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15/09/2022 | FRANCE | N°20/01862

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 15 septembre 2022, 20/01862


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022



N°2022/

FB/FP-D













Rôle N° RG 20/01862 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFR7O







[A] [G]





C/



SA ORANGE FRANCE

Société AGENCE DE DISTRIBUTION ORANGE SUD EST













Copie exécutoire délivrée

le :

15 SEPTEMBRE 2022

à :

Madame [A] [G]



Me Jean-paul AIACHE-T

IRAT, avocat au barreau de NICE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 18 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/00967.





APPELANTE



Madame [A] [G], demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N°2022/

FB/FP-D

Rôle N° RG 20/01862 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFR7O

[A] [G]

C/

SA ORANGE FRANCE

Société AGENCE DE DISTRIBUTION ORANGE SUD EST

Copie exécutoire délivrée

le :

15 SEPTEMBRE 2022

à :

Madame [A] [G]

Me Jean-paul AIACHE-TIRAT, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 18 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/00967.

APPELANTE

Madame [A] [G], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne

INTIMEES

SA ORANGE FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-paul AIACHE-TIRAT, avocat au barreau de NICE

Société AGENCE DE DISTRIBUTION ORANGE SUD EST, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-paul AIACHE-TIRAT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES et Madame Frédérique BEAUSSART, Conseillers, chargés du rapport.

Madame Catherine MAILHES, Conseiller a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant lettre d'embauche du 29 septembre 2010 Mme [G] (la salariée) a été engagée à compter du 12 avril 2011 par la SA Orange (la société) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de conseiller client, groupe C moyennant une rémunération annuelle brute de base de 20 000 euros outre une part variable sur objectifs.

La salariée a candidaté au poste de conseiller commercial boutique [Localité 6] Etoile dans le cadre du dispositif pass@venir destiné à favoriser la mobilité interne et par avenant du 1er juillet 2013 elle a été nommée au poste d'agent d'accueil clientèle, conseillère commerciale dans la boutique Orange [Localité 6] Etoile.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des télécommunications.

Son médecin traitant lui a délivré le 20 décembre 2013 un certificat médical par lequel il indiquait que l'état de santé de la salariée 'nécessite qu'elle prenne une pause déjeuner de une heure à l'heure de déjeuner'.

La salariée a été placée en arrêt de travail du 20 décembre 2013 au 7 janvier 2014 puis en congés annuels jusqu'au 20 janvier 2014.

Le 8 janvier 2014, dans le cadre d'une visite effectuée à la demande de la salariée, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'inaptitude au poste en boutique mais apte à un autre poste'.

La salariée a été de nouveau placée en arrêt de travail du 7 février au 23 mars 2014. Lors de la visite de reprise du 26 mars 2014, le médecin du travail réitérait son avis d'inaptitude en précisant 'inapte à tout poste en boutique, pas de port de charges, mi-temps thérapeutique' et émettait une préconisation de 'temps partiel thérapeutique'.

Dans le cadre de sa reprise en mi-temps thérapeutique, la salariée était victime le 4 avril 2014 d'un malaise hypoglycémique sur le lieu de travail qui a fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail.

Le 7 avril 2014 elle faisait un second malaise de même nature et était placée en arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2014 au motif de 'diabète instable + hypothyroïdie déséquilibrée + dépression'.

A compter du 10 juillet 2014 elle était à nouveau en arrêt maladie.

A la suite de la transmission par l'assistante sociale d'informations sur la dénonciation par la salariée d'une situation de discrimination, le Pôle Enquête Grand Sud -Est était saisi le 14 avril 2014 d'une enquête portant également sur le harcèlement moral dénoncé par l'avocat de la salariée à l'encontre de la supérieure hiérarchique suivant courrier du 18 avril 2014.

Le rapport d'enquête diffusé le 5 décembre 2014 a conclu au caractère injustifié/non avéré des griefs de la salariée excepté s'agissant du paiement tardif de la prime variable vendeur garantie.

La salariée a saisi le 21 juillet 2014 le conseil de Prud'hommes de Nice de demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour discrimination, de sommes au titre de l'article 5 du code interne de la société Orange, subsidiairement au titre de la prime de mobilité, de sommes au titre de la mobilité géographique, un solde de part variable.

Par jugement du 18 mars 2016 le conseil de prud'hommes de Nice a :

- condamné la SA ORANGE France, prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [A] [G], la somme de 1600 € au titre de la prime de mobilité professionnelle sans exécution provisoire.

- débouté Mme [G] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et d'atteinte à la santé.

- débouté Mme [G] de ses demandes de rappels de primes spéciales au titre la mobilité géographique et part variable

- condamné en outre la SA ORANGE France, prise en la personne de son représentant légal en exercice à verser à Mme [A] [G] la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- débouté la SA ORANGE France de sa demande au titre de l'article 700 du Code de

Procédure Civile.

- condamné la partie défenderesse aux entiers dépens.

La salariée a interjeté appel du jugement par déclaration reçue le 21 avril 2016.

Par arrêt du 25 octobre 2018 la cour d'appel a ordonné la radiation de l'affaire et le conseil de la salariée a sollicité le réenrôlement de l'affaire.

Par arrêt du 14 novembre 2019 la cour d'appel a ordonné à nouveau la radiation de l'affaire et le conseil de la salariée a sollicité à nouveau son réenrôlement le 24 janvier 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières écritures remises au greffe le 18 mai 2022 et développées oralement à l'audience, Mme [G], demande de :

Art L 4624-4 du code du travail

Vu les dispositions de l'art. L11-52-1et suivants du Code du Travail,

Vu les dispositions de l'art. L4121-1 du Code du Travail

CF: Loi N°2005-102du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

L-6332-6 du code du travail ou « principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats» à l'article R. 6121-2 du même code."

La Cour de Cassation, dans l'arrêt du 3 mars 2015 n°13-23.521, considère que la violation des "obligations résultant des articles L.1132- 1 et L.1152-1 du Code du Travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraine des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques".

F: Loi N°72-546 du 1er juillet 1972 qui est une lois concernant le racisme et les discours de haines sont des lois qui prohibent et interdisent la discrimination en quelconque matière et les discours de haine allant de l'intimidation et le dénigrement jusqu'a la violence contre une certaines catégories de personnes.

Mise en danger d'autrui L : N°223-1 du code de responsabilité pénale de l'employeur résultant d'une violation de son obligation de sécurité

CONDAMNER la SA Orange à payer à Madame [G] la somme de 45.000 euros titre de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement moral L.1152-1 du code du travail

CONDAMNER la SA Orange à payer à Mme [G] la somme de 50 000 euros et de mise en danger volontaire et d'atteinte à la santé L.4121-1 du code du travail

CONDAMNER la SA Orange à payer à Madame [G] la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits de discrimination raciale et de son handicap pour violation de l'article L.1132-1du Code du Travail.

CONDAMNER la S.A Orange à payer à Madame [G] la somme de 30 000 euros pour non respect de l'obligation de sécurité L.4121-2

CONDAMNER la SA Orange à payer à Mme [G] la somme 6000 euros au titre de la décision n° 5 du 29 avril 2011 de la société Orange et subsidiairement la somme de 1600 euros au titre de la prime de mobilité

CONDAMNER la SA Orange à payer à Madame [G] 3.000 euros + 2400 euros au titre de la mobilité géographique avec changement de domicile, et le solde de la part variable soit 5.000 euros.

CONDAMNER la SA Orange à payer à Madame [G] la somme de 3000 euros au titre de l'art 700 du CPC et aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures remises au greffe le 18 mai 2022 et développées oralement à l'audience la SA Orange, intimée, demande de :

CONFIRMER le jugement en appel

REJETER l'action de Madame [G] sur le fondement de l'article R.1461-1 du code du travail

Subsidiairement,

DIRE les demandes de Madame [G] infondée.

En conséquence,

Les REJETER

CONDAMNER Madame [G] au paiement de la somme de 3.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

LA CONDAMNER aux entiers dépens

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

SUR CE

Sur la recevabilité de l'action

Il résulte des articles R.1461-1 et R.1461-2 du code du travail dans leur rédaction antérieure au décret du n°2016-660 du 20 mai 2016 lequel est applicable aux instances et appels introduits à compter du 1er août 2016, que l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au greffe de la cour et que cet appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire.

En l'espèce la société se prévaut des dispositions de l'article R.1461-1 du code du travail dans sa rédaction issue du décret précité pour soulever une fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action de la salariée en ce que celle-ci n'étant plus représentée dans la procédure devant la cour d'appel, cet appel n'est pas soutenu faute d'écritures d'appel.

Mais la cour dit que la salariée, qui a saisi le conseil de Prud'hommes le 21 juillet 2014 et interjeté appel du jugement par acte du 21 avril 2016 , ne peut se voir opposer des dispositions qui ne lui sont pas applicables pour être entrées postérieurement en vigueur.

Ainsi la salariée qui assure elle-même la défense de ses intérêts dans une procédure sans représentation obligatoire, qui a communiqué des écritures sans que ne soit invoqué de non respect du principe du contradictoire et qui a soutenu son appel lors de l'audience du 18 mai 2022, est donc recevable en son action.

La cour rejette en conséquence la fin de non recevoir tirée de l'absence de représentation devant la cour d'appel.

Sur les demandes salariales

L'engagement unilatéral de l'employeur est créateur de droit pour les salariés.

Lorsqu'une prime résulte d'un engagement unilatéral de l'employeur, elle constitue un élément de salaire et est obligatoire dans les conditions fixées par cet engagement.

En application de l'article 1353 du code civil, il appartient au salarié de rapporter la preuve du droit au bénéfice de l'avantage qu'il revendique et il revient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation comme de justifier, par les éléments qu'il détient, des éléments de calcul conformément aux modalités souscrites.

En l'espèce la salariée soutient ne pas avoir bénéficié des mesures d'accompagnement financières à la mobilité interne prévues au sein de la société Orange et réclame paiement des sommes de :

- 6000 euros 'au titre la décision n°5 du 29 avril 2011 de la société Orange et subsidiairement la somme de 1600 euros au titre de la prime de mobilité '

- 3000 euros et 2400 euros 'au titre de la mobilité géographique avec changement de domicile'

- 5000 euros au titre du 'solde de part variable'

1° sur la demande au titre de la décision n° 5 du 29 avril 2011 et subsidiairement au titre de la prime de mobilité

En l'espèce aux termes de sa demande, la salariée se prévaut à titre principal des dispositions de la décision n°5 du 29 avril 2011 sans préciser la mesure financière dont elle réclame paiement, au contraire de sa prétention subsidiaire qui vise une prime de mobilité mais sans identification de sa source.

Elle explicite dans ses écritures développées oralement à l'audience sa demande ainsi:

- 'sollicite la prime de changement de métier de 1600 euros qui lui a été octroyée verbalement par sa supérieure hiérarchique à son arrivée. Elle aurait dû s'élever au montant de 6000 euros comme M. [B] [F]. M. [F] est arrivé 1 mois après Madame [G], les différences ' Lui a reçu une prime d'une valeur de 6000 euros .... On constate un manquement à l'égalité des chances. Ici elle n'est pas respectée par la société mais par quel biais ' Le fait que ce soit une femme ' Une personne en situation de handicap ' Ou peut-être parce qu'elle est d'origine arabe'

...

Il s'agit d'une indemnité compensant les pertes de primes pendant la formation pour inciter tous les salariés à aller en boutique.

Cette prime de mobilité fonctionne est en pratique de l'ordre de 5000 à 7000 euros. Les parties avaient convenu de la fixer à 1600 euros car Madame [G] n'en avait pas connaissance et faisait confiance à son ancien manager Mme [C] et Mme [I] ainsi qu'au service RH';

- Prime de mobilité admise par le rapport d'enquête :

Au titre de la décision n°5 du 29 avril 2011 de la société Orange : 6000 euros

Subsidiairement au titre de la mobilité fonctionnelle (1600 euros) 6000 euros

A l'appui de sa prétention elle produit :

- la décision n°5 du 29 avril 2011 intitulée 'Mesures financières d'accompagnement de la mobilité interne à l'initiative du salarié'dont la cour constate que la copie ne contient que les pages 1,3,5,7,9 qui font figurer les mesures suivantes : prime de parcours de professionnalisation, indemnisation des frais de visite sur le nouveau site de vie, indemnisation perte emploi du conjoint, compensation du différentiel de coût de loyer entre la zone de départ et la zone d'arrivée ou participation à l'achat d'un logement, remboursement des nuits d'hôtel si l'option location de studio n'est pas retenue ;

- le courrier de la société du 5 juin 2013 l'informant que sa candidature a été retenue et précisant au titre des conditions de sa mobilité 'accompagnement conforme à la décision n°5 (cf annexe)' avec l'extrait ci-joint :

' 1 - La prime de mobilité fonctionnelle (cf. offre)

- Si vous rejoignez un poste éligible à la prime (cf. offre), le montant définitif de la prime est déterminé par une décision managériale à double niveau, et prend en compte différents thèmes comme la localisation géographique du poste (centre commercial, le nombre de samedis travaillés, etc...) : 3 mois de SGB maximum;

- le courrier de la société du 26 juin 2013 par lequel elle confirme sa nomination au poste de conseiller commercial à la boutique [Localité 6] Etoile à compter du 1er juillet 2013, l'invite à prendre contact avec sa responsable hiérarchique pour les modalités pratiques de son arrivée et précisant 'Par ailleurs, vous bénéficierez des éventuelles mesures d'accompagnement liées à la mobilité professionnelle';

- ses mails de relance du versement de la prime convenue de 1600 euros en date des 5 novembre 2013 et 5 décembre 2013 ainsi que son mail du 10 décembre 2013 à Mme [I] lui reprochant de ne pas avoir tenu ses engagements.

Elle se réfère également au contenu du rapport d'enquête interne faisant suite à des suspicions de discrimination.

La société conteste être redevable d'une prime en remettant en cause son existence au motif que d'une part le dispositif 'pack vendeur' prévu par la décision n°5 du 29 avril 2011 destiné à favoriser les candidatures dans les boutiques par le versement d'une somme de 6000 euros a été supprimé début 2013, que d'autre part il ne résulte d'aucun élément l'existence d'un engagement à lui verser la prime de changement de métier, facultative et soumise à une double décision managériale.

Elle produit le dit rapport d'enquête interne dont il ressort que :

- selon le responsable RH « d'une manière générale, on met en 'uvre la décision numéro 5 du 29 avril 2011, avec double décision managériale pour certaines mesures. Derrière cette mise en 'uvre, plusieurs dispositifs ont été mis en place par l'AD pour attirer les gens, telles que le « pack vendeur ". Les salariés qui candidataient pour les boutiques avec "pack vendeur" recevaient 6.000 euros, en sus d'autres mesures de la décision 5 dont ils pouvaient bénéficier. Début 2013 le pack vendeur a été supprimé " et concernant la salariée il indiquait que « la seule chose qui a été proposée à [A] [G] est la décision numéro 5, comme pour tous les salariés, et ce qui a été communiqué à son manager de l'époque [H] [C] est la mobilité fonctionnelle éventuelle dont [A] [G] pourrait bénéficier, pouvant aller jusqu'à 1.600 euros. Cela a été communiqué verbalement. Je suis affirmatif sur ce point car cela m 'avait marqué dans la mesure où [H] voulait l'information tout de suite'

- 'Selon la décision France Telecom n°5 du 29 avril 2011, concernant les mesures financières d'accompagnement de la mobilité interne à l'initiative du salarié « Avant l'acceptation du poste par le candidat, le manager ou le responsable Ressources Humaines prenant, communiquera par écrit aux salariés une information sur les conditions liées à leur mobilité afin d'éclairer leur décision. Ainsi le nom du manager de l'entité prenante, du lieu de travail, du régime de travail, des principaux éléments liés à la rétribution, de la date prévue de la mobilité et des éventuelles modalités d'accompagnement en formation et/ou d'accompagnement financier sont communiqués. Après acceptation du poste par le candidat, les termes de la mobilité visés ci-dessus sont précisés par écrit aux salariés avant la prise de fonction".

- en dépit de tout engagement écrit de l'entreprise à verser à la salariée la somme de 1600 euros de prime de mobilité, celle-ci n'a pas respecté la procédure décrite par la décision n°5 du 29 avril 2011, faute d'indication préalable et écrite du détail des mesures d'accompagnement évoquées dans sa lettre de nomination.

Sur la demande principale de la salariée, la cour qui est saisie dans les limites des demandes des parties, constate d'abord que la prime prévue par la décision n°5 du 29 avril 2011 est la prime de mobilité fonctionnelle à laquelle la société est dès lors tenue dans les conditions déterminées par son engagement unilatéral.

Si la société se réfère à un 'pack de mobilité' de 6000 euros, rien ne permet de déterminer la nature de la source de ce dispositif et la salariée, qui ne s'y réfère pas, se place sur le terrain de la discrimination et de l'atteinte au principe d'égalité de traitement quant à la détermination du montant de la prime due en exécution de la décision n°5 du 29 avril 2011 .

Il y lieu en conséquence de considérer que la demande principale de la salariée porte sur la prime de mobilité fonctionnelle prévue par la dite décision et d'écarter le moyen de la société reposant sur la suppression alléguée et au demeurant non justifiée, du 'pack de mobilité' qui est sans effet sur la prime de mobilité fonctionnelle.

La cour relève ensuite s'agissant de ses conditions d'attribution, que la copie fournie étant tronquée, celles-ci ne sont pas précisément déterminées et seule l'annexe au courrier du 5 juin 2013 y fait référence, ce dont il résulte que le poste rejoint doit y être éligible et seul son montant est soumis à une double décision managériale en fonction de paramètres liées aux caractéristiques du poste dans la limite de trois mois de salaire global brut.

La société ne peut donc invoquer utilement pour contester le droit de la salariée à la prime de mobilité fonctionnelle, le double degré décisionnel qui ne porte que sur son montant.

S'agissant de l'éligibilité à la prime de mobilité fonctionnelle au regard de la nature du poste rejoint, celle-ci n'est pas discutée.

La salariée est donc fondée à réclamer un rappel de prime de mobilité fonctionnelle en exécution des droits qu'elle tire de l'engagement unilatéral de l'employeur dans sa décision n°5 du 29 avril 2011.

Sur son montant, la salariée demande à titre principal de la fixer à 6000 euros en invoquant une discrimination ainsi qu'une atteinte au principe d'égalité de traitement, à titre subsidiaire elle demande de la fixer à 1600 euros conformément à l'engagement oral de ses supérieurs hiérarchiques.

Sur le premier moyen reposant sur une discrimination, la cour relève à l'analyse des pièces du dossier, que la salariée ne présente à l'appui de la discrimination alléguée, au surplus de manière hypothétique en raison de son sexe, de son handicap ou de son origine, aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte portant sur une minoration de la prime de mobilité fonctionnelle à hauteur de 1600 euros au lieu de 6000 euros.

Sur le second moyen reposant sur une atteinte au principe d'égalité de traitement, la salariée se compare à M. [F] mais procède par seule affirmation sur le montant de la prime de mobilité qu'elle prétend lui avoir été versée pour une somme de 6000 euros et ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle se trouvait dans une situation identique à celui auquel elle se compare de sorte qu'elle ne soumet à la cour aucun élément de fait susceptible de caractériser une inégalité.

Les moyens étant rejetés, la salariée n'est pas fondée en sa demande de prime de mobilité pour une somme de 6000 euros.

A titre subsidiaire, la salariée demande de fixer le rappel de prime à la somme de 1600 euros telle que convenue avec sa supérieure hiérarchique, ce que conteste la société qui fait valoir l'absence de tout engagement écrit.

A l'analyse des pièces du dossier, la cour relève que le rapport d'enquête interne notait qu'en dépit de l'absence d'écrit venant confirmer l'engagement dont la salariée se prévaut, il avait bien été discuté d'une telle prime et qu'en tout état, la salariée 'n'avait pas inventé cette prime'.

Dès lors qu'il revient à la société la charge de justifier par les éléments qu'elle détient, des éléments de calcul d'une prime dont il a été dit ci-dessus qu'elle était due et que celle-ci ne produit aucun élément de cette nature, la salariée est fondée en sa demande à hauteur de 1 600 euros.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à verser à la salariée la somme de 1 600 euros au titre de la prime de mobilité fonctionnelle.

2° sur les demandes au titre de la mobilité géographique

En l'espèce la salariée réclame les sommes de 3 000 euros et de 1 200 euros pour chacun de ses deux enfants à charge, soit 2 400 euros au total, correspondant aux mesures financières d'indemnisation des mobilités géographiques avec changement de résidence principale prévues par la décision n°14 du 1er octobre 2014.

Elle produit :

- la décision n°14 du 1er octobre 2014 intitulée 'Mesures financières d'accompagnement de la mobilité interne à l'initiative du salarié' qui se 'substitue à la décision n°5 du 29 avril 2011" et prévoit au titre des mesures d'indemnisation des mobilités géographiques avec changement de résidence principale l'indemnisation des frais de réinstallation à raison d'une somme forfaitaire de 3 000 euros et celle de 1 200 euros par enfant à charge;

- un contrat de location d'un logement conventionné du 6 juin 2013.

La société s'y oppose en faisant valoir que la décision n'est entrée en application que postérieurement à la mobilité opérée par la salariée et qu'en toute hypothèse elle n'était pas éligible aux nouvelles mesures d'indemnités de réinstallation compte tenu de son temps de travail entre son ancien poste et le nouveau poste.

A l'analyse des pièces du dossier, la cour constate que l'indemnisation des frais de réinstallation constitue un engagement unilatéral nouvellement créé par la décision n° 14 du 1er octobre 2014 de sorte que la salariée, qui a réalisé une mobilité interne à une date où ce dispositif n'était pas prévu et qui ne se prévaut d'aucune inégalité de traitement, ne peut revendiquer l'avantage concerné par un engagement unilatéral intervenu postérieurement au fait générateur qu'il prévoit.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

3° sur la demande au titre du solde de part variable

En l'espèce la salariée réclame la somme de 5 000 euros de solde de 'part variable'.

Elle développe ainsi dans ses écritures développées oralement à l'audience sa demande:

'Une demande au titre de la prime variable : cette prime est dû au titre de la décision de la société Orange n°5 du 29 avril

Pièce N 4 dite prime de parcours de professionnalisation.

Avec retard et sur réclamation, Madame [G] n'a reçu cette prime que pour une période de 4 mois (150 euros)

Elle doit donc bénéficier d'un rappel puisque la prime s'établit en réalité à 800 euros.

Là encore, le rapport (25/37) admet un retard de paiement de la part variable vendeur garantie:

"Avant sa prise de fonction, il est promis à [A] [G] une part variable vendeur (PVV), garantie de 150 euros mois pendant 4 mois. Cette garantie doit donc intervenir pour les mois de juillet à octobre 2013"

La PVV garantie à Madame [G] lui a été payée avec 5 mois de retard en raison de la validation tardive de Madame [I]"

De plus, dans la décision n°5 du 29 avril 2011 (pièce 4), il est précisé que la part variable est maintenue "pendant la période passé au sein du parcours de professionnalisation sur la base de la moyenne des parts variables perçues par la salariée au cours des douze mois précédents l'entrée dans le parcours

La prime de parcours de professionnalisation est attribué en complément d'une éventuelle prime de mobilité fonctionnelle".

Elle devait s'établir à 1000 euros sur 7 mois soit 7000 euros - sommes reçu par Madame [G] (150 X 4) soit 600 euros.

Solde = 6.400 euros'.

Il en ressort que sa demande vise en réalité un solde d'avantage dont elle n'a perçu que 150 euros par mois pendant quatre mois, en fondant sa prétention sur la prime de parcours de professionnalisation prévue par la décision n°5 du 29 avril 2011 et en faisant valoir des éléments imprécis et même contradictoires sur le calcul du solde de prime auquel elle prétend .

Elle produit aux débats la décision n° 5 du 29 avril 2011 qui détaille ainsi les modalités de la prime de professionnalisation :

'Une prime est prévue qui vise à reconnaître l'acquisition et la mise en 'uvre réussie de nouvelles compétences (sur son poste ou un autre poste) après validation d'un parcours de professionnalisation.

Le montant de cette prime est égal à 13% du SGB annuel brut.

Cette prime est versée automatiquement après validation du parcours de professionnalisation et de la mise en oeuvre des nouvelles compétences acquises.

Les conditions d'attributions de cette prime ainsi que son montant sont notifiés au salarié avant son entrée dans le cursus de formation.

Cette réussite est validée par le manager au cours d'un entretien formalisé par écrit avec le (la) salarié(e) concerné(e) qui se déroule dans les 3 mois au plus tôt et dans les 6 mois au plus tard qui suivent la prise de poste ou la mise en 'uvre des nouvelles compétences.

Tout refus exceptionnel d'attribution de prime se devra d'être motivé et justifié par écrit.

La part variable des salariés(es) éligibles est maintenue pendant la période passée au sein du parcours de professionnalisation sur la base de la moyenne de parts variables perçues par le (la) salarié (e) au cours des 12 mois précédant l'entrée dans le parcours .

La prime de parcours de professionnalisation est attribuée en complément d'une éventuelle prime de mobilité fonctionnelle'.

La salariée se réfère également au rapport d'enquête sus-visé dont elle relève qu'il indique que la part variable vendeur lui a été versée avec retard comme retranscrit ci-dessus.

La société réfute tout droit à cette prime en faisant valoir que :

- le changement de poste de la salariée ne s'est pas inscrit dans un parcours de professionnalisation réservé aux seuls contrats PRO, avec un parcours de 245 heures dont 91 heures d'immersion en boutique tandis qu'elle- même a bénéficié d'un contrat Pass@venirs et détenait déjà les compétences requises pour assurer un poste de conseiller boutique avec le bénéfice d'une seule formation de 46h30;

- la procédure prévue pour la prime de professionnalisation n'a d'ailleurs pas été suivie.

A l'analyse des éléments du dossier, la cour constate d'abord que s'il n'est pas discuté le versement d'une somme de 150 euros par mois pendant quatre mois, la nature et la source de ce versement ne sont pas déterminées.

La salariée qui prétend qu'il correspond à la prime contestée de parcours de professionnalisation prévue par la décision n°5 du 29 avril 2011 ne produit aucun élément de nature à démontrer son droit à la prime ainsi revendiquée, y compris en l'absence de production de bulletins de paie permettant de vérifier le libellé correspondant aux sommes versées, alors même qu'il résulte de ses propres développements et du rapport d'enquête auquel elle se réfère, que les versements l'ont été au titre de la Part variable vendeur garantie (PVV).

Il s'ensuit que sa demande n'est pas fondée de sorte que la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il l'a rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment; en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement; il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme alors sa conviction.

En l'espèce la salariée sollicite le paiement de la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant d'un harcèlement moral.

Au soutien de sa prétention, la salariée invoque pèle-mêle des faits non articulés qu'il convient dès lors de regrouper et qui se présentent en conséquence comme suit :

- une prise de poste de conseiller boutique sans formation ni suivi par un référent ce qui est contraire aux préconisations de l'accord d'entreprise sur les personnes en situation de handicap et à la promesse de son nouveau manager Mme [I];

- le refus de lui accorder des pauses déjeuners à heure fixe et d'adapter ses horaires en méconnaissance de ses contraintes impérieuses médicalement justifiées;

- le non versement des primes dues;

- les agissements de son manager Mme [I] qui l'a dénigrée devant la clientèle, la dévalorisait, la tenait à l'écart, tenait des propos insultants, racistes, usait d'une attitude autoritaire, qui a multiplié les demandes d'explications et qui refusait délibérément de répondre à ses demandes financières en violation de ses engagements, de pause déjeuner et modification d'horaires, de rendez-vous avec la médecine du travail, l'a privée de vacances et de personne référente;

- le non respect des déclarations d'inaptitude du 8 janvier 2014 et du 26 mars 2016 en la maintenant dans la boutique Orange jusqu'à la dispense d'activité qui n'est intervenue qu'à compter du 10 avril 2014;

- le fait d'avoir refusé qu'elle soit assistée de son avocat lors de la restitution orale de l'enquête interne du Pôle enquête interne Sud Est.

Elle conclut en indiquant que ces faits sont à l'origine de la dégradation de son état de santé, de ses arrêts de travail, des avis d'inaptitude à son poste, puis de son placement en invalidité, sur lesquels elle produit :

- un certificat non daté du professeur [R], diabétologue et endocrinologue de l'hôpital l'[4] adressé directement à l'attention de 'Madame la responsable de Mme [G]', établi à la demande du service des urgences de l'hôpital [7] à la suite du malaise hypoglycémique présentée par la salariée 'pour non respect du protocole de soins dans une pathologie chronique diabète sous insuline type 1" et par lequel il attire l'attention sur les exigences du protocole de soins ' Dès lors qu'il y a une Injection d'insuline il y a cette obligation de manger à des heures bien précises 8H30,12h30 PETIT DEJEUNE, REPAS OU DEJEUNE LE MIDI A 12H30 Cela fait partit du protocole de soin !' et les risques encourus en cas de non respect, à savoir malaise ou coma hypoglycémique avec possibilité de lésions irréversibles et de mort, précisant que 'Le coma et malaise diabétique se déclenche systématiquement après avoir sauté un repas ou après avoir fait un sport intense, en étant en stress ..', qu'il s'agit alors d'une urgence vitale 'Appeler le 15 ou le 18 en attendant lui donner 4 sucres et un verre d'eau' et insistant sur le fait de 'Ne jamais sauté de repas' ;

- un courrier entre médecins du docteur [D] du 11 avril 2014 demande la prise en charge de la salariée au service des urgences neurologiques pour suspicion d'AIT ;

- les comptes rendus d'examens échodoppler et dopler des 29 juin et 13 août 2015 faisant état d'une thrombose des carotides;

- un certificat médical du docteur [D] du 17 décembre 2015 par lequel celui-ci certifie que la salariée, diabétique insulino dépendante, ayant fait des accidents vasculaires cérébraux à répétition nécessite sa mise en invalidité ;

- deux certificats médicaux du docteur [V], psychiatre, non datés, certifiant pour l'un qu'il suit la salariée depuis la fin du mois de mars 2014 pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des problèmes au travail, pour l'autre qu'il la suit depuis avril 2014 pour une dépression majeur avec troubles phobiques importants, celle-ci étant sous Deroxat, les troubles suivant une période difficile au sein de son entreprise du fait d'un conflit avec son manager;

- un certificat médical du docteur [D] du 26 avril 2016 attestant que la salariée a présenté au cours des douze derniers mois un accident vasculaire cérébral avec troubles cognitifs chutes à répétition et troubles de l'élocution séquellaires, un syndrome dépressif, un déséquilibre diabétique pour lequel une mise sous pompe portable est envisagé, une hypothyroïdie déséquilibrée ;

- la notification de son titre de pension d'invalidité le 19 mai 2016 ;

Après analyse des pièces du dossier la cour dit d'abord que la matérialité des faits reposant sur l'absence de mesure d'accompagnement lors de sa prise de poste ne sont pas établis dès lors que la salariée se borne à produire :

- la copie du chapitre 3 de l'accord GPEC du 31 mars 2011 relatif à l'Accompagnement des salariés, détaillant de manière générique les principes et modalités de cet accompagnement ;

- un extrait de l'Accord d'entreprise pour l'emploi et l'insertion des personnes en situation de handicap détaillant les acteurs, modalités de prise en compte du handicap et engagements de la société en particulier pour le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, dont l'adaptation du poste de travail est une des conditions essentielles;

Ces deux éléments de portée générale n'apportent à eux seuls aucune indication précise sur les mesures dont la salariée prétend avoir été privée et de nature à caractériser le défaut d'accompagnement allégué dans sa prise de poste. Par ailleurs elle ne produit aucun élément sur la promesse de formation de Mme [I] et au demeurant la société fournit des feuilles d'émargement à des modules de formation à compter de septembre 2013.

S'agissant des faits reposant sur le refus de lui accorder des pauses déjeuners à heure fixe et d'adapter ses horaires aux contraintes médicales impérieuses liées à son diabète, la cour constate d'abord que salariée produit les certificats médicaux suivants :

- certificat médical du docteur [D] du 20 décembre 2013 indiquant que 'l'état de santé de Madame [G] [A] nécessite qu'elle prenne une de une heure à l'heure du déjeuner'

- certificats médicaux du docteur [D] du 4 avril 2014 et du 7 avril 2014 indiquant de manière identique que 'l'état de santé de Madame [G] [A] nécessite impérativement une pause déjeuner à 12 heures d'une demie heure'

La cour observe parallèlement d'une part qu'il résulte du tableau de planification de ses horaires à compter du 1 juillet 2013 qu'ils s'organisaient selon les semaines 1, 2 ou 3 en fonction des jours de la semaine selon des horaires de matin ou d'après-midi différenciés comprenant une coupure méridienne de 12h à 12h 45 ou de 13h à 13h45, d'autre part qu'aucun des avis du médecin du travail (8 janvier 2014, 26 mars 2014) ne mentionne de préconisation, de restriction ou d'aménagement portant sur une problématique d'alimentation liée au diabète.

La cour relève ensuite que ce n'est qu'à compter du 1er avril 2014 que la salariée établit avoir porté à la connaissance de l'employeur la nécessité pour elle de bénéficier de pauses déjeuners à heure fixe (son affirmation contraire dans le mail du 7 avril 2014 à Mme [I] lui indiquant lui avoir fourni en ce sens 'un document'en début d'année ne pouvant avérer le fait) et demandé une modification des nouveaux horaires organisés en demi-journée dans le cadre de sa reprise à mi-temps thérapeutique, par les pièces suivantes :

- mail du 1er avril 2014 de la salariée à Mme [I] avec copie au médecin du travail 'Tu m'as proposé un nouveau régime horaire suite à ma reprise thérapeutique à mi-temps. Sache qu'il me faut une coupure repas. Je l'ai signé parce que tu m'a demandé de le faire mais mon état de santé m'oblige à avoir une pa avec une pause repas. J'essai de te l'expliquer mai tu m'écoute pas et tu ne m'a jamais écoutée. Je te l'envoie par mail. En espérant que tu en prendra connaissance rapidement ';

- mail du 7 avril 2014 de la salariée à M. [Z] 'Je me permet de vous faire suivre le mail suivant qui est adressé à votre équipe en l'occurrence Mme [X] et son collaborateur Mr [P]. Je me retourne vers vous pour vous dire qu'à 2 reprises aujourd'hui et vendredi 4 avril j'ai fais coma et malaise hypoglycémique parce que je n'ai pas le droit de déjeuner alors que je suis reconnue TH pour diabétique insulino-dépendante. Obligation de déjeuner. [W] que la situation médical m'oblige à déjeuner le midi. J'ai déjà fourni un document médical à Mme [I] mais elle n'en tien pas compte. Je souhaite que cette situation soit régulariser rapidement. Je compte sur votre vigilance';

- mail du 7 avril 2014 au médecin du travail 'Je me permet de vous envoyer ce mail pour vous informer de la situation. je suis en reprise thérapeutique mi-temps on me propose comme horaire 9h30-13h45 sans pause déjeuner. Vu mon état de santé vous savez qu'il me faut une pause déjeuner. Ma responsable Mme [I] ne veut pas me l'accorder, mêr . Elle refuse ainsi que la RH Mme [X] de m'accorder cette pause "c'est pas prévu dans le code du travail". Je souhaite une intervention de votre part pour cette pause repas. J'ai fais un malaise hypoglycémique en boutique de [Localité 6] étoile vendredi 4 avril2014 vers 12h30/40 avec intervention des pompiers. Merci de votre intervention'.

- mail du 8 avril 2014 à Mme [I] avec copie à Mme [O] 'Je te remet un deuxième certificat médical sur son bureau concernant ma pause déjeuner obligatoire. J'en informe ton adjoint [J] [N]'.

Par ailleurs la salariée produit le mail en réponse du directeur des Resssources Humaines M. [Z] qui dès 8 avril 2014 lui indique :'je prends note de vos difficultés et devant votre mal être et mon devoir de satisfaire au bien être de mes salariés, je demande à [Y] de modifier votre cycle de travail pour vous permettre de déjeuner en toute quiétude afin d'éviter ce genre de malaise. à compter de lundi prochain et dans l'attente d'un meilleur état de santé vous permettant de suivre la formation du SCO, vous serez présente en boutique de 13h30 à 17h45 sur 4 jours. En espérant avoir répondu à votre attente', modalités que la salariée refusait par mail du même jour au motif d'examens médicaux quotidiens à 17h, proposant alors de travailler de 12h15 à 16h30 sur 4 jours 'cela me permettra de déjeuner avant de venir travailler' et ajoutant '[W] dès aujourd'hui j'ai besoin d'une pause déjeuner de minimum 15 minutes, je me propose de la prendre à midi si cela vous convient' Au lieu de terminer à 13h45, je termine à 14h. J'attends une réponse de votre part'.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que :

- la salariée n'établit pas le fait reposant sur le refus d'adapter ses horaires à ses contraintes médicales, dès lors que d'une part elle n'établit pas que l'employeur était informé de celles-ci lors de l'organisation dès le 24 mars de son temps de travail en demi-journées comprenant le temps de midi, d'autre part en ce qu'immédiatement informé, il a réagi en les modifiant ;

- la salariée établit au contraire le fait précis reposant sur le refus de son manager de lui accorder une pause déjeuner médicalement justifiée sur la courte période du 1er au 7 avril 2014 dont la matérialité n'est d'ailleurs pas discutée et ce, jusqu'à la consigne donnée par le DRH de faire droit à ses demandes.

S'agissant des faits reposant sur le non versement des primes dues, il résulte de ce qui a été précédemment dit, qu'est établi le fait portant sur l'absence de règlement de la prime de mobilité fonctionnelle à laquelle la salariée pouvait prétendre en application de la décision n°5 du 29 avril 2011 d'Orange.

S'agissant des faits reposant sur l'attitude de son manager Mme [I], la cour relève d'abord que la salariée ne produit aucun élément précis et concret de nature à établir la dévalorisation, la mise à l'écart, l'autoritarisme, les propos insultants invoqués.

Sur les propos racistes dénoncés, la salariée se borne à verser ses propres déclarations dans le procès-verbal de dépôt de plainte du 23 avril 2014 à l'encontre de Mme [I] et à se référer à une attitude vécue, similaire à celle des deux anciens salariés évoqués dans le rapport d'enquête, indiquant pour l'un qu'en 2012 Mme [I] a tenu des propos racistes dénigrant les arabes et pour l'autre l'autre qu'elle a déduit de sa mise en garde en 2011 à l'égard d'un seul des salariés en CDD que c'était à cause de ses origines maghrébines, le dit rapport ne recensant par ailleurs aucun propos raciste dénoncé par les collègues de la salariée ni à l'égard de celle-ci ni de manière générale, de sorte que ce fait n'est pas davantage établi.

La cour relève également que sur le dénigrement allégué devant le client, elle se limite à produire son propre mail du 22 novembre 2013 par lequel elle lui reproche dans des termes généraux: 'Si tu as quelque chose à me dire. Je te demanderais de le faire en aparté. Pas devant le client ça dénigre Orange, toi et moi. Je ne pense pas que ce soit bon pour moi ni pour toi et encore moins pour l'éthique d'orange' qui n'est pas de nature à établir la matérialité du fait allégué.

La cour relève encore que la salariée ne produit aucun élément portant sur la privation alléguée de vacances ou de personne référente et qu'indépendamment de son droit ci-dessus retenu à la prime de mobilité fonctionnelle, le défaut de réponse de son manager à ses relances de versement en violation de son engagement n'est pas établi dès lors que la matérialité de cet engagement ne résulte d'aucun élément.

En revanche sur le fait précis reposant sur les demandes d'explications, la salariée établit que sa supérieure hiérarchique lui a adressé deux demandes écrites en date du 17 octobre 2013 pour non respect d'un process concernant la souscription d'une offre open en ce que le nom et la date de naissance de la cliente ne correspondaient pas à la carte d'identité, au RIB et au chèque remis et en date du 20 décembre 2013 pour la vente d'un Ipad avec une ODR de 100 euros à une cliente qui n'y était pas éligible.

Par ailleurs la salariée établit par les pièces qu'elle produit que son manager n'a pas accédé à des demandes justifiées, en opposant un refus ou en négligeant d'y répondre, concernant:

- la prise d'un rendez-vous avec le médecin du travail par son mail du 6 décembre 2013 'J'en profite pour te demander ou en est mon rendez-vous avec le médecin du travail'(pièce 26) non suivi d'effet puisque l'examen qui interviendra le 8 janvier 2014 le sera à la demande de la salariée (pièce 34), suite à sa demande directe auprès de ce médecin par mail du 13 décembre 2013 (pièce 29), ce que confirmait le propre mail de Mme [I] au service DRH et à la direction du 20 décembre 2013 pour informer de l'incident avec la salariée suite à sa demande écrite d'explications et par lequel elle ajoutait 'Elle a rendez-vous chez le docteur [L] le 8 janvier suite à la demande de son médecin traitant. D'après les propos recueillis par [S], ce dernier devrait la déclarer inapte au poste' (pièce 32) ;

- les pauses repas et ce, comme il a été précédemment retenu entre le 1er et le 7 avril 2014.

Sur les faits reposant sur le non respect des déclarations d'inaptitude en ce qu'elle a été maintenue dans la boutique Orange [Localité 6] Etoile, contrairement à son inaptitude au poste en boutique jusqu'à la dispense d'activité qui n'est intervenue qu'à compter du 10 avril 2014, la cour relève à l'analyse des pièces que la salariée produit, que :

- par avis du 8 janvier 2014 le médecin du travail l'a déclarée 'inapte au poste mais apte à un autre poste' avec comme commentaire 'inapte au poste en boutique';

- par avis du 26 mars 2016 le médecin du travail l'a déclarée 'inapte au poste' avec comme commentaire 'inapte à tout poste en boutique, pas de port de charges, mi-temps thérapeutique' et au titre des restriction/ aménagement de poste : 'temps partiel thérapeutique';

- dès le 9 janvier 2014 la société a certes recherché des aménagements, procédé à des démarches aux fins de reclassement et abouti à une solution, comme en attestent :

- le mail du 9 janvier de M. [X], responsable Formation Compétences et Handicap ('j'ai eu [Y] hier soir, nous avons convenu, puisque le COM de Mme [G] se terminait hier, qu'elle lui ferait faire du BO : stock, inventaire ...son dossier sera réinscrit au CTPE vendredi')

- le mail du 20 janvier 2014 de M. [X] au médecin du travail ''Suite à sa visite médicale du 08/01/2014, Mme [A] [G] a été déclarée Inapte au poste mais apte à un autre poste, inapte au poste en boutique. [A] revenant d'une période de congé, le temps que nous trouvions une solution alternative avec nos partenaires RH, voici les activités que nous pouvons lui faire faire : rangement des dossiers d'archives, rangement du stock et inventaire visuel, livraison, collecte, étiquetage et rangement dans le linéaire des accessoires. Je te remercié de nous indiquer si cette proposition d'activités convient ternporairement à la situation médicale de Mme [G]'), auquel par mail du 21 janvier ce médecin donnait son aval;

- les échanges de mails des 23 janvier, 30 janvier, 31 janvier et 3 février entre les services et à l'attention de la salariée pour organiser un rendez-vous afin de faire un point compétence et orientations possibles;

- le mail du 4 avril 2014 de M. [X] à la salariée 'Pour faire suite à notre échange téléphonique à l'instant, je vous confirme que dans le cadre de l'inaptitude médicale

prononcée par le Dr [L] le 26 mars 2014, nous vous proposons un poste à la Cellule Proactive Fibre au sein du SCOSE, site [Localité 6] [Localité 5]. Toutefois l'accès à ce poste nécessite une formation d'une semaine qui débute lundi 07/04. Nous avons besoin de votre accord, cette formation devant se dérouler à raison de 07h par jour, sur le site de [Localité 6] [Localité 5]. Je vous remercie de nous informer après avis médical' auquel la salariée apportait par mail 7 avril 2014 une réponse négative 'Comme convenu, je suis allée voir mon médecin pour lui demander s'il était possible de reprendre à plein temps sur la période que vous me proposer. Non ce n'est pas possible de reprendre à plein temps. Ce n'est pas le poste que je refuse, c'est la formation à plein temps cette semaine'.

- le mail du 18 avril 2014 du DRH à la salariée lui proposant à compter du 28 avril 2014 un poste de conseiller clients multi-produits au service client Orange Sud Est, l'avis d'aptitude à ce poste établi par le médecin du travail le 29 avril 2014 à mi-temps thérapeutique, l'avenant proposé à la salariée du 30 mai 2014;

- mais par mail du 8 avril 2014 ci-dessus intégralement retranscrit, le responsable RH avisait la salariée que 'à compter de lundi prochain et dans l'attente d'un meilleur état de santé vous permettant de suivre la formation du SCO, vous serez présente en boutique de 13h30 à 17h45 sur 4 jours', ce à quoi le médecin du travail, informé de ces dispositions, pour en avoir été destinataire en copie, répliquait par mail du même jour 'je vous informe que suite à la visite médicale du 26/3/2014 Madame [G] est inapte à tout poste en boutique, pas de port de charges, mi-temps thérapeutique 50%. Dès lors sa présence en boutique n'est pas médicalement autorisée et je vous invite à l'affecter à un autre poste temporaire dans l'attente de son reclassement. Je dénie toute responsabilité portant sur la survenue d'un incident médical suite au non-respect de l'inaptitude au poste'.

Il s'ensuit que la salariée établit qu'à compter du 26 mars 2014 la solution adoptée par la société était contraire à l'avis du médecin du travail, ce que ce dernier a réaffirmé le 8 avril 2014.

Sur le fait reposant sur le refus de la société qu'elle soit assistée de son avocat lors de la restitution orale de l'enquête interne du Pôle enquête interne Sud Est, la salariée l'établit par la production du mail du 8 juillet 2014 de M. [T], directeur du Pôle Juridique Provence Méditerranée à l'avocat de la salariée l'informant de ce que 'dans la mesure où il s'agit d'un simple entretien managérial, vous ne pourrez accompagner votre cliente à cette réunion' de restitution organisée avec la salariée le 10 juillet 2014.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la salariée établit ainsi la matérialité de quatre faits précis et concordants, reposant sur :

- le non règlement de la prime de mobilité fonctionnelle;

- les agissements de son manager Mme [I], en ce qu'elle a pas répondu à sa demande de rendez-vous avec le médecin du travail, a refusé de lui accorder des pauses repas du 1er au 7 avril 2014 dans le cadre de ses demi-journées de mi temps thérapeutique et a engagé deux demandes d'explications écrites en octobre et décembre 2013;

- le non respect de l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail le 26 mars 2014 en la maintenant au sein de la boutique Orange jusqu'au 10 avril 2014;

- le refus qu'elle soit assistée d'un avocat lors du rendez-vous de restitution des conclusions de l'enquête interne.

Ensuite, la cour dit que ces faits, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils aurait eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.

Sur le refus d'assistance par son avocat lors de la restitution des conclusions de l'enquête interne, la cour dit que la société justifie que sa décision n'est pas susceptible de relever d'un harcèlement moral en ce qu'elle n'était tenue par aucune obligation légale de permettre à la salariée de se faire assister par une personne étrangère à l'entreprise à un rendez-vous de restitution du rapport, qui au surplus ne mobilisait plus à ce stade les principes du contradictoire et des droits de la défense.

Sur le non règlement de la prime de mobilité fonctionnelle, la société qui se borne à soutenir à tort que la salariée ne justifie pas d'un engagement écrit et ne pouvait en tout cas y prétendre, ne démontre par aucun élément objectif que son attitude est étrangère à tout harcèlement.

Sur le refus de son manager de lui accorder des pauses repas, la société se prévaut de la situation de fait de la salariée affectée dans l'arrière boutique que rien n'empêchait de se sustenter et de la durée du travail quotidienne du mi-temps thérapeutique qui n'ouvrait pas droit à une pause déjeuner avec sortie de l'établissement.

Toutefois la société, qui a elle-même informé la salariée dès que celle-ci l'a alertée de la difficulté qu'elle donnait consigne au manager de lui permettre de déjeuner et de modifier son cycle de travail, ne produit aucun élément objectif démontrant que le fait précis établi est étranger à tout harcèlement.

Sur les demandes d'explications écrites, la société soutient que ces mesures relèvent du pouvoir de direction de son supérieur hiérarchique, en l'occurrence justifiées par la réitération d'erreurs professionnelles de la salariée et verse aux débats, d'une part l'enquête interne dont il résulte notamment, après audition du manager et des collaborateurs de la boutique que la salariée a multiplié les erreurs dans la gestion des dossiers clients ce qu'elle peinait à admettre, d'autre part des pièces justificatives des anomalies repérées par le service fraude interne en dépit de la diffusion de l'abecedaire des procédures Orange.

Toutefois, quand bien même des erreurs étaient effectivement à l'origine de ces demandes d'explications écrites, la société ne démontre pas que le choix de ces modalités de nature à figurer dans son dossier professionnel, soit étranger à tout harcèlement moral.

Sur l'absence de réponse de son manager à sa demande de rendez-vous avec le médecin du travail, la société ne fait valoir ni ne produit aucun élément justificatif.

Sur le non respect de l'avis d'inaptitude du 26 mars 2014, la société fait valoir qu'elle a au contraire pris toutes les mesures propres à se conformer aux avis du médecin du travail, y compris sans attendre un second examen médical nécessaire à la validité de l'avis d'inaptitude du 8 janvier 2014 et en anticipant l'avis d'inaptitude du 26 mars 2014, d'abord par une affectation, avec l'accord de ce médecin, à des tâches dans l'arrière boutique puis par la mise en place d'un mi-temps thérapeutique dès le 24 mars 2014 sur la base du seul certificat médical de son médecin traitant.

Toutefois la société ne produit aucun élément justificatif sur le fait précis invoqué, à savoir son maintien dans la boutique Orange après l'avis d'inaptitude du 26 mars 2014 et ce, jusqu'à sa dispense d'activité.

Il s'ensuit que faute pour la société de justifier par des éléments objectifs que tous les faits précis invoqués sont étrangers à un harcèlement moral, il y a lieu de dire que le harcèlement moral est constitué.

Dès lors la salariée est fondée en sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et la cour fixe, au vu des pièces et explications fournies sur le préjudice effectivement subi par la salariée caractérisé par les répercutions personnelles et professionnelles de l'altération durable de son état de santé, le montant des dommages et intérêts à la somme de 10 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination

L'article L.1132-1 du code du travail, dans ses versions applicables au litige, dispose que « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap » .

En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. II appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.

Les obligations résultant des articles L.1132-1 et L.1152-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

En l'espèce la salariée réclame la somme de 25 000 euros en réparation d'un préjudice résultant d'une 'discrimination raciale' portant sur des propos racistes en lien avec son origine maghrébine proférés par son manager à son égard ainsi qu'envers des clients et d'une discrimination à raison de son handicap.

S'agissant de la discrimination en raison de son origine maghrébine, la cour relève à l'analyse des pièces du dossier que la salariée, qui se limite à une affirmation générale et péremptoire et ne produit, comme il a été dit ci-dessus, aucun élément de nature à établir les propos racistes allégués, ne présente aucun élément de fait précis et concret laissant supposer une telle discrimination directe ou indirecte.

S'agissant de la discrimination à raison de son handicap, à l'analyse de sa demande, des pièces du dossier et de ses développements confus et mélangés au harcèlement moral alors que la salariée n'a pas invoqué de harcèlement discriminatoire au sens de l'article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, la cour n'a identifié que deux types d'éléments invoqués à ce titre, à savoir:

- des 'brimades' de son manager en ce que celle-ci l'a maltraitée en ne prenant pas en compte ses contraintes liées à son handicap liée à une insulino-dépendance;

- le non versement des primes dues.

Sur le premier élément, la cour relève qu'il n'est pas de nature à s'analyser en traitement différencié et défavorable de la salariée par rapport à d'autres salariés et ce, à raison d'un handicap, étant observé que l'affection justifiant sa reconnaissance de travailleur handicapé n'est pas déterminée.

Sur le second élément, comme il a été précédemment dit, la salariée était fondée à obtenir une prime de mobilité fonctionnelle, qui ne lui a pas été versée, de sorte qu'elle invoque une situation susceptible de relever d'une discrimination.

Toutefois à l'appui de celle-ci, comme il a été analysé ci-dessus, la salariée ne présente aucun élément factuel laissant supposer l'existence d'une telle discrimination.

En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, celui-ci devant veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Aux termes de l'article L.4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants, aux fins notamment d'éviter les risques, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel tels qu'ils sont définis aux articles L.1152-1 et L1153-1.

Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a respecté l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral en justifiant avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, propres à en prévenir la survenance et les mesures immédiates propres à le faire cesser dès qu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.

Il s'ensuit que si la réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant, en matière d'obligation de sécurité dont l'employeur est tenu d'assurer l'effectivité, il revient à celui-ci la charge de rapporter la preuve qu'il a mis en oeuvre toutes les mesures propres à en assurer le respect.

L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail et de l'article L. 4121-2 du même code, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques .

En l'espèce la salariée réclame la somme de 30 000 euros en réparation d'un préjudice résultant du non respect par la société de son obligation de sécurité.

Il résulte de l'analyse de la demande et des développements de la salariée qu'elle invoque les éléments suivants :

- le fait que l'employeur n'ait pas respecté les avis d'inaptitude en la maintenant en boutique;

- les agissements de son manager relevant du harcèlement moral, en particulier en ce que celui-ci refusait de lui accorder des pauses déjeuners en violation de ses contraintes médicalement justifiées.

La société conteste la demande en faisant valoir qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité n'est constitué dès lors d'une part qu'elle a respecté les avis du médecin du travail en l'affectant d'abord à des tâches dans l'arrière boutique avec l'accord du médecin du travail puis en mettant en oeuvre, y compris par anticipation, le mi-temps thérapeutique, d'autre part qu'aucun grief ne peut être fait concernant les pauses déjeuner.

Sur le non respect des avis d'inaptitude, comme il a été dit ci-dessus, est établi le fait que la salariée a été maintenue en boutique postérieurement à l'avis d'inaptitude du 26 mars 2014 au terme duquel elle était déclarée 'inapte à tout poste en boutique' et ce, jusqu'à sa dispense d'activité à compter du 10 avril 2018, sans que la cour ne relève, à l'analyse des pièces du dossier, que l'employeur produise d'élément contraire justificatif.

Sur le harcèlement moral, comme il a été dit ci-dessus, celui-ci est notamment caractérisé par les deux demandes d'explications écrites de son manager, son absence de réponse aux demandes de rendez-vous avec le médecin du travail et de rappels de prime de mobilité fonctionnelle et à son refus de lui accorder des pauses repas du 1er au 7 avril 2014 dans le cadre de ses demi-journées de mi temps thérapeutique.

Or à l'analyse des pièces du dossier, la cour relève que si l'employeur a effectivement diligenté une enquête interne lorsqu'il a été informé par l'assistante sociale le 11 avril 2014 d'une situation dénoncée par la salariée comme susceptible de constituer une discrimination, l'employeur, ne produit aucun élément de nature à justifier de la mise en oeuvre de mesures préventives notamment liées au harcèlement moral conformément à l'obligation mise à sa charge par l'article L.4121-2 du code du travail et alors même qu'au surplus à minima dès le 20 décembre 2013 il avait connaissance d'un incident entre la salariée et son manager (mail du 20 décembre 2013 de Mme [I] relatant le refus de la salariée de la demande d'explication écrite, qui disait 'se sentir mal et vouloir aller consulter son médecin' et ajoutant qu'elle était revenue déposer un arrêt de travail et qu'elle avait rendez-vous chez le médecin du travail à la demande de son médecin traitant 'qui devrait la déclarer inapte au poste') et de difficultés d'intégration comme l'indique M. [X] dans son mail du 9 janvier 2014.

En conséquence, la preuve de manquements imputables à la société à son obligation de sécurité est rapportée.

Sur le préjudice, la cour relève des pièces du dossier, d'une part que la salariée justifie par les pièces médicales ci-dessus détaillées la réalité de répercutions physiques et psychiques résultant de l'absence de protection de sa santé et de prévention des risques professionnels, d'autre part que le rapport d'enquête interne, bien qu'il ne concluant pas au bien-fondé des dénonciations de harcèlement moral et de discrimination, notait que la salariée était apparue en grande souffrance au regard de situations vécues douloureusement au sein de la boutique Orange [Localité 6] Etoile.

Ces éléments sont de nature à caractériser un préjudice non réparé ci-dessus et occasionné par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Dès lors celle-ci est fondée en sa demande de dommages et intérêts au titre de l'obligation de sécurité que la cour la fixe à la somme de 6 000 euros au vu des pièces et explications fournies.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'obligation de sécurité.

Sur la demande de dommages et intérêts pour mise en danger volontaire et atteinte à la santé sur le fondement de l'article L.4121-1 du code du travail

En l'espèce la salariée réclame pour la première fois en appel la somme de 50 000 euros pour un préjudice résultant de sa mise en danger volontaire par l'employeur et de l'atteinte à sa santé sur le fondement de l'article L.4121-1 du code du travail.

Mais en premier lieu la cour constate que la salariée se prévaut d'une qualification pénale que confirme le dispositif de ses écritures se référant d'ailleurs improprement à la 'Mise en danger d'autrui : L N° 223-1 du code de la responsabilité pénale de l'employeur résultant d'une violation de son obligation de sécurité' , de sorte qu'elle est mal fondée en sa demande.

En second lieu la salariée n'explique en quoi sa demande est distincte de la demande précédemment examinée au titre de la violation de l'obligation de sécurité, accueillie ci-dessus.

En conséquence et en ajoutant au jugement déféré, la cour dit que la demande n'est pas fondée et qu'il y a lieu de la rejeter.

Sur les dispositions accessoires

La cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société aux dépens et lui a alloué une indemnité au titre de l'article 700 pour les frais de première instance.

En application de l'article 700 du code de procédure civile il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles que la salariée a exposé en cause d'appel, même si celle-ci n'est plus assistée d'un avocat. Au vu de l'équité, de la situation économique des parties et des éléments de l'espèce la société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 500 euros et sera déboutée de sa demande à ce titre.

En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les dépens d'appel à la charge de l'employeur qui succombe.

PAR CES MOTIFS

statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action de Mme [G],

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la SA Orange à verser à Mme [G] les sommes de :

- 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 6 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'obligation de sécurité,

Dit que les sommes ainsi allouées sont exprimées en brut,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [G] au titre de la 'mise en danger volontaire et atteinte à la santé',

Condamne la SA Orange à verser à Mme [G] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,

Condamne la SA Orange à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 20/01862
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.01862 ?
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