en juillet 2009, à l'occasion de travaux effectués chez les époux [T]/[K] nécessitant l'ouverture d'un chemin dans un espace commun, qu'elle a découvert « avec stupeur » (conclusions page 15) que le transfert des espaces communs non seulement n'avait jamais été effectué à son profit mais en outre avait été réalisé par dévolution successorale au bénéfice de l'intimé et que le notaire [W] saisi de la difficulté n'a pu aboutir à une cession amiable des parcelles concernées. Ces dires ne sont aucunement critiqués par M. [Y] [B]; enfin, l'assignation au fond des 5 et 7 juin 2012 ayant abouti au premier jugement de 2015 a nécessairement interrompu toute prescription extinctive.

***

L'infirmation partielle du jugement rend sans objet la demande de M. [Y] [B] en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif.

Aucune circonstance économique ou d'équité ne contrevient à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] [B] qui succombe est condamné aux dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il rejette les moyens de nullité au fond soutenus par M. [Y] [B] ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Déclare l'ASL du Jas Rouge recevable en sa demande à l'encontre de M. [Y] [B] ;

Ordonne la vente forcée par ce dernier au profit de l'ASL du Jas Rouge des parcelles dépendant de l'ensemble immobilier dénommé Le Jas Rouge situées à [Localité 14] et cadastrées BK n° [Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 5]-[Cadastre 6]-[Cadastre 7]-[Cadastre 8]-[Cadastre 9]-[Cadastre 10]-[Cadastre 11] au prix symbolique d'un euro ;

Déboute M. [Y] [B] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif;

Le condamne à payer à l'ASL du Jas Rouge la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Y] [B] aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct pour ces derniers dans les termes de l'article 699 du même code.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/10900
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.10900 ?
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