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22/09/2022 | FRANCE | N°19/05654

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 22 septembre 2022, 19/05654


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/269













RG 19/05654 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BECOG







SAS SAFRAM FRANCE





C/



SAS KERRY FLAVOURS FRANCE

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES

SAS FIRMENICH



SARL IMAGO 3D

SAS RENTOKIL INITIAL





Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Romain CHERFILS

r>
Me Gilles ALLIGIER



Me Philippe-Laurent SIDER



Me Pascale PENARROYA-LATIL



Me Agnès ERMENEUX



Me Paul GUEDJ





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 28 Janvier 2019 enregistré au répertoire général s...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/269

RG 19/05654 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BECOG

SAS SAFRAM FRANCE

C/

SAS KERRY FLAVOURS FRANCE

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES

SAS FIRMENICH

SARL IMAGO 3D

SAS RENTOKIL INITIAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Romain CHERFILS

Me Gilles ALLIGIER

Me Philippe-Laurent SIDER

Me Pascale PENARROYA-LATIL

Me Agnès ERMENEUX

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 28 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2015J00095.

APPELANTE

SAS SAFRAM FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 3] ayant un établissement secondaire sous l'enseigne SAFRAM PROVENCE (anciennement TRAFICTIR PROVENCE) sis [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Olivier LEROY, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Elvire MAZET, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMEES

SAS KERRY FLAVOURS FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 9]

représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Jacques SIVIGNON, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SOCIETE HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES société de droit étranger, dont le siège social est sis [Adresse 5] (SUISSE) prise en son établissement principal en FRANCE sis [Adresse 4]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau D'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON,

plaidant

SAS FIRMENICH, dont le siège social est sis [Adresse 8]

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Nicolas JONQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Doaä BENJABER, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

PARTIES INTERVENANTES

SARL IMAGO 3D, dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Christian GILLON, avocat au barreau de GRASSE

SAS RENTOKIL INITIAL, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Alexis CHABERT, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Kerry Flavours France, spécialisée dans l'industrie agro-alimentaire, a passé avec la société Safram France (anciennement Trafictir), elle-même spécialisée dans l'entreposage de marchandises, un contrat pour le stockage de denrées alimentaires le 9 octobre 2007.

En mai 2012 la société Kerry Flavours France a constaté que des insectes étaient présents sur certains emballages de ses produits et a interrogé la société Safram France.

Il est apparu que les entrepôts de la société Safram France, situés à [Localité 7], avaient subi l'année précédente une infestation par des vrillettes du pain issues de larves présentes dans des racines d'iris, elles-mêmes propriété de la société Firmenich également cliente de la société Safram France, et qu'un premier traitement, effectué par la société Firmenich par le biais de la société Imago 3D, n'avait pas empêché l'éradication des insectes.

Un autre traitement insecticide a été effectué par la société Rentokil Initial, et à l'issue de ce traitement et d'un rapport d'expertise amiable, la société Kerry Flavours France a estimé que 20% de sa marchandise était impropre à la consommation, soit un stock d'une valeur de 208.712,60 euros.

La société Safram France a refusé d'indemniser la société Kerry Flavours France et l'assureur de la société Safram France, la société Helvetia, a également décliné sa garantie en faisant valoir la clause d'exclusion contenue à la police d'assurance.

Ainsi, la société Kerry Flavours France a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de GRASSE d'une demande de désignation d'expert, à laquelle le juge a fait droit en désignant M. [P] [E] par ordonnance du 19 avril 2013.

Le rapport de M. [E] a été rendu le 14 octobre 2014 et la procédure a été poursuivie par la société Kerry Flavours France devant les juges du fond par assignation du 23 avril 2015.

Par jugement en date du 28 janvier 2019 le Tribunal de Commerce de GRASSE a prononcé la jonction des instances et a :

- déclaré recevable et bien-fondée la demande de la société Kerry Flavours France,

- jugé que l'arrêt définitif rendu par la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 septembre 2016 a autorité de la chose jugée,

- pris acte que le contrat est opposable à la société Safram France et que les conditions générales de la société Safram France sont inopposables à la société Kerry Flavours France,

- débouté la société Safram France de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné la société Safram France à payer à la société Kerry Flavours France la somme de 255.989 euros à titre de dommages et intérêts,

- déclaré recevable et bien-fondée la demande de la société Helvetia,

- déclaré recevable et bien-fondé la demande de la société Firmenich,

- débouté la société Imago 3D de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions contre la société Firmenich,

- débouté la société Rentokil Initial de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions contre la société Firmenich,

- condamné la société Safram France à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

100.000 euros à la société Kerry Flavours France

5.000 euros à la société Helvetia

5.000 euros à la société Firmenich

- condamné la société Imago 3D à payer à la société Firmenich la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Safram France aux entiers dépens

---------------

Par déclaration en date du 5 avril 2019 la société Safram France a interjeté appel du jugement.

---------------

Par dernières conclusions enregistrées le 12 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Safram France (SAS) fait valoir qu'elle n'est pas à l'origine de la contamination des emballages des produits de la société Kerry Flavours France par des insectes et que le rapport d'expertise judiciaire relève clairement que la société Firmenich est à l'origine de l'infestation, justifiant sa demande de condamnation à son égard.

La société Safram France ajoute que la société Firmenich ne peut se prévaloir à cet égard de la clause de renonciation à recours figurant en annexe 1 du contrat les liant dès lors que cette clause lui est inopposable et qu'elle est inapplicable.

Elle soutient par ailleurs que son appel en garantie à l'encontre de la société Firmenich n'est pas prescrit.

Dans l'hypothèse où elle serait tenue d'indemniser la société Kerry Flavours France, elle demande à être relevée et garantie par son assureur, la société Helvetia, à hauteur du plafond de garantie fixé à 150.000 euros et conteste la clause d'exclusion invoquée par cette dernière au titre des « vers et vermines » en faisant valoir que l'infestation est due, non pas à des larves mais à des insectes volants.

Enfin, la société Safram France conteste le montant de l'indemnité mis à sa charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la société Kerry Flavours France, estimant ce montant excessif et disproportionné.

La société Safram France demande ainsi à la Cour de réformer le montant du préjudice alloué au titre de la perte de stock et des frais de stockage, ainsi que le montant de l'indemnité alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de :

A titre principal,

- juger qu'elle doit être relevée et garantie par la société Firmenich de toute condamnation prononcée contre elle,

- condamner la société Firmenich à supporter le coût de traitement de l'infestation subie en 2012 à hauteur de la somme de 98.948,40 euros,

- condamner la société Firmenich à payer à la société Safram France la somme de 156.190 euros à titre d'indemnisation du fait du non-règlement par la société Kerry Flavours France des factures d'entreposage

A titre subsidiaire,

- juger que la société Helvetia doit sa garantie à hauteur de 150.000 euros,

- juger que la société Safram France doit être relevée et garantie par la société Helvetia, son assureur, de toute condamnation qui serait prononcée contre elle,

A titre très subsidiaire,

- réformer le montant du préjudice alloué à la société Kerry Flavours France au titre de la perte de stock et des frais de stockage,

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer le montant de 100.000 euros alloué à la société Kerry Flavours France en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le ramener à de plus justes proportions

En tout état de cause,

- condamner les succombants au paiement de la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction

--------------

Par dernières conclusions enregistrées le 13 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Firmenich (SAS) fait valoir que les stipulations contractuelles la liant à la société Safram France prévoient une renonciation à recours et font donc obstacle à toute action à son encontre. Elle ajoute que ces stipulations prévoient un délai d'action qui n'a pas été respecté de sorte que les actions dirigées contre elle sont prescrites.

La société Firmenich soutient en outre que s'agissant d'un contrat de dépôt la société Safram France, dépositaire, est tenue d'une obligation de moyen renforcé et doit prouver l'absence de faute de sa part à l'origine du dommage, or, la société Safram France ne démontre pas que l'infestation des racines d'iris était antérieure au dépôt, et n'a pas fait preuve de diligences dans le traitement, notamment eu égard aux dispositions réglementaires.

La société Firmenich conteste par ailleurs toute faute de sa part et dénonce le caractère lacunaire de l'expertise judiciaire. Elle relève en outre l'absence d'éléments caractérisant le dommage à son égard.

Enfin, la société Firmenich souligne la responsabilité des deux sociétés intervenues en matière de traitement de l'infestation, dont l'une à sa demande (la société Imago 3D), et qui ont été défaillantes dans la réalisation de leurs prestations et dans leur obligation d'information.

La société Firmenich demande à la Cour de :

- à titre principal, confirmer dans son intégralité le jugement,

- en cas de condamnation de la société Firmenich, condamner sur le fondement contractuel la société Imago 3D à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de la société Safram France et/ou de son assureur, la société Helvetia, et condamner sur le fondement délictuel, la société Rentokil Initial à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de la société Safram France et/ou de son assureur la société Helvetia,

- en tout état de cause, rejeter les prétentions formées à son encontre,

- condamner les succombants au paiement de la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

--------------

Par dernières conclusions enregistrées le 19 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Kerry Flavours France (SAS) fait valoir que son action est uniquement dirigée à l'encontre de la société Safram France, son cocontractant, au titre du contrat d'entreposage, et elle relève que cette dernière a renoncé en cause d'appel à contester l'opposabilité de ce contrat et à solliciter une indemnité.

Ainsi, la société Kerry Flavours France soutient qu'au regard des clauses du contrat, la société Safram France est responsable de plein droit de toute dégradation à la marchandises ou à son emballage résultant de la présence d'insectes dans ses entrepôts, et que l'expert judiciaire a retenu qu'une partie du stock n'était plus commercialisable.

La société Kerry Flavours France souligne en outre que la société Safram France n'a pris aucune mesure préventive pour lutter contre les nuisibles.

Elle évalue ainsi son préjudice à la somme totale de 255.989 euros et conteste l'argumentation invoquée par la société Safram France pour s'opposer au paiement de l'indemnité.

Enfin, la société Kerry Flavours France relève que les frais liés au litige dépassent d'ores et déjà la somme allouée par le Tribunal de Commerce.

La société Kerry Flavours France demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu notamment en ce qu'il a condamné la société Safram France à payer à la société Kerry Flavours France la somme de 255.989 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la société Safram France de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- débouter la société Helvetia de ses demandes dirigées à son encontre,

- débouter toute autre partie à la procédure qui a déclaré s'associer aux prétentions de la société Safram France, notamment la société Imago 3D,

- confirmer la condamnation de la société Safram France à lui payer la somme de 100.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

--------------

Par dernières conclusions enregistrées le 20 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances fait valoir que sa mise hors de cause s'impose au regard de l'exclusion de garantie figurant au contrat d'assurance souscrit par la société Safram France en application de l'article 6 au titre des dommages dus à des vers et vermines.

La société Helvetia soutient ainsi que l'infestation provient de larves de vrillettes contenues dans les rhizomes d'iris appartenant à la société Firmenich et ajoute que cette clause est opposable à son assurée dès lors que les conditions particulières ont été signées par la société Safram France et qu'elle est en outre valable s'agissant d'une clause classique.

Subsidiairement, la société Helvetia indique reprendre à son compte l'argumentation de la société Safram France concernant l'absence de preuve de l'infestation de la marchandise de la société Kerry Flavours France, les insectes n'ayant été constatés que sur les emballages.

Très subsidiairement, elle invoque le plafond de garantie applicable à hauteur de 76.000 euros dont à déduire la franchise (150 euros), plafond en vigueur au jour du sinistre.

Enfin, la société Helvetia sollicite la garantie de la société Firmenich au regard du fait générateur du dommage et de l'inopposabilité de la clause de non-recours à son égard.

La société Helvetia demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Safram France et autres de leur demande en garantie à son encontre,

- la mettre hors de cause

A titre subsidiaire,

- débouter la société Kerry Flavours France de ses demandes à son encontre,

- juger sans objet l'appel en garantie de la société Safram France à son encontre

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que la garantie due à la société Safram France par la société Helvetia ne saurait excéder la somme de 75.850 euros, et débouter la société Safram France du surplus de ses demandes,

- condamner la société Firmenich à relever et garantir la société Helvetia de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle,

- la condamner, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens

En tous les cas,

- condamner la société Safram France ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

--------------

Par dernières conclusions enregistrées le 20 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Imago 3D (SARL) expose qu'à la lecture du rapport d'expertise il apparaît qu'elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles tant en ce qui concerne le traitement réalisé que l'information donnée à la société Firmenich et elle souligne la faute commise par cette dernière, professionnelle avisée, qui a laissé un stock de produits résiduel jusqu'en mai 2012 alors qu'elle s'était engagée à les retirer dès 2011 et n'ignorait pas le risque de réinfestation.

Elle ajoute que l'expert a ainsi noté que les traitements effectués par la société Rentokil Initial et elle-même avaient été adéquats.

La société Imago 3D met enfin en exergue le préjudice porté à son image commerciale par la mise en cause abusive de la société Firmenich à son encontre.

Ainsi, la société Imago 3D demande à la Cour de :

- réduire dans une large proportion les demandes de la société Kerry Flavours France,

- débouter la société Firmenich de son appel provoqué à son encontre,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre hors de cause la société Imago 3D,

- condamner la société Firmenich à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au visa des articles 1382 ancien, 1240 nouveau du code civil et 32-1 du code de procédure civile,

- la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

---------------

Par dernières conclusions enregistrées le 18 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Rentokil Initial (SAS) fait valoir que suite à l'échec des quatre traitements insecticides réalisés en 2011 par la société Imago 3D elle a procédé, à la demande des sociétés Safram, Kerry et Firmenich, à une fumigation en 2012, qui s'est avérée fructueuse puisqu'elle a permis de mettre fin à la seconde infestation.

Elle conteste toute faute de sa part tant au titre de ses engagements contractuels à l'égard de la société Safram France suite à l'infestation survenue en 2011 qu'au titre d'un prétendu défaut de conseil lors de la conclusion du contrat de lutte contre les rongeurs.

La société Rentokil Initial demande ainsi à la Cour de :

- rejeter les demandes de la société Firmenich,

- condamner la société Firmenich à lui payer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive et vexatoire,

- condamner la société Firmenich au paiement d'une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens, dont distraction

-----------------

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 23 mai 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 20 juin 2022.

A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 septembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les mentions insérées au dispositif des conclusions tendant à voir « constater » « donner acte » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions mais des moyens et seront dès lors examinées comme tels.

Sur la demande de la société Kerry Flavours France à l'encontre de la société Safram France :

En cause d'appel, la société Safram France, anciennement Trafictir, ne conteste plus le principe de l'indemnisation due à la société Kerry Flavours France au titre du contrat d'entreposage passé en 2007 et demande à titre principal la condamnation de la société Firmenich à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, ainsi que la condamnation de son assureur la société Helvetia.

Sur les demandes de la société Safram France à l'encontre de la société Firmenich :

A cet égard, il n'est contesté par aucune partie que l'origine de l'infestation dommageable réside dans la présence de larves de vrillettes au sein des racines d'iris entreposées par la société Firmenich dans les mêmes locaux que la marchandise appartenant à la société Kerry Flavours France et que ces larves, à l'issue de leur développement, se sont muées en insectes volants qui ont été retrouvés sur les emballages des produits de la société Kerry Flavours France, spécialisée dans le domaine agroalimentaire.

En l'état des demandes de la société Kerry Flavours France, dirigées à l'encontre du seul dépositaire, la société Safram France, la responsabilité de la société Firmenich n'est invoquée qu'au titre du contrat de prestations logistiques/d'entreposage la liant à la société Safram France, signé le 1° février 2011.

La société Firmenich s'oppose à l'engagement de sa responsabilité en faisant valoir d'une part l'annexe 1 dudit contrat intitulé « renonciation à recours » et fait valoir d'autre part, la prescription de l'action engagée par la société Safram France au regard de la prescription abrégée convenue au contrat.

En premier lieu, il résulte du dernier alinéa de l'annexe 1 que « par les présentes, le Prestataire et ses assureurs respectifs renoncent à tout recours contre le Client et ses assureurs en cas de dommages causés par les marchandises aux biens immobiliers et mobiliers du Prestataire, et dont la responsabilité incomberait au Client ».

En l'espèce, la clause de « renonciation à recours » n'a pas vocation à s'appliquer considérant qu'elle n'est pas signée ni paraphée de la société Firmenich, à l'inverse des autres pages du contrat, et que les dommages survenus à la marchandise, propriété d'un déposant/client, par la marchandise entreposée par un autre client, ne peuvent être considérés comme inclus à l'exclusion du recours offert au prestataire (la société Safram France en l'espèce) dès lors que ces dommages ne portent pas sur des « biens immobiliers et mobiliers du prestataire » lui-même.

La société Safram France était dès lors bien-fondée à exercer un recours à l'encontre de la société Firmenich.

En second lieu, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a jugé l'action engagée par la société Safram France prescrite à l'encontre de la société Firmenich.

En effet, il résulte de la lecture combinée de l'article 7 du contrat de prestations de service conclu entre les deux parties et de l'article 4 des conditions générales incluses à l'annexe 2 que la prescription annale prévue par la convention, par exception à la prescription légale, ne s'applique que pour « toutes les actions introduites à titre principal par l'une des parties contre l'autre », de sorte que l'action en garantie initiée par la société Safram France à l'encontre de la société Firmenich, par suite de l'action principale engagée par la société Kerry Flavours France, ne relève pas de la prescription contractuelle. Si la clause opère une précision quant aux actions principales, elle doit être interprétée strictement et s'entendre comme excluant les actions en garantie.

Dès lors, l'action engagée par la société Safram France obéit aux règles de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulature d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Ainsi, l'action initiée par la société Safram France à l'encontre de la société Firmenich par assignation du 6 janvier 2017 est recevable dès lors qu'elle a été exercée dans un délai inférieur à cinq ans, tant à compter de la révélation du dommage par la société Kerry Flavours France (31 mai 2012) que du dépôt du rapport d'expertise (14 octobre 2014) permettant avec certitude de retenir la responsabilité de la société Firmenich.

S'agissant de la responsabilité de la société Firmenich, client/déposant, il résulte de la combinaison des articles 1927, 1928 et 1933 du code civil que le dépositaire n'est tenu que d'une obligation de moyens et qu'en cas de détérioration de la chose déposée, il peut s'exonérer en rapportant la preuve que, n'ayant pas commis de faute, il est étranger à cette détérioration.

Néanmoins, les parties à un contrat de dépôt salarié sont libres de convenir de mettre à la charge du déposant la preuve du manquement du dépositaire à son obligation de moyens, étant observé que le présent litige n'a pas trait à la responsabilité du dépositaire à l'égard des dommages survenus à la marchandise laissée en dépôt mais à la responsabilité du déposant à l'égard de son dépositaire pour les dommages générés par la marchandise.

Au cas particulier, il a été convenu (clause 2.2) que « le Client demeure seul responsable de la structure physique et chimique ou organique des produits confiés comme de leur conditionnement, qui sont présumés être sa propriété et demeurent sous sa garde juridique. A ce titre le Client est seul responsable des dégradations, évaporations, altérations, ou évolutions de la structure physique ou chimique des produits qui résulteraient d'un vice propre de la marchandise ou d'un défaut de conditionnement ».

Comme rappelé ci-dessus, il n'est pas contesté que les dommages survenus à la marchandise appartenant à la société Kerry Flavours France proviennent de larves présentes dans les racines d'iris entreposées par la société Firmenich, société spécialisée dans l'extraction de saveurs et fragrances.

L'expert note qu'en dépit des engagements de la société Firmenich de retirer sa marchandise lors de la première infestation en 2011, la marchandise n'a été retirée que progressivement de sorte qu'à l'apparition d'un nouveau réchauffement, les larves de vrillettes ont pu, dans le cadre de leur cycle de développement, se muer en insectes volants. La société Safram France, au regard des courriels émis en interne, démontre qu'elle a souhaité dans un premier temps faire confiance à la société Firmenich, laquelle s'était engagée à retirer la marchandise, tout en n'excluant pas « une approche plus coercitive ». La société Firmenich est en conséquence mal fondée à faire grief à la société Safram France de l'absence de mise en demeure à son égard dès lors que seule sa négligence dans le retrait rapide de la marchandise est à l'origine de la seconde infestation en 2012.

L'expert indique également que la société Firmenich, en professionnelle, disposait des compétences scientifiques nécessaires pour savoir que ses racines d'iris étaient infestées en leur c'ur et que le traitement par nébulisation commandée par ses soins à Imago 3D ne pouvait résoudre cette infestation, ce qui résulte au demeurant d'un échange de mail du 1° juin 2012 entre la société Safram France et la société Firmenich par lequel la première (anciennement Trafictir) fait reproche à la seconde en ces termes : « la véritable solution est un traitement au gaz que votre prestataire ne semble pas en mesure d'effectuer. Si cette solution avait été appliquée l'an dernier, sur notre recommandation mais que vous avez refusé, nous n'en serions pas là à ce jour » (pages 103 et 104 du rapport).

Ainsi, aux termes du contrat d'entreposage, la société Firmenich a conservé la garde des biens confiés à la société Safram France au titre de leur structure et doit dès lors être tenue à garantie au titre des dommages subis par le dépositaire à l'issue de l'action principale initiée par la société Kerry Flavours France.

Pour autant, il est établi par ailleurs que la société Safram France a fait preuve, pour sa part, de négligence au regard des règles édictées par l'arrêté du 6 juillet 1998, en vigueur au moment des faits, imposant notamment en son article 3, des méthodes adéquates pour lutter contre les insectes et ravageurs, et imposant des zones d'entreposage distinctes entre d'une part, les déchets et matières non comestibles et d'autre part, les denrées alimentaires.

En l'espèce, la société Safram France n'a justifié avoir souscrit qu'un contrat au titre de l'éradication des rongeurs auprès de la société Rentokil Initial et la lecture du contrat produit ne permet pas d'en déduire d'ambiguïté sur la teneur des « nuisibles » concernés, étant rappelé que la société Safram France est une entreprise spécialisée dans le stockage et qu'il lui appartient de mettre en 'uvre les règles sanitaires propres à son secteur d'activité.

Dès lors, si la société Safram France avait mis en 'uvre ces mesures elle aurait pu éviter les contaminations observées entre les denrées alimentaires stockées par la société Kerry Flavours France et les végétaux appartenant à la société Firmenich et aurait pu, par un recours régulier à une entreprise de désinsectisation, anticiper le développement aérien des vrillettes, ce à quoi elle a procédé au demeurant, à compter du mois d'août 2012, avec la souscription d'un nouveau contrat auprès de la société Rentokil Initial au titre des insectes volants.

En conséquence, il y a lieu de juger que la société Firmenich sera tenue de garantir la société Safram France au titre des condamnations mises à la charge de cette dernière en indemnisation du préjudice subi par la société Kerry Flavours France. En revanche, cette garantie sera limitée à hauteur de 50 % compte tenu des motifs qui précèdent.

La société Safram France sera déboutée en ce qui concerne ses demandes complémentaires au titre du paiement du traitement insecticide et du paiement des factures d'entreposage restées impayées par la société Kerry Flavours France considérant qu'elle ne justifie pas avoir elle-même rempli son obligation de désinsectisation ni avoir respecté les prescriptions concernant un stockage différencié des marchandises, de sorte qu'elle ne peut solliciter indemnisation auprès de la société Firmenich des préjudices dont elle est à l'origine.

Sur les demandes de la société Safram France à l'encontre de son assureur la société Helvetia :

Au regard des sommes restant à la charge de la société Safram France il convient d'examiner sa demande subsidiaire tendant à obtenir la garantie de son assureur la société Helvetia.

La société Helvetia dénie sa garantie en faisant valoir l'article 6 de ses conditions spéciales prévoyant au titre des risques exclus « les dommages et pertes causés par : vice propre des marchandises, freinte de route, vers et vermine, mesures sanitaires ou de désinfection, quarantaine ».

La notion de « vermine », en ce qu'elle n'est pas précisément définie par la police d'assurance et ne l'est pas davantage au regard de la littérature qui la définit tantôt comme un insecte parasite de l'homme et de l'animal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, tantôt comme un ensemble d'insectes parasites, malpropres, nuisibles et incommodes, est insuffisante à entraîner une exclusion de garantie de part son caractère général et imprécis qui ne permet pas à l'assuré de prendre la mesure de la nature de l'exclusion.

De même, les « vers », en ce qu'ils n'ont pas vocation à connaître un cycle de développement, à l'inverse des larves, ne sont pas à l'origine de l'infestation, provoquée par le développement des larves de vrillettes, et non par des vers.

En conséquence, au visa de l'article L.113-1 du code des assurances, la clause d'exclusion n'est ni formelle ni limitée et doit être interprétée strictement, de sorte qu'elle n'y a pas lieu à exclusion de garantie.

S'agissant d'une clause contractuelle, le plafond de garantie applicable au sinistre est mis en 'uvre selon les dispositions contractuelles prévues entre les parties sauf interprétation lorsque la stipulation est ambiguë.

En l'espèce, il ressort des conditions générales Multitrans (imprimé 9801) que le sinistre est défini (article 2.8) comme « toute réclamation susceptible d'entraîner la mise en jeu du présent contrat ».

La société Helvetia ne démontre pas que les dispositions légales, ou encore ses propres stipulations contractuelles, imposent que l'appréciation du plafond de garantie soit effectuée au jour du dommage et non au jour de la réclamation. Dès lors, en l'état de l'avenant ayant porté le plafond de garantie à la somme de 150.000 euros au 10 décembre 2012, et au regard de la réclamation faite le 23 mai 2015, ce plafond sera retenu, déduction faite de la franchise (150 euros), comme étant celui applicable au jour de la réclamation.

Sur le préjudice subi par la société Kerry Flavours France :

Au regard du rapport d'expertise et des pièces communiquées le préjudice matériel subi par la société Kerry Flavours France sera arrêté comme suit :

- 162.406,60 euros au titre de la perte de stock,

- 4.072,89 euros facture Stef de stockage (hors taxe),

- 3.881,59 euros au titre des emballages de reconditionnement,

- 33.536,62 euros au titre de la destruction de la marchandise

soit un total de 203.897,70 euros à l'exclusion des frais divers (frais d'huissier de justice et frais d'expertise judiciaire) qui ont vocation à être inclus dans les dépens et frais irrépétibles.

La société Safram France, qui ne formule pas d'offre indemnitaire précise à l'égard de la société Kerry Flavours France, notamment eu égard à ses contestations, oppose notamment à titre subsidiaire, l'absence de sauvetage de la marchandise en faisant valoir qu'il n'est pas établi que celle-ci était impropre à la consommation dès lors que seuls les emballages étaient infestés par les vrillettes. La société Helvetia et la société Imago 3D contestent également le chiffrage du préjudice de la société Kerry Flavours France.

A cet égard, l'expert M. [E] a répondu que « l'ensemble du stock n'est plus commercialisable et utilisable dans des conditions normales par KERRY » (page 33). S'il reconnaît qu'une revente aurait éventuellement pu être envisagée en 2012 il émettait des réserves concernant cette solution au regard des « cadavres de vrillettes » présents sur les emballages, des dates limites d'utilisation optimale des produits dépassées, et au regard des palettes refilmées et peu présentables à la vente, outre la réglementation existante.

L'expert notait également qu'en 2013-2014 une légère reprise d'envols des vrillettes avait été constatée et qu'en l'état du risque de ponte, la société Kerry Flavours France ne pouvait pas se permettre de reprendre les marchandises.

En outre, il ressort des pièces échangées dans le cadre de la phase amiable du litige qu'une vente en sauvetage avait été acceptée par la société Kerry Flavours France sous réserve de la reconnaissance par la société Safram France du caractère avarié de la marchandise, et qu'en l'absence d'accord, cette vente n'a pu intervenir. En tout état de cause, il n'appartient pas à la victime d'un dommage de minimiser son préjudice, de surcroît en procédant à une vente, au risque de compromettre les opérations d'expertise à venir.

Enfin, il n'est pas contesté que les demandes de la société Kerry Flavours France portent sur 20% de sa marchandise, le surplus ayant été récupéré, de sorte qu'aucune négligence ne peut être relevée à son égard, et ce, alors que la société Safram France elle-même a attendu près d'une année et l'apparition de vrillettes sur les emballages de la société Kerry Flavours France avant de l'informer de l'infestation subie par ses entrepôts dès 2011, retardant ainsi la mise en sûreté des marchandises.

Dès lors, il n'y a pas lieu à réduction de l'indemnisation revenant à la société Kerry Flavours France sauf pour les motifs susvisés tenant à l'inclusion des frais de procédure à l'évaluation faite par le Tribunal.

Sur les demandes de la société Firmenich à l'égard des sociétés Imago 3D et Rentokil :

A titre liminaire, aucune irrecevabilité n'étant formellement soulevée au titre de l'appel provoqué à l'égard de la société Imago 3D il n'y a pas lieu de statuer sur la tardiveté de l'appel interjeté à son encontre, étant relevé en outre que la société Imago 3D a participé aux opérations d'expertise et a fait valoir ses moyens de défense en première instance.

Au regard du rapport d'expertise de M. [E] et des pièces communiquées la faute de la société Imago 3D ne peut être retenue considérant que le contrat confié à cette société par la société Firmenich mentionnait bien une nébulisation et précisait « ce traitement a pour but d'éradiquer les formes libres de l'insecte (des adultes) et ainsi d'éviter les reproductions et proliférations ». La société Firmenich ne pouvait dès lors ignorer que le traitement était limité aux formes volantes.

En outre, ce traitement a été appliqué au regard de l'engagement de la société Firmenich de procéder à l'enlèvement des iris, ce qui aurait pu éviter le développement de nouvelles larves.

Enfin, l'expert note, comme rappelé ci-dessus, que la société Firmenich est à l'origine du refus d'un traitement au gaz suggéré par la société Safram France par mail du 1° juin 2012.

La société Firmenich doit dès lors être déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la société Imago 3D.

S'agissant de la société Rentokil Initial, la société Firmenich ne conteste pas l'efficacité du traitement effectué par cette société en 2012 mais relève un manquement à son obligation d'information aux motifs que cette dernière se serait contentée de conclure un contrat relatif à l'éradication des rongeurs avec la société Safram France, sans lui proposer de solution quant aux insectes.

Sur ce point, il convient de rappeler la motivation susvisée quant à la responsabilité de la société Safram France en sa qualité de spécialiste de l'entreposage, la société Rentokil Initial ayant une obligation de conseil quant à l'efficacité et les modalités de ses traitements mais n'ayant pas l'obligation de connaître la législation applicable aux contrats d'entreposage.

La société Firmenich sera dès lors également déboutée de sa demande à l'encontre de la société Rentokil Initial.

Sur la répartition des indemnités :

Au vu des motifs susvisés il y a donc lieu de juger que la société Safram France sera condamnée à payer à la société Kerry Flavours France la somme de 203.897,70 euros en réparation de son préjudice.

La société Firmenich sera tenue de garantir la société Safram France à hauteur de 50% de ce montant, soit à hauteur de la somme de 101.948,85 euros.

La société Helvetia sera tenue de garantir son assurée la société Safram France à hauteur du surplus, soit la somme de 101.948,85 euros, ce montant n'excédant pas le plafond retenu.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Rentokil Initial à l'encontre de la société Firmenich :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Il y a lieu de rejeter cette demande dès lors que l'amende civile prononcée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ne peut l'être qu'à l'initiative du juge et non des parties, cette amende revenant à l'Etat.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Imago 3D à l'encontre de la société Firmenich :

Sur le fondement des articles 1240, 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile la société Imago 3D sollicite la condamnation de la société Firmenich au paiement de dommages et intérêts.

Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.

Il y a lieu de débouter la société Imago 3D de sa demande de dommages et intérêts au visa de l'article 1241 du code civil considérant que la volonté de nuire de la société Firmenich au travers de l'exercice de voies de recours n'est pas établie en l'espèce.

Pour le surplus, il convient de se référer à la motivation susvisée au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les frais et dépens :

La société Firmenich et la société Safram France conserveront chacune pour moitié la charge des dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

En outre la société Firmenich et la société Safram France seront tenues de régler chacune à la société Kerry Flavours France la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant rappelé que l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas vocation à couvrir les seuls honoraires d'avocat mais a également vocation à couvrir les frais engagés par une partie et non compris dans les dépens.

En outre, la société Firmenich sera tenue de payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la société Imago 3D et la somme de 4.000 euros sur le même fondement à la société Rentokil Initial.

La société Helvetia conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera tenue de payer à la société Safram France la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 28 janvier 2019 par le Tribunal de Commerce de GRASSE,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Safram France à payer à la société Kerry Flavours France la somme de 203.897,70 euros en réparation de son préjudice,

Condamne la société Firmenich à relever et garantir la société Safram France de cette condamnation à hauteur de 50%, soit à hauteur de la somme de 101.948,85 euros,

Condamne la société Helvetia à garantir son assurée la société Safram France à hauteur du surplus, soit la somme de 101.948,85 euros,

Déboute la société Safram France du surplus de ses demandes à l'encontre de la société Firmenich,

Déboute la société Firmenich de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Imago 3D et de la société Rentokil Initial,

Déboute la société Imago 3D de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute la société Rentokil Initial de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront partagés pour moitié entre la société Safram France et la société Firmenich et recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

Condamne la société Safram France à payer à la société Kerry Flavours France la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Firmenich à payer à la société Kerry Flavours France la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Firmenich à payer à la société Imago 3D la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Firmenich à payer à la société Rentokil Initial la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Helvetia à payer à la société Safram France la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/05654
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.05654 ?
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