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22/09/2022 | FRANCE | N°19/03709

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 22 septembre 2022, 19/03709


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/267













N° RG 19/03709 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4TB







SAS DEPIL TECH

SELARL BG & ASSOCIES

SCP [X] - [B]





C/



SAS SALON [U]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN



Me Philippe - Laurent SIDER

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 07 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F00500.





APPELANTES



Société DEPIL TECH, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/267

N° RG 19/03709 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4TB

SAS DEPIL TECH

SELARL BG & ASSOCIES

SCP [X] - [B]

C/

SAS SALON [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me Philippe - Laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 07 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F00500.

APPELANTES

Société DEPIL TECH, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hubert DIDON, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SELARL BG & ASSOCIES, ès qualités d'Administrateur judiciaire à la sauvegarde de la SAS DEPIL TECH, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hubert DIDON, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SCP [X] - [B], ès qualités de Mandataire Judiciaire à la sauvegarde de la SAS DEPIL TECH, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hubert DIDON, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

SAS SALON [U], exerçant sous l'enseigne TCHIP COIFFURE, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Philippe - Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Serge MONEY, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Jessica AFULA, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte en date du 26 octobre 2015, monsieur [U] agissant en qualité de représentant de la société SALON [U] a signé avec la société DEPIL TECH un contrat de franchise afin de pouvoir exploiter un centre de dépilation à la lumière pulsée et de photo-rajeunissement situé sur la ville de [Localité 8]. Monsieur [R] a versé une somme de 26 400 € au titre du droit d'entrée.

Par acte en date du 27 juillet 2017, la société SALON [U] a fait assigner la société DEPIL TECH devant le tribunal de commerce de NICE afin de faire prononcer l'annulation du contrat de franchise et obtenir la condamnation de la défenderesse à lui verser une somme de 26 400 € en restitution du droit d'entrée, outre 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement du tribunal de commerce de NICE en date du 24 mai 2018, la société DEPIL TECH a été placée sous sauvegarde. Le plan de sauvegarde a été adopté par jugement en date du 27 décembre 2019, lequel a désigné la SELARL BG ET ASSOCIES en qualité de commissaire à l'exécution au plan.

Suivant jugement en date du 7 février 2019, le tribunal a prononcé la nullité du contrat pour dol et a fixé à son passif au bénéfice de la société SALON [U] la somme de 26 400 € en remboursement du droit d'entrée, outre 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [X] [B] et la SELARL BG ET ASSOCIES ont interjeté appel de la décision du 7 février 2019 par déclaration enregistrée au greffe le 4 mars 2019.

Par ordonnance en date du 23 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 20 juin 2022.

Par conclusions par conclusions déposées par voie électronique le 5 mai 2022, la société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [X] [B] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL BG ET ASSOCIES concluent à l'infirmation de la décision en ce qui concerne l'annulation du contrat, en soutenant que l'activité d'épilation à la lumière pulsée par personnes n'ayant pas la qualité de médecin est parfaitement licite et ils se réfèrent pour cela à un arrêt en date du 8 novembre 2019 du Conseil d'Etat, à la jurisprudence de la présente cour et à deux arrêts qualifiés d'arrêts de principe de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 19 mai 2021. Elles affirment que la société SALON [U] a été parfaitement informée du débat juridique existant au moment de la conclusion du contrat sur la licéité de l'activité par le document d'information précontractuelle (DIP) et sur l'application de la jurisprudence aux contrats en cours, elles se réfèrent à la motivation adoptée sur ce point par la Cour de cassation. Selon elles, le cocontractant aurait été parfaitement informé de la rentabilité de l'entreprise et des conditions de son exploitation dans le DIP. Sur l'absence de production d'un état local du marché, elles font observer que l'article R 330-1, 4° du code de commerce ne prescrit pas la production de ce document à peine de nullité et que leur intention de tromper n'est nullement démontrée. Elles concluent en conséquence à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat pour objet illicite, et l'infirmation pour le surplus et demandent à la cour de débouter la société SALON [U] de l'intégralité de ses demandes.

Reconventionnellement, la société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [X] [B] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL BG ET ASSOCIES s'estiment fondées à demander le paiement de dommages intérêts pour rupture fautive du contrat à hauteur de la somme de 8 694 €, calculée sur la bas de six mois de redevance forfaitaire. Elles concluent enfin à la condamnation des deux intimées au paiement de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SALON [U], par conclusions déposées par voie électronique le 8 août 2019, soulève la nullité du contrat de franchise en raison de l'illeceité de son objet et invoque à ce titre diverses décisions jurisprudentielles, tant civiles, pénales qu'administratives. Elle invoque en outre l'impossibilité de trouver un établissement bancaire permettant de financer le projet et invoque enfin les manoeuvres dolosives du franchiseur et son manquement à l'obligation d'information concernant tant la licéité de l'objet que sa rentabilité, faisant état de bilans erronés. La société SALON [U] conclut en conséquence à la confirmation de la décision ayant annulé le contrat et demande à la cour de fixer sa créance au passif de la société DEPIL TECH à la somme de 26 400 € au titre de restitution du droit d'entrée, outre 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du contrat de franchise

La société SALON [U] invoque l'illicéité de l'objet de la cause des contrats de franchise en excipant des dispositions de l'article 5 2° de l'arrêté du 6 janvier 1962 et de différentes décisions judiciaires pour affirmer que la technique de l'épilation par lumière pulsée doit être considérée comme un acte médical ; force est de constater que par arrêt en date du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé la décision du ministre des solidarités et de la santé refusant d'abroger les dispositions de l'article 5 2° de l'arrête du 6 janvier 1962, se référant pour cela à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services garantis par le droit de l'Union Européenne ; au vu de cette décision, et en l'absence de tout texte réglementaire régissant actuellement la matière, il convient de constater que l'activité d'épilation par lumière pulsée ne peut être en l'état considérée comme illicite ; ce caractère licite de l'activité existait au moment de la conclusion du contrat, et ce quand bien même des décisions judiciaires du juge du fond ont par la suite un moment contesté ce point ; la jurisprudence contradictoire constatée concernant la licéité de l'activité proposée par le franchiseur à des personnelles non titulaires d'un doctorat de médecine a été unifiée par la première chambre civile de Cour de cassation dans un arrêt du 19 mai 2021 versé aux débats ; cet arrêt indique expressément que la pratique par un professionnel non médecin d'épilation à la lumière pulsée n'est plus illicite et que, si elle peut être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général, elle ne justifie pas l'annulation des contrats que ce professionnel a pu conclure aux seuls motifs qu'ils concernent une telle pratique ; il ajoute que cette évolution de jurisprudence s'applique immédiatement aux contrats en cours, en l'absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d'un droit d'accès au juge ; il découle de cette dernière précision que le caractère licite du contrat doit être apprécié au moment de la signature du contrat, mais au vu des principes dégagés au jour où statue la juridiction, et ce que ce soit pour les contrats en cours d'exécution, ou pour ceux résiliés par l'une ou l'autre des parties ; il y a lieu en conséquence de rejeter le moyen tiré du caractère illicte de l'objet du contrat de franchise.

Les documents d'Informations Précontractuelles versés aux débats indiquent de manière claire les aléas juridiques liés à la pratique de l'épilation par lumière pulsée, et leur analyse selon laquelle cette pratique doit être considérée comme licite même sans recours à un docteur en médecine ; ces documents ne peuvent être qualifiés de trompeurs au vu des éléments rappelés au paragraphe précédent ; la société SALON [U] ne peut en conséquence soutenir avoir été induite en erreur sur la licéité de l'activité, observation étant faite que les documents pré-contractuels n'éludaient pas l'incertitude juridique régnant alors sur la question.

Ce même Document d'Information Précontractuelle doit, en application de l'article L 330-3 du Code de commerce, fournir au franchisé des informations sincères qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ; outre les informations listées à l'article R 330-1 du même code, il doit en conséquence fournir des éléments fiables et vérifiés concernant le marché local ainsi que des éléments comptables relatifs aux résultats concernant l'ensemble du réseau et aux investissements prévisibles à la charge du franchisé ; en l'espèce, le document remis à la société SALON [U] indique en sa page 9 le chiffre d'affaire d'un pilote référent, le centre de [Localité 6], ainsi que les bénéfices brut annuels et mensuels, la rémunération du dirigeant et le seuil de rentabilité moyen mensuel ; il rapporte par ailleurs en page 31 les résultats du centre situé à [Localité 7], au [Adresse 1] ; aucun élément versé aux débats ne permet d'affirmer le caractère erroné, voir mensonger ce des donnés chiffrées, les pièces versées par la société DEPIL TECH confirmant la moyenne du chiffre d'affaire du centre de [Localité 6] pour les années 2011 à 2013 et établissant que plusieurs centres ont approché ou dépassé pour les années 2015 et 2016 la moyenne évoquée (pièces 43 à 46) ; en outre, la société DEPIL TECH produit une attestation de son expert comptable faisant état d'un chiffre d'affaire moyen mensuel d'un centre DEPIL TECH pour l'exercice 2014-2015 de 25 000 €, soit la moyenne annuelle indiquée en page 9 du DIP pour l'ensemble des centres, soit 300 000 € ; aucun élément ne permet de mettre en cause la régularité formelle de ce document signé par un expert comptable ni même sa sincérité, l'attestant ne pouvant ignorer en sa qualité de professionnel du chiffre et du droit engager sa responsabilité en cas d'allégation mensongère ; s'il est avéré que comme le soutiennent les intimées certains franchisés ont connu des moyennes bien inférieures et que certains ont même été placés en redressement judiciaire, ces événements ne permettent pas d'affirmer que les chiffres moyens avancés par la société DEPIL TECH dans son document d'information et les exemples cités sont erronés et encore moins mensongers ; il apparaît ainsi que si le bilan prévisionnel présenté en page 9 du Document d'Information Précontractuelle apparaît optimiste, il ne peut être considéré comme mensonger, ni comme fondé sur des centres sans rapport aucun avec le centre proposé à la société SALON [U] ; il appartenait à cette dernière d'affiner ces recherches s'il estimait que des simples calculs projectifs fondés sur des moyennes n'étaient pas suffisants pour asseoir son choix.

Enfin, si la société SALON [U] verse plusieurs refus bancaires concernant des candidats franchisés, ces documents concernant des tiers ne sont pas de nature à prouver qu'elle-même n'a pas eu la possibilité d'obtenir un concours bancaire sur la base du contrat pas lui signé.

Il ne peut en conséquence au vu de ces éléments être fait droit à la demande en nullité de la convention et le jugement déféré sera infirmé.

La société DEPIL TECH a perçu la somme totale de 26 400 € au titre de droit d'entrée et de maîtrise d'oeuvre ; cette somme lui restera acquise dès lors que le contrat est jugé régulier en application de la clause de dédit stipulé à la convention.

La société DEPIL TECH n'a fourni aucune prestation et il apparaît que le centre envisagé par la société SALON [U] n'a jamais été exploité ; la société DEPIL TECH ne peut en conséquence soutenir avoir subi un préjudice du fait de la résiliation d'un contrat qui n'a de fait jamais reçu de commencement d'exécution ; elle sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages intérêts.

Les circonstances de l'espèce imposent en équité de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société SALON [U].

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- INFIRME le jugement du tribunal de commerce de NICE en date du 7 février 2019 dans l'intégralité de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- DÉBOUTE la société SALON [U] de sa demande en annulation du contrat de franchise et en remboursement de droit d'entrée.

- DÉBOUTE la société DEPIL TECH, la société civile professionnelle [X] [B] et la SELARL BG & ASSOCIES de leur demande reconventionnelle en dommages intérêts.

- DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société SALON [U].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/03709
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.03709 ?
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