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22/09/2022 | FRANCE | N°19/03337

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 22 septembre 2022, 19/03337


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/

FB/FP-D











Rôle N° RG 19/03337 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3OH







SASU MONACO MARINE ANTIBES





C/



[X] [U]

























Copie exécutoire délivrée

le :

22 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN->
PROVENCE





Me Bruno MURRAY, avocat au barreau de GRASSE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00485.





APPELANTE



SASU MONACO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/03337 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3OH

SASU MONACO MARINE ANTIBES

C/

[X] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

22 SEPTEMBRE 2022

à :

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Me Bruno MURRAY, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00485.

APPELANTE

SASU MONACO MARINE ANTIBES , demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Félix LE BAIL, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [X] [U], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Bruno MURRAY, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] (le salarié) a été engagé le 2 avril 2001 par la société Antibes Marine Chantier en qualité de coursier, échelon 4, coefficient 130, moyennant une rémunération brute mensuelle de 10 745, 90 francs pour 35 heures par semaine.

Son contrat a été transféré à la SASU Monaco Marine Antibes (la société), exerçant une activité de réparation et de maintenance navale, suite au rachat en 2012 de la société Antibes Marine Chantier.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la navigation de plaisance.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement

Après deux précédents avertissements notifiés le 15 octobre 2014 et le 19 mars 2015, le salarié a fait l'objet de deux nouveaux avertissements le 19 mai 2016 et le 20 mai 2016 en ces termes:

- avertissement du 19 mai 2016 :

'Par la présente, nous tenons à vous notifier notre insatisfaction concernant votre comportement sur le lieu de travail, ainsi que nous avons déjà pu vous l'exprimer verbalement.

En effet le 18 mai 2016 Monsieur [P] [B] votre chef de parc vous a demandé de faire sortir le dernier véhicule qui se trouvait sur le terre-plein et de mettre hors tension le portail (suite à une panne survenue dans l'après-midi et ceci afin de sécuriser le chantier).

Après quelque minute vous êtes revenues, Vous avez indiqué ne pas avoir retrouvé le propriétaire du véhicule.

Monsieur [Z] [C] le directeur du site, vous a désigné le bateau sur lequel pourrait se trouver le propriétaire du véhicule.

Vous avez alors répondu 'Tenez les clefs et débrouillez-vous vous même' c'est une remarque désobligeante et inappropriée envers ses supérieurs hiérarchiques'

- avertissement du 20 mai 2016 :

'Le 19 mai 2016, Monsieur [X] [M] responsable Peinture c'est présenté au magasin pour obtenir de la peinture de couleur grise afin de finir de peindre le bateau « MISTER ».

Vous lui avez alors indiqué ne plus avoir de stock, et vous lui avez donc proposé de la peintre de couleur blanche.

Ce qui implique de refaire les travaux déjà commencé et par conséquent retardé la mise à l'eau du bateau.

À l'exception, du temps perdu par nos équipes, nous allions devoir expliquer le retard au client ou le changement de couleur si nous voulions réduire ce retard.

Le 20 mai 2016, Monsieur [P] [B] chef de parc a demandé à Monsieur [O] [A] Responsable magasin les raisons de cette pénurie sachant que nous avions planifié la venue du client depuis le mois d'avril.

Monsieur [O] [A] a été étonné de l'information, après vérification des stocks (sur le logiciel de gestion) il s'est avéré que nous avions le stock nécessaire pour terminer les travaux.

Vous n'avez donc pas jugé utile de vérifier le stock, avant de communiquer ce type d'information importante au respect du planning.

Ces agissements nuisent au bon fonctionnement du service et peuvent dégrader les relations que nous avons avec nos clients'.

Le 16 septembre 2016 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 29 septembre 2016.

Par lettre du 17 octobre 2016 la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes :

'Le 15 Septembre à 14h00 Monsieur [P] [B], Chef de parc vous a demandé de rechercher des Filtre à huile et à gasoil en urgence pour le navire Sovereign. Car il devait être remis à l'eau impérativement le lendemain pour commencer les entraînements afin que le client puisse participer à la régate Royale de [Localité 3].

Vous avez emprunté le véhicule de la société à 14h10 pour un retour à 14h35 (l'heure à laquelle vous avez rendu les clefs du véhicule à Madame [K] [G] Assistante d'accueil).

Vous êtes retourné directement au magasin sans informer le chef de parc qui lui attendait votre retour et les filtres pour commencer le montage.

Le fait de ne pas avoir trouvé les filtres et aurait pu entraîner un retard sur la mise à l'eau du navire, cela n'aurait pas pu être acceptable pour le client au vu de sa participation à la régate Royale de [Localité 3].

A 16h05 au départ de Monsieur [O] [A] (Magasinier), Monsieur [P] [B] s'est rendu au magasin pour vérifier votre présence et afin de récupérer les filtres. Vous lui avez indiqué que vous ne les avez pas trouvés. Dès lors Monsieur [P] [B] vous a demandé pourquoi vous ne l'avez pas tenu informé à votre retour et auprès de quel fournisseur vous vous êtes renseigné.

Vous n'avez pas su lui apporter de réponse et vous êtes resté silencieux,

Devant votre attitude et l'urgence de la situation Monsieur [P] [B] à qui ce n'était pas sa fonction s'est chargé d'appeler un de nos fournisseurs réguliers « Sud Diesel Marine» qui se trouve au [Adresse 1] à moins de 500 M de notre chantier pour récupérer les filtres.

Monsieur [P] [B] dans la fonction est Chef de parc a dû laisser le chantier sans surveillance, pour permettre de répondre aux attentes du client.

Au-delà des faits évoqués ci-dessus qui justifient votre licenciement, nous vous rappelons que vous avez fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires du même ordre, à savoir notre courrier d'avertissement du 20 Mai 2016 qui nuisent au bon fonctionnement du service et peuvent dégrader les relations que nous avons avec nos clients.

Par conséquent, au regard de tous ces motifs nous vous confirmons que nous ne pouvons pas

poursuivre notre collaboration.'

Le salarié a saisi le 4 juillet 2017 le conseil de Prud'hommes de Grasse d'une demande d'annulation des avertissements des 19 et 20 mai 2016 et de dommages et intérêts subséquents, d'une contestation de son licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 5 février 2019 le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- débouté Monsieur [X] [U] de sa demande d'annulation de ses deux avertissements

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société Monaco Marine Antibes à payer la somme de 43 956 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la société Monaco Marine Antibes au versement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé l'exécution provisoire de droit

- débouté les parties du surplus de ses demandes,

- condamné la société Monaco Marine Antibes aux dépens.

La société a interjeté appel du jugement par acte du 26 février 2019 énonçant :

'Objet/Portée de l'appel: L'appel tend à l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il a :

- DIT et jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

- CONDAMNE la société Monaco Marine Antibes à verser à Monsieur [U] la somme de 43.956 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- CONDAMNE la société Monaco Marine Antibes à verser à Monsieur [U] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- DEBOUTE la société Monaco Marine Antibes de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et de toutes autres demandes,

- CONDAMNE la société Monaco Marine Antibes aux dépens.'

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 septembre 2019 la SASU Monaco Marine Antibes, appelante, demande de :

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que les avertissements notifiés à Monsieur [U] les 19 et 20 mars2016 sont parfaitement justifiés,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande indemnitaire au titre de l' annulation des avertissements notifiés à Monsieur [U] les 19 et 20 mars 2016,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages et intérêts formulée par Monsieur [U] au titre de la requalification de son licenciement.

Par conséquent,

DEBOUTER Monsieur [U] de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMNER Monsieur [U] à verser à la société Monaco Marine Antibes la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [U] aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE, avocats aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 avril 2021, M. [U], intimé, demande de :

DEBOUTER la SASU Monaco Marine Antibes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [U] de sa demande d'annulation de ses deux avertissements.

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [U] de sa demande de condamnation de la SASU Monaco Marine Antibes à lui régler une somme de

7 326 à titre de dommage et intérêt en réparation du préjudice subi du fait des avertissements injustifiés des 19 et 20 Mai 2016 sur le fondement des articles L 1333-1 et L1333-2 du Code du Travail.

PRONONCER l'annulation des avertissement injustifiés des 19 et 20 mai 2016 adressés par la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes à Monsieur [X] [U] sur le fondement de article L.1333-1 et L.1333-2 du Code du travail.

En conséquence, CONDAMNER la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes à régler à Monsieur [X] [U] une somme de 7. 326€ à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des avertissement injustifié des 19 et 20 mai 2016 sur le fondement des articles L l333-1 et L1333-2 du Code du travail.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

CONFIRMER le jugement entrepris, qui a condamné la SASU Monaco Marine Antibes à

régler à Monsieur [X] [U] la somme de 43 956 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

JUGER que le faits reproché à Monsieur [X] [U] dans la lettre de licenciement du 17 octobre 2016 notifié par la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes sont injustifiés.

CONSTATER en particulier que les fait reprochés à Monsieur [X] [U] le 15 septembre 2016 ne correspondent pas à la réalité.

JUGER que le licenciement notifié par la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes selon courrier RAR du 17 Octobre 2016 à Monsieur [X] [U] est infondé et sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, CONDAMNER la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes à régler à Monsieur [X] [U] une somme de 43.956 € à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de son préjudice tant matériel que moral sur le fondement de l'article L l235-3 du Code du travail applicable au moment du litige.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SASU Monaco Marine Antibes à régler à Monsieur [X] [U] une somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et a débouté la SASU Monaco Marine Antibes de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile et de toute autres demande, et l'a condamnée aux dépens.

CONDAMNER la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes à régler à Monsieur [X] [U] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel.

DEBOUTER la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes de sa demande de condamnation à l'encontre de Monsieur [X] [U] à lui régler une somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de le voir condamné aux dépens.

CONDAMNER la SAS à associé unique Monaco Marine Antibes aux entiers dépens.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2022.

SUR CE

Sur la demande d'annulation des avertissements

Aux termes des articles L1333-1 et L1333-2 du code du travail l'annulation d'une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise, s'apprécie au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

1. l'avertissement du 19 mai 2016

En l'espèce le salarié demande l'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié le 19 mai 2016 et qui repose sur le fait d'avoir refusé d'exécuter la consigne de son supérieur hiérarchique, à savoir faire sortir le dernier véhicule garé dans l'enceinte de l'entreprise et mettre le portail hors tension, et ce, en des termes désobligeants et inappropriés en lui disant 'Tenez les clefs et débrouillez-vous vous même'.

Le grief se décompose donc en deux branches, d'une part le refus d'exécuter la consigne, d'autre part les propos tenus à cette occasion.

Si le salarié admet ne pas avoir exécuté jusqu'à son terme la consigne qui lui avait été donnée, il soutient que son attitude n'est pas fautive dès lors qu'après de vaines recherches du propriétaire du véhicule, il avait achevé sa journée de travail et conteste les propos qui lui sont prêtés.

Il soulève l'irrecevabilité des attestations que l'employeur verse aux débats de M. [B] et de M. [C] en ce qu'elles ne sont ni neutres ni conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile.

La société conteste les demandes en soutenant que la sanction est justifiée. Elle produit les écrits, doublés des attestations conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, de M.[B], chef de parc et de M. [C], directeur d'exploitation.

A l'analyse des pièces ainsi produites, la cour relève qu'il résulte de ces attestations convergentes et conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, que le 18 mai 2016 à 17h50, le salarié, venu informer M. [B] qu'il n'avait pas trouvé le propriétaire du véhicule à faire déplacer, a opposé un refus à M. [C] qui lui désignait le bateau du dit propriétaire en lui disant de se débrouiller lui-même.

Le fait que ces témoins soient directement concernés par l'incident et dans un lien de subordination avec l'employeur, n'invalide pas leur témoignage et le salarié reconnaît lui-même dans son courrier du 19 août 2016 que 'Je vous ai remis la clé du portail en vous invitant à aller chercher le client vous-même ! Rien de désobligeant là dedans!!', même s'il appréciait différemment la portée de ses propos.

Par ailleurs si le salarié invoque dans son courrier de contestation du 1er août 2016 et dans ses écritures que l'exécution de la demande de son supérieur aurait excédé son horaire de travail alors que l'employeur refusait de rémunérer des heures supplémentaires, cette explication relève de la conjecture et n'autorisait pas le salarié à s'affranchir de la directive qui lui avait été donnée en éconduisant son supérieur dans des termes désinvoltes et irrespectueux.

La cour dit en conséquence que les faits sont établis et que l'avertissement est justifié de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 19 mai 2016.

2. l'avertissement du 20 mai 2016

En l'espèce le salarié demande l'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié le 20 mai 2016 et qui repose sur le fait de ne pas avoir vérifié le 19 mai 2016 le stock de peintures du magasin avant de proposer au responsable Peinture, M. [M], venu s'approvisionner en peinture grise pour terminer un bateau, de reprendre avec une autre couleur avec pour effet de retarder l'exécution de prestation et la mise à l'eau du bateau.

Le salarié conteste tout comportement fautif et explique qu'il était occupé avec un client de sorte que sans vérifier les stocks il n'a fait que répéter les dires d'un des peintres accompagnant M. [M], sur la possibilité d'utiliser une sous-couche en blanc, quand ce dernier n'a pas trouvé la peinture grise, à charge le cas échéant pour l'employeur de limiter dorénavant l'accès des salariés au magasin auquel ils ont librement accès.

Par ailleurs il dénie toute valeur probante à la date du 19 mai 2016 de l'état du stock produit par la société en date du 6 juin 2016 et soulève l'irrecevabilité des attestations que l'employeur verse aux débats en ce qu'elles ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et que celles de M. [C] comme de M. [B] sont dénuées d'objectivité.

La société conteste les demandes en soutenant que la sanction est justifiée et verse aux débats :

- un extrait de l'état des stocks du 6 juin 2016 sur lequel est surligné une référence;

- les écrits doublés d'attestations de six salariés :

- M. [M] dont il résulte que le salarié, qui était seul au magasin 'aucun client n'était présent tout au long de notre discussion', lui a indiqué qu'il n'y avait plus de stock de peinture grise et que 'si je voulais terminer il fallait que je prenne du blanc', le témoin ayant ensuite informé son responsable M. [B] afin qu'il lui donne des instructions sur la suite des travaux, lequel le lendemain l'a informé de l'existence de peinture grise;

- M. [B] qui indique qu'après avoir été informé par M. [M], il s'est rendu le lendemain au magasin pour interroger M. [A] sur les raisons de cette carence et les délais pour y remédier, il a constaté dans l'état du stock, que la peinture grise n'était pas manquante;

- M. [F], M. [L], M. [D], dont il résulte qu'ils n'ont pas l'autorisation de pénétrer dans le magasin et qu'il n'ont pas l'habitude de se servir directement dans celui-ci;

- un écrit de M. [A] qui atteste que le 20 mai 2016 il y avait la quantité suffisante de peinture grise ;

A l'analyse des pièces versées aux débats, la cour relève d'abord que les attestations produites sont conformes aux prescription de l'article de 202 du code de procédure civile, à l'exception de celle de M. [A].

La cour relève que quand bien même le salarié n'a effectivement pas consulté le stock, aucun élément du dossier ne démontre que cette tâche, tout comme celle de délivrer les matériaux du magasin, relevaient précisément de ses fonctions alors qu'il était employé en qualité de coursier.

La cour dit en conséquence que le fait fautif n'est pas établi et que l'avertissement est injustifié de sorte qu'en infirmant le jugement déféré, la cour annule l'avertissement prononcé le 20 mai 2016.

3. la demande de dommages et intérêts

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

En l'espèce le salarié demande de condamner la société à lui verser la somme de 7326 euros en réparation du préjudice subi du fait des avertissements injustifiés des 19 et 20 mai 2016.

La société s'oppose à la demande en faisant valoir qu'elle n'est pas fondée.

Comme il a été précédemment retenu, seul l'avertissement du 20 mai 2016 n'est pas justifié.

Sur le préjudice, la cour constate que le salarié se borne à réclamer l'indemnisation de son préjudice mais ne produit aucun élément de nature à démontrer la réalité du préjudice dont il demande réparation.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-1 du code du travail, il revient à la cour d'apprécier, au vu des éléments apportés aux débats par l'une et l'autre parties, le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement et ce telle qu'elle résulte des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Les motifs de faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.

L'absence de mention dans la lettre de licenciement de la date des faits invoqués ne prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, pas plus que la simple erreur dans la date d'un fait qui procède d'une erreur matérielle lorsqu'est établi et non contesté par le salarié dans ses écritures que le comportement fautif reproché a eu lieu.

En l'espèce il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié d'avoir fait preuve d'un désintérêt manifeste et d'une négligence délibérée le 15 septembre 2016 dans l'accomplissement de la mission qui lui avait été confiée en urgence d'aller chercher des filtres à huile et à gasoil pour un navire qui devait être remis en état pour le lendemain et ce, en ne poursuivant pas sa recherche auprès d'autres fournisseurs et en n'informant pas son supérieur hiérarchique de ce qu'il était rentré sans en avoir trouvé.

Dans ses écritures la société admet une erreur matérielle portant sur la date des faits énoncés dans la lettre de licenciement, qui ne sont pas du 15 septembre 2016 mais du 12 septembre 2016 comme le relève le salarié et fait valoir que cette erreur est sans incidence sur le caractère réel et sérieux du licenciement du salarié qui situe lui-même à cette date le comportement reproché.

Au soutien du grief, la société produit :

- un écrit doublé d'une attestation conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile de M. [B] qui déclare que 'j'ai demandé à Monsieur [X] [U] de me rechercher des filtres en urgence pour le bateau Sovereign pour qu'on puisse le mettre à l'eau rapidement afin qu'il participe à la régate royale de [Localité 3]. En fin de journée, je me suis rendu au magasin pour récupérer les filtres, Monsieur [X] [U] m'a alors dit qu'il ne les avait pas trouvé et ne m'a apporté plus d'information. Devant l'urgence, je me suis rendu auprès de notre fournisseur Sun Diesel Marine pour récupérer les filtres. Et j'ai pu sauver les relations que nous avons avec notre client de longue date' ;

- un 'Bon de demande d'achat' à l'entête de la société mentionnant une demande datée du 15 septembre 2016 pour deux filtres ;

- un extrait du registre d'utilisation du parc automobile de la société faisant apparaître en date du 12 juillet à 14h05 l'utilisation d'un véhicule par le salarié avec un retour le à 15h50 et en date du 15 juillet une utilisation à 9h45 avec un retour à 11h45, puis à 14h10 avec un retour à 14h45, les mentions relatives à la prise de véhicule étant signées du salarié, celles de la restitution de Mme [K] ;

- un écrit doublé d'une attestation de Mme [K], assistante d'accueil, qui déclare 'qu'en date du 15 septembre 2016 Monsieur [X] [U] a emprunté le véhicule Citroën Berlingo immatriculé [Immatriculation 4]. Un départ à 9h45 et un retour à 11h45 et un second départ à 14h10 et un retour à 14h35" .

A l'appui de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse le salarié fait valoir d'une part que les faits visés ne se rapporteraient pas au 15 septembre mais au 12 septembre 2016, d'autre part qu'il n'a commis aucune faute dès lors qu'il a accompli toutes les diligences nécessitées par la demande de son supérieur auprès du fournisseur habituel de l'entreprise, la société Cumas.

Selon le salarié, aucun caractère d'urgence ne lui avait été précisé et la demande du chef de parc vers 9h30 était de se renseigner auprès du mécanicien M. [I] sur le modèle de filtre dont il avait besoin pour le bateau. Il a alors contacté téléphoniquement le fournisseur habituel, la société Cumas, qui ne l'avait pas en stock, celui-ci devant le rappeler après s'être renseigné, ce qu'il a fait à 16h, le mécanicien étant déjà parti, en lui indiquant que le délai de commande était de 24h. Alors qu'il a été occupé tout l'après midi par des clients et l'exécution de ses missions, à 16h30 le chef de parc, venu s'enquérir des filtres, lui a reproché de ne pas les avoir et s'est rapproché d'un autre fournisseur, la société Sudd Diesel Marine, pour les obtenir.

Il produit un devis établi par la société Cumas le 12 septembre 2016 pour deux filtres à huile et un bon de livraison de la société Sud Diesel Marine du 12 septembre 2016 pour deux filtres à huile pour le bateau Sovereign.

A l'analyse des pièces du dossier, la cour constate que les parties s'accordent à reconnaître que le comportement reproché n'est pas en date du 15 septembre 2016 comme énoncé dans la lettre de licenciement, mais du 12 septembre 2016.

Si cette erreur matérielle ne prive pas en soi le licenciement de cause réelle et sérieuse, encore faut-il que les motifs invoqués à la date réelle des faits, soient matériellement établis.

Or la cour relève que les pièces du dossier objectivent que le 12 septembre 2016 le salarié a utilisé le véhicule professionnel de 14h05 à 15h50 et qu'il a fait établir un devis par la société Cumas.

Par ailleurs l'attestation de M. [B] ne précise pas quand il a donné l'instruction litigieuse au salarié et l'urgence à laquelle il se réfère n'est pas vérifiable sur sa seule affirmation qui ne peut être appréciée en l'absence de précision sur la date de la régate.

Il s'ensuit que la chronologie invoquée au soutien de la négligence fautive n'est pas transposable à la date admise des parties et que les pièces produites par la société pour justifier de l'inaction reprochée dans la lettre de licenciement ne coïncident pas avec les éléments objectivés en date du 12 septembre 2016.

Ainsi quand bien même il n'est pas discuté qu'à son retour dans les locaux de la société, le salarié n'a pas immédiatement informé M. [B] qu'il n'avait trouvé de filtres et ce au plus tôt à 15h50, la mauvaise volonté délibérée dans l'exécution d'une mission urgente alléguée n'est pas démontrée.

Et la circonstance tenant à l'existence d'une sanction disciplinaire, telle que précédemment retenue, n'est pas de nature à modifier l'appréciation du comportement du salarié le 12 septembre 2016.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié qui était employé dans une entreprise occupant plus de onze salariés et qui présentait plus de deux ans d'ancienneté, peut prétendre en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, à une indemnité en réparation de la perte de l'emploi qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

En l'espèce le salarié fait valoir qu'il a subi un préjudice moral et financier résultant de la baisse de ses revenus, avec la perception d'indemnités journalières de la sécurité sociale sans le bénéfice du complément de salaire puis de l'allocation de retour à l'emploi, de sa difficulté compte tenu de son âge à retrouver un emploi, ce qu'il n'a pu faire que de janvier à mars 2021 en qualité d'ouvrier agricole, ce dont il justifie.

Eu égard au montant de la rémunération brute perçue par le salarié comprenant tous les éléments de salaire (2442,02 euros salaire de base + prime d'ancienneté), de son âge et de son ancienneté au moment du licenciement et des éléments qu'il fournit sur l'étendue de son préjudice, il apparaît que le préjudice subi par le salarié du fait de la perte de l'emploi doit être fixé à la somme de 30 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré sur le quantum alloué, la cour condamne la société à verser au salarié la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités chômage

En application de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, il convient en ajoutant au jugement déféré, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation.

Sur les dispositions accessoires

La cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société aux dépens de première instance et alloué au salarié une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société qui succombe sera condamnée à supporter les dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles que le salarié a exposés en cause d'appel. La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2000 euros et sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté M. [U] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 20 mai 2016

- fixé à 43 956 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Prononce l'annulation de l'avertissement du 20 mai 2016,

Condamne la SASU Monaco Marine Antibes à verser à M. [U] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que cette somme est exprimée en brut,

Y ajoutant,

Ordonne d'office le remboursement par la SASU Monaco Marine Antibes aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation,

Condamne la SASU Monaco Marine Antibes à verser à M. [U] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pour les frais d'appel,

Condamne la SASU Monaco Marine Antibes à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 19/03337
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.03337 ?
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