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15/09/2022 | FRANCE | N°19/12684

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 15 septembre 2022, 19/12684


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 354













Rôle N° RG 19/12684 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEW2U







[Z] [U]

[F] [S] épouse [U]





C/



[B] [J]

[F] [P] épouse [J]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me François AUBERT



Me Michel AMAS


















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de Fréjus en date du 12 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 11-14-0232.





APPELANTS



Monsieur [Z] [U]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me François AUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN , plai...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 354

Rôle N° RG 19/12684 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEW2U

[Z] [U]

[F] [S] épouse [U]

C/

[B] [J]

[F] [P] épouse [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me François AUBERT

Me Michel AMAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de Fréjus en date du 12 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 11-14-0232.

APPELANTS

Monsieur [Z] [U]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me François AUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN , plaidant

Madame [F] [S] épouse [U]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me François AUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN , plaidant

INTIMES

Monsieur [B] [J]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michel AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [F] [P] épouse [J]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michel AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame [M] [H], a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [J] et Mme [F] [P] épouse [J] sont propriétaires, sur la commune du [Localité 6] d'une parcelle cadastrée [Cadastre 4], voisine de la parcelle cadastrée [Cadastre 3], propriété de M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U].

La limite séparative entre ces deux fonds faisant débat entre les parties, celles-ci ont signé un procès-verbal de bornage dressé le 4 octobre 2006, à l'occasion duquel elles se sont uniquement entendues sur le positionnement d'un point de bornage ( le point B) , et non d'une ligne servant à séparer leurs parcelles respectives.

Compte tenu de ce désaccord persistant, les époux [J] ont, par acte d'huissier du 19 février 2014, fait assigner M. et Mme [U] devant le tribunal d'instance de Fréjus aux fins de voir désigner un géomètre-expert pour procéder au bornage de leurs parcelles respectives.

Par jugement du 15 mai 2014, une expertise était ordonnée et confiée à M. [X] [Y].

Celui-ci a déposé son rapport le 1er avril 2015.

Par jugement du 6 février 2017, il était ordonné à M. [Y] d'achever ses opérations d'expertise en procédant à l'arpentage et à la délimitation des parcelles.

Un nouveau rapport a été déposé le 23 mai 2018.

Par jugement contradictoire en date du 12 juillet 2019, le tribunal d'instance de Fréjus a:

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les époux [U],

- ordonné le bornage des fonds des époux [J] et des époux [U] selon la limite séparative représentée par les points A et B dans le plan de bornage au rapport d'expertise déposé le 23 mai 2018 par M. [X] [Y],

- commis, pour procéder à l'implantation des bornes séparative des fonds des parties correspondant aux parcelles sises au [Localité 6], cadastrée [Cadastre 4] et n° [Cadastre 3], l'expert suivant: M. [T] [D],

- dit que le présent jugement sera transmis au service de la publicité foncière du lieu de situations des parcelles concernées par le bornage judiciaire,

- condamné M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] aux dépens, à l'exclusion des frais d'expertise,

- dit que le coût de l'expertise judiciaire, passé et à venir, sera partagé par moitié entre les époux [J] et les époux [U],

- condamne M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] à payer à M. [B] [J] et Mme [F] [P] épouse [J] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 1er août 2019, M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mai 2022, M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] demandent à la cour de:

- réformer le jugement du tribunal d'instance de Fréjus en date du 12 juillet 2019 en ce qu'il a:

* ordonné le bornage des fonds des époux [J] et des époux [U] selon la limite séparative représentée par les points A et B dans le plan de bornage au rapport d'expertise déposé le 23 mai 2018 par M. [X] [Y],

* commis, pour procéder à l'implantation des bornes séparative des fonds des parties correspondant aux parcelles sises au [Localité 6], cadastrée [Cadastre 4] et n° [Cadastre 3], l'expert suivant: M. [T] [D],

* dit que le présent jugement sera transmis au service de la publicité foncière du lieu de situations des parcelles concernées par le bornage judiciaire,

* condamné M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] aux dépens, à l'exclusion des frais d'expertise,

* dit que le coût de l'expertise judiciaire, passé et à venir, sera partagé par moitié entre les époux [J] et les époux [U],

* condamne M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] à payer à M. [B] [J] et Mme [F] [P] épouse [J] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et ce faisant,

- dire et juger que les époux [U] ont commis une erreur sur la substance en signant le procès-verbal de bornage amiable du 4 octobre 2006 et le plan, relatant la propriété [J] comme contiguë à la leur,

- annuler le procès-verbal de bornage amiable du 4 octobre 2006 et le plan annexé en application des dispositions de l'article 1110 du code civil,

- dire et juger que l'action en bornage introduite par les époux [J] était en réalité une action en revendication de propriété,

- dire et juger que les époux [J] n'établissent pas leur qualité de propriétaire pour la partie litigieuse entre leur propriété et la propriété [U], et en conséquence les débouter de leur demande de bornage et les renvoyer à saisir d'une action en revendication le tribunal de grande instance de Draguignan pour qu'il soit statué sur leur droit de propriété jusqu'à la limite de la propriété [U],

- dire et juger en effet que la consultation des titres de propriété des auteurs [J], ceux-ci n'ont pu acquérir qu'une surface réelle de 1.497,24 m² distincte de la surface cadastrale mentionnée dans leur titre de propriété et largement inférieure à celle-ci,

- dire et juger qu'en l'état du délaissé mentionné par l'expert [Y] dans ses deux rapports d'expertise, par le juge de première instance, dans sa décision, les parcelles ne sont pas contiguës et dire n'y avoir lieu à bornage,

- dire et juger que l'expert [Y] n'a pas rempli la mission qui lui a été confiée en ne mentionnant pas sur les limites des possessions respectives, et qu'il a procédé à de nombreuses appréciations d'ordre juridique, interdites par les dispositions de l'article 238 du code de procédure civile, et en conséquence, annuler le rapport d'expertise [Y] en date des 30 mars 2015 et 18 mai 2018,

- ordonner une contre-expertise et désigner à cet effet tel expert qu'il plaira à l'effet de:

* entendre toute personne intéressée, tout sachant, à charge d'en indiquer l'identité, le lien de parenté, d'alliance, de subordination ou de communauté d'intérêts avec les parties,

* se rendre sur les lieux, les décrire en leur état actuel,

* procéder à l'arpentage et la délimitation des parcelles contiguës appartenant aux parties, soit d'après la possession actuelle des parties en cas d'accord entre elles sur ce point, soit en application de leurs titres de propriété, de présomptions de propriété ou de tout autre mode de preuve proposé, et compte tenu des traces des anciennes délimitations,

* se faire remettre tous les plans dressés lors de la création du lotissement en 1925, ainsi que les plans ultérieurs des parcelles respectives des parties, ainsi que des parcelles voisines, à l'effet de déterminer quelles étaient les propriétés lors de leurs acquisitions en 1932 par Mme [E] ainsi que par les auteurs des époux [U],

* dire si les propriétés respectives des parties ont un confront commun au regard des titres de propriétés et des titres antérieurs et des plans qui y sont joints, à défaut dire si elles ont une limite commune en partie Nord et en préciser l'emplacement au regard des titres de propriétés et des titres antérieurs et des plans qui y sont joints ou des possessions respectives des parties,

* dire quelles ont été les possessions respectives des parties jusqu'à l'introduction de la procédure sur la zone litigieuse sur laquelle les parties n'ont pas de titre,

* dresser des opérations avec le plan des immeubles litigieux sur lequel seront portées les mesures et distances, et figureront les bornes plantées ou à implanter:

1) en application des titres des parties par références aux limites, et à défaut, aux contenances mentionnées, en répartissant éventuellement après arpentage, les excédants ou manquants proportionnellement à leur contenance,

2) à défaut à l'encontre d'un titre, conformément à la possession susceptible de faire apparaître une prescription, en indiquant les caractères et la durée de la possession éventuellement invoquée,

3) compte tenu de tous les indices relevés et notamment ceux résultant de la configuration des lieux et du cadastre,

- condamner les époux [J] aux entiers de dépens de procédure qui comprendront les frais d'expertise de première instance dans leur intégralité,

- condamner les époux [J] à payer aux époux [U] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soulignent que le rapport d'expertise [Y] comme le jugement querellé sont fondés principalement sur leur acceptation d'un point B dans l'ignorance de leurs droits ainsi que sur un tracé rectiligne qui ne correspond nullement à la possession plus que trentenaire des parties, plus particulièrement dans la partie haute et Nord des parcelles où se trouve l'accès [U].

Ils concluent en premier lieu à l'annulation du 'procès-verbal de bornage amiable ' daté du 4 octobre 2006 et du plan y annexé:

- ils ont signé ce document dans la mesure où ils ont cru, sur présentation par M. [N] du plan et du procès-verbal de bornage correspondant au cadastre que les époux [J] étaient propriétaires d'un triangle entre les deux propriétés,

- l'examen des titres de propriété respectifs des parties et des titres antérieurs démontrent pourtant que les intimés n'ont aucun droit sur ce triangle et qu'ils ont ainsi commis une erreur sur les qualités substantielles du plan de bornage qui leur a été présenté, unique raison pour laquelle ils ont signé ce document portant acceptation du point B,

- une telle erreur leur est très préjudiciable dès lors que l'expert [Y], dans le cadre de ses investigations, n'a fait que se caler sur ce point B,

- l'expert [Y], contraint à effectuer l' arpentage, a relevé que la propriété [J] a une superficie de 1.754 m², contre 1.087 m² pour leur propre parcelle,

- l'examen des titres de propriété met en évidence que les époux [J] ne sont titrés que pour 1.497, 25 m², soit une augmentation de 257 m² par rapport à la surface réelle et il est ainsi établi que les intimés, en 2006, en déplaçant la clôture, se sont accaparés ces 257 m².

Ils considèrent que l'action des consorts [J] est en réalité une action en revendication de propriété, l'existence d'un triangle de terrain pour lequel ils ne sont pas titrés a pour a conséquence que leur action en bornage ne peut qu'être rejetée:

- l'expert [Y] a constaté l'existence d'une bande de terrain non attribuée entre les parcelles respectives,

- ce constat est corroboré par le plan du géomètre [O] qu'ils ont mandaté qui met clairement en évidence cette zone de 241 m², de sorte que les propriétés ne sont pas contiguës,

- c'est donc à tort que le premier juge a retenu sa compétence en matière pétitoire alors qu'il aurait dû débouter les époux [J] de leur demande de bornage et les renvoyer à saisir le tribunal de grande instance de Draguignan d'une action en revendication de propriété.

Ils sollicitent par ailleurs l'annulation du rapport [Y] en ce que l'expert n'a pas respecté la mission qui lui était confiée et a violé l'article 238 du code de procédure civile:

- M. [Y], dans ces deux rapports, a refusé de tenir compte des possessions respectives des parties,

- il devait mentionner sur ses plans de tels éléments susceptibles de faire apparaître une prescription, mais également tenir compte de tous les autres indices relevés,

- il a pourtant rejeté tous les éléments relatifs à la possession et refusé de prendre en compte les attestations de témoins et ce, pour des motifs juridiques, en parfaite violation de l'article 238 susvisé,

- ils se prévalent ainsi en premier lieu du compteur électrique installé en 1997 lors des viabilités du lot 321 réalisés par leur auteur, M. [L], qui avait également mis un regard avec des fils de téléphone et un regard lié au réseau du tout à l'égout et ce, juste en deçà de la limite de la propriété voisine ( appartenant alors aux consorts [K]) matérialisée par un mur en pierre surmonté d'un petit grillage,

- de tels éléments justifient la possession en partie Nord de leur propriété, de manière à garantir leur accès et leurs réseaux, possession confirmée par M. [K] par deux lettres et les photographies produites au dossier,

- l'expert n'a pas pris en compte le mur de soutènement, alors que la possession [K], jusqu'à la vente aux intimés, n'allait pas au-delà de ce mur et si l'on trace une ligne droite sur ce mur, il est établi qu'au Nord la limite se trouve exactement là où ils le prétendent et au Sud, la limite se trouve sur un piquet de fer existant, qui semble avoir marqué la limite entre les propriétés à l'origine jusqu'en 2006, date à laquelle les consorts [J] ont déplacé la clôture pour s'accaparer 257 m²,

- l'expert a également écarté les attestations des entrepreneurs qui constituent pourtant des actes de possession, de même que l'installation par eux d'un escalier en traverses de chemin de fer,

- M. [Y] n'a pas respecté la mission qui lui était confiée en ce que son plan ne comporte pas de légende, qu'il s'est contenté 'd'habiller ' le plan [N], en refusant de tenir compte du bornage entre les époux [C] ( propriétaires du lot 320) et Mme [R]( ancien propriétaire du lot 321 leur appartenant désormais), ni du plan topographique de leur propriété de novembre 1999, ni davantage de la borne mentionnée sur le plan [I] de 1982.

Ils considèrent que la portion de terrain qualifiée de triangle par l'expert [Y] et séparant les deux propriétés doit être qualifiée pour dire s'il y a lieu à bornage, rendant indispensable une contre-expertise.

M. [B] [J] et Mme [F] [P] épouse [J], suivant leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 décembre 2020, demandent à la cour:

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a:

* rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les époux [U],

* débouter les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

* désigné M. [T] [D] pour procéder à l'implantation des bornes séparatives des fonds des parties correspondant aux parcelles visées par la présente procédure,

- condamner les époux [U] à payer aux époux [J] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel mais également de première instance.

Ils rappellent que la parcelle [Cadastre 4], qu'ils ont acquise par acte du 19 mai 2006, se situe dans le lotissement [Adresse 5] créé en 1925, était originairement constituée des lots 322 et 323 p du lotissement et qu'au terme du titre de propriété, elle a une contenance de 17 a 70ca.

Ils sollicitent le rejet de la pièce n° 46 des appelants, à savoir le rapport et les plans de M. [O], lesquels n'ont pas été débattus dans le cadre de l'expertise judiciaire alors que pourtant ils sont antérieurs à la clôture des opérations d'expertise et ne peuvent donc être valablement débattus.

Sur l'étude des titres, ils formulent les observations suivantes:

- il ressort de l'extrait du plan établi par le lotisseur que le lot 322 est bien contigu au lot 321, de sorte que la théorie de l'existence d'un triangle séparant les deux propriétés est impossible,

- cette contiguïté est confirmée par le titre des consorts [R] ( auteur des consorts [U]) auquel était annexé un plan rappelant qu'à l'Ouest du lot 321, se trouve un lot 322,

- la juxtaposition de cette pièce ( partie droite la plus foncée) avec à gauche le plan [E] montre un raccordement entre ces deux plans, tant pour la limite commune que pour les orientations des limites Nord et Sud du terrain mentionné sur chacun des plans, confirmant ainsi que le bornage n'a pas pour objet de modifier les droits de propriété des parties,

- il était mis en évidence que les bornes F et K ( anciennes) ainsi que la borne B ( résultant du procès-verbal de bornage amiable signé entre les parties) étaient des points de repères non contestables et sur la base desquels il convenait de travailler pour déterminer les limites de propriété,

- le plan [R] et le plan [E] donnent des informations concordantes sur la distance entre les points F et A ( 28 m) et entre les points B et A ( 37,70 m),

- l'examen des titres permet de fixer la borne litigieuse au point A tel que retenu par l'expert.

Ils précisent que l'analyse des superficies par l'expert conduisait également à retenir le point A.

Ils font en outre valoir que:

- l'expert confirme qu'au regard de la possession, les limites posées par le plan [N] ( bornage amiable) et [I] (établi de juin 1982 à juin 1983 pour leurs auteurs, les consorts [K]) sont correctes et permet de retenir le point A comme implantation de la borne litigieuse,

- le coffret EDF qui se situe au Nord des limites de propriété et à l'Est de la ligne AB ne peut servir d'indice en vue de l'implantation des limites de propriété et a en outre été installé beaucoup plus récemment,

- la borne doit être implanté sur l'axe dessiné et non sur l'axe des clôtures et murs de soutènement implantés au gré des instructions des propriétaires successifs du terrain,

- sur le plan de M. [N], l'implantation du mur de soutènement [K] existait jusqu'au point A mais a été partiellement démoli lors de la construction des consorts [U],

- au titre des éléments de possession, il y a lieu de retenir que sur le plan dressé par M. [I] on voit la présence de la future borne B mais également de la clôture installé par les époux [K], leurs auteurs, qui est toujours en place aujourd'hui, l'expert ayant confirmé son état de vétusté.

Ils soutiennent que les appelants ne peuvent pas contester la validité de leur acceptation de la borne B, que leur allégation de pressions de M. [N] ne repose sur aucun élément, étant souligné qu'ils ont refusé de signer pour la borne A et se sont accordés un délai de réflexion de 4 ans entre l'établissement du plan de bornage amiable et la signature.

Ils considèrent que les critiques formulées par les époux [U] à l'encontre du plan établi par l'expert judiciaire ne sont pas fondées, qu'il comprend bien des marques de possession respectives des parties, étant souligné que celles dont se prévalent les appelants remontent au mieux au début du 21 ème siècle et sont loin d'être trentenaires, d'autant que M. [L] ( auteurs des [U]) , lorsqu'il a vendu son terrain, avait une parfaite connaissance de ses limites réelles ainsi qu'il en résulte du plan établi. Ils relèvent que les autres marques de possession qu'ils invoquent n'ont pas de valeur probante.

Pour leur part, ils relatent se prévaloir des éléments de possession suivants:

- celles mises en place par leurs auteurs, les consorts [K] ( le mur en pierres au Nord et le grillage au Sud en très mauvais état),

- le plan [I] daté de 1982.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 24 mai 2022.

MOTIFS

Sur le rejet de la pièce n° 46 produite par les appelants ( étude du géomètre GONI et plans annexés)

M. et Mme [J] demandent à la cour d'écarter cette pièce au motif que les plans et rapport de ce géomètre n'ont pas été débattus dans le cadre de l'expertise judiciaire.

Or, ils ne reprennent pas une telle prétention dans le dispositif de leurs conclusions qui seul lie la cour en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte qu'elle n'en est pas saisie.

Sur la demande d'annulation du procès-verbal de bornage amiable du 4 octobre 2006 et du plan annexé

Au visa de l'article 1110 ancien du code civil, les consorts [U] sollicitent l'annulation de ce procès-verbal et du plan figurant en annexe.

Ils considèrent avoir commis une erreur substantielle en signant ces documents, sous la pression du géomètre [N] et dans l'ignorance de leurs droits, relatant que la propriété [J] est contiguë à la leur.

De telles affirmations ne sont étayées par aucun élément d'autant que les époux [U] se sont accordés un délai de réflexion de 4 ans entre l'établissement du plan de bornage et sa signature, en refusant de surcroît de signer pour la borne A, mettant en évidence qu'ils avaient une parfaite connaissance des lieux et ont été à même d'apprécier leurs droits.

Quant à l'allégation qu'ils n'étaient pas informés de l'existence du statut du triangle, il ressort des pièces du dossier et notamment du mail adressé par M. [U] à l'expert [Y], que les consorts [K] ( auteur de [J] ) devaient leur vendre initialement ce triangle, avant de revenir sur leur décision ne trouvant pas de titre sur cette parcelle, mettant ainsi en évidence qu'ils étaient au fait de l'existence de cette zone dès l'origine.

La demande d'annulation du procès-verbal de bornage amiable du 4 octobre 2006 et du plan annexé ne peut donc qu'être rejetée.

Sur le rejet de l'action en bornage

En vertu de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.

Les époux [U] concluent au rejet de l'action en bornage aux motifs que les propriétés ne sont pas contiguës et que cette procédure intentée par les intimés est une action en revendication de propriété, plus particulièrement du triangle de 241 m² correspondant selon les appelants, à une zone non attribuée entre les deux propriétés, confirmant qu'il ne peut y avoir de bornage en l'absence de confront commun.

L'analyse des titres et des plans annexés met en évidence que les propriétés respectives des parties sont originairement issues des lots 321 pour les époux [U] et 322 ainsi qu'une partie du 323 pour les époux [J].

Sur l'extrait du plan établi par le lotisseur, le lot 322 est bien contigu au lot 321.

Le titre des consorts [R] ( auteur des époux [U]) auquel était annexé un plan met en évidence qu'à l'Ouest du lot 321, se trouve le lot 322.

Le plan issu de l'acte d'achat de Mme [A] [E] ( auteur des intimés) confirme la contiguité entre les propriétés respectives des parties, de même que le plan dressé par M. [I], géomètre-expert, en 1982 à la demande de M. [K] ( auteur direct des époux [J]).

Enfin, la reconnaissance par les appelants du point B suivant le plan dressé par le géomètre [N] corrobore le fait que les fonds sont bien contigus.

L'action intentée par les intimés est bien une action en bornage de leurs propriétés respectives et contiguës.

Sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire

Les appelants sollicitent la nullité du rapport [Y] aux motifs que l'expert n'a pas respecté la mission qui lui était confiée et a violé l'article 238 du code de procédure civile.

En vertu de l'article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent les nullités de procédure.

La demande de nullité d'une expertise doit être fondée sur un texte et suppose la démonstration d'un grief.

L'article 238 du code de procédure civile stipule que le technicien doit donner son avis sur les points pour lesquels il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciation juridique.

Or, aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 au technicien commis.

Force est de constater que les époux [U] n'invoquent aucune texte au soutien de leur demande de nullité, qui dans ces conditions, ne peut pas être accueillie.

Au demeurant, la cour relève que le rapport d'expertise de M. [Y] a bien été réalisé au contradictoire des parties, que celui-ci a procédé à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète des questions posées dans sa mission, et a retenu des conclusions motivées par des arguments techniques, après avoir répondu aux dires adressés par les conseils de chaque partie.

Il doit donc servir sur le plan technique de support à la décision relativement au litige opposant les parties.

En conséquence, la demande de contre-expertise formulée par les appelants sera rejetée en ce que la cour dispose de tous les éléments lui permettant de trancher le présent litige et qu'il ne peut être fait droit à une nouvelle mesure d'instruction réclamée par les appelants au motif que les conclusions de l'expert ne leur conviennent pas.

Sur le bornage des deux parcelles des parties

L'action en bornage prévue à l'article 654 du code civil, a pour objet de fixer définitivement les limites séparatives de propriétés contiguës et d'assurer, par l'implantation de bornes, le maintien des limites ainsi déterminées, en vertu du droit qui appartient à tout copropriétaire de fixer l'étendue et la limite de sa propriété.

Pour fixer les limites séparatives, il convient de se référer aux titres et à tout moyen de preuve, notamment si les titres s'avèrent contradictoires ou imprécis, à l'examen de la topographie des lieux, aux documents d'arpentage et cadastraux, ces derniers ne constituant toutefois pas une présomption de propriété dès lors qu'ils n'ont pas pour effet de fixer les limites séparatives mais ont vocation à se prononcer sur des surfaces dont l'objet est d'avoir des incidences fiscales.

Au regard des développements qui précèdent et du procès-verbal de bornage amiable dressé le 4 octobre par le géomètre [N] ayant recueilli l'acceptation des parties sur le point B comme limite Sud de la séparation des fonds respectifs, le bien fondé de l'implantation de cette borne est incontestable.

S'agissant de l'extrémité Nord de la limite séparative, les époux [U] font grief au premier juge d'avoir retenu le point A, revendiqué par les intimés, qui correspond au procès-verbal de bornage amiable de 2006 de M. [N] et qui n'avait pas recueilli l'accord des parties.

Il ressort des investigations de M. [Y] que le point A, qui correspond donc au procès-verbal amiable réalisé en 2006, se fonde également sur l'analyse de plusieurs plans et notamment les annexes 20, 21 et 22 du premier rapport, l'expert relevant à cet égard que:

- le lot [U] apparaît conforme, dans l'esprit à ce qu'il est aujourd'hui,

- le plan [I], tenant compte d'une clôture alors en place, établi par les auteurs des époux [J] en 1982 et 1983 a été superposé par l'expert au plan [N] et cette superposition permet de retenir le point A comme limite.

S'agissant de ce dernier plan, l'expert souligne que ' Le plan [I] de juin 1982 et juin 1983 pour M. [K] ( auteur de [J]) a le mérite, à des dates, soit environ 35 ans, de faire apparaître des bornes anciennes et un angle de mur côté Nord alors existant dans sa configuration avant travaux de construction des parties; nous pouvons considérer que ce point est un point de limite que M. [U] revendique notamment; ce point permet de donner une cote de 28,48 m à son angle Nord Est, dimension que l'on trouve bien sur le point A, et de 22,70 m pour la façade [J].' Il en conclut que ' Ce point A respecte rigoureusement les deux longueurs des façades des deux lots du plan [I]'

En outre, l'expert ajoute que ' Nous avons également juxtaposé le plan cadastral et le plan topographique dressé par M. [N] en 1999 pour M. [U] en vue de son dépôt de permis, ces juxtapositions corroborent parfaitement la ligne AB du plan [N] de proposition de bornage; et ce n'est pas position d'une borne EDF en bord de route, ou un regard eau et telecom qui peuvent rigoureusement fixer une limite.'

Concernant les surfaces, il résulte des investigations de M. [Y], que la discussion sur la contenance ne peut valablement servir à la solution du litige, en ce que les plans du lotisseur et du cadastre comportent des erreurs, tant pour l'un que pour l'autre.

Plus particulièrement, dans son second rapport, M. [Y] indique que les calculs des surfaces des fonds aux limites apparentes sont de 1.513 m² pour [J] et 1.059 m² pour [U], soit par comparaison aves les titres:

- [J] aurait 1.513- 1.494 ( titre), soit 16 m² de plus,

- [U] aurait 1.078 ( titre) - 1.059 soit 19 m² de moins

à savoir des écarts minimes compte tenu des imprécisions des vieilles mesures par rapport aux actuelles qui sont numériques.

Quant aux éléments de possession, les appelants se prévalent des coffrets de branchement ( notamment le coffret ERDF habillé de pierres) ainsi que du 'bateau' en bordure de trottoir qui sont des équipements qui ne peuvent pas servir de repère en vue de l'implantation des limites de propriété. En tout état de cause, il s'agit d'éléments récents comme résultant de la viabilisation de leur terrain qui aurait été réalisée par leur auteur ( M.[L]) avant qu'il ne leur cède sa parcelle en 2000.

L'autre marque invoquée consistant en l'extrémité du mur en pierre marquant la limite Nord des propriétés, dont le plan [I] et le plan de 1999 dressé par M. [N], avant la construction par les appelants de leur maison, mettent en évidence que cette marque a été modifiée puisque ce mur ancien a été raccourci par ces derniers lors de l'édification de leur villa, l'expert précisant que grâce au plan [I], il a pu proposer le plan de limite par rétablissement de ce point extrémité du vieux mur, à savoir le point A.

Pour leur part, les époux [J] peuvent se prévaloir de celles qui ont été mises en place par leurs auteurs, à savoir le mur en pierres au Nord suivant le profil de l'avenue et au Sud, le grillage dont le mauvais état a été constaté par l'expert, outre le plan [I] de 1982 et son intitulé ' propriété de M. [K]' qui atteste que son propriétaire d'alors connaissait les limites de sa propriété. Ces éléments corroborent l'analyse qui est faite des différents plans susvisés.

Au regard de ces différents éléments, c'est à juste titre le premier juge a ordonné le bornage des fonds respectifs des parties selon la limite séparative représentée par les points A et B dans le plan de bornage annexé au rapport d'expertise déposé le 23 mai 2018 par M. [Y].

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déboute M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] et confirme le jugement du tribunal d'instance déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] à payer à M. [B] [J] et Mme [F] [P] épouse [J] la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [U] et de Mme [F] [S] épouse [U] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/12684
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.12684 ?
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