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22/09/2022 | FRANCE | N°19/05902

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 22 septembre 2022, 19/05902


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/271













N° RG 19/05902 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDFI







SA CMA - CGM

SA CMA CGM ANTILLES GUYANE





C/



SAS COMPAGNIE MARITIME [G]

Société JAGUAR THE FRESH COMPANY B.V

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS













Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Sandra JUSTON
>

Me Rachel SARAGA- BROSSAT



Me Bertrand COSTE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 08 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2014F02695.





APPELANTES



SA CMA - CGM, dont le si...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/271

N° RG 19/05902 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDFI

SA CMA - CGM

SA CMA CGM ANTILLES GUYANE

C/

SAS COMPAGNIE MARITIME [G]

Société JAGUAR THE FRESH COMPANY B.V

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Sandra JUSTON

Me Rachel SARAGA- BROSSAT

Me Bertrand COSTE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 08 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2014F02695.

APPELANTES

SA CMA - CGM, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SA CMA CGM ANTILLES GUYANE, aux droits de laquelle vient la Société CMA CGM SA, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEES

SAS COMPAGNIE MARITIME [G], dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Marina PAPASAVVAS de la SELARL RAISON & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société JAGUAR THE FRESH COMPANY B.V société de droit étranger dont le siège social est sis [Adresse 4] (Pays-Bas), demeurant [Adresse 4]/Pays-Bas

représentée par Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Sous couvert de deux connaissements BR1669246 et BR1559223 émis le 29 septembre 2013, la société CMA CGM a transporté deux conteneurs respectivement CGMU9352664 et AMCU9218634 contenant 2912 cartons de melons chacun, empotés par le chargeur, la société CRITAS FRUTAS LTDA, au départ de Natal (Brésil) et à destination de Rotterdam (Pays-Bas) et devant être livrés à la société JAGUAR THE FRESH COMPANY B.V. (ci-après société JAGUAR).

La marchandise devait être transportée à des températures de 6°C et 7°C tout au long du transport.

Les conteneurs ont été chargés à bord du navire PEKTUM fourni et opéré par la COMPAGNIE MARITIME [G] (ci-après « [G] »), dans le cadre d'un contrat de charte-partie d'affrètement d'espace conclu par cette société avec la société CMA CGM ANTILLES GUYANE.

Le 23 septembre 2013, le navire PEKTUM, toujours à quai au port de [Localité 5], a subi une avarie de son générateur n°3, affectant sa capacité à alimenter les groupes frigorifiques des conteneurs frigorifiques chargés à bord.

Le navire est arrivé à destination avec un retard de 6 jours et une expertise effectuée a relevé un état de maturité avancée de la cargaison.

La vente en sauvetage des marchandises a fait apparaître une dépréciation de 70,66% pour le conteneur CGMU9352664 (soit 16.871,80 euros) et de 33,92% pour le conteneur AMCU9218634 (7.548,65 euros), soit un préjudice total de 24.420,45 euros.

La société AXA CORPORATE SOLUTIONS (ci-après société AXA) par l'intermédiaire de GUSTAV F HUBENER a versé à son assurée la société JAGUAR, THE FRESH COMPANY B.V une indemnité de 19.420,45 euros, laissant à la charge de ce dernier une franchise de 5.000 euros.

Par acte du 10 octobre 2014, les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS SA, GUSTAV F HUBENER GMBH, JAGUAR THE FRESH COMPANY BV et CRIS FRUTAS LTDA ont fait assigner la société CMA-CGM devant le tribunal de commerce de Marseille pour la voir condamnée au paiement des sommes de 19.420,45 euros à la société CORPORATE SOLUTIONS SA et 5.000 euros aux sociétés JAGUAR THE FRESH COMPANYBV et CRIS FRUTAS LTDA au titre des dommages subis par la marchandise, outre la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte du 9 janvier 2015, les sociétés CMA CGM et CMA CGM ANTILLES GUYANE ont appelé la société [G] en garantie.

Par jugement du 8 septembre 2017, le tribunal précité a :

- Condamné la société CMA-.CGM à payer à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA la somme de 19.420,45 euros au titre de l'indemnité d'assurance versée à son assuré, la société JAGUAR THE FRESH COMPANY BV ;

-Condamné la société CMA-CGM à payer à la société JAGUAR THE FRESH COMPANY BV la somme de 5.000 euros au titre de la franchise supportée ;

- Condamné la société CMA-CGM à payer à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS SA et la société JAGUAR THE FRESH COMPANY BV la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Débouté la société CMA-CGM et la société CMA CGM ANTILLES GUYANE de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la compagnie [G] ;

-Condamné la société CMA-CGM et la société CMA CGM ANTILLES GUYANE à régler à la compagnie [G] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La société CMA-CGM et la société CMA CGM ANTILLES GUYANE ont relevé appel de cette décision par déclaration du 10 avril 2019.

La société CMA-CGM, intervenant en son nom propre et venant aux droits de la société CMA CGM ANTILLES GUYANE à la suite d'une dissolution entrainant la transmission universelle de son patrimoine à son profit, expose dans ses dernières du conclusions notifiées par RPVA le 13 mai 2022 :

-que les actions de la société AXA et de la société JAGUAR sont irrecevables,

Subsidiairement :

-qu'elle doit être exonérée de toute responsabilité en application de l'article 4.2 de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée,

-que [G] a fait diligence dans la mise en état de navigabilité de son navire « PETKUM » et la gestion de la situation consécutive à la panne du générateur,

-que CMA CGM a fait diligence dans ses rapports avec les intérêts de la cargaison sous l'empire du connaissement dans la fourniture d'un navire navigable et la gestion de la situation résultant de la panne du générateur du navire PETKUM de la société [G],

-qu'elle doit être exonérée de toute responsabilité en vertu du cas excepté exonératoire prévu à l'article 4.1 de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée,

Plus subsidiairement :

-que la responsabilité de la COMPAGNIE MARITIME [G] S.A.S, est engagée au visa des dispositions de l'article 10.1 de la Charte partie d'affrètement et qu'elle doit la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

La société CMA CGM sollicite la réformation du jugement attaqué, le rejet des demandes présentées et demande de condamner tout succombant à lui payer une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans leurs écritures notifiées par RPVA le 2 octobre 2019, la société AXA et la société JAGUAR rétorquent :

-que leurs demandes sont recevables,

-qu'elles justifient de leurs préjudices,

et demandent à titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement :

-que la société [G] soit condamnée à leur payer respectivement les sommes de 19.420,45 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 mars 2014 avec capitalisation des intérêts et 5.000 euros avec les mêmes modalités.

Elles concluent à la confirmation de la décision déférée et au paiement de la somme de 6.000,00 EUR au titre de l'article 700 du CPC.

La société [G] dans ses conclusions notifiées par RPVA le 13 mai 2022 fait valoir :

-que les rapports d'expertise versés aux débats ne lui sont pas opposables et ne sont donc pas de nature à fonder à son endroit une quelconque responsabilité,

-qu'en sa qualité de fréteur dont le régime juridique est régi par la charte-partie d'affrètement d'espaces, a fait preuve d'une diligence raisonnable lors du transport maritime et qu'elle a parfaitement exécuté l'ensemble de ses obligations,

-que la société CMA CGM ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute de sa part.

La société [G] demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation des société CMA CGM et CMA CGM ANTILLES GUYANE à lui régler la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. .

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intérêt à agir et la qualité à agir des assureurs, et la recevabilité de la demande de la société JAGUAR

En application des articles L.121-12 et L.172-29 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie.

Aux termes de l'article 1249 du code civil, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016, la subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui paie, est ou conventionnelle ou légale.

Ainsi, l'assureur qui a payé l'indemnité contractuellement due à son assuré est légalement subrogé dans les droits de ce dernier.

A défaut, la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur au visa des article 1250 et 1252 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Au cas présent, les sociétés intimées remettent aux débats la police d'assurance souscrite par la société Jaguar en vigueur au moment du sinistre, laquelle précise que sont pris en charge par l'assureur « toutes les pertes et les dommages physiques aux intéressés assurés (') découlant de quel qu'origine que ce soit, sans préjudice cependant, des exclusions mentionnées aux articles 16, 17 et 24 « vice inhérent », « faute de l'assuré », et « absence de risque de guerre et de grève » des conditions de la « Police d'assurance transport de marchandises de la bourse néerlandaise 2006 ». Cette société d'assurance justifie avoir viré le 3 avril 2014 l'indemnité d'un montant de 19.420,45 euros à son assuré JAGUAR qui a rédigé une quittance subrogative le 7 avril 2014. Aucune disposition n'impose que la quittance comporte les références de la police en vertu de laquelle le paiement est effectué dans la mesure où il est prouvé que ce versement est fait au titre du sinistre survenu sur la marchandise litigieuse.

La société AXA établit ainsi qu'elle avait l'obligation d'indemniser son assurée en application du contrat et les dispositions précitées ont été respectées.

La société AXA ainsi subrogée dans les droits de son assuré, est fondée à agir envers le responsable du sinistre.

La société JAGUAR est recevable à agir en remboursement de la franchise restée à sa charge.

La société appelante ne peut sérieusement soutenir que cette société est irrecevable à agir dans la mesure où elle a cédé tous ses « droits relativement au dommage subi par des melons pendant leur transport de Natal vers Rotterdam sur le navire Petkum sous les connaissements n°BR16692-46 et BR1669233 ».

Les droits ne peuvent concerner que ceux découlant du contrat d'assurance et donc du paiement effectué par l'assureur et nullement de la franchise restée à charge de l'assuré.

Le jugement, à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus, est ainsi confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de la société CMA-CGM

Au visa de l'article L5422-12 et de la Convention de Bruxelles de 1924 invoquée par les parties, le transporteur maritime est responsable des pertes et dommages subis par la marchandises depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, constatées à la livraison, et ne peut s'exonérer qu'en démontrant l'existence d 'un cas excepté par l'article 4-2 de la Convention de Bruxelles, et que ce cas excepté a bien été la cause du dommage. Parmi ces cas excepté figurent les fautes du chargeur, notamment dans l'emballage, le conditionnement ou le marquage des marchandises.

Il est admis que :

- l'absence de faute du transporteur est insuffisante à le dégager de la présomption ainsi édictée,

-l'absence de réserves au connaissement ne lui interdit pas de rapporter la preuve du cas excepté.

Au cas présent, la société CMA-CGM soutient que le retard de 6 jours n'est pas un retard déraisonnable et invoque comme cause exonératoire de sa propre responsabilité, la faute du chargeur qui aurait effectué un empotage à chaud, par défaut de pré-réfrigération, avant empotage de la marchandise.

Aucune réserve n'a été émise lors de l'embarquement des containeurs par le transporteur maritime. L'existence d'avaries à la livraison n'étant pas contestée, il en résulte une présomption de responsabilité de la société CMA CGM laquelle ne saurait s'en exonérer qu'en faisant la preuve d'un cas excepté en lien de causalité avec le dommage.

Il est constant que les deux conteneurs n°AMCU9218634 et CGMU9352664 contenant des cartons de melons frais ont été affectés par une panne du système de réfrigération et que la température prévue de 6° à 7 ° n'avait pas été respectée. En effet, l'expertise effectuée sur le port de [Localité 6] a relevé que les températures contractuelles n'avaient pas été respectées en cours de transport en raison de l'avarie ayant affecté le groupe électrogène.

Le rapport d'expertise HDG précise :« pendant les opérations de chargement à Natal le 22 septembre 2013, une explosion de carter s'est produite dans le moteur diesel du groupe électrogène n°3 causant entre autres des dommages sérieux au vilebrequin (') ».

A la suite de cette panne, « il n'y avait pas suffisamment d'énergie électrique pour faire fonctionner tous les conteneurs réfrigérés (') et en raison d'une surchauffe (') au début de la période de transport, les unités de réfrigération de divers conteneurs ont été temporairement inopérantes et n'ont donc pas réfrigéré ».

Le rapport de la société BTM SURVEYS mandatée par les société CMA CGM indique que le transport, de nombreux conteneurs frigorifiques ont été éteints de temps à autre, et que ce navire n'avait pas l'habitude de transporter des conteneurs frigorifiques. Il est ajouté que le capitaine du navire a pris un grand risque en transportant 220 conteneurs frigorifiques avec seulement 2 générateurs en état de marche et deux blocs secteurs défaillants tout en utilisant presque 100% de la capacité du navire. Il précise que le chargement initial de 222 conteneurs frigorifiques avant la panne du générateur méconnaissait les préconisations de la Classe du navire puisque les deux générateurs restant ne pouvaient offrir à la fois de bonnes conditions de navigation et toutes les prises certifiées de conteneurs réfrigérés, y compris les ventilateurs, dès lors qu'un générateur était en panne.

Il est mentionné qu'entre le 29 septembre et le 7 octobre 2013, l'unité frigorifique du conteneur CGMU 9352664 s'est arrêtée plusieurs fois par jour, de sorte que l'air entrant et sortant du conteneur était à ce moment de 14°C (soit 7°C au-dessus des préconisations du connaissement). Quant au conteneur AMCU9218634, entre le 25 septembre et le 2 octobre 2013, l'unité frigorifique s'est arrêtée plusieurs fois par jour, de sorte que l'air entrant et sortant du conteneur était à ce moment de 12°C (soit 6°C au-dessus de la température contractuelle).

Comme l'a relevé à juste titre le tribunal, la société d'expertise BTM SURVEYS a constaté que pour le conteneur CGMU9352664 un empotage a été réalisée le 18 septembre 2013 à 12°, si le simple constat d'une insuffisance de pré-réfrigération est suffisant pour caractériser la faute du chargeur, il est cependant insuffisant pour caractériser la relation de cause à effet entre cette faute et le dommage, compte tenu des anomalies relevées lors du transport.

La cause du sinistre constatée par expertise résulte du fait que le transport n'a pas été effectué à la température prévue, le retard n'étant en rien à l'origine du sinistre.

Dès lors, la société CMA CGM, par application de l'article 3.6 de la Convention de Bruxelles amendée qui ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge, de la réalité d'une des conditions exonératoires de sa responsabilité présumée, doit être tenue en sa qualité de transporteur maritime, pour responsable de la perte des marchandises.

Sur l'indemnisation

Selon l'article 4-5 b) de la Convention de Bruxelles amendée, le montant du préjudice s'évalue par référence à la valeur des marchandises au lieu et au jour de leur déchargement, la valeur des marchandises étant déterminée d'après le cours en Bourse ou à défaut, d'après le prix courant sur le marché ou à défaut de l'un et de l'autre, d'après la valeur usuelle de marchandises de même nature et qualité.

En l'espèce, une facture de la société CRIS FRUTAS LTDA fait état d'une vente de 5 824 cartons de melons. Les marchandises les moins endommagées ont pu être vendues à des prix différents selon leur état de murissement lors de leur déchargement.

C'est sur ces bases et en fonction des critères susvisés que l'expert a évalué le montant du préjudice subi par la société JAGUAR.

C'est donc à juste titre, et par motifs auxquels il convient de se référer pour le surplus, que le tribunal a condamné la société CMA CGM à payer à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS S.A. la somme de 19.420,45 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, au titre de l'indemnité versée, et à la société JAGUAR THE FRESH COMPANY BV la somme de 5.000 euros au titre de la franchise nécessairement unique s'agissant d'un seul sinistre, également avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et ce pour ces deux sommes avec capitalisation des intérêts.

Sur l'appel en garantie diligentée par la société CMA-CGM envers la société [G]

Il ne pèse pas sur le fréteur par principe, et comme c'est le cas pour le transporteur maritime, une présomption de responsabilité. Les obligations respectives du fréteur et de l'affréteur, et la responsabilité de ce dernier doivent être examinée au regard des dispositions du contrat conclu par les parties.

Au cas présent, la société [G] n'est pas propriétaire du navire PETKUM qui appartient à la société BRIESE SHIFFAHRTS GMBH, mais fréteur d'espace dans le cadre d'un contrat de Charte- Partie d'affrétement d'espace, qui la lie avec la CMA CGM. Cette dernière invoque l'article 10.1 de la charte -partie d'affrètement d'espace conclu avec la société [G] pour soutenir qu'en sa qualité de fréteur, la responsabilité de cette dernière est engagée.

Aux termes de l'article 10.2 de cette charte, « le Fréteur procédera au transport de façon appropriée et soigneuse et sera responsable de la garde et des soins à apporter aux marchandises et aux conteneurs durant leur séjour à bord. »

Aux termes de l'article 10.3 « Le Fréteur sera responsable du branchement et du débranchement des conteneurs, de la fourniture de puissance électrique et de gaz réfrigérant R134 des conteneurs réfrigérés contenant des marchandises chargés sur le navire, d'huile de lubrification adéquate, et devra faire toute diligence raisonnable pour maintenir ces conteneurs en bon état de fonctionnement pendant le voyage [...]. Par dérogation à l'article 10.2, le Fréteur ne sera responsable des pertes ou dommages subis par le conteneur ou la marchandise réfrigérée que dans la mesure où ces pertes ou dommages seront imputables à un manque de diligence de sa part. ''

Ce contrat prévoir ainsi un régime de faute prouvée, la charge de la preuve d'un manque de diligence du fréteur étant à la charge de l'affréteur, l'obligation du fréteur étant une obligation de moyen et non de résultat.

Au cas présent, deux expertises ont eu lieu à l'arrivée du navire :

-le 11 octobre 2013 par la société BMT Survey diligentée par la CMA-CGM pour connaître les causes de la panne du générateur et les solutions qui ont été apportées ;

-le 14 octobre 2013 par la Société HDG BV diligentée par les intérêts marchandises pour déterminer les causes et le montant des dommages.

La société [G] soutient l'inopposabilité des expertises auxquelles elle affirme ne pas été convoquée.

La société [G] n'est nullement mentionnée dans les sociétés présentes ou régulièrement convoquées aux opérations d'expertise. Le courrier électronique du 9 octobre 2013 dont se prévaut la société appelante qui fait état de réserves et invite la société [G] à se présenter aux opérations d'expertise ne mentionne aucune date et ne peut être considérer comme constituant une convocation.

Les rapports dressés à l'issue des expertises non contradictoires envers la société [G] sont produites aux débats.

Il résulte des articles 15,16 et 132 du code de procédure civile que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties (Cass.  ch. mixte, 28 sept. 2012).

En dehors des expertises précitées, la société appelante ne remet aucun document établissant une quelconque responsabilité de la société [G].

Il échet de juger que les deux rapports précités n'ont pas à l'égard de la société [G] force probante.

Tout à fait surabondamment, la cour se référera à la motivation du tribunal qui, de manière claire et précise après une analyse détaillée et pertinente, a constaté :

-que dès que la panne d'un des générateurs du navire a été connue, la société [G] a déchargé un certain nombre de conteneurs réfrigérés pour permettre d'adapter la puissance électrique du navire au nombre de conteneurs restant à bord ; qu'elle a ensuite fait placer à bord deux générateurs de secours (power packs) pour lui permettre de fournir, pendant le voyage, la capacité d'électricité manquante du fait de la panne du générateur ;

-que la CMA CGM ne démontre pas que les générateurs ne pouvaient supporter les contraintes qu'on leur imposait ;

-que la société [G] a chargé le nombre de conteneurs adapté à la capacité d'électricité fournie par les deux générateurs du bord et les deux power pack additionnels et qu'elle n'a donc pas commis de faute en sur- évaluant cette capacité par rapport au nombre de conteneurs réfrigérés chargés ;

et a retenu que la société [G] avait fait preuve de diligence raisonnable pour remédier à la panne du générateur et n'avait pas commis de faute en chargeant 220 conteneurs réfrigérés.

En conséquence, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions, les demandes formulées par la société CMA-CGM à l'encontre de la société [G] étant rejetées.

Sur les mesures accessoires

Il convient de condamner la société CMA-CGM à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS S.A. et la société JAGUAR THE FRESH COMPANY BV la somme unique et totale 6.000 euros,

à la société [G] la somme de 6.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que la CMA CGM vient aux droits de la société CMA CGM ANTILLES GUYANE, et reçoit son intervention à ce titre,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 8 septembre 2017,

Y ajoutant,

Condamne la société CMA-CGM à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

-à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS S.A. et la société JAGUAR THE FRESH COMPANY BV la somme unique et totale de 6.000 euros,

-à la société [G] la somme de 6.000 euros,

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

Condamne la société CMA-CGM aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/05902
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.05902 ?
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