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16/09/2022 | FRANCE | N°21/06232

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 16 septembre 2022, 21/06232


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/06232 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLF3









S.A.S.U. [4]



CPAM DE LA MEUSE



C/



Société [4]



CPAM DE LA MEUSE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES



- CPAM DE LA MEUSE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/10916.





APPELANTES



S.A.S.U. [4], demeurant [Adresse 6]



représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICH...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/06232 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHLF3

S.A.S.U. [4]

CPAM DE LA MEUSE

C/

Société [4]

CPAM DE LA MEUSE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES

- CPAM DE LA MEUSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/10916.

APPELANTES

S.A.S.U. [4], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE LA MEUSE, dont le siège social est [Adresse 2], demeurant [Adresse 5]

non comparante

INTIMEES

Société [4], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE LA MEUSE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [P] [N] en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [W] [U], employée en qualité de distributeur depuis le 09 décembre 2013 par la société [4] a déclaré le 17 octobre 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse être atteinte d'une tendinite de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et d'algodystrophie en joignant un cmli daté du 07 septembre 2016.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse a pris en charge, à une date qui n'est pas précisée par les parties, cette pathologie au titre du tableau 57 des maladies professionnelles, puis a déclaré la salariée consolidée à la date du 29 septembre 2017 et a fixé à 15% son taux d'incapacité permanente partielle.

La société [4] a saisi le 02 février 2018 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.

Par suite du transfert au 1er janvier 2019, résultant de la loi n°2016-1547 en date du 18 novembre 2016, de l'ensemble des contentieux des tribunaux du contentieux de l'incapacité aux pôles sociaux des tribunaux de grande instance, celui de Marseille a été saisi de ce litige.

Par jugement en date du 24 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* déclaré recevable en la forme le recours de la société [4],

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [4] et attribué à Mme [W] [U] suite à son accident du travail (sic) survenu le 07 septembre 2016 est de 10%,

* infirmé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse en date du 07 décembre 2017,

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse aux dépens.

La société [4] a relevé régulièrement appel, par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 22 avril 2021 dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/06232.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse a également relevé régulièrement appel par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 21 avril 2021 dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/06233.

En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 27 mai 2022, soutenues oralement, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [4] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, à titre principal, de déclarer que dans le cadre des rapports caisse/employeur, le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme [W] [U] suite à la maladie professionnelle qu'elle a déclarée le 07 septembre 2016 doit être fixée à 5%.

A titre subsidiaire, elle sollicite une expertise médicale sur pièces.

En l'état de ses conclusions n°1 réceptionnées par le greffe le 30 mai 2022, reprises oralement à l'audience auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* maintenir le taux initial fixé à 15% par son médecin conseil,

* confirmer sa décision attribuant à Mme [W] [U] un taux d'incapacité permanente partielle de 15%,

* déclarer cette décision opposable à la société [4].

MOTIFS

Compte tenu des appels croisés des parties à l'encontre du jugement entrepris, il y a lieu pour une bonne administration de la justice de prononcer la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro RG 21/06233 avec celle enrôlée sous le numéro RG 21/0632.

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

La société [4] souligne la concordance d'avis entre celui du médecin consultant désigné par les premiers juges et son médecin conseil pour considérer que le taux de 15% est surévalué au regard des séquelles limitées présentées par la salariée sur un état antérieur.

Elle soutient que la motivation retenue par les premiers juges pour écarter le rapport du médecin consultant est inopérante et que l'état antérieur ne doit pas être pris en compte dans l'évaluation un taux d'incapacité permanente partielle et que dans l'hypothèse où un sinistre aggrave un état pathologique antérieur indépendant, l'indemnisation résultant de la prise en charge au titre de la législation professionnelle ne peut qu'être proportionnelle au rôle partiel de l'événement dans cette aggravation, à l'exclusion de toute conséquence de l'évolution normale de l'état pathologique préexistant.

La caisse réplique qu'au regard du barème indicatif des maladies professionnelles, chapitre 1.1.2 le taux retenu de 15% pour des limitations moyennes douloureuses de tous les mouvements de l'épaule droite chez une droitière est justifié.

Elle se prévaut de l'argumentaire de son médecin-conseil qui souligne l'existence d'antécédents chirurgicaux de l'épaule droite il y a 15 ans précisés dans son rapport, avec une évolution favorable et une absence de séquelles documentée.

La caisse souligne que pour une limitation moyenne de tous les mouvements d'un membre dominant le barème indicatif propose au taux de 20% et définit la limitation moyenne des mouvements de l'épaule comme allant jusqu'à 90° en antépulsion ou en abduction et qu'en l'espèce la salariée présente au niveau de l'épaule droite dominante en actif une abduction à 100° (pour une normale à 170°) et une antépulsion à 140° (pour une normale à 180°) et que les antécédents chirurgicaux ne sont à l'origine d'aucune séquelle documentée.

Elle souligne que la maladie professionnelle est la conséquence de l'exposition plus ou moins prolongée à un risque qui existe lors de l'exercice habituel de la profession et qui s'inscrit par conséquent dans une chronicité, la salariée occupant un poste de distributeur de prospectus publicitaires.

En l'espèce, le rapport du médecin conseil de la caisse évaluant le taux d'incapacité permanente partielle travail à 15% n'est pas versé aux débats en cause d'appel.

Le barème indicatif d'invalidité des maladies professionnelles précise en son chapitre 1 les modalités d'évaluation du taux d'incapacité permanente pour atteintes des membres supérieurs.

Le certificat médical initial en date du 07 septembre 2016 mentionne une tendinite de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, opérée le 16 mai 2016, en précisant qu'il s'agit d'une tendinopathie non calcifiante.

Il résulte des conclusions de la caisse que son médecin conseil a évalué le taux d'invalidité lié aux séquelles au regard du chapitre 1.1.2 pour l'évaluation du guide barème des maladies professionnelles.

Ce chapitre indique que les atteintes des fonctions articulaires sont caractérisées par le blocage et la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur quelle qu'en soit la cause, et donne une fourchette de 10 à 15% pour la limitation légère de tous les mouvements du membre dominant et propose un taux de 20% pour la limitation moyenne de tous les mouvements du membre dominant.

Dans son argumentaire le médecin conseil de l'employeur met l'accent sur la probable existence d'un état antérieur que le rapport d'évaluation du taux d'incapacité établi par le médecin conseil de l'employeur mentionne à deux reprises.

Il en déduit que la salariée a présenté le 07 septembre 2016 une tendinopathie chronique non rompue, non calcifiante, sans anthésopathie de la coiffe des rotateurs, objectivée par IRM le 22 décembre 2015 et que le 26 mai 2015, elle a subi un geste chirurgical.

Il considère que les données de l'examen clinique d'évaluation du médecin conseil du 16 novembre 2017 ne sont pas exploitables du fait qu'elles prennent en compte à la fois les conséquences fonctionnelles de l'état antérieur et celles de la tendinopathie chronique non rompue du 07 septembre 2016.

Il en tire la conséquence que seule une évaluation in abstracto peut être réalisée et qu'elle ne permet pas de justifier un taux d'incapacité permanente partielle qui excéderait 5% tous éléments d'information pris en compte et en référence au barème.

Le médecin consultant désigné par les premiers juges conclut à une tendinopathie du supra épineux droit opérée sur épaule antérieurement opérée. Il souligne l'absence de compte-rendu opératoire concernant l'intervention du 26 mai 2016 et retient une limitation légère des trois mouvements explorés, l'absence de mensurations ne permettant pas d'évaluer la gêne fonctionnelle et propose un taux de 5% pour un syndrome douloureux sur état antérieur chirurgical non documenté évoluant pour son propre compte.

Le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail définit la consolidation comme correspondant au 'moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus en principe nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente consécutive à l'accident, sous réserve de rechutes et de révisions possibles'.

En présence d'un état antérieur, ce barème précise la nécessité de distinguer trois situations, les séquelles rattachables à l'accident du travail, étant en principe seules indemnisables, en distinguant selon que:

* l'état pathologique antérieur muet a été révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle, sans aggraver les séquelles, et dans ce cas il n'y a pas lieu d'en tenir compte,

* l'état pathologique antérieur muet révélé à l'occasion de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle l'a aggravé, et dans ce cas, il doit y avoir indemnisation de l'aggravation résultant du traumatisme,

* l'état pathologique antérieur était connu avant l'accident ou la maladie professionnelle et se trouve aggravé par celui-ci, dans ce cas cet état connu doit être évalué et l'aggravation indemnisable résultant de l'accident doit prendre en considération les séquelles présentées.

Le taux retenu par le médecin conseil est celui de la fourchette haute proposé par le guide barème pour une limitation légère de tous les mouvements d'un membre dominant, le médecin consultant a estimé qu'il y a une limitation légère des trois mouvements explorés, tout en proposant un taux de 5% trés inférieur à la fourchette du barème qui est pour ce type de limitation affectant le membre évalué de 10 à 15%.

Les données cliniques relevées par le médecin conseil de la caisse lors de l'examen de la salariée, repris dans le rapport succinct du médecin consultant conduisent à retenir le taux maximal de la fourchette pour les limitations qualifiées de légères compte tenu de la limitation de l'amplitude des mouvements qu'elle établit.

Si l'existence d'un état antérieur (lié à une opération) doit être considérée comme acquise en l'état des conclusions respectives des parties, par contre il n'est nullement établi que ce soit par le rapport de la consultation médical ordonnée en première instance ou par l'argumentaire médical du médecin conseil de l'employeur que la salariée a conservé des séquelles à l'issue de l'opération réalisée 15 ans auparavant.

Or l'aggravation, due entièrement à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle.

Il s'ensuit que l'évaluation proposée par le médecin consultant ne tient nullement compte des séquelles présentées par la salariée imputables à sa seule maladie professionnelle

Le taux retenu par la caisse suivant avis de son médecin conseil doit en conséquence par infirmation du jugement entrepris être retenu et déclaré opposable à l'employeur, l'expertise médicale sollicitée à titre subsidiaire étant dépourvue de pertinence en l'absence de différent médical.

Succombant en ses prétentions la société [4] doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

PAR CES MOTIFS,

- Prononce la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro RG 21/06233 avec celle enrôlée sous le numéro RG 21/06232,

- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Dit que le taux d'incapacité permanente partielle de 20% attribué à Mme [W] [U] suite à sa maladie professionnelle déclarée le 17 octobre 2016 est opposable à la société [4],

- Déboute la société [4] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la société [4] aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/06232
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.06232 ?
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