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20/09/2022 | FRANCE | N°19/16022

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 20 septembre 2022, 19/16022


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/343









Rôle N° RG 19/16022 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFA3J







[E] [W]





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[F] [V]



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Copie exécutoire délivrée

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à :

Me Isabelle CALDERARI

Me Patricia CHEVAL<

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Ministère public





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 24 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00247.





APPELANTE



Madame [E] [W]

née le 12 Septembre 1969 à [Localité 10] (MAROC)

de nationalité Marocaine,

demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/343

Rôle N° RG 19/16022 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFA3J

[E] [W]

C/

[X] [H]

[F] [V]

[F] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle CALDERARI

Me Patricia CHEVAL

Ministère public

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 24 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00247.

APPELANTE

Madame [E] [W]

née le 12 Septembre 1969 à [Localité 10] (MAROC)

de nationalité Marocaine,

demeurant [Adresse 3]

(bénéficiant d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/011315 du 04/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Isabelle CALDERARI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [X] [H]

né le 28 Janvier 1977 à [Localité 9] - TUNISIE

de nationalité Tunisienne,

demeurant [Adresse 6]

défaillant (signification le 14/02/2020 par procès verbal de recherches)

Monsieur [F] [V]

Es qualités d'administrateur ad hoc de l'enfant [R] [H] née le 14/08/2014 à [Localité 7] (Var)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

(bénéficiant d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/003021 du 10/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Patricia CHEVAL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PARTIE JOINTE

Ministère public

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2022 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Aurélie LE FALC'HER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller

Mme Aurélie LE FALC'HER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anaïs DOMINGUEZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022.

Ministère public :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,

Comparant en la personne de M. VILLARDO, avocat général, entendu en ses réquisitions.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Présidente et Madame Anaïs DOMINGUEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

L'enfant, [R] [H] est née à [Localité 7] le 14 août 2014.

Elle a été reconnue de manière anticipée le 7 avril 2014, par Monsieur [X] [H] de nationalité tunisienne. Elle est également la fille de Madame [E] [W] de nationalité marocaine.

Saisi par Madame [W], le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN statuant en chambre du conseil a rendu un jugement le 24 juillet 2019 dans lequel il a notamment :

- rejeté l'intégralité des demandes formées par les parties,

- laissé les dépens de la procédure à la charge de Madame [W] [E], lesquels seront recouvrés selon les dispositions combinées de l'article 696 du code de procédure civile et de la loi n°91- 647 du 10 juillet 1991 relative a l'aide juridique.

Le 16 octobre 2019, Madame [W] a fait appel de cette décision, en ce qu'elle a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 13 janvier et le 19 février 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, Madame [W] demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en ce qu'il rejeté l'ensemble des demandes de Madame [W] et a :

- dit que l'article 311-14 du code civil n'est pas applicable au présent litige,

- fait application de l'article 311-17 du code civil au présent litige,

- débouté Madame [W] de sa demande d'expertise biologique,

- à titre principal,

- constater que Monsieur [H] ne s'est pas conformé aux exigences de la loi marocaine, loi personnelle de la mère lors de la déclaration de filiation,

- dire et juger que sa filiation à l'égard de l'enfant [R] [H] n'est pas établie,

- ordonner la transcription du jugement à intervenir sur l'acte de naissance de l'enfant [R],

- autoriser la modification du nom de l'enfant [R] [H] en [R] [W],

- à titre subsidiaire, ordonner l'expertise biologique de Monsieur [H], Madame [W] et celle de l'enfant mineur [R] [H].

Elle fait valoir que la présente juridiction est compétente au regard du lieu de résidence des parties. Elle ajoute que sa demande est une action en contestation de paternité et non en contestation de la validité de l'acte de reconnaissance et qu'il convient d'appliquer l'article 311-14 du code civil qui renvoie à la loi marocaine. Elle souligne que le fait d'avoir fait une première procédure relative à l'exercice de l'autorité parentale ne l'empêche pas de contester la paternité de Monsieur [H], cette première procédure ayant été nécessaire pour cadrer ce dernier. Elle fait valoir qu'elle était déjà enceinte lorsqu'elle a rencontré Monsieur [H] mais qu'elle n'a pas suffisamment d'éléments pour le démontrer.

Dans ses dernières écritures d'intimé notifiées par RPVA le 20 mars 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, Monsieur [V], en qualité d'administrateur ad hoc de [R], sollicite :

- la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes formées par les parties,

- qu'il soit dit et jugé nulle et de nul effet la reconnaissance de paternité de Monsieur [X] [H] sur [R] [H] en date du 7 avril 2014,

- qu'il soit dit et jugé que [R] portera le patronyme [W],

- à titre subsidiaire, qu'une expertise biologique soit ordonnée,

- la condamnation de Monsieur [H] aux entiers dépens d'appel, avec application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Il fait valoir que la loi marocaine doit s'appliquer et prévoit que tout homme peut faire établir sa paternité par reconnaissance de paternité ou décision de justice. Il ajoute que Monsieur [H] n'a pas sollicité de décision de justice et n'a pas fait rédigé un acte authentique ou un écrit de sa main valant déclaration de paternité. Il en conclut que Monsieur [H] n'a pas respecté la loi marocaine et que sa reconnaissance de paternité est nulle.

Monsieur [H] n'a pas constitué avocat. Il a été assigné par acte du 14 février 2020. Un procès-verbal de recherches a été dressé par l'huissier de justice.

Par conclusions notifiées par RPVA le 28 décembre 2021, le ministère public sollicite l'application de la loi française au regard de l'ordre public de la filiation, la loi marocaine et la tunisienne ne permettant pas l'établissement de la filiation paternelle de [R]. Il ajoute que l'expertise biologique étant de droit sauf motif légitime de ne pas y procéder, il convient de réformer la décision dont appel et d'ordonner une telle mesure d'instruction en l'absence de motif légitime s'y opposant.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2022.

Par arrêt du 15 février 2022, la cour a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de :

- justifier de la nationalité de [R] [H],

- se prononcer sur la recevabilité de l'action en nullité de la reconnaissance faite par Monsieur [H] au regard de la loi tunisienne et au regard de la loi de l'enfant ainsi que le cas échéant, sur la validité de cette reconnaissance au regard de l'une de ces deux lois, du fait de l'application de l'article 311-17 du code civil (Civ 1ère 15 mai 2019).

Par conclusions notifiées par RPVA en date du 13 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, Madame [E] [W] demande que :

- le jugement rendu le 24 juillet 2019 soit réformé en toutes ses dispositions en ce qu'il rejeté l'ensemble des demandes de Madame [W] et a :

- dit que l'article 311-14 du Code Civil n'est pas applicable au présent litige,

- fait application de l'article 311-17 du Code Civil au présent litige,

- débouté Madame [W] de sa demande d'expertise biologique,

- il soit constaté que Monsieur [H] ne s'est pas conformé aux exigences de la loi tunisienne qui est sa loi personnelle et la loi personnelle de l'enfant [R],

- il soit dit et jugé que la loi tunisienne ne reconnaît pas la filiation naturelle et ne prévoit aucune disposition légale en la matière,

- il soit dit et jugé que sa filiation à l'égard de l'enfant [R] [H] n'est pas établie par combinaison de l'application de la loi tunisienne et de l'article 311-17 du code civil,

- il soit ordonné la transcription du jugement à intervenir sur l'acte de naissance de l'enfant [R],

- il soit autorisé la modification du nom de l'enfant [R] [H] en [R] [W].

- à titre subsidiaire, il soit ordonné l'expertise biologique de Monsieur [H], Madame [W] et celle de l'enfant mineur [R] [H].

Elle fait valoir que Monsieur [H] est de nationalité tunisienne tout comme [R] et qu'il convient donc d'appliquer la loi de cet Etat qui ne reconnaît pas la filiation naturelle. Elle en déduit que la reconnaissance faite par Monsieur [H] doit être déclarée nulle. A titre subsidiaire, elle développe les arguments présents dans ses précédentes conclusions.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 13 juin 2022, Monsieur [V] demande que :

- la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes formées par les parties,

- qu'une expertise biologique soit ordonnée avant dire droit,

- la condamnation de Monsieur [H] aux entiers dépens d'appel, avec application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Il précise que Monsieur [H] est de nationalité tunisienne et [R] a la nationalité tunisienne et marocaine. Il soutient que la loi tunisienne ne reconnaît pas a priori la filiation hors mariage. Il ajoute que la contestation de la reconnaissance de paternité faite par Monsieur [H] n'est pas recevable en application des législations tunisienne et marocaine. Il en déduit qu'il convient d'appliquer la loi française au regard de l'ordre public international, [R] résidant en FRANCE et d'ordonner une expertise biologique de Monsieur [H] et de [R].

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la compétence de la présente juridiction

Si Madame [W] est de nationalité marocaine et Monsieur [H] de nationalité tunisienne, ils résident tous les deux en FRANCE tout comme [R] dont la filiation est en question.

Dès lors, la présente juridiction est bien compétente.

Sur la détermination de la loi applicable

L'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant.

L'article 311-17 de ce même code précise que la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant.

S'il y a pu y avoir un doute quant à l'application de ces textes en ce qui concerne les actions tendant à la nullité et à la contestation d'une reconnaissance de paternité, il est désormais fait application de l'article 311-17 du code civil.

En application de ce texte et de l'article 3 du code civil, l'action en contestation ou en nullité d'une reconnaissance de paternité doit être recevable à la fois au regard de la loi de son auteur et de celle de l'enfant, ce point devant être examiné d'office par la juridiction saisie.

Ensuite, si la reconnaissance faite est conforme à l'une de ces lois, elle ne pourra être annulée et la contestation sera rejetée.

En l'occurrence, il est établi que Monsieur [H] est tunisien et que [R] a également la nationalité tunisienne.

Il convient donc d'appliquer la loi tunisienne.

L'article 68 du code du statut personnel tunisien énonce que la filiation est établie par la cohabitation, l'aveu du père ou le témoignage de deux ou plusieurs personnes honorables.

L'aveu du père peut être formel devant l'officier d'état civil ou informel dans le cadre d'autres documents écrits comme un legs.

Il n'est pas expressément exclu que la filiation d'un enfant né hors mariage puisse être établie.

Le droit tunisien ne limite donc pas l'établissement de la filiation paternelle à celles des enfants dont les parents sont mariés.

En l'occurrence, Monsieur [H] a procédé à la reconnaissance anticipée de [R] auprès de l'officier d'état civil de [Localité 8]. Cette démarche doit s'analyser comme l'aveu formel prévu par la loi tunisienne.

Elle est donc valable au sens de cette loi.

La demande tendant au rejet de la reconnaissance de paternité opérée par Monsieur [H] sera donc rejetée sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'applicabilité de la loi marocaine comme seconde loi nationale de [R]. La décision dont appel, même si le fondement juridique est différent, sera donc confirmée sur ce point.

Sur la demande d'expertise biologique

Il résulte des articles 3 et 311-14 du code civil que la filiation est en principe régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant.

En l'occurrence, Madame [W] est de nationalité marocaine. Il y a donc lieu d'appliquer la loi marocaine.

L'article 158 du code de la famille marocain énonce que la filiation paternelle est établie par les rapports conjugaux, l'aveu du père, le témoignage de deux adoul, la preuve déduite du ouï-dire et par tout moyen légalement prévu, y compris l'expertise judiciaire.

Le code de la famille marocaine prévoit dans le cadre du dernier alinéa de son article 160 que « toute personne qui a intérêt peut formuler un recours contre la véracité de l'existence des conditions de la reconnaissance de paternité (Istilhaq) précitées, tant que l'auteur de cette reconnaissance de paternité est en vie ».

Les conditions de cette reconnaissance sont les suivantes :

- le père qui fait l'aveu doit jouir de ses facultés mentales,

- la filiation paternelle de l'enfant reconnu ne doit être établie que s'il n'y a pas filiation déjà connue,

- les déclarations de l'auteur de la reconnaissance de paternité ne doivent pas relever de l'illogique ou de l'invraisemblable,

- l'enfant reconnu doit donner son accord, s'il est majeur au moment de la reconnaissance de paternité. Si cette reconnaissance a eu lieu avant l'âge de majorité, l'enfant reconnu a le droit, lorsqu'il atteint l'âge de majorité, d'intenter une action en justice visant à désavouer la filiation paternelle.

Pour rejeter cette demande, la juridiction de première instance a retenu que :

« à l'appui de la demande d'expertise biologique il est versé aux débats uniquement une attestation établie par Monsieur [S] [L] le 23 mars 2019 non conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile pour ne pas être manuscrite.

Monsieur [S] [L] se déclarant être un « ami » de la demanderesse indique que « madame [W] [E] a connu monsieur [H] [X] a trois mois de grossesse ».

L'attestation ainsi produite n'est pas circonstanciée et semble avoir été établie pour les besoins de la cause.

Elle ne saurait permettre de remettre en cause la reconnaissance de paternité régulièrement établie par Monsieur [H] [X] ni ne constituer un commencement de preuve par écrit.

Par ailleurs, il est établi à l'examen des pièces versées aux débats par les parties que :

- le 16 avril 2018, soit plus de quatre ans après la reconnaissance de paternité querellée, Madame [E] [W] a introduit une requête à l'encontre du défendeur devant le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de fixation des modalités d'exercice de l'autorité parentale, la demanderesse reconnaissant ainsi monsieur [H] [X] comme père de l'enfant [R]

- par jugement rendu le 9 novembre 2018 par le Juge aux Affaires Familiales, il a été constaté que les deux parents exercent en commun l'autorité parentale sur l'enfant mineur [R] [H], la décision précisant qu'à « l'audience du 5 octobre 2018, les parties s'accordent sur :

* l'exercice en commun de l'autorité parentale,

* fixation de la résidence de l'enfant chez la mère,

* l'organisation des relations de l'enfant avec le père sous forme de rencontres médiatisées

* l'absence de la part contributive à l'entetien et l'éducation de l'enfant ».

Ainsi, l'action engagée par Madame [W] [E] ne repose que sur ses propres déclarations et sur celles, non circonstanciées, d'une personne dont le statut est inconnu du Tribunal. Du reste, les allégations de la demanderesse se trouvent largement relativisées par ses propres contradictions procédurales. Dès lors, la réalité de la filiation de l'enfant [R] [H] n'est pas suffisamment remise en cause pour que puisse être ordonnée une expertise génétique sur le fondement de l'article 146 du code de procédure civile ».

Devant le cour,

Madame [W] a un intérêt à contester la paternité de Monsieur [X] puisqu'elle est la mère de [R]. En outre Monsieur [F] [V], administrateur ad hoc de [R], et donc représentant de ses intérêts, s'est joint à la demande d'expertise de Madame [W] dans le cadre d'une procédure de contestation de paternité.

Madame [W] produit deux attestations une de Monsieur [L] [S] et une de Madame [U] [G] épouse [A] de février 2021 établies dans les formes légales indiquant que l'appelante a rencontré Monsieur [H] alors qu'elle était enceinte de trois mois.

Par conséquent, il est établi que la reconnaissance de paternité de Monsieur [X] revêt un caractère invraisemblable puisque Monsieur [H] ne connaissait pas l'appelante lorsqu'elle est tombée enceinte.

S'il est exact que Madame [W] a diligenté une procédure en 2018 pour fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale concernant [R], il est à noter qu'aucune demande financière n'a été faite. Ceci vient corroborer les déclarations de Madame [W] selon lesquelles elle souhaitait simplement « cadrer » le comportement de Monsieur [H] contre lequel elle avait porté plainte en 2015 pour des faits de violences. En outre, elle a mis en oeuvre la procédure de contestation de paternité moins d'une année après cette première action puisque son assignation est du 24 décembre 2018.

De nombreux témoins de l'entourage de Madame [W] atteste en 2021 ne jamais avoir rencontré Monsieur [H]. Monsieur [D] [C] précise qu'il vit dans la résidence où demeure Madame [W] depuis 2016 et qu'il n'a jamais vu le père de [R]. Monsieur [I] [O] précise en février 2021 qu'il ne l'a jamais rencontré alors qu'il connaît Madame [W] depuis presque deux ans.

De plus, Monsieur [H] se désintéresse totalement de la présente procédure, puisqu'il n'a comparu ni en première instance ni en appel, malgré l'importance qu'elle revêt son statut de père étant remis en cause. Selon le procès-verbal de recherches dressé par l'huissier de justice, ce dernier a pu s'entretenir au téléphone avec Monsieur [H] qui lui a déclaré vivre dans le Nord mais sans lui donner sa nouvelle adresse et qu'il allait venir chercher l'assignation ce qu'il n'a pas fait.

Il y a donc suffisamment d'éléments permettant de douter de la paternité de Monsieur [H] et de justifier qu'une expertise biologique de Monsieur [H] et de [R] soit ordonnée aucun motif légitime ne s'y opposant. Il n'est pas nécessaire de procéder à celle de Madame [W], son lien de parenté avec [R] n'étant pas remis en cause.

La décision dont appel sera dès lors infirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

Madame [W] demanderesse d'une mesure d'expertise biologique sera condamnée au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par défaut, après débats en chambre du conseil,

Dit que la loi tunisienne est applicable en ce qui concerne la contestation de la validité de la reconnaissance de paternité faite par Monsieur [X] [H] ;

Dit que la loi marocaine est applicable en ce qui concerne l'action en contestation de la paternité de Monsieur [X] [H] ;

Confirme en toutes ses dispositions, telles que contestées dans le cadre de la présente procédure, le jugement rendu le 24 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, à l'exception des dispositions relatives à l'expertise biologique ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder le Docteur [P] [J], laboratoire Azur Génétique, [Adresse 5] ( tel [XXXXXXXX01]) avec pour mission :

1°) prélever ou faire prélever par tout spécialiste de son choix, dans ce cas sous son contrôle, des échantillons biologiques de :

- Monsieur [X] [H], né le 28 janvier 1977 à [Localité 9] (TUNISIE), de nationalité tunisienne, dont l'adresse actuelle est inconnue mais ayant comme dernier numéro de téléphone le [XXXXXXXX02],

- l'enfant [R] [H], née le 14 août 2014 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]) ;

après s'être assuré de leur identité et avoir recueilli leurs consentements ;

2°) procéder à l'examen comparatif des empreintes génétiques, afin de dire au résultat de cet examen, qui sera effectué à partir du plus grand nombre possible d'éléments d'identification si Monsieur [X] [H] peut ou non être le père de l'enfant [R] [H] ;

3°) préciser en pourcentage, la probabilité de paternité de Monsieur [X] [H] ;

4°) répondre de manière générale aux dires et observations des parties auxquelles il communiquera le résultat de ses investigations ;

Dit que l'expert déposera son rapport dans un délai de quatre mois, sauf prorogation de ce délai sollicitée en temps utile ;

Dit que l'expert déposera son rapport en double exemplaire au greffe de la cour (service de la mise en état, Chambre 2-3) et communiquera un exemplaire du rapport aux avocats des parties ;

Renvoie la présente procédure à l'audience de la chambre 2-3 de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 7 mars 2023 à 8h30 (Salle F) ;

Dispense Madame [E] [W], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, des frais de consignation d'expertise ;

Condamne Madame [E] [W] au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 19/16022
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;19.16022 ?
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