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22/09/2022 | FRANCE | N°19/06058

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 22 septembre 2022, 19/06058


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/272













N° RG 19/06058 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDQJ







SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (EXERÇANT SOUS LA MARQUE CLOUD ECO)





C/



SARL GARAGE FANARA





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Martine GUERINI



Me Thimothé

e JOLY

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 05 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018000667.





APPELANTE



SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (EXERÇANT SOUS LA MARQUE CLOUD ECO),...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/272

N° RG 19/06058 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDQJ

SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (EXERÇANT SOUS LA MARQUE CLOUD ECO)

C/

SARL GARAGE FANARA

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Martine GUERINI

Me Thimothée JOLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 05 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018000667.

APPELANTE

SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION (EXERÇANT SOUS LA MARQUE CLOUD ECO), dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Martine GUERINI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL GARAGE FANARA, dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Thimothée JOLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Amandine WEBER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Max PERIE, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 23 décembre 2016 la société Garage Fanara a signé avec la SAS Société Commerciale de Télécommunication un contrat de téléphonie fixe et mobile avec accès internet, incluant l'installation.

Le 6 mars 2017 la société Garage Fanara, estimant avoir été abusée par les commerciaux de la SAS Société Commerciale de Télécommunication, a résilié le contrat.

La SAS Société Commerciale de Télécommunication a alors sollicité le paiement d'une indemnité de résiliation de 2.700 euros hors taxe pour le service de téléphonie fixe et une indemnité de 7.878 euros hors taxe pour le service de téléphonie mobile.

Les parties se sont rapprochées afin de trouver une solution amiable et faute d'accord, la SAS Société Commerciale de Télécommunication a saisi le le Tribunal de Commerce d'ANTIBES par acte du 19 février 2018 aux fins de voir constater la résiliation des contrats aux torts de la société Garage Fanara et obtenir sa condamnation à payer la somme de 12.693,60 euros toutes taxes comprises au titre de l'indemnité de résiliation, outre la somme de 1.034,31 euros toutes taxes comprises au titre des factures impayées.

Par jugement du 5 avril 2019 le Tribunal de Commerce d'ANTIBES a :

- prononcé la nullité des trois contrats datés du 23 décembre 2016 signés entre la société Garage Fanara et la SAS Société Commerciale de Télécommunication,

- débouté la SAS Société Commerciale de Télécommunication de sa demande de voir condamner la société Garage Fanara à payer la somme de 12.693,60 euros à titre d'indemnité de résiliation,

- condamné la société Garage Fanara à payer à la SAS Société Commerciale de Télécommunication les factures de téléphonie mobile pour un montant de 1.034,31 euros,

- condamné la SAS Société Commerciale de Télécommunication à payer à la société Garage Fanara la somme de 3.108 euros toutes taxes comprises correspondant aux frais de résiliation SFR en réparation du préjudice subi en raison de la conclusion du contrat annulé,

- ordonné la compensation entre les sommes dues par les parties en application de l'article 1347 du code civil,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SAS Société Commerciale de Télécommunication à payer, outre les dépens, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la société Garage Fanara,

- débouté les parties de toutes autres demandes, fins et conclusions

---------------

Par déclaration en date du 11 avril 2019 la SAS Société Commerciale de Télécommunication a interjeté appel du jugement.

----------------

Par conclusions enregistrées le 5 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SAS Société Commerciale de Télécommunication, exerçant sous la marque Cloud Eco, fait valoir que les conditions contractuelles sont parfaitement lisibles et opposables à la société Garage Fanara, laquelle ne pouvait ignorer la durée du contrat et était informée de la qualité de son cocontractant, sans confusion possible avec la société SFR.

La SAS Société Commerciale de Télécommunication ajoute que la société Garage Fanara a également été informée des conséquences de la signature des contrats et des frais de résiliation, et qu'elle-même n'a pas à supporter les frais de résiliation auprès de l'ancien opérateur.

La SAS Société Commerciale de Télécommunication soutient en outre que les contrats ont été exécutés et que la société Garage Fanara a refusé l'installation du matériel de sorte qu'elle est à l'origine du défaut de reprise de la ligne fixe et d'installation du contrat Web.

Ainsi, la SAS Société Commerciale de Télécommunication maintient ses demandes au titre des frais de résiliation prévus au contrat, outre le règlement des factures impayées, en contestant le prétendu déséquilibre significatif invoqué par la société Garage Fanara.

La SAS Société Commerciale de Télécommunication demande ainsi à la Cour de réformer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Garage Fanara à payer à la SAS Société Commerciale de Télécommunication les factures de téléphonie mobile pour un montant de 1.034,31 euros, et de :

- constater la résiliation des contrats de téléphonie fixe et mobile aux torts exclusifs de la société Garage Fanara,

- débouter la société Garage Fanara de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Garage Fanara à payer les sommes suivantes :

12.693,60 euros toutes taxes comprises au titre des frais de résiliation fixe et mobile avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation

1.034,31 euros au titre des factures de téléphonie impayées avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation

3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

----------------

Par conclusions enregistrées le 22 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Garage Fanara (SARL) rétorque que les contrats sont nuls dès lors qu'ils sont affectés d'un vice du consentement, que les commerciaux se sont présentés comme intervenant au nom de SFR, tel que cela ressort de l'attestation de Mme [L], et se sont abstenus de l'informer des frais de résiliation auprès de l'ancien opérateur ainsi que de la nécessité de résilier les lignes SFR et de la durée de son engagement.

La société Garage Fanara fait ainsi valoir que cette réticence dolosive vicie son consentement et justifie la nullité des conventions.

Subsidiairement, si la nullité des conventions n'était pas retenue, elle met également en exergue l'absence de durée de l'engagement à l'origine d'un déséquilibre significatif des droits et obligations, et en tout état de cause, la durée excessive imposée unilatéralement.

Enfin, la société Garage Fanara soutient que s'agissant d'une location financière pour laquelle l'accord de financement n'est pas intervenu, la caducité de l'ensemble contractuel doit être prononcée.

La société Garage Fanara demande ainsi à la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SAS Société Commerciale de Télécommunication les factures de téléphonie mobile pour un montant de 1.034,31 euros.

Ainsi, la société Garage Fanara demande à la Cour de cantonner les factures de téléphonie mobile à la somme de 885,38 euros et de lui donner acte de son offre de règlement de ladite somme.

La société Garage Fanara sollicite également l'octroi d'une indemnité de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en complément de l'indemnité allouée en première instance.

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Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 23 mai 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 23 juin 2022.

A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la nullité des contrats :

Aux termes de l'article 1137 du code civil le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

En outre, en application de l'article 1130 du même code, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En l'espèce, il ressort de l'attestation émise le 26 novembre 2018 par Mme [L], secrétaire de la société Garage Fanara, que les représentants de la SAS Société Commerciale de Télécommunication ont obtenu un entretien avec la société Garage Fanara en se présentant pour des mandataires de la société SFR, avec laquelle le garage était déjà en liens contractuels, et avec laquelle un différend existait, et que ces mêmes représentants ont continué à se prévaloir de leurs liens avec SFR dans le cadre de l'entretien.

La circonstance que Mme [L] soit liée à la société Garage Fanara par un lien de subordination est insuffisante à écarter les termes de son attestation dès lors qu'aucune pièce ne vient infirmer ses déclarations.

S'il ressort effectivement de la proposition commerciale émise par la SAS Société Commerciale de Télécommunication que le modèle économique de la société repose sur l'achat de gros volumes de minutes auprès des principaux opérateurs téléphoniques détenteurs d'infrastructures, en ce inclus SFR, il n'en demeure pas moins que les représentants de la SAS Société Commerciale de Télécommunication ont usé de procédés déloyaux en entretenant une confusion avec l'opérateur SFR, ou n'ont pas, à tout le moins, démenti l'absence de mandat de représentation au nom de cette dernière, et ce, alors que la préexistence des liens contractuels entretenus par la société Garage Fanara avec la société SFR la prédisposait légitimement à croire qu'elle avait affaire à un représentant SFR venu négocier une modification des conditions contractuelles.

Il apparaît, tel que cela ressort de l'attestation susvisée ainsi que du courrier de résiliation émis le 6 mars 2017 par la société Garage Fanara, que cette dernière a pris conscience de son erreur à réception de la facture de résiliation émise par la société SFR, et s'est ainsi opposée tant à l'installation du matériel qu'à la poursuite des relations contractuelles, confirmant ainsi les man'uvres opérées.

Ainsi, le procès-verbal de refus d'installation mentionne « client avait annulé le rdv il y a 10 jours car souhaite des éclaircissements sur son contrat avant ». Le courrier de résiliation adressé par la société Garage Fanara note « le standard n'est pas installé et la portabilité des lignes mobiles est bien effective, mais nous a coûté un solde auprès de notre ancien opérateur SFR de 2.590 € HT que nous avons été obligés de régler. Ces frais de résiliation n'étaient pas prévus lors de cette nouvelle souscription et vos conditions de remboursement ne nous conviennent pas. Nous n'avons plus confiance et pour toutes ces raisons nous souhaitons nous rétracter ».

Il apparaît ainsi que sans la confusion entretenue par la SAS Société Commerciale de Télécommunication quant à ses liens avec l'opérateur SFR, la société Garage Fanara n'aurait pas conclu les contrats d'installation et de téléphonie avec la SAS Société Commerciale de Télécommunication, notamment à la lumière des frais de résiliation facturés.

Ainsi, au seul visa des articles 1128 et suivants, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les trois contrats signés le 23 décembre 2016 par la société Garage Fanara auprès de la SAS Société Commerciale de Télécommunication, à l'exclusion du renvoi à l'article L.121-1 du code de la consommation, inapplicable au 23 décembre 2016 dans sa version rappelée par le Tribunal de Commerce puisqu'abrogée au 1° juillet 2016.

Les autres moyens, notamment en ce qu'ils supposent un examen de l'opposabilité et de la validité des clauses contenues aux contrats conclus entre les parties, sont surabondants en l'état de la nullité de ces contrats.

Par ailleurs, en application de l'article 1178 du code civil le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.

Ainsi, en conséquence de la nullité, les premiers juges ont valablement estimé que les indemnités de résiliation n'étaient pas dues et que la société Garage Fanara était tenue au paiement des factures en contrepartie de la jouissance de la ligne téléphonique.

A cet égard, si la société Garage Fanara conteste le quantum de la facturation émise elle ne procède que par allégations quant à l'exclusion de certains types d'appels et de frais de sorte que le montant retenu par le tribunal sera confirmé.

De même, les premiers juges ont estimé à juste titre que la SAS Société Commerciale de Télécommunication prendrait à sa charge les frais de résiliation de l'abonnement souscrit par la société Garage Fanara auprès de la société SFR considérant que ces frais participent du dommage subi par le client à la suite de l'attitude fautive de la SAS Société Commerciale de Télécommunication.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens :

La SAS Société Commerciale de Télécommunication, partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, la SAS Société Commerciale de Télécommunication sera tenue de régler à la société Garage Fanara la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 avril 2019 par le Tribunal de Commerce d'ANTIBES,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Société Commerciale de Télécommunication aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Société Commerciale de Télécommunication à payer à la société Garage Fanara la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/06058
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.06058 ?
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