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16/09/2022 | FRANCE | N°21/06515

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 16 septembre 2022, 21/06515


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/06515 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHL5R







CPAM DES [Localité 2]





C/



Société [4]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- CPAM



- Me Grégory KUZMA













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du

tribunal judiciaire de Marseille en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 21/2461.





APPELANTE



CPAM DES [Localité 2], demeurant [Adresse 1]



représenté par Mme [C] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



Société [4], demeurant [Adresse 5]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/06515 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHL5R

CPAM DES [Localité 2]

C/

Société [4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM

- Me Grégory KUZMA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 21/2461.

APPELANTE

CPAM DES [Localité 2], demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [C] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [4], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Grégory KUZMA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christophe KOLE, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [R] [H], employée en qualité d'agent de service par la société [4] depuis le 09 juillet 2015, a été victime le 28 avril 2016, d'un accident du travail déclaré avec réserves le lendemain par son employeur.

Après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2] a décidé le 25 juillet 2016, de reconnaître le caractère professionnel de cet accident,

Après rejet le 08 décembre 2016, par la commission de recours amiable de sa contestation portant à la fois sur la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et de la durée des arrêts de travail consécutifs, la société [4] a saisi le 11 janvier 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date 24 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* déclaré le recours recevable en la forme,

* déclaré inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de l'accident du travail déclaré le 28 avril 2016 par Mme [B] [R] [H] (sic) et toutes ses conséquences,

* infirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2] en date du 08 décembre 2016,

* laissé les dépens à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2].

La caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2] a interjeté régulièrement appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 08 juin 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2] demande à la cour de:

* infirmer le jugement entrepris,

* déclarer opposable à la société [4] la prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Mme [B] [R] [H] le 28 avril 2016 jusqu'à sa guérison fixée au 04 septembre 2018.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 10 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [4] sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de lui déclarer inopposables l'accident déclaré le 28 avril 2016 par Mme [B] [R] [H] et toutes ses conséquences, et notamment la décision de prise en charge du 25 juillet 2016.

A titre subsidiaire elle sollicite une expertise médicale sur pièces aux frais de la caisse primaire d'assurance maladie et demande à la cour dans l'hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité directe et certain avec la lésion initiale, de les lui déclarer inopposables.

MOTIFS

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de la renverser en rapportant la preuve contraire.

Il résulte en outre des articles L.141-1 et R.142-24-1 du code de la sécurité sociale que les contestations d'ordre médical relatives à l'état du malade ou de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, donnent lieu à une expertise médicale et que le juge saisi du différend peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande.

La caisse expose qu'il existe un fait accidentel survenu au temps et lieu du travail puisque la salariée a déclaré qu'après un nettoyage du sous-sol de la société [3] à l'aide d'un balai, tâche exceptionnelle et de longue haleine, elle a ressenti une douleur au poignet droit qui s'est étendue au pouce droit après avoir posé son balai contre un mur en faisant un faux mouvement, et qu'elle en a informé immédiatement le chef de la sécurité. Elle ajoute que pendant l'instruction du dossier l'employeur ne l'a pas informée de la non-présence de ce témoin et que ce n'est que devant la commission de recours amiable qu'il a présenté le tableau des horaires de travail de Mme [S]. Elle en tire la conséquence que le témoignage était valide au moment de sa décision de prise en charge de l'accident.

Concernant le délai écoulé de quatre jours entre le fait accidentel et la constatation médicale de la lésion, elle soutient qu'il n'est pas anormal, le fait accidentel étant survenu un jeudi après-midi, d'autant que la salariée a déclaré immédiatement la lésion ce qui est reconnu dans la réponse sur son questionnaire de l'employeur.

Concernant la durée des arrêts de travail, elle se prévaut de la présomption d'imputabilité soutenant que l'employeur ne la renverse pas faute d'apporter la preuve contraire de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail et qu'une expertise n'est pas justifiée, le médecin conseil de l'employeur ne faisant qu'émettre des doutes sur les certificats médicaux sans apporter de réelle justification médicale à ses dires alors que son médecin-conseil a décrit avec précision tous les examens effectués. Elle souligne la continuité des symptômes ainsi que des arrêts prescrits.

L'intimée lui oppose d'une part que la présomption d'accident du travail n'est applicable que lorsque la matérialité du fait accidentel est rapportée, ajoutant que la charge de cette preuve incombe à la caisse primaire d'assurance maladie lorsqu'elle a pris l'accident en charge.

Elle relève que la constatation médicale de la lésion imputée à l'accident a été tardive, alors que la lésion est à l'origine d'arrêts de travail pendant plus de sept mois. Elle soutient que le caractère tardif de la constatation médicale fait perdre la présomption d'imputabilité, et souligne que la salariée a certes informé le jour même l'existence de celui-ci pour autant elle n'en a pas fait état à son employeur.

Elle conteste l'existence d'un fait accidentel brusque et soudain, la douleur étant apparue de manière progressive, et relève que si une entorse a été diagnostiquée dans un premier temps, il a été relevé après examen l'existence d'une ténosynovite de De Quervain qui ne peut être la conséquence d'un fait accidentel, pour résulter de la réitération de gestes pathogènes conformément à la nomenclature du tableau 57C des maladies professionnelles.

Elle conteste enfin l'existence d'un témoin, soulignant que la salariée n'en a pas fait état initialement, puis a désigné Mme [S], et qu'elle a prouvé devant la commission de recours amiable que ce témoin ne travaillait pas au moment des faits et a reconnu avoir menti.

Contestant l'imputabilité des lésions, elle sollicite une expertise compte tenu de l'existence d'éléments laissant présumer de l'existence d'une pathologie différente ou à tout le moins des doutes importants sur le lien de causalité direct et certain entre l'ensemble des arrêts de travail et la lésion initialement déclarée.

En l'espèce, contrairement à ce qui est indiqué au dispositif du jugement entrepris, la déclaration d'accident du travail en date du 29 avril 2016 n'a pas été faite par la salariée mais par l'employeur qui adressait ensuite par lettre recommandée avec avis de réception datée du 10 mai 2016 des réserves motivées.

Les circonstances du fait accidentel relatées dans cette déclaration le sont au conditionnel puisqu'il est mentionné que le 28 septembre 2016 à 15 heures, sur son lieu de travail habituel, 'Après avoir effectué la prestation de balayage de la réserve du magasin, la salariée aurait ressenti une douleur au pouce et au poignet', le siège des lésions étant situé aux pouce et poignet droits.

Il n'y est pas fait mention de témoin et l'employeur indique en avoir été informé le 28 avril 2016 à 15 h 15 par la victime.

Le certificat médical initial daté du 02 mai 2016, établi par un médecin généraliste, mentionne un traumatisme du poignet droit avec impotence complète et prescrit un arrêt de travail.

Dans son questionnaire, la salariée relate avoir prévenu de suite le chef de la sécurité de [3] [Localité 6], en précisant que cette personne était avec elle au sous-sol. Elle indique qu'en passant le balai, elle a fait un faux mouvement en poussant son balai vers l'avant, que sur le moment elle n'a pas réellement eu conscience de l'état de son poignet car elle était 'à chaud' et 'qu'une fois le mouvement un peu ralenti' elle a 'ressenti'qu'elle ne 'pouvait plus bouger du tout le poignet, le pouce aussi et sa gonflé (sic) à vue d'oeil'.

L'employeur a quant à lui indiqué sur son questionnaire qu'après avoir balayé la réserve, sans cause réelle, la salariée a ressenti une douleur au poignet et au pouce, ajoutant qu'il n'y a pas eu de fait accidentel d'après les dires de la salariée.

Il est justifié que das le cadre de l'enquête, la caisse a demandé à la salariée de lui préciser l'adresse postale du témoin, et que la salariée lui a retourné l'imprimé en indiquant 'témoin refusant, voir lettre accompagnée. Le témoin ayant de gos soucis avec ma mère, ne sachant pas faire la part des choses'. A cette transmission est agraphée une attestation datée du 06 juillet 2016 établie par Mme [P] [S], à laquelle est jointe la copie de sa carte nationale d'identité dans laquelle cette dernière écrit que 'Mme [R] [B] c'est fait mal à la main droite en travaillant dans les sous-sols de [3] [Localité 6] le 28 avril 2016". Dans sa lettre de transmission à la caisse Mme [R] indique que le témoin principal de son accident (chef de sécurité) ayant des problèmes avec sa mère, refuse de la voir et de lui parler et fait état d'un témoin secondaire avec sa carte d'identité.

Il résulte de la lettre de la société [3] en date du 24 septembre 2016 et de la feuille de pointage, jointes à la transmission en date du 27 septembre 2016 adressée par l'employeur à la commission de recours amiable, que Mme [S] ne pouvait pas être présente lors du fait accidentel déclaré pour avoir quitté son service le 28 avril 2016 à 12 heures 16, et que cette personne, salariée du client de l'employeur, a reconnu lors d'un entretien en date du 24 septembre 2016 qu'elle 'avait fait un faux témoignage pour aider Mme [R] car celle-ci avait besoin d'argent'.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments, que le fait accidentel censé survenu le 28 avril 2016 à 15 heures n'a pas eu de témoin, que l'un des prétendus témoins, auteur d'une attestation en ce sens, a reconnu avoir établi un faux témoignage et ne pouvait pas être présente à l'heure indiquée, et que la constatation médicale de la lésion, présentée comme résultant du fait accidentel survenu le 28 avril 2016, est datée du 02 mai 2016.

Il s'ensuit que la matérialité d'un fait survenu soudainement à Mme [R], le 28 septembre 2016, aux temps et lieu du travail, lui ayant occasionné une lésion n'est pas établie, ainsi que retenu par les premiers juges.

La circonstance qu'à la date à laquelle la caisse a décidé de reconnaître le caractère accidentel du fait allégué et de le prendre en charge au titre de la législation professionnelle, elle était dans l'ignorance d'un faux témoignage est inopérante, cette décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à la société [4].

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'examiner la discussion opposant les parties sur la durée des arrêts de travail.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant son dispositif.

Succombant en ses prétentions, la caisse doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf à rectifier que la déclaration d'inopposabilité à la société [4] concerne la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 28 avril 2016 à Mme [B] [R] [H] et de ses conséquences,

y ajoutant,

- Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2] de ses demandes,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 2] aux dépens,

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06515
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.06515 ?
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