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16/09/2022 | FRANCE | N°21/06302

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 16 septembre 2022, 21/06302


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/06302 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLPE







Organisme URSSAF PACA





C/



Société [4]























Copie exécutoire délivrée

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à :



- URSSAF PACA



- Me Cédrick DUVAL








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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 11 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 15/00878.





APPELANTE



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]



représentée par M. [N] [X] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



Société [4], Pris en ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/06302 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLPE

Organisme URSSAF PACA

C/

Société [4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- URSSAF PACA

- Me Cédrick DUVAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 11 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 15/00878.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représentée par M. [N] [X] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société [4], Pris en la personne de son représentant légal exerçant es qualité audit siège., demeurant [Adresse 5] - [Localité 2].

représentée par Me Cédrick DUVAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société [4], qui exploite un établissement de restauration rapide, a conclu avec la société [7], placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 02 mai 2013, un contrat portant sous la sous-traitante de la prestation nettoyage.

A la suite du contrôle effectué le 08 septembre 2012, dans l'établissement de restauration rapide, ayant conduit à l'établissement d'un procès-verbal de travail dissimulé concernant des personnes affectées à la prestation nettoyage, l'URSSAF a notifié à la société [4] une lettre d'observations en date 13 novembre 2012, l'avisant de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité prévue par les articles L.8222-1 et suivants du code du travail et du montant des cotisations estimées solidairement dues pour un montant total de 76 943 euros pour les années 2010, 2011 et 2012.

Après échanges d'observations, l'URSSAF des Bouches du Rhône a ensuite notifié à la société [4] une mise en demeure en date du 15 février 2013 portant sur la somme totale de 84 637 euros dont 76 943 euros au titre des cotisations et 7 694 euros au titre des majorations de retard.

Après rejet le 26 juin 2014 par la commission de recours amiable de son recours, la société [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 26 janvier 2015.

Par jugement en date du 11 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* accueilli favorablement l'exception de procédure présentée par la société [4] envers la lettre d'observations et la mise en demeure leur ayant été adressées respectivement les 13 novembre 2012 et 15 février 2013 par l'URSSAF des Bouches du Rhône, pour défaut de précision quant à la teneur des sommes réclamées par voie de mise en oeuvre de la solidarité financière et manquement aux exigences des droits de la défense,

* annulé la procédure de mise en oeuvre de la solidarité financière de la société [4] initiée par la lettre d'observations du 13 novembre 2012,

* dit que la décision judiciaire a pour effet de ne pas confirmer la position adoptée le 26 juin 2014 et notifiée le 10 décembre 2014 par la commission de recours amiable de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur,

* débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* mis les dépens éventuels de l'instance à la charge de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur.

L'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 08 juin 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé la mise en oeuvre de la solidarité financière de la société [4] à l'égard de la société [7] et demande à la cour de:

* condamner la société [4] à lui payer la mise en demeure du 15 mars 2013 pour son montant de 84 637 euros (soit 76 943 euros en cotisations et 7 894 euros en majorations),

* condamner la société [4] aux dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 08 juin 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [4] demande à la cour 'in limine litis' de prononcer la clôture partielle de l'affaire et subsidiairement la radiation de l'affaire.

Elle sollicite au fond, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de juger qu'elle ne saurait être tenue solidairement en sa qualité de donneur d'ordre des cotisations de sécurité sociale réclamées à la société [U] et d'en tirer toutes conséquences de droit en réformant la décision de la commission de recours amiable en date du 26 juin 2014.

Elle sollicite la condamnation de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Par applications combinées des articles L.211-16 du code de l'organisation judiciaire, L.142-1 et suivants du code de la sécurité sociale, R.142-11 du code de la sécurité sociale, 931 et suivants du code de procédure civile, les litiges portant sur le contentieux général de la sécurité sociale relèvent de la procédure d'appel sans représentation obligatoire, et l'article 946 du code de procédure civile dispose que la procédure est orale.

Il s'ensuit qu'il ne peut y avoir d'ordonnance de clôture et que la seule sanction encourue en cas de non-respect du calendrier mettant à la charge d'une ou des parties une obligation de diligence est la radiation de l'affaire, laquelle constitue une sanction administrative.

L'ordonnance du conseiller chargé d'instruire en date du 21 mai 2021 a certes fait obligation à l'appelante de conclure dans le délai de trois mois, et il est exact que les conclusions prises par l'appelante sont en date du 23 août 2021.

Pour autant, ces conclusions ont été déposées à une date proche de celle du dépôt imparti, l'intimée y a répondu par conclusions datées du 17 septembre 2021.

Les parties ont ainsi échangé contradictoirement leurs moyens et pièces dans le respect des droits de la défense pour l'audience du 08 juin 2022.

Il s'ensuit que la sanction (administrative) de radiation de l'affaire pour défaut de diligence des parties ne peut être encourue l'affaire étant en état d'être jugée à l'audience à laquelle elle a été fixée.

La cour rappelle en outre que:

* l'article 455 du code de procédure civile dernier alinéa dispose que le jugement énonce sa décision sous forme de dispositif ce qui s'entend de l'énoncé des mentions décisoires de la décision, dans des termes clairs et concis, et sans énoncé d'une motivation,

* l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif (des conclusions des parties) et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

* sur l'existence du travail dissimulé:

L'article L.8222-1 du code du travail fait peser sur les donneurs d'ordre et maîtres de l'ouvrage, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un contrat de travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, une obligation de vérification sanctionnée par l'article L.8222-2 du même code par une obligation solidaire au paiement, notamment, des cotisations obligatoires dues aux organismes de protection sociale.

L'article L.8222-2 du code du travail dispose que toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L.8222-1 ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dues par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale,

2° le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié,

3° au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L.3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.

L'article D.8222-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2012, disposait que la personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution:

1° dans tous les cas, les documents suivants:

a) une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois,

b) une attestation sur l'honneur du cocontractant du dépôt auprès de l'administration fiscale, à la date de l'attestation, de l'ensemble des déclarations fiscales obligatoires et le récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises lorsque le cocontractant n'est pas tenu de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et n'est pas en mesure de produire les documents mentionnés au a ou au b du 2°,

2° lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants:

a) un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis),

b) une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers,

c) un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente,

d) un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription,

3° lorsque le cocontractant emploie des salariés, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant de la réalisation du travail par des salariés employés régulièrement au regard des articles L. 1221-10, L. 3243-2 et R. 3243-1.

Pour annuler la procédure de mise en oeuvre de la solidarité financière les premiers juges ont retenu que ni la lettre d'observations ni la mise en demeure ne permettent de mesurer sinon la nature des sommes en voie de recouvrement, surtout leur teneur au regard des termes du contrôle exercé à l'encontre de la société [U] dont le seul lien contractuel est effectif jusqu'au 21 février 2011.

L'appelante expose que la lettre d'observations est circonstanciée sur les faits de travail dissimulé, les circonstancesdu contrôle y ont précisées et qu'elle reprend les faits relevés dans le procès-verbal de travail dissimulé du 17 septembre 2012, tout en retenant que la société n'a pas déféré à son obligation de vigilance vis-à-vis de son donneur d'ordre.

L'URSSAF soutient qu'elle doit justifier d'un procès-verbal de travail dissimulé, de la défaillance du débiteur principal et du défaut de vigilance du donneur d'ordre, et que ces trois conditions sont présentement réunies. Elle ajoute que les sommes réclamées ont été calculées à due proportion de la valeur des travaux réalisés par la société [7] au bénéfice de l'intimée et que les éléments factuels et les montants pris en compte pour ce chiffrage ont été précisés dans la lettre d'observations.

Elle relève que les factures communiquées par la société corroborent le chiffrage établi par les inspecteurs et considère que le critère de la bonne foi n'est pas pris en compte dans les textes relatifs à la solidarité financière, seule important l'exigence de production des attestations de vigilance régulières.

Elle soutient que le donneur d'ordre doit obtenir les attestations nécessaires à la régularité de la sous-traitance et s'assurer de l'authenticité des documents qui lui sont transmis et qu'en ce qui la concerne, elle n'a l'obligation de produire le procès-verbal de travail dissimulé rédigé contre le sous-traitant devant la juridiction qu'en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence et du contenu de ce procès-verbal. Elle souligne qu'en l'absence d'injonction du tribunal, elle n'avait pas à le communiquer au donneur d'ordre.

Relevant que la société n'a pas contesté les faits de travail dissimulé ni le contenu du procès-verbal devant les premiers juges, elle invoque le principe de la concentration des moyens pour s'opposer à la communication du procès-verbal de travail dissimulé.

L'intimée réplique que ce procès-verbal ne lui a pas été communiqué malgré sa demande et que l'identité des salariés pour lesquels une infraction aurait été identifiée ne l'a pas davantage été.

Elle soutient que le silence gardé par l'organisme de recouvrement ne respecte pas le principe du contradictoire et la place dans l'impossibilité de se défendre alors que c'est à partir des sommes dues par la société [U] qu'est calculée la dette au titre de la solidarité financière. Elle ajoute qu'en l'absence d'information relative aux cotisations dues par la société [U], la solidarité financière ne peut être calculée et soutient qu'elle ne peut être privée du droit de contester ou vérifier le montant des cotisations sociales dues par son prestataire de services. Elle relève qu'en cause d'appel l'URSSAF s'abstient toujours de verser le moindre détail de ses calculs.

Elle souligne avoir, suite au courrier de l'URSSAF, mis un terme immédiat aux relations contractuelles avec la société [U], lui avoir demandé divers justificatifs et avoir résilié le contrat de prestation de services le 21 février 2021.

Tout en admettant qu'ensuite 'les relations ont finalement repris dans un cadre factuel et sans le support d'un contrat cadre' elle soutient que l'URSSAF n'a pas pris en compte la période de rupture des relations contractuelles comme les périodes de suspensions successives du contrat en mars, avril et décembre 2011 pour défaut de communication des documents exigés par la législation du travail quant à l'intervention d'une entreprise sous-traitante employant du personnel chez un donneur d'ordre.

Elle soutient que l'attestation de paiement des cotisations sociales n'était pas un document à solliciter de son cocontractant avant 2012 par les dispositions applicables de l'article D.8222-5 du code du travail et en titre la conséquence que le contrôle opéré manque de base légale ou réglementaire tout en soulignant que le contrôle et le redressement notifié ne font pas état des pièces manquantes et des diligences qu'elle n'aurait pas accomplies.

Enfin elle considère que l'URSSAF a manqué à son obligation de conseil lors du contrôle réalisé au mois de mars 2012 en s'abstenant d'attirer son attention sur les problématiques de paiement de cotisations sociales rencontrées avec la société [U].

La solidarité financière du donneur d'ordre prévue par l'article L.8222-2 du code du travail est subordonnée à l'existence d'une relation contractuelle entre le donneur d'ordre et un prestataire de service, portant sur un montant minimum de prestation, et à l'existence d'un procès-verbal d'infraction de travail dissimulé.

En l'espèce, la lettre d'observations en date du 13 novembre 2012 adressée à la société [4] fait effectivement état d'un contrôle effectué le 08 septembre 2012 dans les locaux de son établissement Mac Donald, sis au centre commercial de [Localité 6] et de ce que 'les inspecteurs ont constaté la présence de deux personnes, Mme [U] [E] et M. [R] [B] affairées au nettoyage des locaux de votre Mac Donald pour le compte de la Sarl [7]. Il ressort de nos investigations effectuées sur la Sarl [7] une infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et une infraction de travail dissimulé pour dissimulation d'emploi salarié partielle d'activité du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012".

Il est exact que la lettre d'observations ne vise pas ainsi précisément un procès-verbal de travail dissimulé, ne précise pas davantage l'autorité qui l'a établi, ni le montant des cotisations non réglées par la société [7].

Elle mentionne uniquement que le défaut de l'un des documents listés par l'article D.8222-5 du code du travail entraîne la mise en oeuvre de la solidarité financière et que le montant de celle-ci a été calculé suivant la formule:

montant global des cotisations dues x chiffre d'affaires réalisé auprès de votre société

Chiffre d'affaires total

Elle précise que le montant du chiffre d'affaires toutes taxes comprises réalisé par la société [7] auprès de la société [4] a été:

* en 2010 de 53 102.40 euros,

* en 2011 de 44 252 euros,

* en 2012 de 40 293 euros,

et il se déduit des détails de ses calculs que les montants des cotisations dues par la société [7] pris en considération sont les suivants:

* en 2010: 28 871 euros,

* en 2011: 64 122 euros,

* en 2012: 27 842 euros.

La société [4] ne conteste pas les montants des chiffres d'affaires retenus pour les trois années concernées de la société [7] auprès d'elle et la commission de recours amiable a relevé qu'ils correspondaient au montant des facturations.

Pour autant, l'autre élément pris en considération pour le calcul de la solidarité financière par les inspecteurs du recouvrement, à savoir le montant des cotisations dues par la société [U], sur lequel repose la solidarité financière n'est pas explicité, ce qui fait obstacle à ce que la société [4] puisse en contester les modalités de calcul alors que par ailleurs le procès-verbal de constat de travail dissimulé n'est pas versé aux débats.

Par décision n°2015-479 Q.P.C. du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de le produire devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

Le procès-verbal de travail dissimulé n'est pas plus versé aux débats en cause d'appel qu'il ne l'a été en première instance, alors qu'il résulte des énonciations du jugement entrepris que la société a à la fois soutenu en première instance que ce défaut de production portait atteinte à l'exercice de ses droits de la défense et que le mode de calcul des cotisations demandées était erroné, et qu'elle développe les mêmes moyens et arguments en cause d'appel.

L'intimée conteste ainsi la teneur d'un document auquel elle n'a pas eu accès et qui lui est opposé pour asseoir la demande en condamnation au titre de la solidarité financière retenue à son encontre par l'organisme de recouvrement. Il est donc exact que l'absence de communication de ce document, sur lequel repose la solidarité financière qui lui est demandée, ne lui permet pas de contester le bien fondé des cotisations dont le paiement lui est demandé, qui est effectivement étroitement lié aux cotisations éludées, en raison de l'infraction de travail dissimulé, par son sous-traitant.

En d'autres termes, si le manquement à son obligation de vigilance de la société intimé justifie sur le principe l'application de la solidarité financière, par contre l'organisme de recouvrement doit, dans le cadre du débat judiciaire, dés lors que le donneur d'ordre conteste les cotisations demandées sur ce fondement, justifier par le procès-verbal de travail dissimulé des périodes et montants des cotisations pour lesquelles cette solidarité financière est mise en oeuvre.

Or la cour constate que la demande en paiement de l'URSSAF porte sur les cotisations afférentes à trois années alors qu'il est fait uniquement référence à un contrôle au cours duquel a dû être dressé le constat de travail dissimulé en date du 08 septembre 2012.

Dés lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté l'URSSAF de ses demandes afférentes au paiement de cotisations au titre de la solidarité financière.

Succombant en ses prétentions, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur doit être condamnée aux dépens.

L'équité ne commande pas de faire application au bénéfice de la société [4] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de ses demandes afférentes à la solidarité financière,

y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société [4],

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06302
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.06302 ?
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