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16/09/2022 | FRANCE | N°21/05650

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 16 septembre 2022, 21/05650


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/05650 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHI57





CPAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



[U] [E]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- CPAM



- Monsieur [U] [E]















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tribunal ju

diciaire de Marseille en date du 08 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/04072.





APPELANTE



CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant Contentieux général - [Adresse 5] - [Localité 6]



représenté par Mme [T] [C] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIME



Mons...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/05650 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHI57

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

[U] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPAM

- Monsieur [U] [E]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 08 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/04072.

APPELANTE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant Contentieux général - [Adresse 5] - [Localité 6]

représenté par Mme [T] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [U] [E], demeurant [Adresse 2] - Résidence [4] - Bâtiment N - [Localité 1]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [E], employé en qualité de conducteur par la société [3] depuis le 05 novembre 2013, a fait l'objet le 08 juillet 2016 d'une déclaration d'accident du travail par son employeur; assortie de réserves motivées, étant précisé que la date du fait accidentel n'y est pas mentionnée.

Par ailleurs M. [U] [E] a établi le 26 août 2016 une déclaration d'accident du travail en précisant que le fait accidentel est survenu à la date du 1er juillet 2016, alors qu'il était 'en direction du travail pour (sa) prise de poste' et qu'il est victime de harcèlement.

Le certificat médical initial joint daté du 1er juillet 2016 mentionne un état anxio-dépressif réactionnel à harcèlement et burnout, et prescrit un arrêt de travail.

Après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a refusé le 20 octobre 2016 de prendre en charge l'accident déclaré au titre de la législation professionnelle motif pris que la situation rapportée ne permet pas d'établir l'existence d'un fait accidentel, à savoir un événement soudain (daté et précis) et violent, lié au travail.

Après rejet de son recours par la commission de recours amiable le 19 avril 2017, M. [E] a saisi le 23 mai 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 08 mars 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* infirmé la décision de la commission de recours amiable du 19 avril 2017,

* renvoyé M. [E] devant la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône pour y faire valoir ses droits relativement à l'accident de trajet survenu le 01/07/2016,

* laissé les dépens à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 08 juin 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône demande à la cour de:

* infirmer le jugement entrepris,

* confirmer la décision de sa commission de recours amiable,

* dire que l'événement allégué par M. [E] le 1er juillet 2016 n'est pas un accident du travail.

Bien que régulièrement avisé de la date d'audience du 08 juin 2022 ainsi que cela résulte de l'accusé de réception signé le 05 mars 2022, M. [E] n'y a pas comparu ni été représenté.

MOTIFS

L'article L.411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident du travail se définit ainsi comme un événement soudain, ce qui s'entend par un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Ces trois conditions doivent être cumulativement remplies pour qu'il y ait accident du travail et l'accident est alors présumé être un accident du travail.

Ainsi il incombe au salarié d'établir les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel, et toute lésion survenue soudainement, au temps et au lieu du travail est présumée résulter d'un accident du travail sauf s'il est rapporté la preuve qu'elle a une origine totalement étrangère au travail, ou que le salarié s'est soustrait à l'autorité du chef d'entreprise.

Des troubles psychiques peuvent caractériser un accident du travail si leur apparition est brutale et liée au travail, la lésion psychologique devant être imputable à un événement ou à une série d'événements survenus à des dates précises.

Pour considérer que le 1er juillet 2016 M. [E] a été victime d'un accident du travail, nonobstant la teneur de leur dispositif portant sur un accident de trajet, les premiers juges ont retenu qu'il a reçu le 1er juillet 2016 une lettre d'avertissement de la part de son employeur et qu'il a été constaté ce jour là un état anxio-dépressif réactionnel qui constitue un fait accidentel auquel la présomption d'imputabilité peut s'appliquer.

La caisse soutient que la preuve d'un événement survenu au temps du travail n'est pas rapportée et que les propres affirmations du salarié sont insuffisantes. Elle précise que l'enquête n'a pas permis d'établir que le salarié a été victime d'un harcèlement ayant déclenché un état anxio-dépressif, que l'employeur a demandé à plusieurs reprises à son salarié de ne pas arriver en retard et que le 1er juillet 2016, M. [E] a reçu notification d'un avertissement pour ses retards répétés et en lui demandant de prendre les mesures nécessaires. Elle relève que lors de son audition, le salarié n'a pas fait état d'une violence lors de la discussion téléphonique qu'il a eu ce jour là avec son responsable, récemment promu selon lui, et que s'il a déclaré être en conflit avec ce dernier sur des questions d'horaires et d'amplitudes horaires, il ne le démontre pas plus que d'avoir informé son employeur qu'il serait en conflit ou subirait un harcèlement de la part de son supérieur.

Elle souligne enfin que le médecin auteur du certificat médical initial n'est pas le médecin traitant du salarié, et que ce médecin n'a fait que retranscrire dans son certificat les propos tenus par son patient.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail remplie par le salarié indique que l'événement accidentel serait survenu le 1er juillet 2016 à 9 heures 30 alors qu'il se rendait à son travail, ses horaires étant de 9h45 à 12h30 et de 13h30 à 22h30 et qu'il y a comme témoin Mme [Y] [J].

Le certificat médical initial du même jour mentionne un 'état anxio-dépressif réactionnel (harcèlement + burnout)'.

Si le médecin généraliste consulté ce jour là a pu constater un état anxio-dépressif, pour autant il n'a pas qualité pour l'imputer à des faits qualifiés de harcèlement dans le cadre du travail, une telle mention ne pouvant que résulter des propos tenus par le patient, dont il est allégué par ailleurs qu'il n'est pas le médecin traitant.

Dans sa lettre de réserves, datée du 08 juillet 2016, l'employeur écrit être surpris que l'auteur du certificat médical initial soit un médecin de [Localité 7] alors que le salarié habite à [Localité 6], et relève que ce certificat comportant un arrêt de travail n'a été posté que le 04 juillet 2016. Il précise avoir adressé plusieurs recommandés au salarié dus à des retards répétés, que le 1er juillet 2017, son responsable l'a appelé parce qu'il ne s'était pas présenté à son poste de travail et l'a réveillé, que par la suite le salarié est venu ramener le véhicule de service et est reparti, et n'a ainsi pas travaillé le 1er juillet 2016. Il ajoute que les courriers envoyés pour les retards répétés ne peuvent être considérés comme constitutifs de harcèlement.

Dans le cadre de son audition, le salarié ne relate pas un fait précis survenu au temps et au lieu du travail. Il allègue une relation conflictuelle avec son supérieur hiérarchique auquel il indique ne pas parler et avoir signalé à son employeur, qui n'est pas sur place, par mail, des problèmes sur ses conditions de travail et de salaire, et avoir reçu un avertissement pour un retard qu'il conteste. Il a déclaré avoir été informé téléphoniquement par sa mère le 1er juillet 2016, alors qu'il se rendait au travail, d'un courrier recommandé de son employeur qu'elle n'a pas ouvert, et qu'il a alors appelé un autre salarié pour l'informer qu'il ramenait le véhicule de service et qu'il ne pourrait pas prendre son poste. Son responsable lui a alors téléphoné et il lui a dit qu'il ne viendra pas travailler et qu'il allait voir un médecin. Il a précisé avoir cité le nom en qualité de témoin de sa copine car elle est au courant de ses difficultés avec son employeur.

Dans le cadre de son audition, l'employeur a précisé que le contrat de travail ne mentionne pas les horaires de travail, mais que le salarié aurait du venir à 9 heures 30 pour être prêt à partir à 9 heures 45, et qu'après l'appel du responsable présent sur place il a vérifié le suivi GPS du véhicule de service qui a démarré ce jour là à 10 heures 30 et est arrivé à chronopost à 10 h 52 afin de restitution.

Le responsable de secteur (M. [P]) a précisé lors de son audition que du mardi au vendredi l'heure de prise de poste de M. [E] est 9 h 30, qu'il y a eu plusieurs retards ayant donné lieu à des remarques orales et qu'il a ensuite signalé ces difficultés à la direction. Le 29 juin 2016, M. [E] est arrivé à nouveau en retard à 9h48 et le 30 juin 2016 un avertissement lui a été adressé. Le 1er juillet 2016 il a constaté sur le logiciel de flotte que le véhicule de service de M. [E] ne bougeait pas, il l'a appelé à 9h40 et ce dernier lui a alors dit qu'il le réveillait et a demandé qu'un autre chauffeur avance le véhicule et de pouvoir le retrouver sur le chemin, ce qu'il a accepté. M. [E] l'a ensuite rappelé vers 9h55 en lui demandant des précisions sur le recommandé envoyé par la direction puis l'a ensuite informé qu'il ne viendrait pas travailler pour raisons personnelles.

Ainsi, il résulte de ces éléments que d'une part il n'y a pas eu survenance d'un fait soudain le 1er juillet 2016 au temps ou à l'occasion du travail ayant engendré une lésion, et d'autre part que le certificat médical initial ne permet pas de retenir que l'état anxio-dépressif du salarié, alors qu'il n'a pas travaillé, serait dû à des faits de harcèlement qu'il ne spécifie pas précisément.

La circonstance de la réception ce jour là d'un pli recommandé de son employeur, dont il indique ne pas avoir pris connaissance de suite, est insuffisante à imputer au travail l'état anxio-dépressif constaté par un médecin qui ne le suit pas habituellement, et qui est un généraliste.

En l'état de ces éléments concordants (absence de fait accidentel avéré ce jour là, absence de témoignage précis et circonstancié révélateur d'un état psychique particulier de M. [E]) la décision de refus de la caisse de prendre en charge l'accident du travail est pleinement justifiée.

Par infirmation du jugement entrepris, la cour déboute M. [U] [E] de sa demande de reconnaissance d'un accident du travail survenu le 1er juillet 2016.

Compte tenu de la disparité de situation, il n'y a pas lieu de faire application au bénéfice de la caisse primaire d'assurance maladie des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont elle sollicite l'application uniquement dans le corps de ses écritures (cette prétention n'étant pas reprise dans son dispositif).

Succombant en ses prétentions, M. [U] [E] doit être condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à l'appréciation de la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Déboute M. [U] [E] de sa demande de reconnaissance de la survenance le 1er juillet 2016 de l'accident du travail allégué,

- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [U] [E] aux dépens.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/05650
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.05650 ?
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